La Petite Maîtresse d'école

L’école au centre du jeu

Le jeu de la petite maîtresse d’école

De tout temps l’enfant a, dans ses jeux, imité les préoccupations des adultes. Avant la guerre de 14-18, ce coffret, très complet, permet à l’enfant une identification avec le « maître d’école ». Que contenait ce coffret ? Quels clichés véhiculait-il ? Une brève analyse de ce jeu n’est pas dénuée d’intérêt.

De prime abord, deux remarques s’imposent :

-       Ce jeu s’adresse à des petites filles, existait-il aussi une version masculine ? C’est peu probable, il y a déjà une forte tendance à la féminisation de la profession.

-       Ce jeu est l’indice que le métier d’instituteur est alors considéré comme valorisant. C’est encore le temps où, dans une France essentiellement rurale, entrer dans l’enseignement était une incontestable promotion, voire une réussite sociale pour les enfants issus  des basses couches de la société, réussite sinon financière, du moins sociale. Le « Maître d’école » était à cette époque un « notable » communal, d’autant qu’il exerçait souvent la fonction de secrétaire de mairie dans les villages.

Le jeu de La Petite Maîtresse d’Ecole est un jeu Mauclair-Dacier.  Lucien Mauclair, ancien employé de Watilliaux crée sa propre entreprise en 1887 (Charles WATILLIAUX, successeur de COQUERET , fut éditeur et fabricant de nombreux jeux de société et de jouets de 1874 à 1908). Cet éditeur et fabricant de jeux, sous l'appellation MAUCLAIR- DACIER, s'installera rue des Haudriettes à Paris ; il utilisera les initiales MD comme sigle. L'entreprise sera rachetée en 1904 par JJF (Jeux et Jouets Français). Maucler-Dacier fabriqua toutes sortes de jeux : ombres chinoises, loto animé, nain-jaune... Il inventa la spécialité "caisse-étrennes", boîte de jeux réunis contenant une foule de jeux variés attrayants. Les garçons n’étaient pas oubliés pour autant puisque leur étaient réservés les puzzles « La Vie Militaire », jeu en trois planches de 27 images.

Quant à lui, le coffret du jeu de la petite maîtresse d’Ecole, de dimensions 35x30x10 cm, contenait les trésors suivants :

1 alphabet

1 mini-boulier

1 mini- ardoise

Des bons-points

Des mini-cahiers d’écriture

Des mini-cahiers de dessin

Des mini-cahiers de brouillon

1 livret de notes

1 tableau d’honneur

1 prix d’honneur

1 croix d’honneur

Couvercle du coffret : une classe qui semble bien agitée !

Pauvre maîtresse ! Aussi jeune que ses élèves, ses pieds ne touchent pas le sol. Il s’agit bien là d’un jeu récréatif, c’est l’école « pour de faux » comme on disait à l’époque.

D’autres détails de l’affichette qui illustre le coffret paraissent pour le moins farfelus. Prenons la carte murale qui figure derrière la maîtresse en herbe : on peut y voir rassemblées pêle-mêle la France, l’Italie, l’Allemagne, l’Autriche dans un amas difforme avec une Manche, une Méditerranée et un Océan Pacifique qui se côtoient… 

Toutefois, l’humour n’est pas absent de l’image. Dans ce joyeux brouhaha, trône fixée au mur la Marianne chère aux Républicains et à la Troisième République. Juste au-dessous d’elle, un panneau rappelle, de manière incongrue dans le contexte ambiant, que le silence est de rigueur ici !

Que dire de l’ambiance générale de cette classe ? Peu studieuse en vérité, tous les clichés de l’élève dissipée y sont représentés : de la polissonne qui fait ses sottises en cachette à la malheureuse condamnée au bonnet d’âne, en passant par l’endormie dont on se demande bien comment elle a pu s’assoupir dans cette effervescence !

Malgré tout quelques fondamentaux résistent à la débandade : l’enseignement mutuel avec cette « bonne élève » qui prend en charge un groupe de camarades, leur expliquant une notion de calcul au tableau noir et ce panneau illustrant le compendium métrique obligatoire dans les écoles assez ressemblant à l’original.

Conclusion

Les fabriques industrielles de jeux étaient nées en cette fin de XIXème siècle et comme le déclarait Lucien Paul Maucler-Dacier dit « Mauclair » :  " L'extension constante et considérable de mes affaires, depuis dix ans, m'a obligé de monter, en outre de mes magasins de vente de la Rue des Haudriettes, une usine modèle, outillée et agencée avec les derniers perfectionnements, et installée spécialement et exclusivement pour la fabrication de tous mes articles. Cette usine est située à Paris, 148 avenue Daumesnil".

Prochain article : les billets de banque à caractère éducatif et les jeux éducatifs « financiers »

P.P