mardi 3 juin 2025

La famille Juredieu

 

La famille Juredieu

Complément d’enquête, suite et fin

La promotion 1918-1921 de l’École Normale de Mâcon, René Juredieu (5e au 2e rang) (collection musée)

Un Juredieu peut en cacher un autre

Deux ans après l’entrée de Joseph Juredieu (auteur du Rémi et Colette) à l’École Normale de Mâcon dans la promotion 1916-1919, on trouve la trace un autre Juredieu, qui a intégré, lui, la promotion 1918-1921. S’agissait-il d’un simple homonyme ou un lien unissait-il les deux hommes ? Réponse dans cet article.


René Juredieu, le regard volontaire, détail (collection musée)

 

Un air de famille

René naquit le 6 mai 1902 à Saint-Vallier. Il suivit le même cursus que son cousin germain Joseph : école de la Lande, École Primaire supérieure de Montceau. Il rentra à l’École Normale de Mâcon en octobre 1918.

À sa sortie de l’EN, il exerça à Rully (1921-1922), puis à Verzé (1923-1924), à Montceau (1924-1929), à Roussillon-en-Morvan (1929-1933) et à Saint-Christophe-en-Bresse (1933-1946). Devenu Inspecteur de l’Enseignement Primaire, comme son célèbre cousin, ses nouvelles fonctions le conduiront à Saint-Claude (1946-1953) puis à Nancy (1959-1962) où il termina sa carrière. En 1968, c’est dans le Var qu’il s’installa, Villa flore au Pin Bernard (St-Raphaël, 83). Il « remontera » du Sud pour participer au cinquantenaire de sa promotion à Mâcon. Il était Officier de l’Instruction depuis 1953. Mme Juredieu, son épouse, née Marguerite Janin, fut directrice d’école. Ils eurent un fils, Yves, né en 1932 et qui devint Docteur en médecine (comme la fille de Joseph finalement). Il est curieux de constater que les deux cousins Juredieu aient suivi la même voie… René Juredieu (Joseph de son deuxième prénom) est décédé le 8 octobre 1984 à Saint-Raphaël dans le Var où il s’était retiré.

Famille Juredieu et famille Gey

Comme nous l’expliquait Clairette Coing dans un précédent article (https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2025/02/dans-lintimite-de-joseph-juredieu.html#more), sa maman Georgette Gey, fille de Marie et Nicolas Gey, partit au service du couple Alice et Joseph Juredieu. Y eut-il des contacts aussi entre Marguerite et René Juredieu les cousins et la famille Gey ? Il semble que oui. Clairette Coing en a retrouvé trace : « Joseph Juredieu avait un cousin germain René né en 1902, instituteur, qui a enseigné avec son épouse à l’école de Roussillon-en-Morvan et figure sur les recensements de la commune en 1931. Maman  [Georgette Gey], née  en 1914, a quitté l’école en 1927 ; ses trois plus jeunes frères, nés en 1916, 1918 et plus probablement André né en 1923 l’auront eu comme instituteur en 1931. » Les 10 enfants de la famille Gey fréquentèrent tous l’école de Roussillon-en-Morvan et, pour certains, durant la période où le couple Marguerite et René Juredieu y enseignèrent (1929-1933).  

Quelques anecdotes d’après un « trio montcellien » sur la Promotion 1918-1921 :

Ce témoignage est tiré du récit consigné dans le bulletin n°49 de 1968, page 18 à 21, concernant les souvenirs de la 1918-1921. 

Bulletin n°89 de l’Amicale des Anciens Elèves de l’EN de Mâcon, 1968, cinquantenaire de la 18-21 (collection musée)

Les concours de juillet et de septembre avaient prononcé l’admission de 27 candidats dont 2  (Demazière et Vidal) ne répondront pas à l’appel. À cette époque, la grippe espagnole sévissait aveuglément et c’est en raison de cette épidémie que la rentrée fut repoussée au 13 octobre. Ce jour-là donc, les 25 « sauvages » (du nom des « 1ère année ») débarquent à Mâcon. À deux exceptions près, ils sont tous originaires de Saône-et-Loire, présentés par les E.P.S de Chalon, Montceau, Louhans, Mâcon, Digoin et Bourbon-Lancy. Ils sont répartis dans diverses « Piaules » de la ville (il n’existe pas encore d’internat) et prendront leurs quartiers dans la sombre Chambre des Notaires (l’EN de la rue de l’Héritan étant transformée en hôpital). Morvandiaux, Bressans et Gueules Noires, tous passablement dépaysés, commencent leur vie de « Roupanard » (nom donné aux Normaliens à cette époque).

