vendredi 27 septembre 2019

Les travaux manuels à l'école autrefois



Les travaux manuels





Les travaux manuels à l’école : une histoire de filles ?

Jusqu’aux Instructions de 1923, l’enseignement du travail manuel était, semble-t-il, surtout réservé aux filles. Il consistait en étude de points divers sur canevas, puis sur toile de plus en plus fine… mais pas que.



Manuel de Landart et Artusse, édition 1943 (collection musée)


Extrait du manuel Bourqui pour les cours moyens et supérieur, conforme aux Instructions de 1923, Delagrave (collection musée)



Au temps où l’on marquait le linge de belles initiales, l’école ne pouvait pas laisser ignorer aux élèves l’apprentissage de l’alphabet au point de croix. Les fillettes brodaient aussi, crochetaient de la dentelle, tricotaient la laine ou le coton avec des aiguilles d’acier. Dès la classe du certificat, elles recevaient de sommaires notions de coupe qui leur permettaient la fabrication de taies d’oreillers, de manches à poignets, de petits tabliers ou de bonnets à trois pièces.



 Exemple de travaux d’aiguilles réalisés à l’école pour jeunes filles modèles, robe cousue et broderies (wordpress.com)

Cours de couture vers 1900 (collection privée)



Les programmes de 1882 fixent le cadre de l’enseignement des travaux manuels : progression des apprentissages, matériel et outils à utiliser et ce, depuis l’école maternelle (1). La loi stipule ne pas vouloir « transformer l’école en atelier , mais simplement donner à l’enfant le moyen d’acquérir cette dextérité de la main et cette justesse du coup d’œil qui , plus tard, lui seront si utiles et si profitables ; le mettre de bonne heure en contact immédiat avec la matière brute et lui apprendre à la façonner, afin de développer en lui l’instinct naturel qui le porte à exécuter des travaux matériels ; lui donner surtout le goût et l’amour du travail. »



Exercices de couture, fin 19ème (collection musée)



Cependant les instructions d’application restent sommaires et n’apportent guère de précisions pédagogiques aux maîtresses et maîtres. Pour pallier ce manque arrive, en 1885, une Instruction spéciale pour l’enseignement du travail manuel dans les écoles primaires qui propose une progression pédagogique.



Exercices de couture, fin 19ème (collection musée)



Les Instructions de 1923 fixent les horaires de travail manuel à 1 heure 30 au cours préparatoire, 1 heure pour les garçons et 1 heure 30 pour les filles au cours élémentaire et une heure pour les garçons et 2 heures pour les filles au cours moyen. Fait nouveau, cet enseignement ne fait plus partie de l’éducation physique mais est considéré comme une éducation intellectuelle associée au dessin et aux sciences appliquées qui préparent à la vie courante (2).



Exercices de couture, vers 1920  (collection musée)



La mise au point d’un programme plus vaste et plus varié devait cependant être établi par les Instructions de 1938 : « Les travaux manuels conservent toujours leur caractère éducatif. Ils s’exercent sur le plan du plus grand nombre de matières d’œuvre possibles : bois, fer, cuir, carton, brique, verre, etc… » On ne supprime pas aux filles la couture mais, à l’égal des garçons, elles peuvent se livrer au modelage de la terre, au travail du plâtre, du bois ou de l’osier et réaliser de petits objets, toujours agréables à offrir à l’occasion d’une fête ou d’un anniversaire.



Jeux d’épingles, vers 1930 (collection musée)



Les horaires d’enseignement sont réduits au profit de 3 heures de sport et plein air (en complémentarité des actions du  ministre Léo Lagrange) et de 3 heures d’activité dirigée et de chant. On considère ces activités dirigées comme la source motivante de l’enseignement, l’école nouvelle fait son entrée avec des méthodes laissant plus d’initiative aux maîtres, mais aussi aux élèves : « Les activités des enfants à l’école nouvelle (enquêtes, recherches libres ou dirigées, comptes rendus, monographies, travail individuel ou travail par groupe) créent un climat nouveau fait de liberté, de confiance, d’actions joyeuses et disciplinées. L’école  nouvelle n’est pas une école où on fait ce qui vous plaît : elle est une école où ce qu’on fait plaît et le métier du maître est de faire s’intéresser les enfants. »



Tissage et collage à l’école maternelle (collection msée)



Les travaux manuels prennent alors toute leur place dans ces activités nouvelles, ils sont récréatifs mais surtout éducatifs. Au cours supérieur, les exercices de pliage et de construction de solides géométriques permettent aux enfants de matérialiser des propriétés mathématiques abstraites et théoriques. La confection de petits objets grâce aux croquis côtés réalisés en sciences débouche sur  des manipulations et des expériences profitables.



Buvard publicitaire, années 60 (collection musée)



Parallèlement, nombre de nouveautés vont faire leur apparition : tissage, reliure, pyrogravure, linogravure, modelage, cannage ou autres piquages et broderies. Après 1945, viendra l’âge d’or des coopératives scolaires et de la confection d’objets à proposer lors des kermesses, les écoles maternelles prendront toute leur place dans cette évolution.



Travail collectif, peinture sur tissu (collection musée)



Plus tard, vers 1970, se généralisera l’emploi du four électrique qui, souvent acquis par la caisse de coopérative scolaire de l’école, cuira et recuira les poteries de terre glaise laissées en leur état brut ou enrichies d’émaux. C’est l’ère des disciplines d’éveil inscrites dans le cadre du tiers temps pédagogique. Le travail manuel est pleinement une activité d’éveil mais voici que des voix du passé s’insurgent contre cette orientation pédagogique : le travail manuel ne perd-il pas son caractère éducatif quand les enfants ne font que finaliser des objets manufacturés achetés dans le commerce ? La joie de l’effort ne disparaît-elle pas au profit du plaisir de faire ?  Questions auxquelles répondent les psychologues par une longue réflexion sur la structuration des apprentissages et un questionnement non moins intéressant : doit-on privilégier le processus d’action ou au contraire le résultat de l’action ? Doit-on autoriser l’enfant à un tâtonnement sur les supports matériels ou doit-on le soumettre à un travail bien fait ? Les réponses à ces interrogations impliquent peut-être une différenciation entre activités manuelles éducatives et travaux manuels…  






Les Instructions de 1985 poussent toujours plus loin les ambitions, l’enseignement de la technologie infiltre le travail manuel : « La technologie fait accéder enfant au monde construit par l’homme ; elle lui inspire la volonté d’entreprendre et de participer au progrès de l’humanité ».

Au cours préparatoire, l’enfant observe, classe manipule réalise : fabrications diverses et maniement d’outils appropriés, démontage et remontage d’objets techniques simples.

Au cours élémentaire, des projets techniques sont conçus, organisés et réalisés : réalisations technologique à caractère utilitaire et ludique.

Au cours moyen, l’élève apprend à construire des problèmes, à formuler des hypothèses et à raisonner pour parvenir à des solutions. Il acquiert les rudiments d’une culture informatique : les mécanismes et électro mécanismes, les objets et systèmes informatiques. »



Malette technologique CELDA, association APPRENDRE-Montceau, fin des années 90 (collection msée)



La société évoluant, l’esprit de l’enseignement du travail manuel évolua nécessairement lui aussi  (le temps de la « maîtresse de couture » des écoles rurales ne fut plus qu’un lointain souvenir !). Bien qu’un temps délaissé et considéré comme supplément secondaire, le travail manuel, qui se voulait éducation de la main, est peu à peu devenu éducation tout court, notamment dans le cadre des « activités d’éveil » des années 80. L’initiation à la technologie dans l’école primaire, à travers les activités dites à « dominante physico-technologique » selon les textes des années 90, se généralisa dans tous les cycles et pour toutes les sections : le travail manuel devint alors éducation manuelle et technique et put s’inscrire fièrement dans les P.A.E (projets d’actions éducatives).   

Pour aller plus loin : Les instituteurs et l'introduction du travail manuel dans les écoles primaires de garçons du XIXe siècle, article de Pascale Rougier-Pintiaux, in Revue Française de Sociologie, 1988.






(1) :



Source : Le Temps des Instituteurs


(2) :



Source : Le Temps des Instituteurs





Manuel édité en 1935, conforme aux programmes de 1923


Préface du manuel

P.P

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