Les
monnaies factices à caractère éducatif
L’apprentissage
de la monnaie à l’école
Par les décrets des 1er août 1793 et du 18
germinal An III, les nouvelles mesures du système métrique furent
adoptées :
« Art. 5. Les nouvelles mesures seront distinguées
dorénavant par le surnom de républicaines ; leur nomenclature est
définitivement adoptée comme il suit : (..) I'unité des monnaies prendra
le nom de franc, pour remplacer
celui de livre usité jusqu'aujourd'hui »
Il fallut malheureusement attendre la rationalisation
engagée par la Troisième République pour que soit définitive la mise au pas des unités de
mesure avec la loi du 20 juillet 1919.
Avant cette date, peu
de traces d’une quelconque édition de billets factices scolaires si ce n’est ce
billet à caractère éducatif de l’Ecole Supérieure de Jeunes Filles de Lille
émis en 1874 dans le cadre d’un cours de commerce.
L’entre-deux guerres et
l’apparition des méthodes pédagogiques nouvelles impulsées par les Instructions
Officielles de 1923, virent apparaître un matériel nouveau, mis en avant par de
nombreux éditeurs : les monnaies factices à caractère éducatif. Ce
matériel de manipulation attrayant provoqua un engouement certain auprès des
écolières et des écoliers : « Notre
petit magasin à l’école, qui est populaire, est un exemple d’utilisation
explicite et pratique des maths. Beaucoup d’élèves aiment bien être caissier
mais pour cela, ils doivent être capables de rendre la monnaie et de faire les
comptes. L’apprentissage plus formel des bases de calcul commence souvent
là. » (Extrait d’un article de Matthew Gioia).
L’utilisation de la monnaie
fictive sera désormais préconisée dans nombre de textes officiels et ce,
jusqu’à nos jours : « Traiter
des calculs relevant des quatre opérations, expliciter les procédures utilisées
et comparer leur efficacité. Pour calculer, estimer ou vérifier un résultat,
utiliser divers supports ou instruments : les doigts ou le corps, bouliers ou
abaques, ficelle à nœuds, cailloux ou jetons, monnaie fictive, double règle graduée, calculette, etc. (..)
Résoudre des problèmes impliquant des longueurs, des masses, des contenances,
des durées, des prix, (..) aborder
les principes d’utilisation de la
monnaie (en euros et centimes d’euros). (..) le prix (en euros dès le CP, en
euros et en centimes d’euros, en relation au CE1). » (Programmes de
mathématiques 2016, cycle II). Durant
une brève parenthèse dans les années 90, il sera conseillé dans les IUFM de
faire manipuler de la « vraie » monnaie aux enfants plutôt que de la
« fausse ». Vœu pieux s’il en est. Envisageable pour les centimes de
francs, il l’était beaucoup moins pour les pièces et les billets en
francs ! Pour que chacun manipule, le maître aurait dû apporter une petite
fortune en classe…
Par ailleurs, comme toute
chose en France, l’utilisation du graphisme et
du dessin des billets à titre d’illustration fut strictement encadrée. Elle ne
fut autorisée qu’à la condition que le public ne puisse pas la confondre avec
les billets authentiques, une imitation trop ressemblante étant interdite par
le code pénal (1).
La Caisse
Ecolière
Cette petite mallette
comporte des casiers pouvant contenir des pièces de monnaie en carton dans les
premières éditions. Dans son couvercle figurent des emplacements pour les
billets. Le modèle appartenant au musée est daté de 1935.
Les billets présentés ne
sont pas des recto-verso, une seule face présente l’apparence d’une monnaie
mais la réglementation est rigoureusement respectée et les mentions légales
apparaissent clairement :
En 1939, la société PRIMA va
proposer une série de billets à usage scolaire, imprimés une face eux aussi.
Ils sont complétés en marge par une mise en garde légale de l’éditeur que le
maître ne conserve généralement pas pour ne pas distraire l’attention de ses
élèves (comme on peut le constater dans la première image de l'article : le billet de 50 francs est amputé de sa marge).
L’histoire du billet « Cérès et Mercure »
Un billet « Cérès et Mercure » de 1000
francs est présent dans la mallette du musée. Il est le parfait exemple de la
prudence des autorités face aux fausses monnaies.
Ce faux billet « Cérès et Mercure » est la copie d’une
série des billets polychromes initiés, non sans difficultés, par la Banque de
France dès la fin du xixe siècle.
Un nouvel exemplaire fut gravé en urgence afin de remplacer la
coupure bicolore type 1889, objet d’une importante contrefaçon. Il fut émis au
moment de la création, le 25 juin 1928, du Franc Poincaré (qui
s'établissait à 1/5e du Franc germinal créé le 7 Germinal an XI-27
mars 1803). Il fut imprimé d'avril 1927 à juillet
1940 et retiré de la circulation et privé de son cours légal le 4 juin 1945 après 262 750 000 exemplaires émis (2).
La
prolifération des billets à caractère éducatif
La société EDSCO éditera une série en 1945, toujours uniface,
alors que plus tard, les billets seront recto-verso avec la même reproduction
sur chaque face. Les plus célèbres sont le « Richelieu » et le
« Bonaparte » :
Bientôt, la multiplication
des éditions sera à son comble avec l’avènement du nouveau franc, le 27
décembre 1958. Dès lors, 1 nouveau franc vaudra 100 anciens francs.
La mission de l’école est fondamentale dans la familiarisation des français
avec ce changement complexe qui passe, dans un premier temps, par la surcharge
des billets courants portant l’ancienne valeur par une valeur en nouveaux
francs tamponnée en rouge. Ce ne sera qu’à partir du 4 janvier 1960 que les
billets en nouveaux francs seront mis en circulation.
A partir de
cette date, l’éditeur ASCO sort une série de billets « pédagogiques »
comportant au verso la dénomination en anciens francs et au recto la dénomination en nouveaux francs.
Outre la société Asco, bien d’autres éditeurs
fournissaient les écoles en fausse monnaie, parmi eux : Armand Colin,
Fernand Nathan, Celda.
Ces fabricants ne manquèrent
évidemment pas de reproduire les pièces en circulation, pièces non plus
cartonnées mais en plastique bien sûr.
L’arrivée
de l’Euro
Désormais,
la modernité s’impose et les billets sont réalisés sur papier plastifié. La
société CELDA propose par exemple des billets conformes à la
réglementation : un recto avec la marque et la mention SPECIMEN et un verso avec la
mention « Utilisation scolaire uniquement », le tout traduit dans
les principales langues de l’Union Européenne originelle.
La boucle est ainsi bouclée,
partie de l’ancien franc et arrivée à l’euro. Le 31 décembre 2001 à minuit sont
introduits officiellement les pièces et les billets d’euros dans les 12 pays de
la zone : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Grèce,
Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Portugal. Le 1er janvier
2002 : l'euro est là. Notre caisse écolière devient
un plateau numéraire dans lequel on trouve 15 compartiments comprenant 160
fausses pièces et 130 faux billets en euros «
290 pièces et billets pour réaliser de manière assez réaliste des
manipulations et ainsi se familiariser avec la nouvelle monnaie :
reconnaissance, jeu du rendu de monnaie, travail sur le calcul. Ce plateau
géant propose une case pour chaque pièce et billet ce qui facilite
l’utilisation. Matériel éducatif de belle qualité » (extrait d’un
catalogue de fournitures scolaires). Une nouvelle fois, la mission est confiée
à l’école. L’Histoire se répète !
(1) :
Exemples de reproductions licites autorisées par la Banque Centrale :
- Reproduction d’une seule
face du billet, à condition que la longueur et la largeur soient supérieures ou
égales à 125 % ou inférieures ou égales à 75 % de celles d’un billet ;
- Reproduction recto‑verso,
à condition que la longueur et la largeur soient supérieures ou égales à 200 %
ou inférieures ou égales à 50 % de celles d’un billet ;
- Reproduction d’éléments
graphiques du billet s’ils ne sont pas représentés sur un arrière‑plan ressemblant
à un billet ;
- Reproduction d’une seule
face représentant une partie du recto ou du verso d’un billet, à condition que
cette partie soit inférieure à un tiers de la face représentée ;
- Reproduction sur un
matériau nettement différent du papier ;
- Reproduction sur site
internet avec la mention SPECIMEN et une résolution maximum de 72 points par
pouce.
Cette liste n’est pas
exhaustive. De nos jours, sur demande écrite, la Banque Centrale Européenne
et les banques centrales nationales peuvent confirmer le caractère licite d’une
reproduction. Si la
reproduction est destinée à un usage uniquement sur le territoire français, les
demandes doivent être adressées à la Banque de France. Dans le cas où la
reproduction est destinée à un usage dans plus d’un État membre, ces demandes
sont à adresser à la BCE. Afin d’assurer l’efficacité des règles de
reproduction édictées par la BCE, les billets sont protégés au titre du droit
d’auteur, dont la violation constitue un délit en France.
(2) : En
1926, un scandale de grande ampleur est déclenché par l’arrestation aux Pays-Bas de
plusieurs personnes impliquées dans un trafic de faux billets de
1 000 francs français type
1889. Un montant de 10 millions de francs provenant de Hongrie est saisi. L’enquête
de la Société des Nations montra que le
gouvernement hongrois avait soutenu cette opération initiée trois ans
auparavant. L’Allemagne et
l’Autriche avaient
également pris une part active dans la conspiration. Le mobile du crime était
double : punir la France pour les pertes territoriales imposées lors
du traité de Versailles en
1919 et promouvoir, grâce aux gains de l’opération, une idéologie militariste,
visant la révision des frontières. Source : L’affaire
des faux billets français en Hongrie en 1925-1926 par Cécile Vrain, in La
Faillite de la paix : le révisionnisme hongrois et ses conséquences
(1918-1939), sous la direction de Jean Rohr et Bruno Hamard, Paris, Vécu
contemporain, 1996. (Source wikipédia)
Tout savoir du nouveau franc à l'euro :
http://sceco.univ-poitiers.fr/hfranc/index.htm
P.P
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire