Blanche Cavarrot
Une héroïne dévouée à sa mission
La colonie de Cancale,
Blanche Cavarrot : non identifiée au dernier rang (Archives municipales et
communautaires de Reims)
1914-1918 :
l’école sous les bombes
Dans
un article du 11 novembre 2022 vous était contée l’histoire de Marie-Clémence Fouriaux,
institutrice et héroïne de la Grande Guerre (1).
Elle ne fut pas seule dans son action, mais épaulée par une camarade non moins héroïque :
Blanche Cavarrot, tombée, elle aussi, dans l’oubli. Nous ne possédons pas de
portrait de Blanche mais elle figure cependant sur la photographie de groupe de
la colonie cancalaise des enfants de Reims et de la Marne en compagnie de
Marie-Clémence. Si cette dernière est identifiée (4e maîtresse au
centre du dernier rang), Blanche fait partie des 6 autres… Revenons sur
l’action de cette institutrice de maternelle durant les deux conflits de 14-18
et de 39-45.
École maternelle de la rue
Courmeaux
(Archives municipales et
communautaires de Reims)
Deux
destins indissociables, unis jusque dans la mort
Marie Joséphine Blanche
Cavarrot nait à Reims le 27 janvier 1863, impasse Saint-Thomas. Après une
enfance passée dans cette ville, elle débute en 1881, comme institutrice à l’école
maternelle de la rue Courmeaux où une nouvelle directrice sera bientôt nommée
en 1883 : Marie-Clémence Fouriaux, à laquelle Blanche succédera plus tard,
à la tête de l’école, lorsque Marie-Clémence partira pour la direction de
l’école maternelle de la rue du Mont-d’Arène. Une longue amitié, qui les unira
pour toujours, débute alors entre elles. L’environnement est difficile car la
plupart des parents sont opposés aux lois Ferry fraîchement édictées, mais les
maîtresses entreprennent alors une campagne d’explication auprès des familles,
campagne qui portera ses fruits. Dès Noël 1883, les effectifs se montent à 149
enfants, un succès personnel pour les deux amies !
(Archives municipales et
communautaires de Reims)
Les
écoles souterraines de Blanche et Marie-Clémence
Dès 1914-1915, la guerre a
vu toutes les écoles primaires de Reims, ville sur le front, réquisitionnées
par l’armée. L’inspecteur primaire est alors Octave Forsant. Il va s’activer à
rouvrir quelques classes dès la fin 1914, et ce, avec l’aide de deux institutrices :
Blanche Cavarrot et Marie-Clémence Fouriaux. La ville est sous les bombes
ennemies, il faut donc trouver des lieux sécurisés, ce seront les caves des
grandes maisons de champagne qui serviront d’abris. La première de ces
« écoles » ouvrira dans les caves Pommery, le 7 décembre 1914, sous
le nom d’école « Maunoury ». La plupart des écoles qui ouvriront,
prendront le nom d’un général : l’école « Joffre » dans les
caves Mumm (25 janvier 1915), l’école « Albert 1er » dans
les caves Krug (1er février 1915), l’école « Dubail » dans
les caves Champion (25 mai 1915)…
(Archives municipales et
communautaires de Reims)
Cependant, ces caves se
trouvent souvent dans des quartiers proches du front (de 1 à 2.5 km) et
subissent parfois les tremblements des explosions. Les conditions sont
sommaires : à l’école « Maunoury », on utilise trois couloirs,
un pour les cours, un pour les récréations et le dernier pour les exercices de
gymnastique ; à l’école « Joffre », on sépare les classes par
des cloisons de caisses de champagne superposées ; à l’école
« Dubail », les quatre classes occupent chacune un coin d’un vaste
bas-cellier.
