Quelques évolutions du mobilier
dans la salle de classe
Entre 1882 et 1950
(Deuxième partie)
Avant
le 19ème siècle, le peu d’intérêt que représente l’enseignement pour les
autorités n’est pas de nature à favoriser les conditions d’accueil des enfants
et les lieux de classe sont meublés de
façon très sommaire. Les tables, si elles existent, ne sont que peu adaptées
aux élèves. Souvent, ces derniers n’ont que des bancs et écrivent sur leurs
genoux. Quelquefois, des tréteaux et des planches constituent les seules
tables.
Les
pupitres
Le 19ème siècle voit apparaître
dans les écoles, des pupitres dignes de ce nom. Ils son souvent vissés au sol
et fabriqué dans une longue planche inclinée surmontée d’une planche plus
étroite, horizontale et rainurée pour empêcher les porte-plumes de tomber. Des
encriers sont encastrés à la droite de chaque place (rappelons que les gauchers
n’ont pas d’existence légale). Le musée de la Maison d’Ecole possède un de ces
pupitres et l’on constate que le long plateau est solidaire d’un banc sans
dossier pouvant accueillir des enfants serrés les uns contre les autres et qui
doivent l’enjamber pour s’asseoir. Ainsi, selon les besoins et la taille des
élèves, un même pupitre peut comporter 5 à 10 places.
Avec le temps, des aménagements
sont apportés, souvent des améliorations demandées ponctuellement par des
maîtres. Ainsi, des ardoises ont pu être incrustées dans les pupitres, des
encoches ont pu être creusées près des encriers pour mettre une bougie en
complément de lumière, une planchette en bois fixée sur le banc entre deux
places a pu matérialiser la séparation garçons-filles dans les classes de
campagne, les filles s’installaient sur le banc par une extrémité et les garçons
par l’autre. Notons au passage que l'incrustation des ardoises dans le bois des pupitres n'était pas de nature à favoriser le "procédé Lamartinière", introduit au 19ème siècle, et qui consistait à brandir l'ardoise en direction du maître lors des interrogations (notamment en calcul mental). De nombreux maître accusaient ce procédé d'"engendrer du désordre"...
Avec l’arrivée des lois Ferry de 1881-1882, des Instructions spéciales
réglementent la construction des pupitres. Les différentes inclinaisons du
plateau observées varient de 0° à 20°, bien que la grande majorité
d'entre-elles se situent de 8° à 9°. Cette inclinaison moyenne est suffisante
pour bien offrir le livre aux regards tout en évitant son glissement.
Si le pupitre, dans la pédagogie traditionnelle, fut le support du livre
et du cahier, il devient aussi le support du corps de l’écolier pendant
l’étude. La forme du siège et les dimensions relatives des espaces entre le
plateau, le siège et le sol déterminent la bonne position du corps et doivent
faciliter l’entrée et la sortie de l’élève de son pupitre. De nombreux textes
du dernier quart du XIXème siècle reflètent la préoccupation d’accueillir les
enfants sur un mobilier étudié pour leur
taille. Guidés par des études scientifiques les concepteurs témoignent de la
nouvelle attention portée à la santé des enfants. La myopie, la scoliose vont
être combattues et les mauvaises postures bannies. Finis les pupitres
collectifs, place aux pupitres à deux places avec dossier et rangement.
Le casier à abattant était
fréquent et le restera longtemps encore, on assistait à cette scène
semi-comique dans laquelle les élèves cherchaient simultanément un livre ou un
cahier dans le casier maintenant l’abattant de la tête pour avoir les mains
libres. Inutile de préciser que les maîtres n’adhéraient pas à ce dispositif
peu pratique et au claquement bruyant lors de sa manipulation par des élèves
maladroits... Les fabricants favoriseront alors la production de pupitres à
casier ouvert sur le devant, construit solidement en chêne et qui traverseront
les époques, voyant passer plusieurs générations d’écoliers qui participeront à
son entretien. En effet, chaque fin d’année scolaire, le pupitre était frotté
au papier de verre par son occupant pour enlever les taches d’encre, puis ciré
et lustré par lui afin d’être comme neuf pour la rentrée suivante. D’autres
souvenirs pouvaient aussi être laissés par des garnements indélicats, quid de
la discipline de fer tant vantée ?...
La naissance d'une pédagogie
tournée vers la manipulation de documents et de petits matériels tels que les
jetons ou les bûchettes pour le calcul par exemple, fait évoluer les pupitres
vers le plan horizontal. On assiste alors à des rectifications artisanales de
la pente de ceux-ci par introduction de coin de bois sous les plateaux, ainsi
ramenés à l'horizontale. On trouve dans le commerce les pupitres inclinés
jusqu'en 1936 (catalogue SUDEL, page 26).
