mercredi 9 janvier 2019

L’Ecole Primaire Supérieure de Montceau-les-Mines 1881-1956


L’Ecole Primaire Supérieure de Montceau-les-Mines
La première E.P.S du département



Hôtel de ville de Montceau vers 1900, construit en 1876, où sont installées les deux salles de classe « publiques », bâtiment  financé pour moitié par la Compagnie des Mines de Blanzy. On distingue, sur la droite, le buste du maire Jeannin (CANOPE)


UNE NAISSANCE DIFFICILE 

Nous sommes en juillet 1881. Une douzaine d’élèves de l’école publique installée dans deux salles de classe à l’Hôtel de Ville de Montceau (la première école publique digne de ce nom ne sera ouverte qu’en 1882, rue de l’Est) viennent de subir avec succès les épreuves du Certificat d’Etudes Primaires. Loin de l’avenir qui leur était destiné : apprendre un métier afin de gagner le pain quotidien, ils vont poursuivre leurs études…



Par quel miracle ? La scolarité dans les collèges du département coûte cher et ils sont trop éloignés, leurs parents n’ont aucun moyen pécuniaire pour assurer la fréquentation d’un établissement secondaire par leur enfant.



Hôtel de ville en 1877, pratiquement terminé (manquent l’horloge et la cloche) (CANOPE)


Mais voilà que va être créée une Ecole d’Enseignement Primaire Supérieur, et ce grâce à l’insistance du maire de la ville, le docteur Octave Jeannin, radical et républicain. Les difficultés avaient été nombreuses, voire insurmontables, la pression des Mines qui « géraient » le territoire du Bassin minier, organisant la vie sociale et politique, avait été terrible. Pas de local, pas de mobilier, aucun personnel enseignant, très peu d’élèves, mais la volonté d’un maire nouvellement élu en 1878 qui allait venir à bout de toutes les entraves et allait implanter l’école de la République dans l’univers patronal des mines de la famillle Chagot.



Hôtel de ville et sa place servant de cour de récréation aux élèves, vue arrière (CANOPE)


Il fallait parer au plus pressé. Les 21 élèves précurseurs occupèrent dans l’Hôtel de Ville, une salle de réunion exiguë. A la rentrée 1881/1882, il se trouva un homme pour prendre en charge l’enseignement à ces nouveaux « certifiés ». Ce fut Monsieur Michel. Avant la guerre de 1870, ce dernier était instituteur à Schirmek, au pied du Donon. Après la défaite et la signature de la paix de Francfort, il quitta les territoires occupés pour s’installer à Montceau avec sa famille, son épouse et sa fille Joséphine et y enseigner et exercer la fonction de secrétaire de mairie. Cet homme cultivé et d’une grande bonté, avait préparé à Schirmek, un examen supérieur dont le ministre de l’époque lui avait refusé l’accès sous prétexte qu’un tel examen « n’était pas fait pour les enseignants du primaire ». Toujours est-il que M. Michel enseigna la littérature et la science, dès la première année d’existence de l’Ecole Primaire Supérieure dite « école supérieure », laissant le souvenir d’un maître passionné et chaleureux. Lorsque la maladie mit fin à ses jours, c’est la ville entière, reconnaissante, qui assista à ses obsèques, hommage ultime et poignant.

La deuxième nomination fut celle de M. Patarin. Il était originaire des Ardennes et il suivait les cours de l’Ecole Normale de Cluny, qui préparait certains maîtres pour l’enseignement technique ou « enseignement spécial ». Il était plus jeune et forma durant sa carrière, de nombreux élèves à l’entrée aux Ecoles d’Arts et Métiers ainsi qu’à l’entrée à l’Ecole Normale de Mâcon. Bientôt, d’autres maîtres furent chargés de l’enseignement du travail manuel. Un maître enseignait le travail du bois, un autre le travail de la forge et l’ajustage. Ils étaient, au début, des artisans de la commune qui n’avaient d’autre titre que la parfaite connaissance de leur métier. Il y eut même deux anciens militaires qui assurèrent l’éducation physique : marche au pas accéléré, marche au pas de gymnastique, approche du doublement à droite et à gauche… Le premier était sergent de chasseurs, Monsieur Ducrot. Le deuxième, caporal réserviste, Monsieur Berger, fut nommé en 1887 dans le cadre des instructeurs des bataillons scolaires. Il assura l’exercice militaire et le tir scolaire (1).



Lettre de nomination du sieur Berger (Archives Départementales de Saône-et-Loire)


L’Ecole Primaire Supérieure occupait donc notamment, une salle de réunion à la mairie… Notamment, car au gré des contraintes liées à la nature du bâtiment, les élèves passèrent successivement dans une salle au rez-de-chaussée, puis dans une autre à l’étage. La réfection des locaux et la préparation d’un local plus « scolaire » obligea même les élèves, au début de l’année 1882/1883, à se scinder en deux groupes : l’un occupant la salle à manger de M. Michel et l’autre occupant sa chambre à coucher !
Le matériel, pratiquement inexistant en 1881, s’étoffa singulièrement au fil des ans : tables, tableaux noirs, planches d’histoire naturelle, cartes firent leur apparition.



Ecole Primaire Supérieure de Montceau, nouveau local racheté à la Mine, place de la Mairie, début du siècle (CANOPE)


VERS LA RECONNAISSANCE

La qualité de l’enseignement dispensé et bien sûr le fait que cette Ecole Primaire Supérieure de Montceau soit la première du département, contribuèrent à sa renommée, tant et si bien qu’elle dut s’installer dans des locaux plus vastes, ceux de la gendarmerie désaffectée de la place de l’Hôtel de Ville qui furent rachetés à la Mine par la mairie.



Rentrée des élèves de l’E.P.S vers 1910 (collection musée)


Dès lors, les élèves affluèrent des villes environnantes. Ils venaient de Sanvignes, de Saint-Vallier ou encore de Blanzy. Certains, venant de Ciry-le-Noble ou de Génelard, arrivaient le matin par le train pour repartir le soir.



Ecole Primaire Supérieure de Montceau , le bâtiment, déséquilibré par la mine, a été démoli et remplacé par l'actuel hôtel des postes (collection musée)


Des boursiers d’Etat intégrèrent même l’internat qui ne fonctionna que quelques années. Le premier succès remporté par l’Ecole Primaire Supérieure fut la réussite au concours de l’Ecole des Arts et Métiers d’Aix d’André Alin, un des premiers élèves en 1881 .



Ecole Primaire Supérieure de Montceau, la section industrielle : l'atelier de menuiserie (collection musée)


Avant 1910, la structure ne comportait qu’une section générale, mais à partir de cette date, on lui adjoignit une section industrielle qui prit place dans l’ancienne écurie de chevaux de la gendarmerie. Les locaux étaient austères et n’offraient à la vue extérieure que des plaques de tôles remplaçant les vitres (pour garantir des projections de la forge). De plus, cette section fonctionnait le jeudi aussi, contrairement à la section générale. La place de l’Hôtel de Ville tenait lieu de cour de récréation, sans murs et sans grilles, privilège extraordinaire.



Hôtel de ville, probablement avec la baraque à confiseries installée devant le monument Jeannin (CANOPE)


Une baraque de confiserie, judicieusement placée près du buste du docteur Jeannin, face à la rue Carnot, vendait des chiques à deux sous aux élèves les plus riches. Les jours de marché, les camelots s’installaient sur le quai attirant tous les regards et des musiciens donnaient l’aubade matinale aux chalands. Les jeunes élèves de l’E.P.S  découvraient ainsi les derniers succès en vogue de Benech, Dumont ou de Paula Chabran. Souvent, des mariages avaient lieu à la mairie, les noces de notables arrivaient en hauts breaks aux rideaux de cuir, tirés par des chevaux, et se rendaient à la cérémonie en traversant l’aire de jeu. Les cirques ou les théâtres prenaient place aussi à cet endroit et pouvaient y passer plusieurs mois, comme le théâtre Dellemare en 1925, ou plus tard, le théâtre des Variétés.



