2018 : dernière année de
Commémoration
Du Centenaire de la Grande Guerre
« Défendre
la Patrie : période 1914 - 1918»
(Première
partie : L’école mobilisée)
Introduction
La Grande Guerre est une guerre de position, une
infime partie du territoire est touchée par les combats. Ce n’est donc qu’à
travers la propagande que les informations circulent, y compris dans l’école.
L’image de l’Allemand est marquée par la sournoiserie, la cruauté, la brutalité
(ne coupe-t-il pas les mains des petits enfants ?) et donc, par lien de
cause à effet, les écoliers sont prêts à idolâtrer les « poilus ».
Ils vivent au rythme des campagnes et des batailles. Les communiqués officiels
sont commentés en classe, ils dessinent des cartes du front, les maximes de
morales et les pages d’écriture sont empruntent du patriotisme qui doit
mobiliser leurs jeunes esprits. L’école ne fait que relayer le discours
officiel : sur le front, les poilus accomplissent le devoir de citoyens-soldats
tant préparé dans leur jeunesse, mais ils protègent aussi leurs enfants de la
barbarie allemande en se sacrifiant pour empêcher la réédition du désastre de
1871.
Du reste,
loin du front, l’absence durable ou définitive du père et des autres hommes de
la famille est bien la première manifestation de l’état de guerre et
transparaît nettement dans les rédactions de l’époque : le retour des
mutilés, les réfugiés, les lettres des soldats. Malgré tout, comme c’était déjà
le cas avant la guerre, les traces écrites sur le thème de la guerre laissées
par les écoliers dans leurs cahiers sont bien moins virulentes que la teneur
des manuels scolaires ou encore de la littérature enfantine de l’époque.
Les enfants ont-ils été tentés de
devenir de vrais poilus ? Rares sont les cas d’adolescents ayant réussi à
s’engager avant l’âge et les histoires qui circulent à ce sujet relèvent pour
la plupart de la légende. Elles sont souvent empruntées au conflit de 1870 (à
l’exemple de l’histoire du jeune Emile Desprès) et remises au goût du jour. La mobilisation de
l’écolier prend d’autres formes, il est l’intermédiaire idéal pour atteindre
les familles, notamment en ce qui concerne les multiples emprunts de guerre ou
autres actions en faveur des soldats, il faut soutenir aussi le moral des troupes :
en adoptant un filleul, en correspondant avec le front, en tricotant des habits
chauds…
Du côté des enseignants, la
mobilisation vide les écoles de ses maîtres et 22 % des instituteurs mobilisés
perdront la vie dans le conflit à l’image des 129 instituteurs de mâcon morts
pour la France.
L’école mobilisée
L’aboutissement :
Dès la création de l’école en
tant que service public, on compte sur elle pour faire progresser le sentiment
national par le développement du patriotisme, seule grande force unificatrice
susceptible de dépasser les oppositions idéologiques et sociales. Dans la France républicaine, l’armée, c’est
la nation. Comme l’écrivent dans leur Histoire
de la guerre de 1870-1871 les écrivains républicains Paul et Victor
Margueritte, dont le père général est mort à Sedan : « Plus la
nation sera grande, plus elle aura la religion de ses devoirs et plus l’armée
sera forte ». L’exaltation
militaire compte peu en comparaison de la mise en œuvre générale des objectifs
républicains dans le cadre de l’école et à travers les manuels scolaires,
priorité absolue : « Pour
que les citoyens, les soldats de demain, se souviennent, pour qu’ils prévoient,
il faut que les enfants aient appris ».
N’oublions pas que L’école républicaine s’installe après la défaite de 1870, la
Commune de Paris, et dans un climat de tensions fortes entre laïques et
catholiques.
Parallèlement, si la
« communale » a contribué largement à la formation d’une conscience
patriotique, elle a aussi, d’une manière diffuse, provoqué par l’accession au
savoir, le refus de certaines formes de militarisme. Les collèges de jésuites
sous l’Ancien Régime avaient pu produire des penseurs révolutionnaires, l’école
primaire, les écoles primaires supérieures et les écoles normales ont pu
produire à leur tour, des instituteurs pacifistes, qui furent malgré tout
d’ardents patriotes au lendemain de la déclaration de la Grande Guerre. Du
reste, plus de 22 % d’entre eux mourront au combat.
Dès lors, en même temps qu’il
décrypte les lettres, l’écolier s’imprègne, à son insu, de ces trois pôles de
la vie sociale que sont le travail, la famille et la patrie, bien avant que
Vichy n’en fasse sa devise. Avec ou sans Dieu, l’école fonctionne comme un
système de normalisation
socioculturelle. Je dois travailler, je dois aimer mes parents, je dois
défendre ma patrie… cette culpabilisation, héritée de 1870, intériorisée sur
les bancs de la communale, explique l’union sacrée d’août 1914.
Dès l’installation imprévue du
conflit dans la durée, en 1915, la conscience
des écoliers est brutalisée par les évocations de l’ennemi et des
combats, par la propagande et les maîtres, les enfants dessinent et
écrivent sur ce thème. Plus tard,
l’école se pliera au devoir de reconnaissance envers les combattants et aussi
au deuil collectif avec la loi du 24 octobre 1922 qui fixe les modalités de
commémoration du 11 novembre auxquelles les écoles sont associées. Cependant,
la grande majorité des maîtres du primaire s’emparent des instructions de 1923
puis de celles de 1938 pour donner une orientation pacifique à leur
enseignement. Si les enseignants en question refusent l’idée de fascisme et de
guerre, il est malheureusement d’autres voix qui s’élèveront dans leurs rangs
pour proposer, à l’instar du Maréchal Pétain en 1934, une éducation de la
jeunesse sur les modèles autoritaires de l’Allemagne ou de l’Italie.
Durant les décennies d’avant-guerre,
l’essentiel est cette « religion des devoirs » dont les livres de
lecture sont longtemps imprégnés, cette conscience de la grandeur de la nation
dont les livres d’histoire et de géographie portent témoignage. Certains
manuels sont réellement spécialisés, tout entiers consacrés à la Patrie comme
le Tu
seras soldat d’Ernest Lavisse ou comme Les enfants de Marcel de G. Bruno, moins connu que Le Tour de la France
par deux enfants.
On distinguera cependant une
opposition de ton entre ces deux ouvrages. Le premier fait l’apologie de la
défense de la Patrie et de ses territoires arrachés à la France, mais aussi de
la force de nos armées, du siège de Phalsbourg à la conquête de l’Algérie et du
Tonkin. Le second traite du même sujet mais sous le couvert d’un patriotisme
plus soucieux d’unité nationale que de combats. Les enfants semblent, dans leur
périple, oublier ou tourner le dos aux provinces perdues. Dans son analyse du livre, Mona Ozouf ne voit
nullement dans ce silence résignation ou indifférence, mais plutôt le souvenir
lancinant de l’humiliation subit : « Y penser toujours, n’en parler
jamais… »
La guerre de 1914 à 1918 vide les
écoles des instituteurs mobilisables. Ceux qui sont restés en poste et les
institutrices qui prennent en charge des classes de garçons relayent des
événements au fur et à mesure de leur déroulement : cartes géographiques
du front, chansons de Déroulède, dessins de soldats en uniforme, lettres aux
poilus font partie de la vie ordinaire des classes, d’une façon qu’on a
aujourd’hui peine à imaginer : on ne cherche pas, en tout cas, à préserver
les enfants de la réalité de la guerre, de ses souffrances et de ses deuils.
Une école traumatisée par la guerre :
Plusieurs rédactions d’écoliers
de notre collection témoignent de l’enracinement de la guerre dans le quotidien
de l’école. Parmi celles présentées dans l’exposition « Défendre la
Patrie, période 1914-1918 », une première témoigne de la rentrée des
classes en 1914, retardée au 3 octobre. Elle donne le ton des apprentissages
pour les quatre ans à venir. Elle laisse apparaître à la fin du texte, en
filigrane, les termes de la leçon qui a précédé l’écriture de ce texte :
Texte intégral :
« La
fin de septembre approche, rentrera-t-on cette année ? Pourquoi on se
pose cette question ? La rentrée est annoncée elle a lieu ? Dans
quelques conditions ? Pourquoi je me souviendrai toujours de la rentrée
1914 ?
La
fin de septembre approche et le 1ier Octobre nous dit : plus de
promenades plus de jeux et il nous dit à l’ouvrage.
Cette
année on se pose cette question rentrera-t-on cette année ? à cause de la
guerre. Notre maîtresse n’est pas encore venue mais la rentrée des classes est
annoncée. Chaque élève prépare ses livres et ses cahiers pour rentrer, mais il
y en a qui ne reviennent pas à cause que
leurs pères sont partis à la guerre pour repousser les ennemis de la France la
rentrée a lieu le 3 octobre et les élèves se réunissent en petits groupes et
s’adressent un petit bonjour.
