Regard
sur l’école sous Vichy
juin1940-septembre1945
Le maréchal PETAIN et l’école
Revenons sur cette période sombre, 78 ans après l’appel du Général de
Gaulle :
"Il faut que l'école s'emploie à former une jeunesse résolue, virile
et bien préparée à l'accomplissement de son devoir militaire (..) Cadres scolaires
et cadres militaires ont une mission commune : développer la valeur physique,
tremper les cœurs, forger les volontés."
A lire ces pensées du Maréchal Pétain,
on comprend mieux "l'œuvre scolaire" du Régime de Vichy. Il s'agit de
vérifier l'âme de la jeunesse, de cette jeunesse qui porte en elle toutes les promesses de l'avenir, de
l'éclairer sur ses devoirs nouveaux et de lui donner la force de les bien
remplir. Voici des titres officiels de
leçons auxquelles les programmes de 1941 font une place de choix : « La
volonté de servir », « La
communauté nationale », « Le loyalisme envers le Chef de
l'Etat », « La famille, assise de l'édifice social »,
« L'appel du héros et du saint », « La civilisation
chrétienne »...
La censure à l’école
Le 10 novembre 1940, "par
ordre des autorités occupantes, les ouvrages ci-dessous sont interdits à la
vente : Brossolette (Histoire, Cours Moyen), Besseige et Lyonnet (Histoire,
tous les cours), Lavisse (Histoire, tous les cours), Bernard et Redon
(Histoire, tous les cours), Pomot et Besseige (Histoire, tous les cours),
Gauthier Deschamps (Histoire, tous les cours), Dumas (Lecture, Cours Moyen et
Supérieur)." Cette purge ne se limite pas aux ouvrages scolaires mais
touche aussi les Bibliothèques Populaires.
Le 5 mars 1942, la Commission d'Etudes des questions de jeunesse se
réunit sous la présidence de Gilbert Gidel, Recteur délégué de l'Université de
Paris, pour réviser les manuels scolaires dans un sens "éducatif et
national".
La Maison d’Ecole occupée
De juin 1940 à février 1943, les deux groupes scolaires de
Montceau-Centre furent largement occupés par des "batteries" de
cavaliers.
Pendant trois ans, les institutrices et les instituteurs ont dû faire
classe dans des locaux de fortune, où ils connurent des conditions de travail
aussi variées qu'extravagantes.
Les congés annuels étaient suspendus et l'Inspecteur d'Académie rappelait
le 7 février 1940 "qu'en temps de guerre il n'y a pas de convenances
personnelles, mais seulement des convenances nationales et que tous les
fonctionnaires valides doivent assurer leur service sans interruption". Le
personnel primaire était invité à organiser des garderies partout où cela était
possible.
Annecdote
En 1941, sur ordre du commandant de la place de Toulon-sur-Arroux, le
maire invite la Directrice de l'école et ses élèves à commencer le ramassage
des doryphores le 19 juin au matin! Les paysans ayant refusé l'entrée de leurs
champs aux enfants, c'est sous la houlette d'une sentinelle allemande armée que
se fit la besogne...
Vers une nouvelle guerre scolaire
La guerre perdue, l’occupation du
territoire et la venue au pouvoir de forces réactionnaires ravivent la guerre
scolaire. Dès 1940, les écrivains catholiques affirment que si la France est
occupée par les nazis et les fascistes, c’est la faute à Voltaire, Rousseau et
à Emile Combes et sa « laïcité» :
« Ah, si on avait écouté l’Eglise (…) La franc-maçonnerie, à juste
titre est frappée. Mais dès le XVIIème siècle les Papes la condamnaient. Les
principes de 1789 et les théories sociales de Jean-Jacques Rousseau sont
rejetés. Mais le Saint-Père, dès leur apparition avait signalé tout ce qu’ils
contenaient de perfide et de périlleux. » Abbé Merklen, La Croix, 2
septembre 1941.
« Nous avons bien des choses à expier… une entreprise de
démoralisation officielle, de déchristianisation qui a atteint la vitalité de
notre patrie… Trop de blasphèmes et pas assez de prière… Tout cela devait se
payer un jour. L’heure est venue de racheter nos péchés dans nos larmes et dans
notre sang. » Chanoine Thellier de Poncheville, La Croix, 27 juin 1940.
Serge Jeanneret, instituteur de tendance nationaliste dénonce « la
culpabilité certaine des instituteurs français ». Au nom du C.A.D (Centre
d’Action et de Documentation), organe des groupements anti-juifs et antimaçonniques, Bertrand et Wacogne déclarent que l’école
laïque a « dénationalisé » les français, « elle devait en faire
des imbéciles, des ignorants, puis des vaincus ». Il faut donc à tout prix
empêcher ces mauvais esprits de sévir plus longtemps, la victoire allemande
donne l’occasion au Gouvernement de Vichy d’abolir les lois laïques. Il faut
« délaïciser » la France, l’action sera double : il y aura
l’aide à l’enseignement confessionnel et il y aura les attaques contre
l’enseignement laïque. On commencera par épurer l’Université, Langevin et
vingt-trois autres « personnalités » sont mises hors d’état de nuire,
c’est-à-dire d’enseigner.
On utilise les lois anti-israélites du 3 octobre 1940, du 3 avril, 11
avril et 2 juin 1941 pour continuer la purge dans les écoles. La loi du 13 août
1940 déclare tous les groupements maçonniques dissous de plein droit et
confisque leurs biens, elle est suivie le 30 avril 1941 par la note
« Darlan » qui précise la façon dont elle doit être appliquée au
personnel de l’Instruction publique, la loi du 11 août 1941 exclut
définitivement les israélites et les dignitaires maçonniques de la fonction
enseignante comme le fut Bergson qui avait « souillé la Sorbonne ».
Sur le terrain, le contenu des lois est relayé par l’administration
locale :
- Le 17 juillet 1940 : "Tout
fonctionnaire au service de l'Etat et de la justice peut être relevé de ses
fonctions par décret ministériel."
- Le 15 septembre 1940, chaque enseignant reçoit deux modèles de
déclarations par lesquelles il doit reconnaître sur l'honneur son appartenance
ou non à la Franc-maçonnerie.
- Le 16 juin 1942, une circulaire ministérielle relative au recensement
des Juifs est transmise par l'Inspecteur d'Académie Delrieu : "J'ai l'honneur de vous transmettre
ci-dessous les précisions données par M. le Commissaire général aux questions
juives sur la situation, au regard de la loi du 2 juin 1941, des
fonctionnaires, possédant des noms ou des prénoms à consonance hébraïque, ou
ayant des ascendants présumés israélites : ces faits constituent à l'égard des
intéressés des présomptions d'appartenance à la race juive suffisantes pour
qu'il soit dès lors légitime de leur demander d'apporter la preuve qu'ils ne
sont pas juifs au regard de la loi. En conséquence, ils doivent être invités
et, s'il est nécessaire, mis en demeure d'apporter ces preuves dans un délai
très court, et s'ils négligent ou s'ils refusent de se conformer à cette
invitation ou à cette mise en demeure, ils doivent être licenciés, sans
préjudice de toutes autres sanctions par eux encourues pour le cas où ils
auraient également omis de se faire recenser." (Bulletin de
l'Instruction primaire de Saône-et-Loire)
Quant à l'Inspecteur primaire de Montceau (M. Révillon de 1941 à 1944,
par intérim), il ne fit aucune allusion à cette circulaire lors de ses
conférences pédagogiques de 1941 à 1943 (cf. comptes rendus des conférences).
Beaucoup d'instituteurs et d'institutrices restèrent fidèles aux idées de paix
et de liberté que leur avait enseignées Jean Bouvet, professeur d'histoire aux
Ecoles Normales de Mâcon et assassiné chez lui en 1944 par la milice dite
française. Seize autres enseignants périrent en Saône-et-Loire, victimes des
persécutions allemandes.
Pour Vichy, les Ecoles Normales sont des « isoloirs
intellectuels » et la « malfaisance » de son « enseignement
moral de la sociologie » n’est plus à démontrer. La loi du 18 septembre
1940 scelle leur destin dans son article 1 : « Les Ecoles Normales primaires seront supprimées à partir du 8
octobre 1941 ». On balaye d’un revers de main toute l’œuvre accomplie
depuis le 9 Brumaire de l’an III, date du décret instituant la première Ecole
Normale.
