jeudi 6 novembre 2025

Commémoration de la Grande Guerre : Blanche Cavarrot, héroïne dévouée à sa mission

 

Blanche Cavarrot

Une héroïne dévouée à sa mission


La colonie de Cancale, Blanche Cavarrot : non identifiée au dernier rang (Archives municipales et communautaires de Reims)

1914-1918 : l’école sous les bombes

Dans un article du 11 novembre 2022 vous était contée l’histoire de Marie-Clémence Fouriaux, institutrice et héroïne de la Grande Guerre (1). Elle ne fut pas seule dans son action, mais épaulée  par une camarade non moins héroïque : Blanche Cavarrot, tombée, elle aussi, dans l’oubli. Nous ne possédons pas de portrait de Blanche mais elle figure cependant sur la photographie de groupe de la colonie cancalaise des enfants de Reims et de la Marne en compagnie de Marie-Clémence. Si cette dernière est identifiée (4e maîtresse au centre du dernier rang), Blanche fait partie des 6 autres… Revenons sur l’action de cette institutrice de maternelle durant les deux conflits de 14-18 et de 39-45. 

École maternelle de la rue Courmeaux

(Archives municipales et communautaires de Reims)

Deux destins indissociables, unis jusque dans la mort

Marie Joséphine Blanche Cavarrot nait à Reims le 27 janvier 1863, impasse Saint-Thomas. Après une enfance passée dans cette ville, elle débute en 1881, comme institutrice à l’école maternelle de la rue Courmeaux où une nouvelle directrice sera bientôt nommée en 1883 : Marie-Clémence Fouriaux, à laquelle Blanche succédera plus tard, à la tête de l’école, lorsque Marie-Clémence partira pour la direction de l’école maternelle de la rue du Mont-d’Arène. Une longue amitié, qui les unira pour toujours, débute alors entre elles. L’environnement est difficile car la plupart des parents sont opposés aux lois Ferry fraîchement édictées, mais les maîtresses entreprennent alors une campagne d’explication auprès des familles, campagne qui portera ses fruits. Dès Noël 1883, les effectifs se montent à 149 enfants, un succès personnel pour les deux amies !


En 1900, Blanche Cavarrot va fonder l’Union des Jeunes Filles, suivie, en 1901, de l’Œuvre du Trousseau avec l’aide de sa complice de toujours. Toutes deux vont se consacrer à de nombreuses œuvres scolaires et sociales. Elles reprendront notamment la classe dès 1915, à l’abri de différentes caves des grandes maisons champenoises. Elles firent cours sous les bombes allemandes et organisèrent, parallèlement, deux cantines civiles pour les Rémois. Durant l’été de la même année, et avec l’appui de la municipalité, ce n’est pas moins de 800 enfants que Blanche accompagnera en colonie, en dehors de la zone de guerre, avec Marie-Clémence désormais à la retraite. Peu après, sur ordre de la préfecture, elle participa à leur évacuation vers Cancale où ils resteront 2 ans.

(Archives municipales et communautaires de Reims)

Les écoles souterraines de Blanche et Marie-Clémence

Dès 1914-1915, la guerre a vu toutes les écoles primaires de Reims, ville sur le front, réquisitionnées par l’armée. L’inspecteur primaire est alors Octave Forsant. Il va s’activer à rouvrir quelques classes dès la fin 1914, et ce, avec l’aide de deux institutrices : Blanche Cavarrot et Marie-Clémence Fouriaux. La ville est sous les bombes ennemies, il faut donc trouver des lieux sécurisés, ce seront les caves des grandes maisons de champagne qui serviront d’abris. La première de ces « écoles » ouvrira dans les caves Pommery, le 7 décembre 1914, sous le nom d’école « Maunoury ». La plupart des écoles qui ouvriront, prendront le nom d’un général : l’école « Joffre » dans les caves Mumm (25 janvier 1915), l’école « Albert 1er » dans les caves Krug (1er février 1915), l’école « Dubail » dans les caves Champion (25 mai 1915)… 

(Archives municipales et communautaires de Reims)

Cependant, ces caves se trouvent souvent dans des quartiers proches du front (de 1 à 2.5 km) et subissent parfois les tremblements des explosions. Les conditions sont sommaires : à l’école « Maunoury », on utilise trois couloirs, un pour les cours, un pour les récréations et le dernier pour les exercices de gymnastique ; à l’école « Joffre », on sépare les classes par des cloisons de caisses de champagne superposées ; à l’école « Dubail », les quatre classes occupent chacune un coin d’un vaste bas-cellier. 

