mardi 17 avril 2018

Pièces et billets à usage scolaire



Les monnaies factices à caractère éducatif

La caisse écolière, 1935 (collection musée)


L’apprentissage de la monnaie à l’école


Par les décrets des 1er août 1793 et du 18 germinal An III, les nouvelles mesures du système métrique furent adoptées :

« Art. 5. Les nouvelles mesures seront distinguées dorénavant par le surnom de républicaines ; leur nomenclature est définitivement adoptée comme il suit : (..) I'unité des monnaies prendra le nom de franc, pour remplacer celui de livre usité jusqu'aujourd'hui »

Il fallut malheureusement attendre la rationalisation engagée par la Troisième République pour que soit  définitive la mise au pas des unités de mesure avec la loi du 20 juillet 1919.





Avant cette date, peu de traces d’une quelconque édition de billets factices scolaires si ce n’est ce billet à caractère éducatif de l’Ecole Supérieure de Jeunes Filles de Lille émis en 1874 dans le cadre d’un cours de commerce.

L’entre-deux guerres et l’apparition des méthodes pédagogiques nouvelles impulsées par les Instructions Officielles de 1923, virent apparaître un matériel nouveau, mis en avant par de nombreux éditeurs : les monnaies factices à caractère éducatif. Ce matériel de manipulation attrayant provoqua un engouement certain auprès des écolières et des écoliers : « Notre petit magasin à l’école, qui est populaire, est un exemple d’utilisation explicite et pratique des maths. Beaucoup d’élèves aiment bien être caissier mais pour cela, ils doivent être capables de rendre la monnaie et de faire les comptes. L’apprentissage plus formel des bases de calcul commence souvent là. » (Extrait d’un article de Matthew Gioia).


L’utilisation de la monnaie fictive sera désormais préconisée dans nombre de textes officiels et ce, jusqu’à nos jours : « Traiter des calculs relevant des quatre opérations, expliciter les procédures utilisées et comparer leur efficacité. Pour calculer, estimer ou vérifier un résultat, utiliser divers supports ou instruments : les doigts ou le corps, bouliers ou abaques, ficelle à nœuds, cailloux ou jetons, monnaie fictive, double règle graduée, calculette, etc. (..)  Résoudre des problèmes impliquant des longueurs, des masses, des contenances, des durées, des prix, (..) aborder les  principes d’utilisation de la monnaie (en euros et centimes d’euros). (..) le prix (en euros dès le CP, en euros et en centimes d’euros, en relation au CE1). » (Programmes de mathématiques 2016, cycle II). Durant une brève parenthèse dans les années 90, il sera conseillé dans les IUFM de faire manipuler de la « vraie » monnaie aux enfants plutôt que de la « fausse ». Vœu pieux s’il en est. Envisageable pour les centimes de francs, il l’était beaucoup moins pour les pièces et les billets en francs ! Pour que chacun manipule, le maître aurait dû apporter une petite fortune en classe…

Par ailleurs, comme toute chose en France, l’utilisation du graphisme et du dessin des billets à titre d’illustration fut strictement encadrée. Elle ne fut autorisée qu’à la condition que le public ne puisse pas la confondre avec les billets authentiques, une imitation trop ressemblante étant interdite par le code pénal (1).


La Caisse Ecolière, 1935 (collection musée)


La Caisse Ecolière
Cette petite mallette comporte des casiers pouvant contenir des pièces de monnaie en carton dans les premières éditions. Dans son couvercle figurent des emplacements pour les billets. Le modèle appartenant au musée est daté de 1935.


Source collection LM


Les billets présentés ne sont pas des recto-verso, une seule face présente l’apparence d’une monnaie mais la réglementation est rigoureusement respectée et les mentions légales apparaissent clairement :



Source multicollec.net


En 1939, la société PRIMA va proposer une série de billets à usage scolaire, imprimés une face eux aussi. Ils sont complétés en marge par une mise en garde légale de l’éditeur que le maître ne conserve généralement pas pour ne pas distraire l’attention de ses élèves (comme on peut le constater dans la première image de l'article : le billet de 50 francs est amputé de sa marge).



Collection musée


L’histoire du billet « Cérès et Mercure »

Un billet « Cérès et Mercure » de 1000 francs est présent dans la mallette du musée. Il est le parfait exemple de la prudence des autorités face aux fausses monnaies.


collection musée



Ce faux billet « Cérès et Mercure » est la copie d’une série des billets polychromes initiés, non sans difficultés, par la Banque de France dès la fin du xixe siècle.
Un nouvel exemplaire fut gravé en urgence afin de remplacer la coupure bicolore type 1889, objet d’une importante contrefaçon. Il fut émis au moment de la création, le 25 juin 1928, du Franc Poincaré (qui s'établissait à 1/5e du Franc germinal créé le 7 Germinal an XI-27 mars 1803). Il fut imprimé d'avril 1927 à juillet 1940 et retiré de la circulation et privé de son cours légal le 4 juin 1945 après 262 750 000 exemplaires émis (2).

La prolifération des billets à caractère éducatif

La société EDSCO éditera une série en 1945, toujours uniface, alors que plus tard, les billets seront recto-verso avec la même reproduction sur chaque face. Les plus célèbres sont le « Richelieu » et le « Bonaparte » :



Source lartdesgents.fr



Bientôt, la multiplication des éditions sera à son comble avec l’avènement du nouveau franc, le 27 décembre 1958. Dès lors, 1 nouveau franc vaudra 100 anciens francs. La mission de l’école est fondamentale dans la familiarisation des français avec ce changement complexe qui passe, dans un premier temps, par la surcharge des billets courants portant l’ancienne valeur par une valeur en nouveaux francs tamponnée en rouge. Ce ne sera qu’à partir du 4 janvier 1960 que les billets en nouveaux francs seront mis en circulation.




billet en anciens francs et billet avec la valeur en nouveaux francs surchargée en rouge (source ebay.fr)



A partir de cette date, l’éditeur ASCO sort une série de billets « pédagogiques » comportant au verso la dénomination en anciens francs  et au recto la dénomination en nouveaux francs.



Source ebay.fr


Outre la société Asco, bien d’autres éditeurs fournissaient les écoles en fausse monnaie, parmi eux : Armand Colin, Fernand Nathan, Celda.





Source cgb.fr


Ces fabricants ne manquèrent évidemment pas de reproduire les pièces en circulation, pièces non plus cartonnées mais en plastique bien sûr.




Série 1965, source fr.numista.com


L’arrivée de l’Euro

Désormais, la modernité s’impose et les billets sont réalisés sur papier plastifié. La société CELDA propose par exemple des billets conformes à la réglementation : un recto avec la marque et la mention SPECIMEN et un verso avec la mention  « Utilisation scolaire uniquement », le tout traduit dans les principales langues de l’Union Européenne originelle.



Source materiel-educatif.nathan.fr


La boucle est ainsi bouclée, partie de l’ancien franc et arrivée à l’euro. Le 31 décembre 2001 à minuit sont introduits officiellement les pièces et les billets d’euros dans les 12 pays de la zone : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Portugal. Le 1er janvier 2002 : l'euro est là. Notre caisse écolière devient un plateau numéraire dans lequel on trouve 15 compartiments comprenant 160 fausses pièces et 130 faux billets en euros « 290 pièces et billets pour réaliser de manière assez réaliste des manipulations et ainsi se familiariser avec la nouvelle monnaie : reconnaissance, jeu du rendu de monnaie, travail sur le calcul. Ce plateau géant propose une case pour chaque pièce et billet ce qui facilite l’utilisation. Matériel éducatif de belle qualité » (extrait d’un catalogue de fournitures scolaires). Une nouvelle fois, la mission est confiée à l’école. L’Histoire se répète !



Catalogue toutpourlejeu.com 2018


 (1) : Exemples de reproductions licites autorisées par la Banque Centrale :

- Reproduction d’une seule face du billet, à condition que la longueur et la largeur soient supérieures ou égales à 125 % ou inférieures ou égales à 75 % de celles d’un billet ;

- Reproduction recto‑verso, à condition que la longueur et la largeur soient supérieures ou égales à 200 % ou inférieures ou égales à 50 % de celles d’un billet ;

- Reproduction d’éléments graphiques du billet s’ils ne sont pas représentés sur un arrière‑plan ressemblant à un billet ;

- Reproduction d’une seule face représentant une partie du recto ou du verso d’un billet, à condition que cette partie soit inférieure à un tiers de la face représentée ;

- Reproduction sur un matériau nettement différent du papier ;

- Reproduction sur site internet avec la mention SPECIMEN et une résolution maximum de 72 points par pouce.

Cette liste n’est pas exhaustive. De nos jours, sur demande écrite, la Banque Centrale Européenne et les banques centrales nationales peuvent confirmer le caractère licite d’une reproduction. Si la reproduction est destinée à un usage uniquement sur le territoire français, les demandes doivent être adressées à la Banque de France. Dans le cas où la reproduction est destinée à un usage dans plus d’un État membre, ces demandes sont à adresser à la BCE. Afin d’assurer l’efficacité des règles de reproduction édictées par la BCE, les billets sont protégés au titre du droit d’auteur, dont la violation constitue un délit en France.

(2) : En 1926, un scandale de grande ampleur est déclenché par l’arrestation aux Pays-Bas de plusieurs personnes impliquées dans un trafic de faux billets de 1 000 francs français type 1889. Un montant de 10 millions de francs provenant de Hongrie est saisi. L’enquête de la Société des Nations montra que le gouvernement hongrois avait soutenu cette opération initiée trois ans auparavant. L’Allemagne et l’Autriche avaient également pris une part active dans la conspiration. Le mobile du crime était double : punir la France pour les pertes territoriales imposées lors du traité de Versailles en 1919 et promouvoir, grâce aux gains de l’opération, une idéologie militariste, visant la révision des frontières. Source :  L’affaire des faux billets français en Hongrie en 1925-1926 par Cécile Vrain, in La Faillite de la paix : le révisionnisme hongrois et ses conséquences (1918-1939), sous la direction de Jean Rohr et Bruno Hamard, Paris, Vécu contemporain, 1996. (Source wikipédia)


Tout savoir du nouveau franc à l'euro :

http://sceco.univ-poitiers.fr/hfranc/index.htm

P.P


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