Ecole Primaire Supérieure de Montceau (collection musée)


La récréation se transformait alors en un jeu de labyrinthe entre les roulottes et les tentes. Chaque année, cette cour improvisée devenait le fief du Conseil de Révision pendant toute une matinée : conscrits bigarrés de bleu de blanc et de rouge, militaires, gendarmes et marchands de cocardes rappelaient aux élèves que leur tour approchait…



Conscrits montcelliens entre les deux guerres, photographie prise devant l'Hôtel du Centre (collection privée)


 La notoriété de l’Ecole Primaire Supérieure de Montceau ancra durablement l’image d’excellence de son enseignement dans l’esprit des familles du Bassin minier et bien au-delà. L’établissement devint collège pendant la guerre de 1939/1945 et ouvrit ainsi la porte à la création en 1956 du Lycée Technique et Moderne actuellement Lycée Henri Parriat, favorisant ainsi l’essor intellectuel de la ville.


 Naissance et fin de l’Ecole Primaire Supérieure de Montceau

1874/1875 : La Compagnie des Mines fait édifier un bâtiment destiné au casernement de la gendarmerie, place de l'Hôtel de Ville.

1881 : Par décision ministérielle du 26 octobre, une Ecole Primaire Supérieure est fondée à Montceau (c'est la première du département).

1882 : Le premier janvier, Monsieur Michel, ancien instituteur en congé, pourvu du Brevet de l'Enseignement spécial, est nommé directeur de cette école qui s'ouvre dans une salle de l'Hôtel de Ville pour 21 élèves externes.

1886 : La caserne de gendarmerie, désaffectée au profit de celle de Bel-Air, est vendue à la ville. L'Ecole Primaire Supérieure fonctionnant avec peine dans une salle exiguë est transférée dans l'ancienne caserne sous la direction de Monsieur Morland assisté de Messieurs Patarin et Plassard. Trois classes se partagent les 50 élèves de l'établissement. La place de l'Hôtel de Ville sert toujours de cour de récréation.

1887 : Un internat est ouvert à l'école. Il reçoit surtout des boursiers d'état, du fait du coût élevé de la pension.

1889 : L'école compte au total 60 élèves.

1902 : L'internat est supprimé.

1905 : L'école a maintenant 6 professeurs pour 100 élèves. Le directeur, Monsieur Morland, est assisté de Messieurs Laurent*, Patarin, Payebien, Bonnot et Bajard*.

1910 : Une section industrielle est créée. Les ateliers sont installés dans l'ancienne écurie de chevaux de la gendarmerie. Huit professeurs assurent l'enseignement : Monsieur Billiet, directeur et Messieurs Stauff, Raison, Patarin, Bonnot, Simon*, Buhatier, Robin*.

31 octobre 1914 : Pierre Jeanguyot, Directeur de l’E.P.S est tué au combat de la Bassée.  

1er mars 1915 : Hortensius Barralier est nommé au poste de Directeur de l’E.P.S.

1923 : Une Ecole Pratique de commerce et d'industrie est annexée à l'Ecole Primaire Supérieure qui compte alors 10 classes.



Ateliers de l'E.P.S.


1924 : M. Barralier (2) quitte l’E.P.S, les professeurs de la section générale sont alors : MM. Barrault (français, histoire, géographie, chant, gymnastique) ; Bonnot (chimie) ; Buathier (allemand) ; Laforest (mathématiques) ; Martinon (physique et histoire naturelle) ; Sotty (dessin). Les professeurs de la section industrielle sont : MM. Aupècle (fer) ; Delorme (bois).