(Archives municipales et communautaires de Reims)

Bientôt, il est décidé de rouvrir quelques bâtiments de surface, en utilisant au maximum les sous-sols, dans des quartiers plus éloignés des combats : au Faubourg de Paris (le 9 février 1915), à Fléchambault (17 juin 1915), à Clairmarais (même date), rue Libergier (le 12 juillet 1915), rue Anquetil (le 8 novembre 1915), place de Bétheny (29 novembre 1915), rue des Romains (le 15 février 1916, rue du Ruisselet (le 20 février 1916). L’inspecteur et ses deux institutrices engagées n’ont de cesse de convaincre leurs collègues d’assurer les cours. En effet, en ces temps troublés que connaît Reims sur la ligne de front, les instructions scolaires nationales ne s’appliquent pas, la scolarisation est facultative pour les élèves et les enseignants ne peuvent qu’être volontaires car l’administration « décline toute responsabilité en cas d’accidents résultant d’un bombardement ». Grâce au courage et à l’abnégation des maîtresses et maîtres, à la fin de 1915, 29 institutrices et seulement 7 instituteurs (la plupart sont mobilisés) encadrent 1600 élèves, dont 25 % dans les écoles « de caves ». Je laisse à votre appréciation la moyenne d’encadrement… 

(Archives municipales et communautaires de Reims)

Malgré tous les obstacles, le 10 juillet 1915, le Docteur Langlet, maire de la ville, tient à mettre à l’honneur les élèves en organisant une cérémonie de remise des prix. Elle aura lieu dans les sous-sols de l’école « Dubail » et, dans la salle, auront pris place le maire, le représentant du Général commandant la place de Reims, le sous-préfet Régnier, l’inspecteur primaire Forsant, ainsi que nos deux institutrices. La solidarité fut de mise car les prix furent envoyés par l’école Jean-Baptiste Say de Paris, par l’école de Sembazon de Côte-d’Or et les trousseaux reçus pour les filles vinrent des écoles de Marseille.

Toujours la même année, les examens du certificat d’études eurent lieu dans une école maternelle et 36 candidats sur 38 furent reçus. Ce fut la « Promotion du bombardement ». L’année suivante, l’examen fut à nouveau organisé et ce fut la « Promotion de la Victoire », titre un peu prématuré peut-être…

(Archives municipales et communautaires de Reims)

Blanche Cavarrot accompagna donc, avec Clémence Fouriaux et l’appui de la municipalité, pas moins de 800 enfants en colonie pour trois mois, loin de la zone de guerre, et ce, grâce à l’action de la Fédération des amicales d’instituteurs et institutrices représentée à Reims, par nos deux amies. 

La colonie de Cancale, Blanche (non identifiée au dernier rang) et Marie-Clémence (dernier rang, 4e maîtresse au centre) 

Évacuation définitive des enfants rémois vers Cancale, 1915

Une vie marquée par deux guerres

De retour à Reims, Blanche poursuivit ses activités. En 1919, elle collabora, avec Marie-Clémence, à l’organisation de l’école de plein-air de la Roseraie, propriété à Villers-Allerand léguée par Mme Eugène-Desteuque à la ville de Reims. En 1922, après avoir fait remettre en état les bâtiments, 50 enfants firent leur entrée dans cette école de plein air-préventorium. En 1932, après le décès de Marie-Clémence, elle y exerça, à titre bénévole, les fonctions d’administratrice et directrice pendant de longues années, jusqu’en 1949. Elle reçut la médaille de Chevalier de la Légion d’Honneur en 1936. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle organisa l’évacuation de La Roseraie vers la Nièvre, puis sa réinstallation provisoire à Reims, avant le retour à Villers-Allerand. Elle reçut la médaille de la Reconnaissance française. Blanche Cavarrot décéda le 16 juin 1955 à Verzenay et fut enterrée à Reims… dans la même sépulture que Marie-Clémence Fouriaux.   

(Archives municipales et communautaires de Reims)

Domaine de la « Roseraie » rebaptisé de la « Rosière », 2019

Conclusion

La ville de Reims ne se sépara jamais de la propriété de la Roseraie et, en 2019, elle organisa un hommage à « une Rémoise très engagée pour l’épanouissement des enfants : Blanche Cavarrot (1863-1955). Directrice d’école, née à Reims, cette dernière a créé à Villers-Allerand une école de plein-air et un préventorium. Ainsi, le 19 novembre 2019 correspond au centenaire de l’inauguration de l’École de la Roseraie, devenu le centre aéré de la Rosière géré par la ville de Reims ». 

Domaine de la « Roseraie » rebaptisé de la « Rosière », 2019

 

Patrick PLUCHOT

 

Sources et bibliographie :

-       Les femmes célèbres de Champagne, Daniel Pellus, Martelle editions, 1992.

-       Elles aussi ont fait la guerre, Pauline Raquiller et Valentine Del Moral, Oskar Editions, 2014.

-       [archives], Ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse.

-       [Archives municipales et communautaires], Ville de Reims.










1 commentaire:

  1. Toujours très captivants ces voyages dans le passé, nous apprenons beaucoup sur la richesse de notre histoire.
    Merci à vous,
    AMLec

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