Les Instructions du 30 août 1949 veulent instaurer un nouveau mobilier
scolaire, de préférence individuel, avec une table horizontale (munie d'une
rainure pour les porte-plumes et d'un trou destiné à recevoir l'encrier) pour
chaque enfant et une chaise. Ce matériel doit être facilement transportable par
l'enfant lui-même. Les tables et les sièges seront de couleur claire, y compris
le dessus de la table. En aucun cas le mobilier ne sera fixé au sol.
En 1950, on préconise des tables réglables avec des tubes d'acier. De nos
jours, certaines communes équipent leurs écoles d’un mobilier innovant dit
« ergonomique » aux multiples réglages en vue d’une parfaite
installation de l’élève.
Le
poêle
La classe était équipée à la ville comme à la campagne d'un poêle en
fonte (souvent de marque GODIN), alimenté au charbon pour le premier ou au bois
pour le second. L'honneur d'assurer la corvée d'allumage revenait le plus
souvent à l'élève le plus méritant (ou le plus dégourdi) qui, après avoir
froissé un journal et disposé de menus morceaux de bois, enflammait le tout
avant de "charger" en charbon au moyen d'un seau ou en bûches.
Le manque de moyen dans les écoles de campagne poussait souvent le maître
à demander aux élèves d'apporter le matin, chacun une bûche afin d'assurer le
chauffage de la journée. C'est ainsi que les écoliers arrivaient munis de leur
cartable, de la bûche et le plus souvent de leur gamelle pour leur repas de
midi. Le poêle servait alors de cuisinière pour réchauffer la
"soupe", pendant que chacun attendait autour de la grille.
Bientôt, les instructions recommandent qu’une grille protège les élèves
d’éventuelles brûlures. Après les moyens de chauffage précaires utilisés
jusqu'au milieu du siècle, la loi de 1953 apporte des précisions sur les moyens
à utiliser pour chauffer les classes, elle recommande l'emploi d'appareils à
bois, à anthracite ou l'utilisation du "calorifère irlandais à
ailettes". Mais peu à peu, les communes équipent leurs écoles d'un chauffage central, activé et entretenu par un
personnel municipal, souvent au charbon dans les années 1960. Ensuite, d'autres
énergies sont utilisées (gaz, fuel...).
L’œil de bœuf
Dans chaque classe, au-dessus du tableau où
s’inscrivait la date du jour, trônait un œil de bœuf, sur le même mur que les
planches didactiques, que la bibliothèque scolaire, que la petite armoire vitrée qui
renfermait le compendium métrique, outil de l’uniformisation nationale. Cet œil
de bœuf faisait partie de l’inventaire des matériels obligatoires dans les
instructions officielles. Il dominait la pièce et sa population enfantine,
surplombant l’estrade et la chaire du maître. Il était l’image vivante de
l’autorité économique et de cette heure industrielle qui était indifférente à
la majorité de ces écoliers des campagnes dont la vie était rythmée par la
lumière du jour. Il faisait corps avec ce mur du savoir républicain.
En
résumé
Dès 1881, l'Etat prend en main l’évolution du mobilier scolaire (à la
charge des communes). La table-banc de 8 à 10 places avec le banc sans dossier
lié à la table, sans souci de la taille des enfants et couramment utilisée, est
peu à peu remplacée. Les Instructions spéciales, sans être très claires avant
1889 préconisent une réglementation de ce mobilier.
En outre, ces mêmes instructions précisent la composition du matériel
scolaire :
- un bureau de maître avec estrade de 0,30 m à 1,32 m de hauteur,
- une armoire bibliothèque où les livres seront rangés,
- des tableaux et des cartes,
- un compendium métrique
- des agrès, appareils de gymnastique et fusils scolaires,
- une armoire pour ranger les objets indispensables à la propreté de
l'école.
Les Instructions du 30 août 1949 actualisent la liste du matériel à
fournir par les communes:
- des tables et des sièges pour les maîtres,
- des tables et des sièges en nombre suffisant pour les élèves en
fonction de leur taille,
- des tableaux noirs,
-.le matériel nécessaire à l'enseignement (cartes, planisphère, etc),
ainsi que le matériel de travail manuel et des arts ménagers,
- différentes armoires et une ou plusieurs prises de courant.
La loi de 1953 apporte quelques changements : 2 tableaux noirs ou de
couleur, une table longue pour les travaux pratiques, un meuble à archives, un
panneau d'affichage et un cadre à glissières pour exposer les gravures.
Bravo et merci pour toutes ces informations.
RépondreSupprimerBien cordialement
Jean Pirou