La loi du 13 décembre 1940 supprime les délégués cantonaux (devenus de
nos jours les Délégués Départementaux de l’Education Nationale) qui étaient les
garants républicains de l’école. La loi du 15 octobre 1940 (article 8) déclare
dissous de plein droit le Syndicat national des Instituteurs, l’article 6
défend de le reconstituer sous peine d’une amende de 500 à 10 000 francs et
d’un emprisonnement de 6 mois à 5 ans. Une loi du 17 avril 1942 déclare
dissoute la Ligue Française de l’Enseignement créée par Jean Macé et qui est à
l’origine de maintes œuvres post et péri-scolaires venant en aide à l’école
publique qu’elle a, au demeurant, largement contribué à faire naître. On lui
reproche d’être « une puissante
organisation laïque qui exploitait les deniers publics, les locaux scolaires ou
les élèves au profit presque exclusif de la maçonnerie et de la politique
partisane, en combattant uniquement la religion ». Son siège de la rue
Récamier sera envahi par des « maréchalistes » violents qui
détruiront les archives et brûleront les meubles.
Reste, pour le régime, à trouver le moyen d’abolir le principe même de
laïcité. Impossible de fermer toutes les écoles publiques, l’enseignement privé
n’aurait ni assez de maîtres ni assez de locaux pour accueillir la population
d’âge scolaire. Par contre, on peut actionner le levier des programmes, Jacques Chevalier, secrétaire général de l’Instruction publique en 1940, reprend la thèse
selon laquelle « la notion divine
est la seule base possible à la morale ». En conséquence de quoi un
arrêté du 23 novembre 1940 prescrit aux instituteurs d’enseigner « les
devoirs envers dieu ». La loi du 1er janvier 1941 déclare que « L’instruction religieuse sera
comprise, à titre d’enseignement à option, dans les horaires scolaires ».
Le 27 janvier 1941, une circulaire de Chevalier fixe à 1 heure 30 par semaine
le temps d’enseignement religieux réparti chaque matin avant la classe et que « L’enseignement religieux sera donné
par les Ministres du culte de la commune où se trouve l’école ou par leurs
délégués ». Normalement, ces leçons devraient être données dans les
édifices cultuels, mais la circulaire ajoute qu’ « il serait excessif d’interdire absolument à l’enseignement
religieux l’accès des locaux scolaires »… Devant la résistance des
familles et du corps enseignant, le gouvernement fait marche arrière dans sa
loi du 10 mars 1941, l’instruction religieuse sera donnée hors de l’école mais
elle restera comprise dans les horaires scolaires et organisée par les
Inspecteurs d’Académie, ce qui constitue toujours une atteinte grave à la
laïcité. De plus, la pression des acteurs de l’école pousse le gouvernement à
supprimer des programmes « les devoirs envers Dieu » par une
circulaire du 10 mars 1941 mais ils seront promptement remplacés par « L’appel du héros et du saint. Les
valeurs spirituelles : la patrie, la civilisation chrétienne ». Ces
anti-laïcs, qui ne sont pas à un paradoxe près, « l’appel du héros »
est une formule de Bergson que leur législation raciste a mis hors la loi et
astreint à porter l’étoile jaune… Le « héros », quant à lui, est bien
évidemment le Maréchal Pétain, l’homme de Montoire, qui serra la main d’Hitler
engageant ainsi un « partenariat » avec le vainqueur. C’est aussi
Darnand, élevé aussi titre de « héros » pour l’organisation de la Milice
destinée à traquer les patriotes avec la Gestapo.
LA RESISTANCE S’ORGANISE
Ne pouvant exprimer librement
leurs idées, les « laïques » entrent en masse dans la résistance. Ils
multiplient les publications clandestines.
Dans l’ombre, la Ligue de l’Enseignement se reconstitue, le Syndicat
National des Instituteurs rentre dans la clandestinité, ses dirigeants s’organisent :
quand Lapierre est arrêté, Rollo le remplace, Rollo tombe, Senèze le remplace.
LE RETOUR DE L’ECOLE
PUBLIQUE
L’Insurrection Nationale éclate à l’été 1944 à la
suite du débarquement. Pétain est remplacé par le gouvernement insurrectionnel
que préside le Général de Gaulle. La législation scolaire de Vichy est, de
fait, balayée et les membres de l’enseignement révoqués ou suspendus comme
« juifs », « francs-maçons » ou « gaullistes »
sont réintégrés. Les délégués cantonaux sont rétablis et les Ecoles Normales
rouvrent leurs portes. La Fédération de l’Education Nationale et le Syndicat
National des Instituteurs reprennent leur place. La Confédération générale des
Œuvres Laïques occupe à nouveau son immeuble de la rue Récamier et, lors de son
premier congrès, elle reçoit la visite du Chef de l’Etat, le Général de Gaulle
qui conclut son discours en ces termes : « Honneur à la Ligue de l’Enseignement ! ».
