vendredi 2 février 2018

Historique de l'école publique à Montceau


Naissance et développement
de  l’école publique à Montceau
Période 1850-1902

Deuxième partie : l’école publique à Montceau

L’école publique de filles de la rue Carnot, Montceau-les-Mines, vers 1900 (Ecomusée)

Un contexte peu favorable

Montceau vivait de l’exploitation minière surtout. Et tandis que la population quintuplait de 1856 à 1877, le nombre des élèves aux écoles des houillères augmentait de 8 à 9 fois. C’est ainsi que les effectifs des 12 établissements scolaires de la mine étaient de 2 600 enfants. Il n’en va cependant pas de même pour l’école publique :

« A Montceau même, malgré l’accroissement extraordinairement rapide de la population, qui, de 1300 habitants en 1856 est passée à 11011 habitants en 1878, l’école communale, créée en 1864 seulement, garde des proportions très modestes. En 1874, pour une population de 8287 habitants, les écoles publiques scolarisent 157 enfants seulement. La même année, le Conseil Municipal, que préside Léonce Chagot, approuve enfin le projet de construction d’une Mairie-école dans laquelle pourront être aménagées trois classes, pour « les enfants de parents qui ne travaillent pas à la mine ». Ces trois classes dont la construction est envisagée doivent être rapportées aux six écoles que les mines ont fait construire sur le territoire de la commune. Cette restriction des effectifs de l’école publique par la limitation de la capacité des locaux est une politique constante de la municipalité à la tête de laquelle se trouve le cogérant de la Compagnie des Mines. » La politique scolaire d’une entreprise industrielle au XIXème siècle : Les écoles des mines de Blanzy de 1833 à 1904, Jacques VACHER



Sous la gérance personnelle (commencée en 1856) de la société Jules Chagot et Cie par son principal patron, respecté, l’œuvre scolaire qu’il avait fondée fut bien acceptée, jusqu’à sa mort survenue en 1877. Il n’en fut pas de même, sauf en apparence, au cours de la gérance  de la société par son neveu et successeur Léonce Chagot (1877-1893).

Déjà à Blanzy, en 1878, pour une enquête publique, la population avait déclaré, malgré le curé de la paroisse, préférer à une école communale congréganiste, l’école employant un personnel laïque, ce que permettait également la loi Falloux.

Quand à Léonce Chagot, d’abord directeur général de la mine, nommé premier maire de Montceau par décret impérial en 1856, maintenu dès lors avec la liste de ses partisans et élu en 1874 conseiller général du nouveau canton de Montceau, il prétendait imposer les idées à la fois catholiques et monarchistes de sa famille. Il se montra capable de développer l’exploitation minière, mais dans le domaine scolaire, il prétendit faire des frères et des sœurs des agents de renseignements et de domination vis-à-vis de leurs élèves et de leurs parents. Tout cela entraîna un désir d’affranchissement, au surplus favorable à la République et aux lois scolaires laïques qui apparut très tôt dans la population montcellienne.

 Sa municipalité, ayant réalisé en 1876 la construction de l’hôtel de ville de Montceau, avait consenti, comme rappelé précédemment, à réunir dans ce bâtiment, auprès de la salle de justice de paix, trois classes publiques.

Naissance de la « Communale » à Montceau :

A la déconvenue des dirigeants de la mine, une municipalité républicaine, qui allait avoir le Docteur Jeannin pour maire (1), fut élue, administra de 1878 à 1884, céda ensuite la place à une municipalité amie, celle du maire radical Bertrand (1884-1888). D’où des réalisations importantes en faveur de l’école publique devenue en 1881 et 1882, gratuite et laïque.

Se conformant aux lois qui la fondaient alors et bénéficiant  de « secours » de l’état, le maire Jeannin fit bâtir en 1881, au centre de Montceau, deux écoles primaires, dites encore « communales », l’une pour les garçons, rue de l’Est (future rue Jean Jaurès), l’autre pour les filles, rue Centrale (future rue Carnot). Œuvres de l’architecte Dulac, ces petits palais scolaires en pierre de taille expriment, sans nécessiter de commentaires, l’importance donnée à l’Instruction publique à cette époque. Une façade à la solide ordonnance marque les deux hauts étages des classes, que surmonte un étage bas renfermant les logements des enseignants. A Montceau, cette bâtisse contraste puissamment avec les écoles antérieures appartenant à la  Compagnie des mines de Blanzy, claires et bien construites, mais toutes sur un plan stéréotypé. Aucune ne desservait véritablement le centre, écoles de garçons et écoles de filles étant rejetées à l’extrémité nord de cette ville-rue. De ces deux écoles « jumelles » d’un style rare, sinon unique, il ne reste plus, hélas! que l’école de garçons de la rue Jean Jaurès, redevenue aujourd’hui Maison d’Ecole à travers son musée. Le bâtiment de l’école de filles a été démoli en 1974 et remplacé par un important immeuble à l’angle de la rue Eugène Pottier. 



Le fronton de l'école publique de filles n'est plus qu'un souvenir puisque le bâtiment fut rasé en 1974 (collection musée)


Ainsi, les classes primaires élémentaires de garçons, logées depuis quelques années à l’hôtel de ville récent  de Montceau, furent transférées à l’établissement scolaire public auquel elles étaient destinées; puis, le 1er janvier 1882, à leur place, fut installée la première école primaire supérieure fondée en Saône et Loire. On y était préparé aux examens du concours d’entrée à l’Ecole Normale d’Instituteurs ou d’entrée à des écoles techniques. Quant à l’école primaire élémentaire de filles, elle paraît avoir emménagé, au plus tard en 1882, dans l’édifice rue Centrale. Vers cette date, enfin, fut décidée l’ouverture d’une école maternelle publique (à proximité, rue Pierre Garnier, actuelle école Niky de Saint Phalle).

La continuité dans la volonté politique et populaire d’émancipation des écoles publiques :

Dans les années qui suivirent, le maire radical Bertrand réussit à acheter à la mine, place de l’Hôtel de ville, une gendarmerie désaffectée, afin d’y installer en 1886 l’Ecole Primaire Supérieure (la première du département), comme en un bâtiment, alors, presque conçu pour elle. Elle accueillait 50 élèves en 1900. D’autres notables initiatives dans le domaine scolaire public eurent peu de lendemains, car les amis politiques de Léonce Chagot, soutenus jusque dans les élections par les actions de dissuasion des plus malveillantes de sa  police privée (dite « Bande à Patin ») et favorisés apparemment par leur ralliement à la République (qu’avait souhaité le pape Léon XIII) parvinrent, à Montceau surtout, avec le futur maire, secrétaire général de la Société minière, de Boisset, à conquérir la municipalité, en 1888, et à s’y maintenir, jusqu’en 1900.


Ancienne gendarmerie devenue Ecole Primaire Supérieure, carte postale (collection musée)

En ces débuts difficiles de la République et de son école, les établissements scolaires publics du Bassin minier ne se développèrent que lentement. Toutefois, la décision avait été prise en 1882, de bâtir à Sanvignes 2 écoles primaires publiques, l’une pour les garçons, l’autre pour les filles, et, à Montceau-Centre, les écoles primaires publiques, ayant dépassé la moyenne départementale de 50 élèves par classes, s’agrandirent d’une 5ème et d’une 6ème classe.

Dans l’école de filles s’ouvrait un cours complémentaire, au plus tard dans les années 1890, au bord de la prochaine ou nouvelle rue Carnot, sous la responsabilité d’une directrice dévouée : Mme Besseige, dont le fils, Henri, lui-même scolarisé à l’école de garçons de la rue de l’Est de 1893 à 1905, évoquera ses souvenirs dans le livre dont il est l’auteur : Au pays noir, récit du vieux Montceau. (voir article « Henri Besseige » dans la rubrique L’école dans l’Histoire ou histoires d’école ?) 


Henri Besseige (1887/1967), en bas, à gauche de cette photo de famille, comme à son habitude souriant et aimable (collection particulière)


Quant aux écoles de la Mine, elles ne pâtirent point , en elles-mêmes, de la loi FERRY de 1881, qui instituait la gratuité de l’enseignement primaire et l’obligation d’être pourvu d’un brevet de capacité pour donner cet enseignement, les équivalences admises par la loi Falloux étant abolies. C’est que les dirigeants de la Mine rendirent gratuit l’enseignement dans leurs écoles, en acceptant qu’elle assumât de lourdes charges financières, notamment les modestes traitements de nombreux enseignants. L’obligation du brevet désavantagea un tiers des frères environ, à Montceau et à Saint Vallier par exemple, qui durent, par manque des diplômes requis, céder leurs places à des instituteurs privés laïcs qui étaient brevetés. Même mesure d’élimination prise, sans nul doute, à l’égard de toute et de tout congréganiste reconnu incompétent.

Malgré son infériorité, l’effectif des enseignants publics réussissait, quant à lui, à tripler en passant de 11 en 1886, à 31 en 1898. Ceux-ci avaient, à leur avantage, de plus nombreuses sympathies dans la population que les frères, grâce à  leur formation pédagogique, reçue aux Ecoles Normales, tandis que les frères, même brevetés, se référaient toujours au manuel pédagogique un « guide pour les écoles » édité en 1853.

Le chiffre de la population de Montceau, vers la fin du XIXème siècle, approchait de son maximum; de même que le nombre des élèves aux écoles de la Mine, environ 6000 en 1892, répartis entre 22 écoles, dites de garçons, de filles ou maternelles. Elles étaient à leur apogée.


Attestation d’étude des écoles de la Mine, 1900 (collection musée)


A 12 ou 13 ans, leurs élèves pouvaient se faire embaucher dans les puits en se prévalant d’une attestation d’études primaire qui leur avait été délivrée, avec une appréciation sur l’acquisition des matières enseignées, comprenant surtout la religion. Sortir de l’école « supérieure » de la mine de la 9ème écluse, vous permettait de devenir employé de bureau à la Houillère, sinon d’être, entre temps, mais de votre seule initiative, candidat à une « session extraordinaire du certificat d’études primaires », en vue d’entrer à l’Ecole Primaire Supérieure (publique), puis chez un patron enfin choisi par vous.

Les mouvements sociaux de 1899 et le développement  de l’école publique :

Or, aux causes d’échec présentées par l’enseignement privé, s’en ajoutèrent de plus graves. Léonce Chagot étant mort en 1893, son neveu Lionel de Gournay lui succéda à la gérance de la mine, héritant peut-être malgré lui de la détestable police de son prédécesseur, alors que le climat social se dégradait dangereusement. Les attentats anarchistes de la « bande noire » (1882/1884), organisation clandestine de mineurs avant l’autorisation des syndicats (1884), se multiplient contre plusieurs membres de l’encadrement des Mines, contre des édifices religieux et des locaux qui abritent le personnel enseignant congréganiste (2). La Sœur Supérieure de la congrégation de Saint Vincent de Paul écrit à Léonce Chagot en ces termes : « nous avons décidé que nous ne renverrions nos sœurs que lorsque nous aurons des garanties suffisantes pour assurer leur tranquillité car il ne nous semble pas prudent de rouvrir maintenant cette maison » (du Bois du Verne) Archives des mines.

Ces actions manifestent  une opposition croissante envers la Compagnie des Mines, mais aussi envers le clergé. C’est l’infiltration de toutes les institutions par celui-ci qui est mise en cause. Les gérants de la Société Jules Chagot et Cie avaient de plus exercé, par leur police, une surveillance inadmissible sur la population. Mais, parmi celle-ci, une élite de leurs ouvriers ne songeait qu’à constituer un syndicat légal, que la suspicion organisée rendit impossible jusqu’à ce que la grève du 6 juin au 1er juillet 1899 le permit.

Grâce à l’intervention du Président du Conseil des Ministres, René WALDECK-ROUSSEAU, les grévistes ayant obtenu la reconnaissance de la liberté syndicale, de la liberté d’opinions politiques ou religieuses, le renvoi de la police privée de la mine, un rêve d’émancipation sociale (inoubliable pour eux) devint celui de nombreux mineurs. Tenant grief aux instituteurs ou aux institutrices congréganistes d’avoir été outre mesure les auxiliaires du patronat, ils commencèrent de détourner, autant que possible, leurs enfants des écoles de la Mine vers les écoles publiques. Les grèves de 1899 (25 jours) et de 1901 (110 jours) créèrent un climat spirituel nouveau et il ne fut pas étonnant d’entendre la foule crier en même temps « vive la sociale » et « à bas la calotte ».

Si un souffle libéral passa après 50 ans d’oppression, il n’en reste pas moins que les maîtres de l’école communale de garçons s’étaient tenus à l’écart des troubles, comme le prouve le 1er cahier des conférences « présidées » par le Directeur, Joseph Bouillet, selon les recommandations de celui-ci. 
Dès cette date, des élèves affluèrent à Montceau-centre, où certaines classes comptèrent jusqu’à 67, même 99 élèves ! Il fallut en créer trois en ce lieu, 2 à Blanzy, 2 à Sanvignes, 1 à Saint Vallier, en faveur de l’école publique. 


Hommage à l'école publique d'Antoine Méchin, instituteur de Sanvignes, né en 1868 (collection musée)


Dans ces conflits des ouvriers contre la direction de la Mine et malgré la démission , le 16 mars 1900, de Lionel de Gournay, les congréganistes se trouvèrent compromis pour avoir pris le parti de la Mine. Ils partirent dès 1903 ou 1904, sans bénéficier du délai de dix ans qui leur avait été accordé par le Président du Conseil Emile Combes en 1902. C’est dans une totale indifférence que les écoles de Blanzy et de Saint Vallier sont fermées, à l’image des frères Maristes qui abandonnent, ainsi que leur directeur des écoles (le frère Crétin) le fait pour son établissement de la 9ème écluse, leurs écoles du Bois du Verne, du Magny et de Bellevue. La nouvelle législation ne venait en fait que confirmer la réaction anticléricale des mineurs qui avait poussé les mêmes frères à fermer leur école des Alouettes dès 1901.

 Si la désaffection pour les écoles congréganistes ne fut pas immédiatement aussi spectaculaire que la diminution des baptêmes dès 1900, cela est uniquement dû au fait que l’école publique était absente des quartiers et que l’éloignement de celles du centre constituait une difficulté pour les parents.

Ce fut, au surplus, une promesse de succès sans précédent que l’élection, en 1900, de municipalités socialistes dans les quatre villes précitées du Bassin minier : elles se vouèrent à la défense de l’école publique. Pour permettre de la fréquenter dans les quartiers dispersés de Montceau, le nouveau maire de la ville, Jean Bouveri, l’ancien mineur si respecté , fit décider par le Conseil départemental de l’Enseignement primaire la construction de 2 groupes scolaires, en 1900 (et avec classe enfantine dès 1901), à la Lande; 2 autres en 1901 aux Alouettes; 3 autres en 1902 au Bois du Verne; et, la même année, des écoles maternelles, l’une au Bois-Roulot, l’autre au Champ-du-Moulin. Enfin, la ville s’appropria pour l’école publique des écoles privées devenues disponibles, en 1904, l’une au Magny, et 2 autres, à Bellevue. D’autre part, les classes d’écoles publiques se multiplièrent aux bourgs des 3 communes de la banlieue.

Le nombre des habitants de Montceau ayant cessé de croître depuis le début du XXème siècle, l’augmentation des effectifs des écoles publiques ne pouvait résulter que de la diminution de ceux des écoles privées de la Mine, pour lesquelles, depuis 1899, la population du Bassin minier avait montré une désaffection croissante.

En 1898, parmi les 115 enseignants privés au service de la mine, et que l’Inspection académique recensait comme titulaire dans le Bassin minier, les plus nombreux (70) exerçaient leurs fonctions à Montceau : ils s’y répartissaient entre leurs écoles du Centre (9ème Ecluse et avenue de l’Hôpital), de même qu’entre celle des sept autres quartiers montcelliens; enfin, 45 enseignants privés se répartissaient entre les bourgs de Blanzy, de Saint-Vallier et de Sanvignes. Depuis douze années, leurs effectifs avaient par leur progression laissé apparaître leur situation comme de plus en plus florissante. N’était-ce point finalement qu’une illusion ?

Chronologie du développement des  premières écoles publiques à Montceau :

- 1863 : Une école publique fonctionne dans un « local ».
- 1864 : Une école laïque pour les filles existe dans la maison Pallot (angle de la rue Centrale et Sainte Marie).
- 1872 : La municipalité prépare un projet de constructions : mairie, justice de paix, école, gendarmerie. Un projet d’école de filles près de celle-ci sera voté sans suite.
- 1874 : L’école communale de garçons compte 157 élèves : « Les salles sont trop basses, humides, trop peu spacieuses, donnant sur la rue et par là sont exposées aux bruits des voitures et à la vue des passants », rapport de l’Inspecteur Primaire.
- 1877 : Dans le bâtiment de l’Hôtel de ville, construit en 1876, la municipalité fait procéder à l’aménagement de 3 classes pour les garçons dont les pères ne travaillent pas à la mine.
- 1878 : Election d’une municipalité républicaine qui aura pour maire le docteur Jeannin. Anecdote : des sanitaires ayant été construits place de la Mairie, la direction des Mines en interdit l’accès aux élèves de l’école publique. « Nous verrons, rétorque le Docteur Jeannin, si votre pouvoir est assez étendu pour arrêter, par une vexation, l’exercice de l’enseignement primaire à Montceau-les-Mines ! » Archives Départementales 71, série O.
- 1881/1882 : La nouvelle municipalité bénéficiant du secours de l’état (8000 F en 1880 et 2000 F en 1882) fait bâtir au centre-ville deux écoles primaires dites « communales ».
- 1883 : Projets de constructions d’écoles au Magny et au Bois du Verne votés sans suite.
- 1891 : L’école communale de garçons de la rue de l’Est a 220 élèves dans 4 classes. L’école communale de filles de la rue Centrale compte 270 élèves dans 4 classes.
- 1893 : L’effectif moyen de chacune des classes des deux écoles publiques atteignant le nombre de 55 à 67 élèves, l’ouverture de nouvelles classes est demandée. Une 5ème classe sera créée à l’école de filles.
- 1898 : Délibération du conseil municipal qui décide la construction d’un préau dans la cour de chacune des écoles (budget prévisionnel : 6800 F).
- 1899 : Nette augmentation des effectifs des écoles publiques à la suite des mouvements sociaux de juin. Le Préfet écrit une lettre au ministre de l’Instruction Publique : « Les écoles des communes intéressées (Saint Vallier, Blanzy, Sanvignes et Montceau) ont vu rapidement leurs effectifs augmenter dans des proportions considérables. Cette augmentation est due au mouvement grèviste important  qui s’est produit dans cette contrée du département... En quelques semaines nos écoles publiques furent encombrées d’élèves et à Montceau, trois classes nouvelles durent être créées dans chacune des écoles de filles et de garçons, mais ces créations ne suffisent plus aujourd’hui pour assurer le service, trois autres classes sont encore indispensables et urgentes pour l’école de garçons de cette commune » (6 octobre 1899), puis celle-ci au Député Garnier : «Je me permets d’attirer votre attention sur la nécessité qu’il y a de mettre la municipalité de Montceau en demeure de prendre les mesures nécessaires pour recevoir à la rentrée prochaine dans les écoles laïques communales tous les élèves qui se sont fait inscrire » (septembre 1899)  (1).
- 1900 : Election du maire socialiste Jean Bouveri.
- 1901/1902 (3) : Par suite de la perte d’influence des écoles de la mine, les effectifs des écoles publiques ne cessent d’augmenter et des classes de fortune doivent être ouvertes provisoirement dans les quartiers de la ville. Les effectifs s’élèvent à 2079 enfants.


Photo du tournage du film « De Jules à Julien » dans l’école communale de garçons de la rue de l’est, actuel musée, 2004 (collection musée)


A l’école communale des garçons de la rue de l’Est, le Directeur, déchargé de classe, a 14 adjoints. Les 709 élèves de ce groupe sont répartis comme suit :
6 classes fonctionnent dans les 6 salles de la rue de l’Est,
6 classes à l’école primaire supérieure, place de l’Hôtel de ville,
2 classes dans la maison Messager, rue de l’Est,
2 classes dans la maison Chaffiotte, au Bois de Gueurce.
A l’école communale de filles de la rue Carnot, dont la directrice est déchargée de classe, on compte 585 élèves dans les 12 classes suivantes :
6 classes dans les 6 salles rue Carnot,
2 classes à l’Hôtel de ville,
1 classe maison Delhomme rue Carnot,
1 classe maison Ligeron rue Saint Eloi (aujourd’hui rue Pierre Vaux),
1 classe maison Giroux rue de Chalon.
A cette même date, un projet de construction de classes et de préaux dans les deux écoles voit le jour ( budget de 48300 F).
1903 : Ces travaux sont adjugés au sieur Besseige Jean-Baptiste, entrepreneur, pour la somme de 36287,10 F. La mairie reçoit une autorisation d’emprunt pour préaux couverts (Crédit Foncier de France au taux de 3,75%).
1904 : A la suite de la fermeture de certaines de ses écoles, la Compagnie des mines cède à la ville un matériel scolaire « un peu démodé et ne répondant pas aux conditions que l’on exige aujourd’hui d’un mobilier neuf ».
Construction d’un bâtiment comportant 6 salles de classes, au fond de la cour de chacune des deux écoles publiques.
1905 : Mise en service de l’école maternelle, rue Pierre Garnier (actuelle Niky de Saint Phalle), dont la construction avait été décidée en 1896, d’après les plans de l’architecte Hippolyte Goichot.
A l’école de garçons rue de l’Est, construction d’une salle de classe supplémentaire au rez-de-chaussée du vieux bâtiment (en bordure de la rue d’Autun).
Remarque : à la rentrée d’octobre 1890, l’école de garçons de la rue de l’Est accueille 97 nouveaux élèves, dont 21 enfants de mineurs. A la rentrée de 1900, dans la même école, entrent 164 nouveaux élèves, parmi lesquels on compte 105 enfants de mineurs.


Cours préparatoire de l'école de la rue de l'Est, vers 1900, bâtiment annexe du fond de la cour construit en 1904 (collection musée)


La fin des écoles congréganistes :
Deux séries d’événements vont compromettre la situation des écoles congréganistes, d’abord les uns localement sociaux, ensuite les autres nationalement politiques. Ce fut d’abord en 1900, la démission du gérant Lionel de Gournay de la « Compagnie des Mines de houille de Blanzy ». La renonciation aux responsabilités du dernier des Chagot marquait la fin de leur long règne de près de 70 ans sur l’exploitation houillère, laquelle avait permis, en grande partie grâce à eux, la naissance et le développement de Montceau-les-Mines.

La même année, le nouveau directeur, le protestant Emile Coste, à la tête de la nouvelle « Société Anonyme des Mines de Blanzy » déclara n’avoir pour mission que de produire du charbon. Mais que deviendraient les élèves de la Mine ? N’ayant pas de réponse à cette question, en mai 1903, le maire Jean Bouveri, à l’administration républicaine qui lui était favorable, faisait part de ses espoirs en faveur de l’école publique, qu’il importait selon lui de soutenir aux dépens des congréganistes.

La loi Goblet de 1886 avait reconnu la liberté d’enseigner. Or, sur le plan national, au cours de l’affaire Dreyfus (1894/1906), une majorité de républicains résolus en vint à réagir vivement contre les cléricaux. Ainsi, le chef du gouvernement  René Waldeck-Rousseau (1899/1902), par la loi de 1901, prétendit soumettre l’existence des congrégations enseignantes à une « autorisation donnée par une loi »; au surplus son successeur, Emile Combes (1902/1905) et l’Assemblée, refusèrent les autorisations sollicitées, et par une loi de 1904, ils allaient faire fermer les dernières écoles congréganistes.

Les nouvelles dispositions légales rendaient inéluctable l’abandon par les congréganistes de leurs écoles privées, dans le Bassin minier en particulier. N’étant pas devenus laïcs, à l’exception de 2 sœurs, ils partirent sans devoir revenir, comme le prouvent, au sujet de Montceau et de la banlieue, leur absence (sauf pour les deux ex-sœurs ?), depuis 1904 inclus, sur les listes nominales de l’Inspection académique de Saône et Loire.

Avec des instituteurs ou des institutrices privés laïcs, la Société des Mines maintenait quelques écoles, prises en charge par elle, neutres, « pour couper court à toutes plaintes et à tous reproches de pression religieuse ». En 1910, elles gardaient quelque importance avec 50 enseignants titulaires, 4 fois autant de maîtresses que de maîtres titulaires, selon les listes académiques. En octobre 1912 au plus tard semble-t-il, elles confièrent leurs «élèves masculins » à l’école publique. D’autre part, l’école privée d’une association catholique naquit à Montceau, rue de Moulins, vers 1904, en partie grâce à la Mine qui lui céda ses locaux, et elle comptait en 1910, 7 laïcs, enseignants ou enseignantes brevetés.
Comme le confirmait le départ des frères, en 1902 et en 1903, dans l’indifférence presque générale, leur enseignement et surtout leur comportement humain avaient abouti à un échec. Admettons cette conclusion d’un historien des écoles des frères : « A Montceau, il n’y avait pas besoin des décrets Combes pour que les religieux s’en aillent. » Ajoutons que, selon nos recherches, les religieux aussi bien que les religieuses s’étaient trouvés contraints de partir, à cause de leur impopularité.

Consécutives à la Guerre de 1914/1918, les activités nouvelles de la Société des Mines l’amenèrent à de nouvelles créations scolaires. L’exploitation houillère se déplaça vers les limites méridionales du Bassin minier originel, et pour y travailler de nombreux immigrants polonais furent embauchés. La construction de cités nouvelles comporta celles d’écoles primaires, et même, conformément à la convention gouvernementale franco-polonaise, l’ouverture de classes polonaises dites « écoles polonaises », pour un enseignement à donner aux fils d’étrangers, en principe à mi-temps, soit en leur langue familiale, soit en français.

Ce fut ainsi que les classes polonaises avec des classes françaises apparurent dans les écoles bâties, vers 1920 ou 1923, pour les garçons et les filles aux Baudras (Sanvignes), pour les garçons aux Gautherets (Sanvignes), pour les filles aux Gautherets (Saint Vallier), pour les uns et les autres à la Saule (Montceau). Au surplus, la Mine établit des classes pour les seuls enfants polonais aux Georgets (Sanvignes), à l’école privée du Magny (Montceau), à l’ancienne verrerie de Blanzy.
Mais, réalisée aux lendemains de la Guerre de 1939/1945, la nationalisation des houillères devint effective, pour la Saône et Loire, en 1947, ainsi que la nationalisation des écoles des Mines, fixée au 1er octobre de cette année-là. Et les derniers enseignants des écoles primaires des « Houillères du Bassin de Blanzy » furent accueillis dans la « grande famille universitaire ». C’était d’ailleurs le souhait de la plupart d’entre-eux, gagnés à la laïcité. 

CONCLUSION :

A la vérité, les deux premiers bâtiments de l’école publique de Montceau ne sont pas des écoles comme les autres. Ils expriment la volonté de faire mieux et d’imposer l’Instruction Publique. Beaucoup d’écoles ont été construites dans d’autres lieux à cette époque, mais de manière plus modeste. D’aucuns diront que c’était par souci d’économie, d’autres diront qu’elles reflétaient le sens paysan ou petit-bourgeois... Seulement, à Montceau, ces écoles sont l’enjeu d’un combat politique marqué par l’environnement social, on a construit ces « palais scolaires » (comme le disaient leurs détracteurs) comme on plante un drapeau en terre conquise. Ces écoles annoncent que la République relève le défi de l’enseignement laïc, à travers une municipalité de gauche, fraîchement élue, face à la Mine toute puissante imposant un enseignement congréganiste. Cette volonté du pouvoir exécutif local était par ailleurs fortement relayée par une administration départementale et un ministère eux-mêmes opposés à l’école cléricale, si on en juge par les nombreuses correspondances du Préfet à son Ministre et le zèle de celui-ci à honorer autant que faire se pouvait les demandes en faveur de l’école publique. La naissance des écoles publiques de Montceau est portée par un projet politique, par une volonté d’émancipation qui sera reprise dès son élection en 1900, par Jean Bouveri qui la poursuivra jusqu’en 1924 (4).


Sources et ouvrages consultés :
Beaubernard : Montceau-les-Mines. Un laboratoire social au XIXème siècle.
Besseige : Au pays noir.
Burat : La société des Houillères de Blanzy, situation de ses établissements en 1877.
Chaillet : L’Abbé Béraud, fondateur d’orphelinats.
Griveau : Un exemple de concentration industrielle au XIXème siècle.
Groupe de travail de la Maison d’Ecole : Cent ans d’école.
CD-ROM de la Maison d’Ecole : Images de l’école, 2002.
J.P Valabrègue : article JSL71, 2014.

Lanfrey : Les congréganistes et leurs écoles à Montceau-les-Mines, sous le Second Empire et la Troisième République.
Laroche : Montceau-les-Mines. Quelques aperçus sur l’histoire de la ville et de son exploitation houillère.
Prost : Histoire de l’enseignement en France 1800-1867.
Simonin : Le Creusot et les mines de Saône-et-Loire.
Sutet et Brésillon : Le Creusot-Montceau autrefois. Du terroir à la mine.
Vacher : La politique scolaire d’une société industrielle au XIXème siècle : les écoles de mines de Blanzy.
Bulletins de l’Instruction primaire de Saône-et-Loire.
Dossier documentaire, la Maison d’Ecole, Service éducatif écomusée Le Creusot-Montceau.
Archives départementales 71.

(1) : OCTAVE JEANNIN. Né le 2 juin 1842 à Epinac, il meurt en décembre 1897. Fils d’un employé de Jules Chagot, il fait ses études de médecine à Lyon avant de s’installer à Montceau en 1871. Il est élu, avec toute la liste républicaine, en 1878 et devient maire de Montceau. Il est réélu en 1881.
On lui doit la construction des premières écoles publiques de la ville, dont celle de garçons de la  « rue de l’Est » (celle qu’occupe le musée de la Maison d’Ecole), actuelle école Jean Jaurès. Il œuvra en priorité pour l’implantation de l’enseignement public et laïc dans sa commune. Dès février 1878, il obtint la gratuité de l’instruction primaire et l’aide financière de l’État pour faire construire, en 1881, les beaux bâtiments d’école suscités mais faute de ressources suffisantes, il doit renoncer dès 1883, à d’autres constructions. Ce sera l’œuvre de Jean Bouveri  20 ans plus tard. 
Son comportement ambigu face aux mouvements sociaux qu’il redoute, participe à la baisse de sa popularité. Il ne se représentera pas aux élections de 1884, laissant ce soin à son premier adjoint, Georges Bertrand, qui deviendra maire à son tour.
Jeannin fut Conseiller Général de 1878 à 1889, date à laquelle il fut battu par Lionel de Gournay. 
Ses obsèques eurent lieu le 1er janvier 1898 en présence d’une foule considérable et un comité du souvenir se créa. Plus tard, ce dernier obtint, après l’élection de Jean Bouveri à la mairie seulement, le baptême d’une rue au nom d’Octave Jeannin et l’érection d’un monument à sa mémoire, place de l’Hôtel de ville. Commandé au sculpteur Jean-Louis Rispal (1871-1909), le buste en bronze fut installé par l’architecte Richard Lesne et inauguré le 27 juillet 1902.


Buste du Docteur Jeannin en 1900, carte postale (collection privée)


(2) : « Quand la Chapelle du Bois-du-Verne trembla sur ses bases….
 1871 : Construction de la chapelle par Jules Chagot. Un projet d’église plus grande sera abandonné en 1882.
1877 : A la mort de Jules Chagot, la gérance de la Compagnie des Mines de Blanzy revient à Léonce Chagot, son neveu. Léonce Chagot est imprégné des valeurs religieuses, la religion est le fondement de son action. Il n’admet pas que ses ouailles soient des mécréants. La situation devient de plus en plus intolérable pour les ouvriers montcelliens, plutôt anti conformistes. Elle empirera jusqu’à la grève victorieuse de 1899.
Février 1878 : Grève des mineurs suite au renvoi de 15 ouvriers, tous républicains – c’est un échec. 200 mineurs sont renvoyés, 25 traduits en justice. L’organisation ouvrière devient secrète, c’est le début de La Bande Noire.

Dans ce contexte, à la Paroisse du Bois-du-Verne, arrive l’abbé Gauthier, ancien vicaire de Chauffailles. Dès son arrivée, il se met aux ordres de la Compagnie, devient son auxiliaire, son espion. Il est rapidement détesté par l’ensemble de la population ouvrière : surveillance accrue des familles, notes sur son fameux petit carnet noir, dénonciation des mineurs qui lui déplaisent, mise à pied, renvois. Les ouvriers, excédés, lui mènent la vie dure et le somment de partir. Des menaces sont envoyées à l’évêché : si le curé Gauthier n’était pas changé, on le fera sauter. L’abbé Gauthier se sait menacé, mais aussi, protégé par Léonce Chagot, alors il tient bon.
Dans la nuit du 15 au 16 août 1882, les mineurs passent à l’action : ils cherchent l’abbé qui s’est prudemment réfugié en ville. Frustrés et mécontents, ils s’en prennent alors à la chapelle.
Les Archives de 1903 du presbytère relatent ces évènements :

« Toute la bande revint en criant « A bas Chagot, Gauthier à la lanterne !  » et en sonnant le tocsin avec rage. Une cartouche de dynamite fut placée devant la rosace de la chapelle, une autre fit voler en éclats la porte ; et tous d’envahir l’église pour tout saccager… Bancs, portes, confessionnaux, sont entassés et on y met le feu. Un gigantesque incendie s’ensuit. Déguisé et grimé, l’abbé Gauthier, horrifié, quitte sa paroisse en toute hâte pour ne plus jamais y revenir. »

Attaquée en tant que symbole de l’oppression cléricale, la chapelle du Bois-du-Verne n’en finit plus alors de se lézarder. » 
Article de Françoise Grand pour la Mère en Gueule, sources : Montceau-les-Mines, un laboratoire social au XIXe siècle, Docteur Beaubernard.

Plus d’un siècle après, la chapelle du Bois-du-Verne étant devenue trop dangereuse, le diocèse a donc décidé sa destruction, ce qui fut fait en octobre 2013. Pourquoi le diocèse ? Contrairement à la plupart des autres communes, la ville de Montceau ne fut jamais propriétaire des églises situées sur son territoire. En effet, fait exceptionnel, la loi de 1905 qui a nationalisé les biens de l’église et les a confiés aux communes ne s’était pas appliquée à Montceau. A l’époque, c’était la Compagnie des Mines de Blanzy qui était propriétaire de ces édifices. Par la suite, avant sa nationalisation en 1946, la Compagnie minière a préféré léguer ses églises au diocèse plutôt qu’à la commune.


L’Attaque de la Chapelle du Bois-du-Verne (source Mère en Gueule)


(3) : Effectifs des écoles publiques de Montceau en 1902 :
Garçons :
- Rue de l'Est (future rue Jean Jaurès) : 14 classes dont 6 groupées pour un effectif de 709 élèves.
- La Lande : 2 classes pour un effectif de 115 élèves.
- Les Alouettes : 1 classe pour un effectif de 67 élèves.
Filles :
- Rue Centrale (future Rue Carnot) : 12 classes dont 6 groupées pour un effectif de 585 élèves.
- La Lande : 3 classes dont 2 élémentaires et 1 enfantine pour un effectif de 161 et 55 élèves.
- Les Alouettes : 1 classe pour un effectif de 51 élèves.
Maternelle :
- Rue Pierre Garnier (proche du Centre) : 3 classes pour un effectif de 336 élèves.
EEFECTIF TOTAL :
- 36 classes pour 2079 élèves, moyenne : 57 élèves par classe...

(4) : JEAN BOUVERI. Né le 19 juillet 1865 à Charolles, il est mort le 3 juillet 1927 à Montceau-les-Mines. Issu d’une famille fortement marquée par les luttes ouvrières, il entre à la mine à 12 ans, dès son arrivée dans le Bassin minier. Il est l'un des fondateurs du syndicat des mineurs bien avant la loi de 1884. Devenu Secrétaire du syndicat, il prend une part active à toutes les grèves de la corporation et fonde plusieurs coopératives de production et de consommation. Il est Secrétaire-adjoint du syndicat lors des mouvements sociaux de 1899.
Très lié à Jean Jaurès, il siège au Congrès National des Mineurs de France en 1899 à Denain, avant de l’organiser à Montceau l’année suivante. Il est élu maire de cette ville en 1900 et le restera jusqu’à sa mort. Sa simplicité et son habileté politique l’amènent à la députation à travers laquelle il exprime ses idées anticléricales, républicaines et socialistes.  Réélu en 1902, 1906, 1910 et 1914, il perdra son siège en 1919 face au « Bloc national » et  deviendra sénateur en 1920 avant de retrouver la députation en mai 1924.
Son passage à la mairie marquera le renouveau de l’école publique : neuf groupes scolaires seront créés. A sa mort, 8 000 montcelliens accompagnent sa dépouille mortelle et l’hommage du monde politique est unanime.


Jean Bouveri (Assemblée Nationale)


P.P








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