2018 : dernière année de Commémoration
Du Centenaire de la Grande Guerre
« Quand tu seras soldat !
Période 1870-1914 »
(Deuxième partie)
Au cours de cette dernière année et après trois
expositions labellisées, le musée de la Maison d’Ecole à Montceau se propose de
revenir sur la chronologie des évènements qui ont amené le premier conflit
mondial, à travers une série d’article qui paraîtront périodiquement jusqu’à
décembre 2018. En voici le second : « La préparation des esprits ».
Une
nouvelle tâche pour l’école : la préparation des esprits
Dès l’instauration de l’école de la Troisième
République, cette dernière participe à la diffusion du message patriotique, on
peut même dire, sans se tromper, qu’elle en est un des vecteurs principaux. On
est entré dans une période de certitude absolue, les trois axes autour desquels
l’école républicaine s’implante jusque dans les campagnes sont : la
centralisation, le rationalisme et le patriotisme.
L’école centralise : une même unité de
mesures dans le pays : le système décimal, une même langue : le
français (les patois et les langues locales seront durement réprimés), une même
morale : républicaine.
L’école est rationaliste : l’élève,
devant le maître sur son estrade, la discipline stricte préfigurent le citoyen
face au pouvoir.
L’école est patriotique : on enseigne
aux enfants, dès les plus petites classes, les idées qui feront d'eux,
lorsqu'ils seront adultes, des citoyens patriotes, des soldats prêts à se
dévouer « jusqu'au sacrifice suprême dans les luttes où pourraient être
engagés les intérêts de la Patrie, sa liberté, sa gloire »... notre
école « sa fonction est d’endoctriner l’enfant afin d’instaurer le
sentiment d’unité de la Nation »
Cette dernière caractéristique se retrouve à
travers presque toutes les matières. La lecture, le chant, l'histoire, le
français, l'instruction civique, la morale déclinent les grands principes
républicains que sont le respect de la loi, l'autorité, les institutions,
l'amour de la Patrie. C’est l’omniprésence des thèmes guerriers : « le
soldat défend quoi ? Le drapeau ! Il repousse qui ? L’ennemi ! »,
« Un conscrit de votre commune s’est coupé un doigt pour n’être pas
soldat. Racontez le fait à un ami ». Les récits patriotiques sur la
guerre de 70-71, les chants composés à cette période exaltent le courage, la
bravoure, le sens du devoir et entraînent ces jeunes enfants à devenir de bons
républicains au service de leur pays. Si on ne devait citer que deux exemples
parmi tous, ce serait, d’une part, la lecture qui fut orientée par l’ouvrage intitulé
« Le Tour de France par deux enfants », dont le sous-titre
est « Devoir et Patrie ». Tous les écoliers de France liront,
de 1877 à 1900 surtout, ce manuel de G. Bruno (pseudonyme d’Augustine Fouillé),
diffusé à 6 millions d’exemplaires (7.4 millions en 1914, 400 éditions dont la
dernière en 2012), qui raconte l’histoire de Julien et André Volden quittant
Phalsbourg occupée par les allemands au décès de leur père, à la recherche de
leur famille. Cette publication, vendue à plus de 8.4 millions d’exemplaires
depuis 1877, fixa dans l’esprit des jeunes écoliers les repères du sentiment
national et l’amour de la patrie. La Ligue de l’Enseignement prit
d’ailleurs pour devise : « Pour la Patrie, par le livre et par
l’épée ».
D’autre part, le deuxième exemple serait
l’enseignement d’une histoire événementielle reposant largement sur
l’inculcation des valeurs patriotiques à travers un récit ou roman national qui
célèbre les étapes importantes ayant fait de la France une grande puissance.
L’enseignement de l’histoire est clairement orienté vers l’objectif de façonner
l’état d’esprit de toute une génération, comme le montre l’article
« Histoire » du Dictionnaire pédagogique de Ferdinand Buisson.