Qu’en sera-t-il des avantages et subventions
accordés par Pétain à l’Ecole confessionnelle ? Les batailles politiques
qui suivront, montreront que l’Ecole publique ne sortira pas toujours
victorieuse des débats… Mais ceci est une autre histoire.
QUELQUES VISAGES DANS
LA TOURMENTE
Jean Bouvet :
Né à Velleron (Vaucluse) en 1892, il est mort le 28 juin 1944 à Mâcon.
Elève de l'Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud, ses études sont écourtées
par le conflit de 1914 auquel il participe dans l’Infanterie. Il sera blessé en
1916 à Verdun et sera replié à l’hôpital de Montceau-les-Mines. Il y
rencontrera son épouse, Marie-Antoinette Genevois (née en 1893 dans cette
ville) et s’y mariera.
En 1920, il est nommé professeur d'histoire à l'Ecole Normale de
Bonneville, puis aux Ecoles Normales de Mâcon en 1922, jusqu'à leur fermeture
par le Gouvernement de Vichy en 1941, date à laquelle il continuera d'enseigner
au Collège moderne de garçons (avec son ancien élève et collègue Marcel Vitte).
Il est secrétaire fédéral, en 1926, puis président en 1934, de la
Fédération départementale de la "Ligue des Droits de l'Homme". Il a
été lâchement assassiné par la Milice de Mâcon en 1944, à son domicile de la
rue Gambetta à Mâcon, ainsi que six autres personnes, en représailles à l’assassinat
de Philippe Henriot).
.
Pacifiste, humaniste, poète, ami de Jean Giono, il a marqué de sa
rayonnante personnalité des centaines d'institutrices et d'instituteurs de
Saône-et-Loire.
« Je
rêve un jour où l’homme
Toutes les
barrières abolies
Vers tous
les peuples du monde
S’en ira
libre et fraternel »
Jean Bouvet
Georges Lapierre :
Fondateur de "l'Ecole Libératrice", il mène dès 1940, avec
d'autres militants qui assurent les liaisons nécessaires, la reconstitution des
syndicats d'enseignants. Arrêté par les allemands, il mourra en déportation.
Joseph Rollo :
Il fut secrétaire général clandestin du Syndicat National des
Instituteurs. Arrêté par les allemands, il mourra en déportation.
Jean Zay :
Né à Orléans le 6 août 1904. Sa mère était institutrice et son père
rédacteur en chef du "Progrès du Loiret". Il fait de brillantes
études grâce à ses qualités littéraires certaines; bachelier en 1923, il écrit
en parallèle romans, contes et nouvelles. A 18 ans, il s'inscrit aux
"Jeunesses laïques et républicaines", il devient avocat, homme
politique radical socialiste puis député en 1932. C'est ainsi qu'il est nommé,
en 1936, Ministre de l'Education Nationale du Front Populaire. Il fera, entre
autre, voter la prolongation de la scolarité obligatoire jusqu'à 14 ans. Il fut
assassiné par des miliciens à Molles, dans l'Allier, en 1944.
Titus Bartoli :
Né en Corse en 1883.
Ancien combattant, médaillé de la croix de guerre 1914-1918.
Instituteur à Digoin (Saône-et-Loire).
Il est arrêté pour diffusion de tracts le 21 juillet 1941.
Deux générations de résistants. Guy Môquet, 17 ans, Titus Bartoli, 58
ans. Deux hommes issus d’horizons différents mais que l’horreur de la guerre a
uni à jamais dans un destin tragique. En octobre 1941, à Digoin, dans la
zone occupée, un instituteur d’origine corse va voir sa vie basculer. Le
21 juillet, Titus Bartoli, militant syndicaliste et secrétaire local de la
section du Parti Communiste Français (PCF) jardine tranquillement lorsque les
troupes allemandes viennent l’arrêter. Ses activités de résistant vont le
conduire au peloton d’exécution.
Transféré provisoirement à la maison d’arrêt de Chalon-sur-Saône,
l’instituteur est finalement interné à Châteaubriant, en Loire-Atlantique, dans
le camp de Choisel avec une centaine d’hommes, d’autres résistants :
médecins, professeurs ou élus, la plupart sont membres du PCF.
Le 20 octobre 1941, Karl Hotz, lieutenant-colonel des troupes
d’occupation, avait été abattu à Nantes par un commando communiste. L’acte est
qualifié de terroriste par les autorités allemandes. Les nazis sont furieux. En
représailles, les allemands annoncent l’exécution immédiate d’une cinquantaine
d’otages. Deux jours plus tard, ils seront en fait 48 choisis à Châteaubriant,
Nantes et Paris.
Au camp de Choisel, 27 d’entre eux seront conduits à la carrière de la
Sablière pour y être fusillés. Tous refuseront d’avoir les yeux bandés et les
mains liées. Ils mourront en chantant la Marseillaise. Avant cela, Titus
Bartoli gravera ses dernières pensées sur un mur du camp : « Dans quelques
minutes peut-être, je ne serai plus. Je meurs avec courage, avec l’espoir que
mon idéal triomphera ».
Gaston Béchard :
Né à Aimargues, dans le Gard, le
21 mai 1900, engagé volontaire en 1918, il termina son service militaire en
1922. Nommé professeur adjoint de l’enseignement technique en octobre 1923, il
entra à L’école pratique, qui venait d’être créée dans le cadre de l’école
primaire supérieure de Montceau-les-Mines. Il se marie à Perrecy en 1924, avec
Jeanne Masquelet, fille de mineur. Son engagement social est immédiat, d’abord
élu au Syndicat de l’enseignement technique¹, il fut délégué aux congrès
nationaux de la CGT en 1933 et en 1936, avant d’être élu secrétaire
administratif de l’Union départementale CGT de Saône-et-Loire au congrès de
fusion tenu à Chalon-sur-Saône le 12 janvier 1936, et administrateur du journal
de l’UD Le Travailleur de Saône-et-Loire. Il adhéra au Comité de vigilance
des intellectuels antifascistes dès 1934. Entré à la Ligue des Droits de
l’Homme, il milita dans les rangs socialistes. A la création de l’hebdomadaire Front
ouvrier, il en fut l’administrateur et le rédacteur en chef.
Le 19 septembre 1936, Jean-Marie
Bailleau, ancien mineur, militant du mouvement coopératif, fut élu maire de
Montceau grâce au désistement communiste. Pierre-Fernand Mazuez et Gaston
Béchard furent respectivement les deuxième et troisième adjoints. Il fut alors trésorier
de la fédération départementale des élus socialistes. Démis de ses fonctions en
1941 par le gouvernement de Vichy, Gaston Béchard entra en résistance au sein du
Front national. Sans doute dénoncé, il fut arrêté chez lui par la Gestapo le 2
août 1944. Après être passé dans divers camps (Struthof, Dachau), il fut déporté
en Autriche, au camp de Mauthausen, puis au Kommando de Melk, il y mourut d’une
septicémie le 2 avril 1945, un mois avant la libération du camp. Lors du conseil
municipal de Montceau du 8 juin 1945, on donna son nom au square de « La
Sainte », en haut de l’actuelle rue Barbès, et, le 8 juillet 1946, au
collège moderne. Nulle trace de ces baptêmes ne subsiste…
¹ Membre de la commission administrative nationale de 1933
à 1937. Il présida les congrès régionaux de 1936, 1937 et 1938 de la 9e région,
les séances du 6 avril 1936, des 22 et 23 mars 1937, du 11 janvier 1938 et des
3 et 4 avril 1939 des congrès nationaux du SNET.
Messeau-Henriot Suzanne
Née à Sainte-Suzanne, à la limite du Territoire de Belfort, le 10 juin
1900, son enfance fut marquée par la Grande Guerre. Après des études à l’Ecole
Normale de Besançon, elle est nommée institutrice à Baume-les-Dames en 1919.
Elle entre rapidement dans le mouvement syndical et dans la politique. Ainsi, à
l’orée de 1925, elle est membre du Comité régional du Parti Communiste au sein
duquel elle rencontre Marcel Messeau, instituteur à Champagnat, membre du même
Comité.
Ils sont bientôt réunis par leur nomination à l’école de la Sablière à
Montceau jusqu’en 1939. Suivirent la mobilisation, la débâcle, l’Armistice et le retour de
Marcel. Rapidement, leur activisme aboutit à leur suspension puis à leur déplacement
d’office par les autorités de Vichy, à Argenteuil, dans l’Yonne. Malgré tout,
ils continuent d’aider la Résistance sur place et leur souvenir restera vif
longtemps là-bas.
Le couple revient à Montceau en 1945. Suzanne Messeau est nommée au Cours
Complémentaire de jeunes filles à l’Hôpital (devenu depuis le collège
Saint-Exupéry) et, continuant son activité politique, elle entre au Conseil
municipal de Montceau de 1947 à 1953, date à laquelle son état de santé lui
fait quitter le militantisme et l’enseignement. Le couple Messeau habite alors
à La Lande, près du groupe scolaire dont
Marcel est devenu le directeur.
Suzanne Messeau disparaît le 22 février 1987¹, douze ans après Marcel.
¹ Un hommage solennel lui fut rendu à l’occasion de
ses obsèques auxquelles participèrent de nombreux camarades et amis, hommage
qu’elle méritait et qui perpétua son souvenir.
Paul Dessolin :
Né le 31 décembre 1902 à Montceau, issu d’une
famille de mineurs du Bois-Roulot dont le père fut renvoyé après les grèves de
1901, Paul Dessolin fait ses études à l’Ecole Normale de Mâcon et suit la
formation d’officier de réserve. En 1930, il est secrétaire du RCM (Rugby Club
Montcellien) et occupe un poste d’instituteur à l’école Jean Jaurès. Il est mobilisé
le 2 septembre 1939 au grade de capitaine. Dès 1941, il fait partie du premier
groupe de résistants de Montceau avant de rejoindre le Front National¹ en 1942
et prend le nom de « Pietro ».
Instituteur républicain de tendance socialiste, ses
compétences militaires l’amènent aux responsabilités départementales de la
branche militaire, les FTP (Francs-Tireurs et Partisans). Il fut commandant FTP
du groupe ville de Montceau. Il fédérera aussi les instituteurs résistants parmi
lesquels on comptera Germaine Thomas à Toulon ou encore André Colin à Dettey,
compagnon de chasse de toujours. C’est du reste dans le Morvan qu’il se réfugia
après les rafles du 21 et 22 février 1944 auxquelles il échappa.
En juillet 1944, le parti communiste reprenant le
contrôle direct des FTP, Paul Dessolin perd son commandement et devient le chef
6ème bataillon du maquis Valmy. Après la guerre, il ne réintègre pas
l’Education Nationale mais épouse la carrière militaire. Il contractera une grave maladie lors de la
campagne d’Indochine et mourra à Montceau en novembre 1953.
¹ Cette politique du « front national » était une
consigne de l’Internationale communiste dès 1941. Elle préconisait
l’unification de toutes les forces de la Résistance.
Sources : documentation Musée de la Maison
d’Ecole, « Maîtres et Maîtresse de Saône-et-Loire » (AAEENM),
témoignage de son fils Hervé, normalien.
Lucie Aubrac :
Née à Paris le 29 juin 1912, Issue d’une famille de
vignerons-cultivateurs pauvres de Saône-et-Loire installée à Paris depuis peu, Lucie
Bernard passe les premières années de sa vie dans le 14ème arrondissement.
Louis, son père, est mobilisé dès le début de la guerre de 14, il est blessé en
1915 et en reste partiellement invalide. Lucie est dès lors reconnue pupille de
la nation, ce qu’il lui ouvrira le droit à une bourse d’étude plus tard. En 1916,
Lucie et sa sœur sont de retour en Saône-et-Loire, chez leur grand-mère. En
1918, les parents de Lucie trouvent un emploi au château du Plessis à Blanzy,
lui comme jardinier, elle comme laitière chez le comte et la comtesse de
Barbentane. À partir de 1919, les parents Bernard louent une maison à
Montchevrier et Lucie fréquente l'école primaire de Blanzy, où elle passe son
certificat d'études en 1925, puis le cours complémentaire de filles de Montceau-les-Mines,
avant d’entrer à l'École normale des Batignolles où la famille est repartie. Elle
adhère aux Jeunesses Communiste en 1932 et épouse les idées antimilitaristes du
moment.
Après une licence ès Lettres, elle est agrégée
d’Histoire-Géographie (1938) et rencontre Raymond Samuel qu’elle épousera le 14
décembre 1939. En août 1940, elle organise l'évasion de Raymond, prisonnier de
guerre à Sarrebourg. Tous deux se réfugient à Lyon et consacrent alors toute
leur énergie à « La Dernière Colonne » ¹ : diffusion de tract,
sabotage, recrutement. Lucie aide au développement du groupe résistant
Libération et organisera les évasions de Raymond à deux nouvelles reprises.
Tout au long de sa vie, Lucie Aubrac poursuivra son
engagement politique et militant. Elle meurt le 14 mars 2007, ses obsèques ont
eu lieu aux Invalides où les Honneurs Militaires lui furent rendus. Les cendres
de Lucie Aubrac ont été transférées au cimetière de Salornay-sur-Guye, village
où naquit son père. Raymond l’y rejoignit en 2012.
¹ Organisation anti-nazie et anti-vichyste initiée par
Emmanuel d’Astier de la Vigerie, journaliste, qui créera le journal
Libération-Sud dans lequel écrirons « Catherine » (Lucie) et
« Aubrac » (Raymond).
Sources : documentation
Musée de la Maison d’Ecole, « Maîtres et Maîtresses de
Saône-et-Loire » (AAEENM).
Jean Damichel :
Né le 2 juillet 1908 à Allerey
(Saône-et-Loire), instituteur ; dirigeant communiste de Chalon-sur-Saône, il
fut fusillé comme otage le 15 décembre 1941 au Mont-Valérien. Jean-Marie
Damichel était fils d’un instituteur radical et libre-penseur : « mon père (décédé en 1933) était
instituteur ; ma mère est sans profession. Ma mère reçoit la demi-retraite
d’instituteur, elle touche en plus les revenus d’une ferme et d’environ 30 ha
de terre. Mon père appartenait au parti radical, il était lié à certains
politiciens radicaux (sénateur Borgeat) ou réactionnaires (baron de
Sainte-Suzanne) ; il était président de la section de Libre-pensée de
Chalon, membre de la Ligue des droits de l’Homme ; ma mère est
sympathisante à notre parti » (autobiographie de 1937).
Élève de l’École normale de Mâcon,
Jean-Marie Damichel appartint quelques mois à la Jeune République en 1927,
puis fut, l’année suivante, trésorier de la section de Mâcon de l’Union
générale des étudiants de l’enseignement. Il était abonné au journal
trotskiste La Vérité en 1931.
Le Parti communiste reçut son adhésion en janvier 1932. Secrétaire du rayon de Chalon (Saône-et-Loire) à partir de 1933, il entra au bureau régional en 1936. Instituteur à Chalon, secrétaire de l’Union locale de la CGT, il fut candidat du PCF dans la 2e circonscription de Chalon le 26 avril 1936 ; il recueillit 1 124 voix, soit 6 % des inscrits. Son autobiographie rédigée pour la commission des cadres le 31 juillet 1937 fut jugée sévèrement : classé B (ce qui signifait « ne pas lui donner de responsabilité ») avec la mention « à vérifier sur place ».
Le Parti communiste reçut son adhésion en janvier 1932. Secrétaire du rayon de Chalon (Saône-et-Loire) à partir de 1933, il entra au bureau régional en 1936. Instituteur à Chalon, secrétaire de l’Union locale de la CGT, il fut candidat du PCF dans la 2e circonscription de Chalon le 26 avril 1936 ; il recueillit 1 124 voix, soit 6 % des inscrits. Son autobiographie rédigée pour la commission des cadres le 31 juillet 1937 fut jugée sévèrement : classé B (ce qui signifait « ne pas lui donner de responsabilité ») avec la mention « à vérifier sur place ».
Instituteur à Verdun-sur-le-Doubs, puis à Saint-Jean-des-Vignes, Jean-Marie Damichel, membre de la Fédération de l’enseignement, avait été élu membre du conseil syndical de la section départementale du Syndicat national, le 10 juillet 1938, avec 318 voix sur 363 votants. Il ne fut pas réélu en juillet 1939, n’ayant obtenu que 104 voix sur 473 votants.
Déplacé par le gouvernement de Vichy à Cressy-sur-Saône (Saône-et-Loire), membre du Front national, arrêté par la Gestapo le 27 juin 1941, emprisonné à Chalon, à Romainville puis à Compiègne, il a été fusillé par les Allemands au Mont-Valérien, le 15 décembre 1941 comme otage, en représailles aux attentats des 28 novembre 1941 et 7 décembre 1941 à Paris et en région parisienne.
Marié en janvier 1938 à Chalon, il était père d’une fille.
Source :
maitron-fusilles-40-44.univ-paris1.fr
P.P
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire