« Petite histoire d’un écolier
d’autrefois expliquée aux enfants
d’aujourd’hui »
CHAPITRE X
“Youpi ! La récré
! »
La
rentrée des classes est maintenant achevée et octobre est désormais entamé.
L’école résonne d’une douce mélopée enfantine : "trois fois trois, neuf
– quatre fois trois, douze – cinq fois trois, quinze..." ou d’un chant
repris en cœur : "Alouette, gentille alouette. Alouette, je te
plumerai…" Mais surtout, les clameurs de la récréation montent des murs
de la cour à intervalles réguliers car,
en effet, la journée de classe n’est pas faite que de labeur… on y joue aussi.
Jules préfère les billes dont les règles se
sont diversifiées au fil du temps : la "Picate", qui voit deux joueurs
s'affronter avec chacun une bille de même taille et de même valeur (terre,
agate, boulet...), a sa préférence. L’un d’eux lance sa bille et l'autre doit,
depuis le point de départ, la viser avec sa propre bille. S'il la manque, le
premier vise à son tour la bille adverse depuis l'endroit où il a ramassé la
sienne... Et ainsi de suite jusqu'à ce qu'une bille soit enfin touchée par l'autre.
Le vainqueur ramasse les deux billes. La "Poule", elle, se joue à
2 joueurs ou plus. Une bille est placée au sol devant un mur et chaque joueur à
tour de rôle lance une bille en
direction du mur, elle doit retomber directement sur une bille au sol. Si le
joueur réussit, il gagne toutes les billes à terre.
Le
"Triangle", lui, se joue à 1 ou
plusieurs joueurs, on trace sur un sol
plat un triangle équilatéral, chaque joueur dispose d'une mise en billes
convenue à l'avance. Au départ, on se place à bonne distance du triangle et
chacun lance son calot (ou béret) à son tour pour faire sortir le plus de
billes du triangle. Chaque bille sortie est gagnée par le tireur. En cours de
jeu, on lance son calot depuis son point de chute. S'il reste dans le triangle,
on doit remiser des billes pour le récupérer et on rejoue de la ligne de
départ. La "Retourne" se joue sur le même principe que la
"Poule", mais on doit toucher le mur avant de toucher une bille du
jeu.
Les plus jeunes ou les filles préfèrent un
jeu plus calme : le cerceau qui requiert pratique et habileté pour
maintenir un cerceau de bois vertical et le faire avancer en ligne droite ou en
zigzag. On court à côté de lui un peu en retrait et on fait en sorte qu'il
continue à rouler en lui donnant de temps en temps des petits coups de
baguette.
Une fois la technique dominée, on peut
participer à des courses : au signal, les joueurs lancent leur cerceau et
doivent parcourir la distance prévue le plus rapidement possible, le premier
arrivé est vainqueur. La course peut être un relais et elle a d'autres
variantes : on peut sauter dans le cerceau qui roule, lancer à travers lui
différents objets (balle, fléchette)... Les cerceaux sont aussi l’objet de
véritables concours officiels où les champions en culottes courtes s’affrontent
sous le regard d’un public passionné.
Une autre occupation, bien plus experte
celle-ci, est largement plébiscitée par d’habiles spécialistes : les
osselets. Si le matériel utilisé est
rudimentaire (il suffit en effet de récupérer chez le boucher ou à la
ferme, des petits os de pied de mouton
et de les faire blanchir), les règles de ce jeu
qui remonte à la nuit des temps, en sont
complexes et les difficultés progressives. On commence par « la
partie Simple ». On continue par « la
partie de Bosse ». Vient ensuite « la
partie de Creux ». On passe ensuite à 1 de
« partie de Di », puis à 1 de « partie de Dès », puis
à la « Petite Omelette », à la « Grande Omelette », à la
« partie Sévère », à la « partie Sévère à la Touche » (1)…
La toupie, fut un temps, était la reine des cours de
récréation, bien que chacun n’en possédât pas (2).
Du côté des filles, la corde remportait tous les suffrages. Bien avant d’être
un jeu individuel avec l’arrivée de la corde à sauter courte, elle était un jeu
collectif utilisant une longue corde épaisse qui permettait à un groupe
important de participer à différentes figures (3).
Le jeu
des épingles eut son heure de gloire. Ce jeu singulier
réunissait deux joueuses ou plus et ressemblait pour beaucoup au triangle avec
des billes dans une version plus féminine. Un cercle était tracé au sol, des
épingles à tête de verre étaient disposées à l'intérieur. Chaque joueuses à son
tour devait frapper les épingles avec une balle, afin d'en expulser le plus
grand nombre en dehors du cercle. La gagnante était celle qui avait ramassé le
plus d'épingles au cours de la partie. A l'évidence, ce jeu représentait un
réel danger dans une cour de récréation, il fut vite interdit et les épingles remplacées
par des objets moins piquants (on utilisa alors des cailloux, des morceaux de
bois, des bûchettes ou des brindilles). On peut aussi trouver une analogie
troublante entre ce jeu et les "Pogs" des années 1990.
On voit bien que tous ces jeux n’utilisaient
que peu de matériel manufacturé, à l’image de la marelle qui ne nécessitait
qu’une craie et un galet plat (4).
Il n’en était pas de même en ce qui concerne « La Petite Maîtresse
d’Ecole ». Avant la guerre de 1914-1918, on trouvait dans certaines
écoles, un coffret très complet qui permettait aux petites filles une identification
avec leur "maîtresse d'école". Il était vraisemblablement utilisé, en
cas d’intempéries, pour des récréations à l’intérieur de la classe (5).
La plupart du temps, les jeux étaient peu
manufacturés, certes, mais montraient parfois le génie du bricolage des
écoliers de l’époque et, à ce sujet, comment ne pas évoquer ce jeux interdit
mais combien usité par les polissons… le lance-pierre ! Il fut moins
redouté par les belligérants de la « Guerre des Boutons » que par les
malheureux moineaux qui firent souvent les frais de l’apprentissage de chasseur
de ces aventuriers en culottes courtes (6).
(1) : LES OSSELETS :
- La partie Simple : le joueur prend les
osselets dans la paume de sa main, les lance vers le haut, retourne sa main et
doit recevoir le maximum d'osselets sur le dos de sa main. S'il reçoit les 5
osselets sur le dos et réussit en retournant la main, à les recevoir tous les 5
dans la paume, le joueur passe directement à 1 de "Bosse", sinon le
joueur reste à 1 de partie Simple (c'est-à-dire qu'il doit, si 2 osselets sont
restés au sol, les prendre 1 par 1 en lançant en l'air un des 3 osselets restés
dans sa main). Le joueur passe ensuite à 2 de la partie Simple, il lance les 5
osselets et essaie de les récupérer sur le dos de la main puis dans sa paume.
S'il réussit avec 5 osselets, il passera à 2 de "Bosse", sinon il
doit ramasser 2 par 2 les osselets restant au sol en lançant un osselet en
l'air comme précédemment... et ainsi de suite jusqu'au 4 de partie Simple :
rafler 4 osselets ensemble.
- La partie de Bosse : le joueur doit lancer
les 5 osselets en l'air, les récupérer sur le dos de la main puis dans la
paume. Si on réussit, on passe à 1 de "Creux", sinon on doit les
ramasser 1 par1 en ayant auparavant pris soin de les mettre sur
"Bosse".
- La partie de Creux : on doit jouer comme
précédemment, mais en plaçant les osselets sur "Creux". On passe
ensuite à 1 de partie de "Di".
- La partie de Di : idem mais on joue avec
les osselets sur "Di" et on passe au
1 de partie de "Dès".
- La partie de Dès : idem mais on joue avec
les osselets sur "Dès" et on passe
à "Petite Omelette".
- Petite Omelette : le joueur lance les 5
osselets en l'air, s'il les récupère tous les 5 sur le dos puis dans la paume
de la main, il passe à "Grande Omelette", sinon il garde les osselets
récupérés dans la paume, il en lance un et il essaie de prendre ceux restés au
sol 1 par 1 puis 2 par 2 ... Quand il a réussi, il passe à la suite.
- La Grande Omelette : comme précédemment,
mais on lance les osselets récupérés dans la paume, tous ensemble vers le haut
pour rafler les autres 1 par 1, 2 par 2 ... Quand on a réussi 1-2-3-4 de Grande
Omelette, on passe à partie sévère.
- La partie Sévère : le départ se fait en
lançant les 5 osselets au sol. On prend obligatoirement l'osselet rouge et on
récupère 1 par 1 les osselets au sol sans toucher ceux que l'on ne prend pas,
puis on passe à la récupération par 2, par 3, par 4... Ensuite on passe à
1-2-3-4 de partie Sévère Bosse, Creux, Di, Dès.
- La partie Sévère à la Touche : idem sauf
qu'avant de rafler, on doit toucher.
(2) : LA TOUPIE :
Elle était faite de bois plein strié de
lignes parallèles pour maintenir la cordelette de lancement, elle avait une
pointe de métal à sa base. Le joueur enroulait la cordelette en commençant par
le bas, il tenait son extrémité dans la main et de l'autre, il tenait la toupie
à quelques centimètres du sol. D'une manière synchronisée, il tirait la
cordelette et lâchait la toupie qui devait tourner le plus longtemps possible.
Le jeu consistait à maintenir la toupie en équilibre le plus longtemps
possible. Le but pouvait être aussi la rencontre de deux toupies tournant en
même temps, chaque joueur s'efforçant de projeter sa toupie contre une autre
pour la faire culbuter. Plus tard, la toupie « parisienne » fut en
métal et ronflait en tournant, la toupie « d'Allemagne » fut en bois
creux percé et ronflait de même. De nombreuses autres variantes existent
actuellement. A noter que les toupies furent interdites dans les cours d'école…
(3) : LA GROSSE CORDE :
- Suivre le chef : les joueurs sont en rang
devant une corde que 2 enfants font tourner. Le premier est le "chef"
qui donne le ton, il entre dans l'arc de la corde, chante le couplet d'une
chanson et ressort. Chacun passe ensuite à son tour, si un joueur se trompe, il
remplace un de ceux qui font tourner la corde.
- En passant : deux joueurs font tourner la
corde, les autres rentrent dans l'arc de la corde chacun à leur tour, sautent
une fois et en ressortent. On recommence en sautant deux fois et ainsi de
suite... Les deux premiers perdants remplacent les joueurs qui font tourner la
corde, les suivants sont éliminés, le dernier joueur est vainqueur.
- La barque : au lieu de faire un tour
complet avec la corde, on doit la faire se balancer de gauche à droite en
frôlant le sol. Chaque joueur doit sauter par-dessus, une ou plusieurs fois
sans toucher la corde avec ses pieds. Après chaque série de passages, on relève
la corde de 5 cm et on recommence. Le joueur qui touche la corde est éliminé.
- L'horloge : un joueur prend par une
extrémité une longue corde qu'il étend devant lui comme l'aiguille d'une
montre. Douze joueurs qui représentent les heures se mettent en rond autour de
lui, à la portée de la corde. Le joueur du centre fait tourner la corde et ceux
qui l'entourent doivent sauter à son passage. Les joueurs qui touchent la corde
sont éliminés.
(4) : LA MARELLE :
- La Marelle traditionnelle : le joueur se
place avec son palet dans la case Terre, il lance le palet avec la main dans la
case 1, il doit alors sauter cette case et tomber à cloche-pied en 2, à
cloche-pied en 3, pied droit en 5, pied gauche en 4, pied droit en 6,
cloche-pied en 8, pied gauche en 7. On effectue ensuite un demi-tour et on
revient selon le même modèle à la différence que l'on marque un arrêt
cloche-pied en 2 pour ramasser le palet resté en 1. Pour finir, on saute la
case 1 et on retombe à pieds joints sur "Terre". On recommence en
jetant le palet case 2. On perd son tour lorsque : le palet est à cheval sur la
ligne, si on marche sur les lignes, si on manque la case visée. On reprend son
tour à la case à laquelle on avait échoué.
- La Marelle poussée (de "six") :
on pousse le palet en case 1 avec la main, on rentre à cloche-pied dans celle-ci et on pousse ensuite le palet avec le pied de case en case
(1, 2, 3,...). Lorsqu'on est passé successivement dans toutes les cases sans
que le palet ne sorte des limites, on attribue au joueur une parcelle de case
(1/8). Il peut s'y reposer à 2 pieds au sol et les autres ne peuvent pousser le
palet.
La Marelle peut être numérotée de différentes
manières et on peut choisir de pousser le palet
soit de plusieurs petits coups de pied, soit d'un seul.
(5) : LA PETITE MAITRESSE D’ECOLE :
Le coffret de jeu de 35/30/10cm contenait : 1
alphabet, 1 boulier, quelques petits cahiers (écriture, dessin, brouillon), 1
livret de notes, 1 tableau d'honneur, 1 prix d'honneur, 1 croix d'honneur. De
tout temps l'enfant a, dans ses amusements, imité les occupations des adultes,
ce jeu de société en est l’exemple même. S'impose alors une double remarque :
- Ce jeu s'adresse à des petites filles, il y
a déjà une forte tendance à la féminisation de la profession.
- C'est l'indice que le métier d'instituteur
est alors valorisant. C'est encore le temps où, dans une France essentiellement
rurale, entrer dans l'enseignement était une incontestable promotion, sinon
financière, du moins sociale. Le "Maître d'école" était à cette
époque un notable communal, d'autant qu'il exerçait souvent la fonction de
secrétaire de mairie dans les villages.
(6) : LE LANCE – PIERRE :
Outil du braconnier juvénile, il était
composé d’une fourche de noisetier ou de coudrier soigneusement choisie, taillée sur mesure, écorcée et durcie dans le
four du poêle. On fixait à l’extrémité
de chaque fourche deux morceaux de caoutchouc carré d’une vingtaine de
centimètres (ou deux morceaux d’une vieille chambre à air selon ses moyens),
caoutchouc que l’on raccordait par une petite poche de cuir destinée à recevoir
le caillou que l’on avait décidé de projeter vers la cible choisie. Il fallait
veiller à équilibrer le dispositif (longueur des caoutchoucs, longueur des
fourche, droiture du bois) sinon gare au poignet !
Pour approfondir le sujet, rendez-vous à la rubrique
« L’école dans l’histoire ou histoire d’école » pour voir l’article
« Les jeux des écoliers d’autrefois » qui sera publié prochainement
et « La cour de récréation » dans la rubrique « Les objets du
musée ».
P.P
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