Cette finalité de l’enseignement de l’histoire est mise en avant à travers cet
ouvrage de référence pour tous les instituteurs de l’époque et dans les écoles
normales qui accueillent un nombre croissant de futurs enseignants des écoles
primaires. Le nationalisme scolaire républicain est aussi véhiculé par
l’instruction civique qui réactive le souvenir de 1870. Ce nationalisme ouvert
fait de la France un modèle universel, le monde étant appelé à faire sienne la
devise de la République. Cette instrumentalisation de l’enfant continuera
durant le conflit 1914-1918. (7)
Parallèlement et en liaison avec les
questions militaires, Gambetta se préoccupe de développer la pratique de la
gymnastique dans le pays. Comme nous l’avons vu, des circulaires de 1871 et
1876 avaient déjà prescrit le maniement d’armes dans les lycées et les
collèges. L'idée de faire de l'école un centre de préparation et d'instruction
militaire où les élèves apprendraient le devoir, la discipline, le maniement
des armes, le tir, apparaît comme une des clés du redressement national et un
des moyens de préparer la revanche. Devant l'adhésion certaine à cette thèse
par toutes les couches de la population, s’étaient créées des sociétés de tir,
de gymnastique, de topographie visant à développer cette forme d'éducation.
En 1876, Duquesne avait fondé la société qui
devait devenir la Société nationale de tir des communes de France et d’Algérie.
Gambetta, Ferry et Simon étaient membres de son comité de propagande. Poussé
par ce mouvement qui se déploie en marge du contrôle de la République, mais qui
rencontre un large succès, le législateur rattrape le train en marche et
organise l'enseignement dans le sens d'une véritable politique de formation
militaire. C’est alors que la loi du 27 janvier 1880 (impulsée par Georges qui avait
présenté un projet dès 1879) rend obligatoire l'enseignement de la gymnastique
à l'école publique et que celle du 28
mars 1882 rend obligatoire les exercices militaires pour les garçons.
L’éducation militaire des tout jeunes garçons se fit donc au nom de la
gymnastique qui était encore loin de devenir la discipline sportive que nous
connaissons maintenant.
Un
exemple de dérive
La Ligue des Patriotes est fondée le 18 mai
1882 par Paul Déroulède (déjà cité), Armand Goupil et Henri Martin qui en sera
le premier président. Lors de sa fondation et durant les premières années, elle
est en phase avec la conception républicaine du patriotisme et elle compte dans
ses rangs d’illustres républicains à l’image de Ferdinand Buisson. Ses
objectifs initiaux sont de mobiliser la jeunesse autour de la Patrie. Elle
encourage la création de sociétés de tir et de gymnastique. Paul Déroulède
qualifie ces dernières « d’assurance contre les invasions ».
La Ligue organise à Paris en 1884, avec les sociétés de tir de France, le
premier concours national de tir.
Elle développe ses idées dans sa publication
« Le Drapeau », elle se définit ainsi : « La Ligue des
Patriotes a pour but la propagande et le développement de l’éducation
patriotique et militaire. C’est par le livre, le chant, le tir et la
gymnastique que cette éducation doit être donnée. Comme il importe que
tout patriote ait son nom inscrit à la Ligue, et puisse selon ses ressources,
collaborer à cette œuvre de relèvement national, les cotisations annuelles sont
reçues à partir de 25 centimes. Le montant des fonds sera affecté :
1 : A l'achat, la publication et à
l'envoi de recueils de chants et d'images patriotiques.
2 : A la subvention, création et
encouragement des sociétés de gymnastique, de tir, d'escrime et de topographie;
de sociétés chorales et philharmoniques; de sociétés de secours aux blessés en
campagne; de sociétés de lecture et récitation....
3 : A l'achat d'armes de tir et
d'appareils de gymnastique.
4 : A la fondation de conférences, de
lectures publiques et de cours gratuits.
5 : A l'organisation de fêtes
patriotiques.»
Un instituteur républicain passionné écrira,
à propos de ce journal : « Que c’est bien écrit !
Comme c’est patriotique ! Les gueux de Prussiens, comme ils instruisent
leurs enfants ! J’en ferai la lecture générale à toute la classe.
Espérons : la sagesse du gouvernement et de ses représentants saura
combler les lacunes ! ».
En 1882, dans un discours à Reims, Jules
FERRY, alors ministre de l’Instruction publique, parle, lui aussi, du désir de
revanche en déclarant : « L’instituteur prussien a fait la
victoire de sa patrie, l’instituteur de la République préparera la
revanche ». En exaltant le sentiment patriotique, l’instruction
publique avait posé les fondements de l’instruction militaire et cette tâche de
formation était confiée aux instituteurs laïques. Dans un même temps, Jules
Ferry fit distribuer dans les écoles publiques vingt mille exemplaires des
« Chants du soldat » de Paul Déroulède. Héros malheureux de la guerre
de 1870, Déroulède ne pense qu'à la revanche. Il publie en 1875 ses
"Chants du soldat", qui ont un succès considérable. Ce succès le
mènera à l’Assemblée Nationale, il sera député. Il tentera même de soulever
l'armée. Ce coup d'état manqué le conduira en exil en Espagne. Toujours est-il
que le clairon devient rapidement le symbole du courage et de la revanche,
cela, en grande partie à cause de la chanson de Paul Déroulède. On le
retrouvera, avec le tambour, dans les dotations des bataillons scolaires. Cette
chanson connut un succès qui nous laisse cois aujourd’hui... (8)
La Ligue des Patriotes a contribué pour une
bonne partie à la dotation d’armes aux bataillons scolaires. Par la suite, sa
ligne de pensée se radicalise et se confine à l’opposition aux institutions en
place et au régime.
Une
réaction pacifiste cependant
La fin du 19ième siècle avait vu
fleurir de nouveaux manuels scolaires et nombre de nouvelles revues
pédagogiques. Tous respiraient le plus vif amour pour la patrie. Mais le
Boulangisme, puis l’affaire Dreyfus et la longue réhabilitation de ce dernier
acquise en 1906, révélèrent alors l’existence d’une droite nationaliste qui
avait mis en l’armée tous ses espoirs secrets de reconquête politique de la
France. En réaction, une fraction de la gauche est séduite par l’humanisme et
le pacifisme. La Ligue de l’Enseignement renonce à sa devise : « Pour
la patrie, par le livre et par l’épée ». Les maximes patriotiques qui
ornaient les cahiers des écoliers tendent à disparaître. Malgré tout, la montée
des nationalismes, l’activisme des revanchards et l’assassinat du pacifiste
Jean Jaurès (31 juillet 1914) conduiront à la guerre.
Des voix s’étaient tout de même élevées,
minoritaires en cette IIIe République, pour fustiger l’instrumentalisation des
enfants dans les bataillons scolaires :
Ne jouez pas aux soldats (Paroles de Léo Lelièvre
Musique de P. Dalbret)
« Ne joue pas les soldats, mon cher
petit bonhomme,
Les sabres et les fusils ne sont pas des
jouets.
Plus tard, tu en auras quand tu seras un
homme
Je ne veux pas voir ces choses entre tes
doigts fluets
Ces joujoux, vois-tu, rappellent trop la
guerre
Les chagrins et les deuils que l’on voit ici-bas.
Ils ont trop fait pleurer le cœur des pauvres
mères
Dont les enfants sont morts en jouant aux
soldats.»
Le déclin de cette militarisation de la
jeunesse paraît lié à la crise du boulangisme et à son échec, mais pas seulement. Il apparaît peu à peu à
bon nombre, qu'initier les enfants à la vie militaire est absurde et que les astreindre
à une discipline rigide tendrait plutôt à les en dégoûter. On crie à la parodie
d'armée, à la pantalonnade. Du reste, l’armée, la vraie, rechigne elle aussi.
Les bataillons scolaires ont souvent des formateurs aux compétences
désastreuses. De plus, les municipalités qui les financent exhibent leur cher
bataillon à la moindre occasion, jusque dans les grandes célébrations
publiques, dans des défilés souvent bien désordonnés. On commence à trouver que
ces enfants costumés sont une bien pâle parodie d’armée. Dans un rapport au
conseil municipal de Paris, Blondel, accuse : « les régiments scolaires
sont une institution à la fois puérile et dangereuse, parce qu’en forçant
l’enfant à jouer au soldat, elle n’arrive qu’à former des automates au
prix de sacrifices relativement considérables. Dangereuse, parce qu’elle les
éloigne des exercices corporels propres à favoriser la croissance et à préparer
à l’armée des éléments forts et musclés ». Les parents se lassent de voir
leurs gamins jouer aux soldats. Le clergé, quant à lui, par nature antirépublicain,
montre son hostilité aux grandes célébrations publiques qui exhibent cette
jeunesse costumée et de fait ridiculisent l'armée. Il considère, en outre, que
l’activité des bataillons scolaires n’a pas d’autre ambition que de retenir les
enfants le dimanche et de rendre difficile leur instruction religieuse.
L’enthousiasme des instructeurs lui-même
décline et les organisateurs constatent que les enfants ne sont motivés que par
le prestige de l'uniforme et le goût de la parade. Cette formation est vite jugée
inefficace, car trop éloignée de l'âge de la conscription. On doute de la
valeur éducative de ces bataillons qui ne correspond plus à l'image que s'en
faisait leurs initiateurs. L'entretien coûte cher, que ce soit pour
l'établissement ou le plus souvent pour la municipalité, qui finance cet
enseignement patriotique. L’expérience prend officiellement fin en 1892.
L’activité physique s’orientera peu à peu vers la gymnastique et l’entretien
corporel.
(7) :
INRP-TDC : « Une culture scolaire de
guerre : De 1914 à 1918, l’école est l’un des vecteurs de la
culture de guerre qui fait de l’enfant un instrument de mobilisation
intellectuelle inédit en dispensant un code moral d’embrigadement systématique.
Le premier conflit mondial se pare dès l’origine d’une dimension idéologique et
éthique considérable, qui explique le recours à la thématique de l’enfant
héroïque, devenu malgré lui l’un des enjeux de la guerre. L’enfant ne peut être
tenu à l’écart d’événements d’une violence sans précédent, dont la portée
stimule l’implication totale de l’ensemble de la société. La démesure des
enjeux pouvait tout justifier, notamment ce qui peut choquer le plus
aujourd’hui : l’héroïsation outrancière des enfants, la mise en exergue de
leurs souffrances, de leur mort, l’exaltation de leur transformation en
combattants, au moins sur le plan symbolique.
Cet embrigadement repose souvent sur la diabolisation de l’adversaire, à peine tempérée par quelques références aux valeurs universelles dont serait porteuse la République française. L’invocation de celles-ci permet même de minimiser le chauvinisme haineux que peut véhiculer cet enseignement fortement empreint d’un nationalisme agressif. Le messianisme républicain, qui tend à faire de la France le phare de l’humanité, donne une force particulière à cette conception civilisatrice de la guerre. D’autre part, le souvenir traumatisant de la défaite de 1870 et la perception d’une menace immédiate pesant sur le territoire national, concrétisée par l’occupation du nord et de l’est du pays, expliquent la virulence du propos de l’inspecteur rédacteur de ce rapport, l’incertitude quant à l’issue du conflit persistant même dans sa phase finale.
Inciter à l’acceptation des privations provoquées par la guerre est une autre forme de cette culture scolaire de guerre. L’organisation d’un concours de dessins parmi les écoliers parisiens en 1917 en est un bon exemple. La lauréate, Camille Boutet, et ses condisciples expriment dans leurs réalisations iconographiques l’intériorisation, soulignée par le slogan à la première personne du pluriel, des contraintes du conflit par ces enfants qui doivent subir certaines privations alimentaires après trois longues années de guerre. L’utilisation d’une affiche réalisée par un enfant pour évoquer le consentement aux privations renforce l’impact du message alors que la lassitude gagne la population, les adultes étant invités à faire preuve du même civisme que ces élèves exemplaires des écoles communales parisiennes.
L’exploitation, dans la littérature enfantine scolaire ou parascolaire, d’histoires édifiantes, souvent basées sur des faits réels, pour mobiliser les enfants est courante. L’exemple de la « mort héroïque du petit Émile Desprès » est particulièrement révélateur des procédés utilisés pour susciter l’identification de l’enfant aux personnages directement impliqués dans le conflit. On pense bien sûr au précédent du tambour Joseph Bara sous la Révolution, cet aspect de la culture de guerre enfantine trouvant ses racines dans une ancienne tradition jacobine et révolutionnaire. Dans le cas du jeune Desprès, l’héroïsation de l’enfance, caractéristique d’une culture de guerre française à cette époque, a nécessité un travestissement de la réalité des faits. En effet, le mineur de Lourches exécuté le 25 août 1914 était un jeune homme de 18 ans qui s’appelait en fait Victor Dujardin, ce qui modifie sensiblement la représentation que l’on peut se faire des faits.
Il faut toutefois relativiser l’influence de cette culture de guerre auprès des élèves, l’historien devant toujours se poser la question de la réception par les contemporains des documents qu’il étudie. Par exemple, contrairement à ce que prévoyait la dernière vignette de l’image d’Épinal étudiée, le mythe d’Émile Desprès n’eut pas de postérité au-delà de la guerre. La culture de guerre dans sa version brutale s’essouffle, les textes insistant sur l’aspect douloureux du conflit se multiplient à la rentrée 1917-1918. D’ailleurs, les autorités réagissent et relancent l’effort de propagande à destination des écoles. Cela ne contredit pas toutefois l’ampleur de la participation de l’école, en France comme dans tous les pays impliqués, mais peut-être avec une efficacité redoublée par la forte appropriation par la population française de son école publique, à cette première mobilisation massive de l’enfance dans une entreprise guerrière.
Remords
et désenchantement patriotique :
La
présentation en 1920 de la Grande Guerre par Ernest Lavisse est une nouvelle
expression du nationalisme républicain des années 1880. Face à une Allemagne
dominatrice, la France aurait fait triompher ses valeurs universelles sans
volonté d’humilier le vaincu, alors que le traité de Versailles, ferment de la
prochaine déflagration mondiale, a imposé à l’Allemagne des conditions
draconiennes, justifiées par la responsabilité du conflit attribuée
unilatéralement au vaincu. Dans l’enthousiasme du retour de l’Alsace-Lorraine
dans le giron de la République française, l’école invite encore les élèves des
écoles primaires à adhérer au culte de la patrie. Cependant, si le patriotisme
défensif apparaît dans ce texte comme une caractéristique intemporelle du
nationalisme scolaire républicain, alors qu’il ne s’exprime pas d’une manière
aussi claire dans le texte de 1883, le traumatisme subi par la société
française change la tonalité du discours de l’« instituteur
national ». Le rejet de la guerre, que les élèves doivent désormais
détester, contraste avec la conception de l’enseignement de l’histoire défendue
par Lavisse dans la première édition du Dictionnaire pédagogique de Ferdinand
Buisson.
Le désir de développer l’enseignement de la paix agite l’école pendant les années 1920. Alors que Lavisse est mort en 1922, dès 1926, l’éditeur remplace son message final de 1920, qui évoquait « la juste revanche » de la France, par un paragraphe intitulé « Le mouvement pacifiste et ses résultats ». Dans un article de la Revue pédagogique de mars 1925, Paul Lapie, directeur de l’enseignement primaire, tire les leçons du conflit. Pour lui, la guerre de 1914, additionnée à l’exemple de la révolution russe, débouche sur la guerre civile car, avec la Grande Guerre, s’est ouvert un temps où règne l’esprit de violence qui permet d’engendrer le conflit des peuples contre eux-mêmes. Le « corps des éducateurs » doit combattre cet effet de la guerre qui a habitué « les hommes à la violence, a rétabli le prestige des doctrines de violence », terme générique qu’il applique alors surtout au communisme soviétique. Il appelle donc de ses vœux une « ère sans violence » grâce à l’éducation, alors que le processus de « brutalisation » du champ politique, particulièrement en Allemagne, constitue un contexte favorable à un nouveau conflit mondial. Au début des années 1930, alors que la crise économique mondiale commence à exacerber les tensions sociales et politiques nationales et internationales, la tonalité de l’enseignement primaire est très pacifique.
En se faisant le relais de l’idéal d’une paix
basée sur la sécurité collective, tel que la Société des Nations (SDN) le
définit, l’école primaire publique prend acte d’une certaine désacralisation de
la patrie dans une société traumatisée par la Grande Guerre et qui peine à
prendre la mesure des nouveaux périls. De la patrie, il n’est pas question
explicitement dans les programmes de 1938. Le mot est absent. Quant à la
France, si elle reste liée à l’enseignement de l’histoire au cours supérieur,
elle en est évacuée de la classe de fin d’études. C’est la première fois qu’un
programme d’histoire à l’école primaire n’est pas un programme d’histoire de
France. En ce sens, les programmes de 1938 rompent avec l’esprit et la lettre
de la loi de 1882 et du décret organique de 1887. La paix est une priorité
affichée, qui vient clore l’année scolaire sous la forme de la présentation de
la SDN. Cet idéal humaniste et pacifique est intégré dans les programmes, en
l’absence de toute référence à la patrie, ce qui, là aussi, est une rupture par
rapport aux instructions officielles de 1923. Mais, malgré tous les espoirs de
paix universelle, l’école est rattrapée par l’histoire sur le chemin d’une paix
qui se défait. »
(8) : « Le
Clairon » :
« L'air est pur,
la route est large
Le clairon sonne la charge
Les zouaves vont chantant
Et là-haut sur la colline
Dans la forêt qui domine
Le Prussien les attend
Le clairon est un vieux brave
Et lorsque la lutte est grave
C'est un rude compagnon
Il a vu maintes batailles
Et porte plus d'une entaille
Depuis les pieds jusqu'au front
C'est lui qui guide la fête
Jamais sa fière trompette
N'eut un accent plus vainqueur
Et de son souffle et de sa flamme
L'espérance vient à l'âme
Le courage monte au cœur
On grimpe on court on arrive
Et la fusillade est vive
Et les Prussiens sont adroits
Quand enfin le cri se jette:
"En marche ! A la baïonnette !"
Et l'on entre sous le bois.
A la première décharge
Le clairon sonnant la charge
Tombe frappé sans recours
Mais par un effort suprême
Menant le combat quand même
Le clairon sonne toujours
Et cependant le sang coule
Mais sa main qui le refoule
Suspend un instant la mort
Et de sa note affolée
Précipitant la mêlée
Le vieux clairon sonne encore.
Il est là, couché sur l'herbe
Dédaignant, blessé superbe,
Tout espoir et tout secours;
Et sur sa lèvre ensanglanté
Gardant sa trompette ardente
Il sonne, il sonne toujours.
Puis dans la forêt pressée
Voyant la charge lancée
Et les zouaves bondir
Alors le clairon s'arrête
Sa dernière tâche faite,
Il achève de mourir. »
Le clairon sonne la charge
Les zouaves vont chantant
Et là-haut sur la colline
Dans la forêt qui domine
Le Prussien les attend
Le clairon est un vieux brave
Et lorsque la lutte est grave
C'est un rude compagnon
Il a vu maintes batailles
Et porte plus d'une entaille
Depuis les pieds jusqu'au front
C'est lui qui guide la fête
Jamais sa fière trompette
N'eut un accent plus vainqueur
Et de son souffle et de sa flamme
L'espérance vient à l'âme
Le courage monte au cœur
On grimpe on court on arrive
Et la fusillade est vive
Et les Prussiens sont adroits
Quand enfin le cri se jette:
"En marche ! A la baïonnette !"
Et l'on entre sous le bois.
A la première décharge
Le clairon sonnant la charge
Tombe frappé sans recours
Mais par un effort suprême
Menant le combat quand même
Le clairon sonne toujours
Et cependant le sang coule
Mais sa main qui le refoule
Suspend un instant la mort
Et de sa note affolée
Précipitant la mêlée
Le vieux clairon sonne encore.
Il est là, couché sur l'herbe
Dédaignant, blessé superbe,
Tout espoir et tout secours;
Et sur sa lèvre ensanglanté
Gardant sa trompette ardente
Il sonne, il sonne toujours.
Puis dans la forêt pressée
Voyant la charge lancée
Et les zouaves bondir
Alors le clairon s'arrête
Sa dernière tâche faite,
Il achève de mourir. »
P.P
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