Quelques évolutions du mobilier
dans la salle de classe
Entre 1882 et 1950
(Première partie)
La relation
maître-élève
La relation entre « enseignant »
et « apprenant » est en constante évolution et dépendra, tout au long
du XXème siècle, autant des avancées pédagogiques que des réformes qui en résulteront.
Avant 1900 et jusque dans les années 20, le maître a autorité sur les élèves, il
détient ce savoir d’où il tire tout son pouvoir. Il utilise la discipline afin
d'écarter toute distraction de l’écolier. Situé sur une estrade, il est face à
la classe et surplombe le groupe afin de le surveiller : c’est le rationalisme,
la représentation de l’Etat face aux citoyens. Toute relation affective avec
les élèves est inexistante, bien qu’un certain paternalisme règne. L'élève fait
partie d'un groupe classe mais ne travaille que pour lui-même. Aucun échange
entre les élèves n'est autorisé, pas de communication et encore moins de débats
sinon gare... Tout est centralisé par l'enseignant, seul face à tous. Il n'y a
aucune dimension sociale dans les apprentissages.
Les changements seront lents pour
passer de « l’instruction publique » de Jules Ferry à « l’enfant
au centre du système éducatif » de Lionel Jospin et l’évolution du mobilier
scolaire sera intimement liée à l’évolution de la pédagogie.
Le bureau du maître
Jusqu'au XIXème siècle, le bureau du maître est appelé CHAIRE et
s'inspire des collèges religieux dans lesquels les lectures pieuses se faisaient
à partir d'un meuble étroit et haut, accessible par plusieurs marches.
L'assemblée des écoliers ou des étudiants est alors dominée du regard et de la
voix par l'enseignant qui jouit ainsi d'une autorité sans conteste, se faisant
obéir d'un même mouvement par tous les élèves. Dans certaines chaires, on a vu
un trou aménagé afin d'y glisser une longue baguette de coudrier (surnommée
« Joséphine » dans le Bassin minier) destinée soit à montrer les
tableaux de lecture, soit à rappeler à l'attention l'écolier distrait.
Bien que les Instructions spéciales de 1887 ne prévoient qu'une table à
tiroirs posée sur une estrade, au début du XXème siècle, le bureau est un
meuble recouvert d'une austère peinture noire, moins haut, à pupitre incliné et
constitué d'une niche flanquée de deux
placards. Seuls les encriers du maître, parfois en verre plus ou moins mouluré,
destinés à l’encre noire ou violette et à la traditionnelle encre rouge des
corrections, y apportent une note de fantaisie. Parfois, dans les écoles de
filles, un petit vase en terre cuite ou en verre attend quelques fleurs des
champs. Si le maître est alors plus proche de ses élèves, il guide cependant
toujours un travail totalement collectif et l'emplacement de son bureau
commande la disposition des pupitres.
Dès les années 20, de nouvelles méthodes pédagogiques apparaissent et
augurent de nouvelles relations entre le maître et ses élèves. L'enseignant
devient moins distant et le périmètre protégé de la chaire disparaît peu à peu.
Après la seconde guerre mondiale, dans certaines classes, le maître supprimant
l'estrade, se trouvera au niveau ou au milieu de ses élèves. La table du maître
sera un bureau plat, verni ou peint, à piétement métallique parfois et, grande
nouveauté, non pas disposé sur le front de la classe mais souvent dans un
angle, dégageant ainsi les tableaux. Devenus verts pour une meilleure
lisibilité, ceux-ci seront soulignés par une estrade permettant aux enfants
d'écrire.
Certains maîtres bouleversent également la sacro-sainte disposition des
tables en trois ou quatre rangées inamovibles, amorçant un travail par petits
groupes, ou même un travail entièrement individualisé dans des salles
remodelées dans l'espace et où l'enfant peut se déplacer (presque) à sa guise.
Tout ceci est une évolution importante du statut du maître devant ses
élèves.
L’éclairage des salles de classes
Un règlement pour la construction et l'ameublement des maisons d'école a
été édité en 1880 et stipulait :
"La classe sera de forme rectangulaire. L'éclairage unilatéral sera
adopté toutes les fois que les conditions suivantes pourront être réunies :
- possibilité de disposer d'un jour suffisant.
- proportion convenable entre la hauteur des fenêtres et la largeur de la
classe.
- le jour viendra nécessairement de la gauche. (..) Que la classe soit
éclairée d'un côté ou de plusieurs côtés, par une baie unique ou par plusieurs
fenêtres, les dimensions de ces ouvertures devront être calculées de façon que
la lumière éclaire toutes les tables".
En effet, la lumière devait venir de la gauche... pour éclairer les mains
droites qui écrivaient, les gauchers n’existaient pas ! Tout le monde
devait écrire de la main droite, on alla même jusqu’à attacher les mains
gauches derrière le dos, créant du même coup des « gauchers contrariés ».
Ce règlement précisait qu’évidemment, l'appui des fenêtres serait élevé
de 1,20 m au-dessus du sol... rien ne devant détourner l'attention des écoliers
!
Vers 1900, les salles du musée sont équipées de 4 lampes de plafond
alimentées au gaz de ville. D'autres écoles possédaient un éclairage à pétrole
(lampes traditionnelles sur pied), notamment dans les campagnes.
Avec l'usage courant de l'électricité apparurent les "globes",
suspensions de verre accrochées à une tige métallique qui devaient assurer une
bonne diffusion de la lumière directement au-dessus des élèves. Ces
"globes" seront plus tard remplacés par des tubes à "néon"
suspendus eux aussi, au-dessus des élèves. Une nouveauté sera l'apparition d'un
éclairage propre pour les tableaux (à base de tubes lui aussi).
Le tableau noir
En 1840, le tableau noir n'est pas l'objet le plus important de la
classe. Les tableaux de lecture, fixés aux murs et portant les lettres de
l'alphabet et les syllabes, sont davantage en évidence.
En 1881, ce tableau noir fait partie du mobilier scolaire, il est soit
sur chevalet, soit mural. Le maître calligraphie les modèles d'écriture, les
maximes et les énoncés à la craie carrée. Les élèves se groupent autour pour
les corrigés d'exercices.
Les Instructions de 1936 exigent des tableaux noirs, visibles par tous
les enfants. Le tableau sur chevalet étant encombrant, souvent oblique donc peu
efficace, sera remplacé en 1950 par des tableaux muraux à triptyque. Les volets
pivotants offrent une grande surface pour un faible encombrement...
Le tableau virera peu à peu du noir au vert foncé ! La craie carrée
traditionnelle, quant à elle, sera remplacée par un agglomérat de plâtre.
Le maître prépare alors sa classe sur ces tableaux : lecture, opérations,
problèmes, exercices de grammaire ou de conjugaison, cartes de géographie,
croquis de sciences... L'élève n'aura pas de suite l'usage de ces tableaux si
ce n'est pour qu'un "volontaire" écrive la dictée hebdomadaire, caché
derrière un panneau, pendant que les autres l'écrivent sur leur cahier, ceci
permettant une correction plus rapide.
Il faudra attendre les années 1970 pour que le tableau devienne un outil
pédagogique à la disposition des enfants et apparaîtront dans les années 80 les
tableaux recouverts de « Véléda » blanc avec leurs feutres effaçables
mais dont la pointe est souvent sèche si on oublie de les reboucher…
A
suivre…
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