La première année : les bizuts sont baptisés presque clandestinement à Varennes-les-Mâcon (la guerre n’est pas terminée et le cœur n’est pas à la fête). Les locaux de la Chambre des notaires sont inadaptés à l’enseignement et les Normaliens ne bénéficient que de courtes récréations (très encadrées) sur le trottoir de la rue de Strasbourg. De 4 à 5 heures, ils ont droit à une promenade. Le circuit est classique et immuable : rue de la Barre, rue Gambetta, le quai Sud, avec ravitaillement en petits pains aux raisins à la boulangerie Bouchacourt, pour ceux qui en ont les moyens. La date marquante de cette première année sera celle du 11 novembre 1918. Les Normaliens viennent de s’installer en leçon de dessin avec le « Paul », lorsque le major de 3e année, Joseph Juredieu, apporte la bonne nouvelle. Les trois promotions se rassemblent à l’Orangerie où elles chantent la marseillaise, plus ou moins musicale mais d’autant plus convaincue, que le Directeur les autorise, pour le reste de la soirée, « à s’amuser avec la France » (sic).

La deuxième année : les camarades Henry et Quenot sont partis, les Normaliens de la promotion ne sont plus que 23 à l’Orangerie. C’est à Pâques qu’ils vont réintégrer l’EN de la rue de l’Héritan qu’ils ne connaissent pas encore. C’est une année de dur labeur car l’examen du Brevet Supérieur les attend en juin.

La troisième année : Jaillot part faire sa troisième année à Alger. La promotion ne compte donc plus que 22 « abrutis » (nom donné aux « 3e année »). Les cours sont donnés à l’EN et les horaires sont strictement respectés grâce à une sonnerie retentissante toute militaire… au clairon ! C’est de la promotion 18-21 que partent les injonctions puisque c’est Després qui est chargé de s’époumoner dans l’instrument.

Le sport à l’École Normale a son importance. Deux disciplines se détachent : Després et ses camarades de l’équipe de tir sont champions scolaires de la 8e Région et l’équipe de rugby « Mâcon Normale Sport » (M.N.S) remporte le championnat du Lyonnais.

Bulletin n°89 de l’Amicale des Anciens Élèves de l’EN de Mâcon, 1968, cinquantenaire de la 18-21 (collection musée)

« La promotion a été enterrée à Solutré ; le petit cercueil renfermant les 25 noms a même été jeté du haut de la roche. Pour terminer notre séjour à Mâcon, plusieurs d’entre nous (en réponse à un poème sur les roupanards écrit par une normalienne de la 18-21) décidèrent d’aller faire une ovation à ces demoiselles. Ils dénichèrent un ancien bec de gaz et, après l’avoir promené par les rues de la ville, ils le précipitèrent dans la Saône, près de la troisième pile du Pont Saint-Laurent. De là, ils se rendirent rue des Epinoches où dans le silence de la nuit qui s’achevait, ils exécutèrent une magnifique aubade. Par les fenêtres entr’ouvertes de leur dortoir les Normaliennes entendirent les « Stance à Manon » : « Manon voici le soleil ». Le soleil qui allait bientôt se lever n’était pas seulement celui « du Printemps de l’éveil » « de l’Amour maître des choses », c’était aussi celui de notre liberté, à elles et à nous, celui de nos espérances.

Quelques semaines plus tard, l’Administration nous dispersa aux six coins et au centre du Département où nous avons presque terminé la carrière que nous avions choisie.

Nous espérons être nombreux en septembre, à nous retrouver pour évoquer d’autres souvenirs et renouer nos chères et anciennes amitiés. » Souvenir du trio de la 18-21, bulletin n°89, 1968.

La 18-21 fut vraiment marquée du sceau de l’adversité. Après avoir subi les affres de la fin de la Grande Guerre, cette promotion vivra un autre événement de moindre importance celui-là : leurs retrouvailles du cinquantenaire qui devait se tenir lors de l’assemblée Générale du 30 mai 1968 furent repoussées en septembre…

Bulletin n°89 de l’Amicale des Anciens Élèves de l’EN de Mâcon, 1968 (1)

 

Patrick PLUCHOT

 

(1) : Tranche de vie normalienne : 




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