1929 : 155 élèves fréquentent l'école.

1930 : La section spéciale de l'Ecole Primaire Supérieure accueille les filles. M. Bonnot devient directeur, les professeurs sont alors : Mme Bois, MM. Lambert, Bombois, Nez, Angelard, Renaud, Béchard, Ribeyrolles, Barrault et Roger.

1932 : La municipalité fait construire un bâtiment annexe (angle de la rue Pierre Vaux/Quai) pour y établir un amphithéâtre et une salle de dessin.

1940/1945 : Pendant la guerre, l'Ecole Primaire Supérieure devient collège.

1956 : La ville fait procéder à la démolition du bâtiment vétuste et devenu trop petit, alors qu'un vaste lycée Technique et Moderne a ouvert ses portes rue de Gourdon, pour 600 élèves (actuel lycée Henri Parriat).

* : Enseignants déjà cités dans un autre article sur les mobilisés durant la Grande Guerre.  


Sources :
-       Groupe de travail de la Maison d’Ecole pour l’exposition et le livre « Cent ans d’école ».
-       Article de M. Gillot, membre fondateur de la Maison d’Ecole : « Historique de l’E.P.S de Montceau ».
-       Article du Bulletin de l’Amicale des Anciens Elèves de l’E.N, 2004 par P. Pluchot
-       Témoignage de M. Gauthier, doyen des anciens élèves de l’Ecole Primaire Supérieure de Montceau, 1955, in article du Courrier)



Photographie de l’article du Courrier, suivie de l’introduction de l’auteur : « Le nouveau collège s’achève, la vieille E.P.S va disparaître. Ouvrons le tiroir aux souvenirs et versons un pleur de regret »…


(1) :
Organisation des bataillons scolaires
La loi du 28 mars 1882 met la gymnastique et les exercices militaires au nombre des matières d’enseignement des écoles primaires publiques de garçons :
« Art. 1  L’enseignement primaire comprend :
             1°) l’instruction morale et civique
             2°) la lecture et l’écriture
             ………
             9°) la gymnastique
            10°) pour les garçons : les exercices militaires pour les filles, les travaux d’aiguilles ».
L’existence légale des bataillons scolaires est reconnue par un décret en date du 6 juillet 1882. Un arrêté du 27 juillet 1882 précise leur constitution dans les communes. Les exercices des bataillons ne pourront avoir lieu que le jeudi et le dimanche, le temps à y consacrer sera déterminé par l’instructeur militaire de concert avec le directeur de l’école. L’engouement est certain parmi la population en général. A partir de 1889, l’instructeur militaire désigné par l’autorité militaire pourra être l’enseignant qui sera souvent un sous-officier ou un officier de réserve. Aux instituteurs, le 15 avril 1884, Paul Bert dira : « Nous devons faire, par une éducation à l’école commencée par vous, continuée au régiment avec vous, de tout enfant un citoyen, de tout citoyen un soldat. »
Le bataillon est organisé militairement, les élèves portent un uniforme qui est une copie de celui des bataillons parisiens (le béret à pompon est emprunté aux marins). Le matériel préconisé par le ministère de la Guerre est spécialement fabriqué et adapté pour les jeunes garçons de 12 à 14 ans : mini clairons, petits tambours et répliques réduites des fusils GRAS et LEBEL de l’époque. Certains sont en bois pour l’apprentissage du maniement d’arme et les défilés, d’autres peuvent tirer des projectiles de petits calibres pour les exercices de tir des élèves.
Ces soldats en herbe obtiennent des récompenses (médailles de vermeil, d’or, d’argent ou de bronze) décernées par le ministre de la Guerre, et défilent à l’occasion sous le regard attendri des badauds. Badauds qui devaient conserver un souvenir ému du premier de ces défilés à Paris, le 14 juillet 1882 (redevenu Fête Nationale en 1880). Il est vrai que ce fut un énorme succès populaire. La presse républicaine était enthousiaste : « Les petits soldats portent une vareuse et un pantalon bleu sombre et sont coiffés d’un béret de même couleur à pompon rouge, l’ensemble commode et élégant, rappelant le costume des mousses de la marine. (On n’oublie pas que les marins ont défendu Paris en 1870-1871, ni qu’ils sont les principaux héros des conquêtes coloniales de la 3ème République). Dans l’après-midi, le bataillon s’était réuni au square Monge et, précédé d’une escouade de sergents de ville qui faisait ouvrir la foule, il est arrivé, tambours et clairons en tête, vers 5 heures sur la place de l’Hôtel de Ville. Des masses énormes de curieux entouraient la place et les fenêtres et les balcons étaient surchargés ; une immense acclamation et des applaudissements ont salué l’entrée de la jeune troupe (…). Les petits soldats ont exécuté divers exercices, puis ils ont défilé. Ce qu’on a pu obtenir d’eux en trois mois d’exercices a émerveillé tout le monde ». Les campagnes ne sont pas en reste et les républicains exultent, l’un d’eux écrit à son député, M. Turquet : « Nous avons fêté le 14 juillet et le buste de la République a été promené, par le régiment scolaire, par tout le village. Revue, jeux, exercices, illuminations, bal : nos enfants ont bien payé de leur peine. La République doit être fière de sa jeune génération. Encore 10 ans et elle sera invincible. Que c’est beau la fête de la Patrie ! Comme le cœur est touché ! ».

Avec l’apprentissage et l’utilisation du fusil scolaire, les fabricants d’armes essaient d’emporter le marché lucratif de leur vente. Des théories militaires sont imprimées, qui permettent aux instructeurs et aux instituteurs d’entraîner correctement leurs troupes. Les bataillons participent à toutes les grandes manifestations publiques. Mais ils se préparent surtout, comme à Paris, au défilé du 14 Juillet qui constitue l’apothéose de la préparation. Les bataillons scolaires sont en marche, ils chantent des chansons patriotiques composées spécialement pour eux : les paroles de ces airs sont souvent tirés d’un manuel de musique édité en 1886 dont les paroles sont de H. CHANTAVOINE  et la musique de MARMONTEL : « À la Patrie, nous donnerons dans dix ans une jeune armée AGUERRIE. Bataillons de l’ESPERANCE, nous exerçons nos petits bras à venger l’honneur de la France. »

Organisation du tir scolaire

L’Arrêté du 6 juillet 1882 organisait l’exécution des exercices de tir réservés aux élèves de plus de 14 ans bien que les Ecoles Primaires Supérieures, les collèges et les lycées aient déjà été doté de trois carabines avec leurs munitions depuis fin 1881-début 1882 (lesquelles devaient être stockées dans la gendarmerie ou dans la caserne de la localité la plus proche). Il s’agissait d’exercer les jeunes gens au maniement de l’arme devant la cible, de surveiller le pointage et d’enseigner les positions réglementaires. Au  cours de l’année, les élèves pouvaient tirer 30 balles : 5 exercices de 6 balles. Toutes les précautions étaient prises et il était recommandé aux généraux, commandant les subdivisions, de mettre, si possible, les champs de tir à disposition.
Pour l’anecdote, lors de leur retrait définitif des écoles,  ces armes seront cédées en grande partie aux forains qui, jusqu’à peu, les utiliseront dans leurs stands. Le tir se pratiqua au début avec des armes de type « Flobert » comme le fusil système « Gras », modèle 1874, plus petit que le fusil réglementaire, calibre 6 mm, à douze mètres (longueur : 1.06 m et poids : 2.700 kg), et du même fusil en calibre de 11 mm (longueur : 1.14 m et poids : 2.400 kg) munis de cartouches spéciales. Le modèle « Gras » le plus répandu est cependant le fusil de parade scolaire factice « Lens P.D.C », longueur du canon : 71.5 cm, longueur totale : 113 cm, fusil destiné aux bataillons (fusil visible au musée).
Rapidement, le ministère de l’Instruction publique met en place une commission chargée de l’application du tir scolaire, elle a pour rôle de fixer des règles précises et d’« élaborer un règlement de tir et faire choix de l’arme qui lui paraîtrait la plus propre à être mise en usage dans les écoles. » Cette commission ouvre un concours pour la fabrication d’une arme d’instruction ; sur dix modèles proposés pour homologation, deux sont retenus conforme au fusil d’infanterie modèle 1886, plus connu sous le nom de fusil Lebel en 8 mm : la carabine dite « scolaire » toujours de type « Flobert » et la carabine « La Française », calibre 6 mm, présentée par l’Union des Sociétés de Tir de France (longueur : 1.07 m et poids : 2.100 kg, visible, elle aussi au musée et présentée précédemment dans l’article « le fusil scolaire »).
Le « Chassepot » servira  à l’enseignement du tir dans les sociétés. C’est la réduction réglementaire du fusil de guerre du même nom, au calibre de 6 mm.
Certaines de ces armes sont équipées d’une baïonnette identique à celle des fusils d’origine, mais de plus petite taille. La lame est du type réglementaire, mais réduite en longueur et en épaisseur. On a arrondi l’extrémité pour la rendre inoffensive. Le dos porte l’inscription « L. Deny Paris ». Le fourreau est en tôle d’acier bronzé, à bouton de suspension ovale.
En 1895, une instruction officielle « relative aux exercices de tir à la carabine « Flobert » dans les écoles communales » constitue un véritable traité du tir scolaire. Celui-ci sert de guide aux instituteurs pour l’installation des stands, le choix des armes, leur mécanisme et les règles à observer dans la pratique du tir. Un "Manuel de Tir Scolaire" était encore en vigueur en 1924, date de sa réédition.
Dès 1889, le tir est placé sous la direction exclusive de l’instituteur et l’enseignement doit être donné dans  les locaux scolaires. La plupart du temps, les stands de tir sont aménagés dans les préaux des écoles ou dans un coin de la cour d’une manière simple : un porte-cible installé à douze mètres et au pas de tir une tablette. La partie théorique de la leçon concerne les armes, la visée, la sécurité et les munitions, une leçon plus pratique concerne le maniement des armes et les positions de tir ainsi que la préparation physique du tireur, puis vient le tir pratique au stand. C’est dans les départements du nord de la Loire et dans l’est de la France que le "Tir Scolaire" a été le plus répandu. Certaines communes du département de l'Oise avaient encore des écoles pratiquant le tir scolaire à la fin des années 1920, bien au-delà du conflit qui justifiait son existence.
A partir de 1896, bien que les bataillons scolaires aient disparu, un championnat annuel de tir scolaire des écoles primaires, approuvé par le ministère de l’Instruction publique, est organisé par l’Union des sociétés de Tir de France. Au niveau départemental, on en retrouve toujours la trace en Saône-et-Loire durant les quatre années de la Guerre 14-18 (Bulletins de l’Instruction), bien qu’à l’échelon national, il ait dû être annulé en 1915.
L’introduction du tir à l’école primaire avait donné une impulsion à cette pratique et avait donné très vite naissance à des sociétés de tir scolaire qui se joindront aux sociétés de tir adulte par la suite.





(2) : Hortensius Barralier : le parcours d’un Directeur sévère mais juste :
« Le 25 juillet 1927, après la récréation du matin, les élèves de l’E.P.S ne regagnèrent pas leurs classes respectives. Tous, par ordre, se rendirent  à la grande salle de dessin du second étage. Là, se trouvèrent ainsi réunies les trois sections : générale, commerciale, industrielle, soit au total dix classes. Le Directeur, M. Barralier, entra et s’installa au bureau. Dans une causerie simple et familière, empreinte d’une certaine émotion, il fit part à ses élèves de son départ de Montceau et de sa nomination  à la direction de l’E.P.S de Grenoble. Au terme de son allocution, il demanda à tous d’effacer les milliers de « DKL » qui avaient fleuri dans toutes les salles de l’école. Ce n’était pas un ordre, aussi fut-il suivi ponctuellement par ceux qui avaient été les plus acharnés à inscrire partout ce symbole annonciateur de vacances. Le quarantième anniversaire du départ de M. Barralier nous fournira cette année l’occasion d’évoquer le souvenir d’un excellent directeur.
Donc, vers 1924, M. Hortensius Barralier dirigeait l’E.P.S. Son prénom, inconnu dans notre région, relevait son origine méridionale. (..) Très absorbé par ses fonctions directoriales, il enseignait seulement la morale en première année, avec beaucoup de chaleur et de conviction. M. Barralier était sévère et les élèves qui ne pouvaient pas s’adapter à l’école étaient impitoyablement renvoyés. Parfois, pour une simple peccadille, il grondait les élèves. En écrivant ces lignes, nous le revoyons sur le seuil de l’école devant les classes réunies, en train de passer un « savon » à un élève de troisième année qui se tenait devant lui, le béret à la main. Ce jeune garçon d’une quinzaine d’années, maigre et blond, en culotte courte et paletot gris, ne disait mot ; mais, son visage tourmenté et son attitude révélaient qu’il était violemment hostile à l’admonestation dont il était l’objet. Dix ans plus tard, il enseignait à son tour à l’E.P.S. Il fut jusqu’à ses derniers mois, un des plus brillants professeurs de notre Lycée et, si nous ne disons pas son nom, c’est pour laisser à nos camarades le soin de le découvrir ! [l’élève était Henri Parriat qui, plus tard, donna son nom au nouveau Lycée de Montceau]
Tous les samedis, M. Barralier distribuait les « témoignages ». C’étaient des cartons dont la couleur et le texte imprimé variaient suivant les notes obtenues par l’élève au cours de la semaine. Ils allaient du « Mal » de couleur verte au « Très bien » rose bonbon en passant par « Médiocre » bleu, « Passable » blanc et « Bien » jaune d’or. La première fois qu’on nous les distribua, ce fut à la fin octobre. Une petite phrase imprimée au verso du témoignage ne manqua pas d’inquiéter nombre d’élèves. Elle précisait que les témoignages « Mal » et « Médiocre » entraînaient deux heures de colle le dimanche après-midi. Par bonheur, cette disposition n’était plus appliquée et plus d’un s’en trouva soulagé.
M. Barralier fut le dernier directeur à habiter le logement de l’école. Monsieur et Madame Barralier n’avaient pas d’enfant ; en revanche, ils possédaient un énorme chien que son maître promenait chaque jour sur le quai voisin avant la classe de l’après-midi.
M. Barralier était né à Montélimar, le 18 janvier 1881. Après avoir fait ses études primaires et primaires supérieures dans sa ville natale, il était entré à l’Ecole Normale de Valence en 1896, puis à l’Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud en 1902 d’où il sortit en 1904, avec le titre de Professeur de Lettres. Il enseigna successivement à l’E.P.S de Bourges, puis à l’Ecole Normale de Rouen et à celle d’Albertville. Mobilisé le 2 août 1914, il fut réformé le 19 octobre de la même année. Le 1er mars 1915, il était nommé Directeur de l’E.P.S de Montceau. En 1927, il était appelé à la Direction de l’E.P.S de Grenoble et, c’est dans cette ville qu’il prit sa retraite en 1937. Il est décédé le 7 février 1941, à l’âge de 60 ans. La Légion d’Honneur lui avait été décernée en 1934. »
In Bulletin de l’Amicale des Anciens Elèves du Lycée de Montceau-les-Mines, année 1967-1968      


P.P

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