(Archives municipales et
communautaires de Reims)
Bientôt, il est décidé de
rouvrir quelques bâtiments de surface, en utilisant au maximum les sous-sols,
dans des quartiers plus éloignés des combats : au Faubourg de Paris (le 9
février 1915), à Fléchambault (17 juin 1915), à Clairmarais (même date), rue
Libergier (le 12 juillet 1915), rue Anquetil (le 8 novembre 1915), place de
Bétheny (29 novembre 1915), rue des Romains (le 15 février 1916, rue du
Ruisselet (le 20 février 1916). L’inspecteur et ses deux institutrices engagées
n’ont de cesse de convaincre leurs collègues d’assurer les cours. En effet, en
ces temps troublés que connaît Reims sur la ligne de front, les instructions
scolaires nationales ne s’appliquent pas, la scolarisation est facultative pour
les élèves et les enseignants ne peuvent qu’être volontaires car
l’administration « décline toute
responsabilité en cas d’accidents résultant d’un bombardement ». Grâce
au courage et à l’abnégation des maîtresses et maîtres, à la fin de 1915, 29
institutrices et seulement 7 instituteurs (la plupart sont mobilisés) encadrent
1600 élèves, dont 25 % dans les écoles « de caves ». Je laisse à
votre appréciation la moyenne d’encadrement…
(Archives municipales et
communautaires de Reims)
Malgré tous les obstacles,
le 10 juillet 1915, le Docteur Langlet, maire de la ville, tient à mettre à
l’honneur les élèves en organisant une cérémonie de remise des prix. Elle aura
lieu dans les sous-sols de l’école « Dubail » et, dans la salle,
auront pris place le maire, le représentant du Général commandant la place de Reims,
le sous-préfet Régnier, l’inspecteur primaire Forsant, ainsi que nos deux
institutrices. La solidarité fut de mise car les prix furent envoyés par l’école
Jean-Baptiste Say de Paris, par l’école de Sembazon de Côte-d’Or et les
trousseaux reçus pour les filles vinrent des écoles de Marseille.
Toujours la même année, les
examens du certificat d’études eurent lieu dans une école maternelle et 36
candidats sur 38 furent reçus. Ce fut la « Promotion du
bombardement ». L’année suivante, l’examen fut à nouveau organisé et ce
fut la « Promotion de la Victoire », titre un peu prématuré
peut-être…
(Archives municipales et
communautaires de Reims)
Blanche Cavarrot accompagna
donc, avec Clémence Fouriaux et l’appui de la municipalité, pas moins de 800
enfants en colonie pour trois mois, loin de la zone de guerre, et ce, grâce à
l’action de la Fédération des amicales d’instituteurs et institutrices
représentée à Reims, par nos deux amies.
La colonie de Cancale,
Blanche (non identifiée au dernier rang) et Marie-Clémence (dernier rang,
4e maîtresse au centre)
Évacuation définitive des
enfants rémois vers Cancale, 1915
Une
vie marquée par deux guerres
De retour à Reims, Blanche
poursuivit ses activités. En 1919, elle collabora, avec Marie-Clémence, à
l’organisation de l’école de plein-air de la Roseraie, propriété à
Villers-Allerand léguée par Mme Eugène-Desteuque à la ville de Reims. En 1922,
après avoir fait remettre en état les bâtiments, 50 enfants firent leur entrée
dans cette école de plein air-préventorium. En 1932, après le décès de
Marie-Clémence, elle y exerça, à titre bénévole, les fonctions
d’administratrice et directrice pendant de longues années, jusqu’en 1949. Elle
reçut la médaille de Chevalier de la Légion d’Honneur en 1936. Pendant la
Seconde Guerre mondiale, elle organisa l’évacuation de La Roseraie vers la
Nièvre, puis sa réinstallation provisoire à Reims, avant le retour à
Villers-Allerand. Elle reçut la médaille de la Reconnaissance française. Blanche
Cavarrot décéda le 16 juin 1955 à Verzenay et fut enterrée à Reims… dans la
même sépulture que Marie-Clémence Fouriaux.
(Archives municipales et
communautaires de Reims)
Domaine de la « Roseraie »
rebaptisé de la « Rosière », 2019
Conclusion
La ville de Reims ne se sépara
jamais de la propriété de la Roseraie et, en 2019, elle organisa un hommage à « une Rémoise très engagée pour
l’épanouissement des enfants : Blanche Cavarrot (1863-1955). Directrice
d’école, née à Reims, cette dernière a créé à Villers-Allerand une école de
plein-air et un préventorium. Ainsi, le 19 novembre 2019 correspond au
centenaire de l’inauguration de l’École de la Roseraie, devenu le centre aéré
de la Rosière géré par la ville de Reims ».
Domaine de la « Roseraie »
rebaptisé de la « Rosière », 2019
Patrick
PLUCHOT
Sources et bibliographie :
-
Les
femmes célèbres de Champagne, Daniel Pellus, Martelle
editions, 1992.
- Elles aussi ont fait la
guerre, Pauline Raquiller et Valentine Del
Moral, Oskar Editions, 2014.
- [archives], Ministère
de l’Education Nationale et de la Jeunesse.
- [Archives municipales et communautaires], Ville de Reims.






















Toujours très captivants ces voyages dans le passé, nous apprenons beaucoup sur la richesse de notre histoire.
RépondreSupprimerMerci à vous,
AMLec