Mais
bientôt la maîtresse fait former en rang ses élèves et au travail. Nous ne
sommes pas dans notre classe elle a été transformée en ambulance nous
sommes dans une salle de la mairie.
Je
me rappellerai toujours de la rentrée et de l’année 1914 parce qu’elle a été
faite pendant une guerre. Et que nos pères depuis longtemps sont partis pour
gagner l’Alsace et la Lorraine et qu’ils vont verser leur sang pour la
Patrie. »
Trois autres devoirs (de 1916 et 1917) traitent du soldat blessé de
retour du front. Le petit Eugène rapporte au style direct un récit qui part
sans doute d’un témoignage réel entendu à la veillée avec ses parents, mais
qu’il a dû retranscrire au passé simple pour respecter les normes scolaires (« nous
allâmes prendre part à la bataille de Charleroi, nous reculâmes ensuite jusqu’à
la Marne ») :
Texte intégral :
« Devoir
de Style du 4 novembre 1916
Canevas
– Vous avez rencontré un soldat blessé. Faites lui raconter son histoire au
régiment au combat à l’hôpital. Quels sentiments éprouvez-vous en
l’écoutant ?
« L’autre
jour un soldat blessé qui s’en allait en convalescence. C’est un homme de notre
commune ; il a environ 35 ans. Il m’invita ainsi que mes parents à venir
le voir une veillée. J’y consentis et mes parents de même.
Il nous fit le récit de
choses qu’il avait vu faire dans la guerre actuelle. Il nous raconta sa vie
guerrière depuis la mobilisation. Je suis parti le 3 août 1914 pour Dijon. Là
on m’a envoyé au magasin d’habillement où l’on m’équipa tout à neuf. Ensuite on
m’envoya au dépôt. Chaque jour on se disait (avec les autres compagnons) c’est
pour aujourd’hui. Le 12 août le capitaine annonça à la compagnie qu’elle devait
partir le jour même. Nous fûmes accompagnés à la gare par des fanfares. Nous
montâmes en chemin de fer dans des wagons à bestiaux où nous étions bien
serrés.
On
nous dirigea vers la Belgique où nous allâmes prendre part à la bataille de
Charleroi. Nous reculâmes ensuite jusqu’à la Marne puis la bataille gagnée à
notre avantage les Boches comme on dit vulgairement commencèrent à se terrer et
nous nous fîmes de même. C’est un éclat d’un de ces explosifs qui me blessa à
la jambe. dès que je pus être transportable, on m’envoya à l’hôpital. J’étais
soigné par des dames de la croix rouge.
Le
sentiment que m’inspirent ce récit est le sentiment de reconnaissance car c’est
pour nous que nos braves soldats se battent si courageusement et ils ne veulent
pas que les enfants aient le soucis de la guerre et veulent abattre l’aigle
germain. Ayons donc tous pour les soldats une profonde
reconnaissance. »
Hélène, quant à elle, se contente d’imaginer à partir des
clichés patriotiques lus entendus ou étudiés (« A la vue de ces pauvres
éclopés, ma pensée partait vers le champ de bataille d’Alsace »). Les
termes tragiques employés incitent à penser que la propagande avait envahi le
discours des enseignants tout autant que les informations distillées par la
presse ou les discours officiels :
Texte intégral :
« Mercredi
31 Octobre 1917
Description
d’une personne. Conseils : chercher à apercevoir en elle les traits les
plus saillant, les plus caractéristiques. Les présenter dans l’ordre où on les
aperçoit. – Réserver pour la fin ceux qui ne se révèlent qu’à un examen
minutieux. Décrire son allure et son attitude.
Correction
de la composition de rédaction.
Le
blessé de la guerre
Je
me promenais un après-midi sur le bord du canal, lorsqu’un groupe de soldats
blessés attira mon attention. Ils étaient tous sérieusement touchés, les
pauvres gars. Il y en avait, un surtout, la
tête empaquetée dans les pansements, le bras en écharpe, le pantalon épinglé
au-dessus du genou, qui attirait la pitié des passants. Sa figure maigre et
pâle, ses yeux ternes entourés d’un cercle rouge, montraient qu’il avait enduré
et beaucoup souffert. Il marchait péniblement, se traînant plutôt. C’était un
chasseur alpin. A la vue de ce pauvre éclopé, ma pensée partait vers le champ
de bataille d’Alsace. Je voyais le régiment de ce brave s’élancer à l’assaut
des forêts de sapins, des cols couverts de neige, des positions fortifiées. Je
voyais enfin ce brave soldat tomber pour la France, son devoir accompli. Je
voyais la nuit, sur le champ de bataille, j’entendais le râle des mourants, les
plaintes des blessés. Je me représentais les brancardiers héroïques faisant
leur lugubre besogne…
Allez ! Pauvres petits soldats du droit, le temps
les siècles n’effaceront pas votre souvenir glorieux et on dira :
« Pendant la Grande Guerre, les soldats français ont combattu vaillamment,
et, depuis la France en est fière. »
Dans un autre devoir, la même Hélène imagine, comme on lui demande, l’histoire
du soldat mutilé qui malgré sa jambe en moins « travaille courageusement
pour nourrir sa petite famille » et « aucun ne songe à se moquer de
son infirmité ». Le respect du soldat, même de retour à la vie civile,
même diminué, reste vif et est empreint de l’effort de l’arrière pour soutenir
sa famille (donc la France…) :
Texte intégral :
«
Mercredi 11 décembre 1917
Rédaction
Un
mutilé de la guerre est rentré dans ses foyers. Il s’est remis courageusement
au travail. Il gagne honorablement sa vie et ses voisins l’entourent de respect
et d’affection. Racontez cette histoire.
Développement
Un
de nos voisin, monsieur Pierre, mutilé de la guerre, est rentré dans ses
foyers. Pierre est jeune, il a environ trente ans ; c’est un homme
courageux et fort, mais il lui manque une jambe. Il était parti vif et alerte,
et il revient estropié. C’était un brave soldat ; il a été blessé en 1916
à l’attaque de la Somme et il a fallu lui enlever une jambe.
Avant la guerre, Pierre était maçon,
mais il est, maintenant, impossible qu’il fasse ce travail. Il est comptable
dans une usine. Il travaille courageusement pour nourrir sa petite famille.
Tout le jour il travaille, se fatigue
pour gagner sa vie. Le soir quand il revient il est las.
Aussi,
grâce à son travail, il peut subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille.
Tout le monde le respecte et l’aime. Les enfants le saluent respectueusement
quand il passe. Aucun ne songe à se moquer de son infirmité. Les voisins
l’aident toutes les fois qu’ils peuvent.
J’éprouve,
en face de ce brave Pierre, un sentiment d’affection, de respect,
d’admiration. »
Dans les trois cas qui viennent
d’être exposés, le devoir s’achève sur les sentiments de respect, d’admiration,
de reconnaissance que les enfants éprouvent à l’égard des soldats héroïques.
Trois autres sujets, plus proches de la « dissertation » que
de la rédaction, sont intéressants du fait même de leur difficulté, qui les met
presque hors de portée d’élèves du primaire : s’agit-il de sujets proposés
dans des revues pédagogiques ? Qui ont semblé possibles du fait de
lectures préparatoires que nous ignorons ? Ils infligent néanmoins des
préoccupations ou pour le moins des réflexions d’adultes (ou d’étudiants plus
âgés) à des écoliers encore trop jeunes pour en comprendre les enjeux. Quoi
qu’il en soit, dans l’un de ces sujets, il s’agit de dire si les Français sont
ou non trop oublieux du passé et « quels sont les enseignements de cette
guerre et les souvenirs personnels que vous vous efforcerez de garder présent
dans votre mémoire » (1917, anonyme) :
Texte intégral : Cahier de composition française, élève inconnu, 1917
(archive n° 65)
« On
reproche aux Français d’oublier trop vite les leçons du passé, les épreuves,
les souffrances et les deuils du présent : « L’herbe a-t-on dit,
pousse vite sur les tombes »
Ce
jugement sévère vous paraît-il justifié ? Quels sont les enseignements de
cette guerre et les souvenirs personnels que vous vous efforcerez de garder présents dans votre mémoire ?
Dites pourquoi.
Plan
I Ce jugement est sévère
II La gaieté native ; la bonne humeur,
le ressort précieux, qui nous permet de réagir, sont le fond du
caractère national.
III La France n’oublie pas ses morts, ses
malheurs, ses fautes, ses faits glorieux, les services qu’elle doit à des
nations alliées.
IV La France enseigne : l’horreur (traités)
des guerres injustes, le respect des traités, le respect de la civilisation du
droit des gens, la fierté pour les soldats, les marins, les civils.
V Les souvenirs servent à orienter notre
conduite, à être dignes de notre P(p)atrie, à
l’aider par la fidélité à nos devoirs.
Développement
Ce jugement sévère, quoique
malheureusement vrai quelquefois, est souvent, trop souvent exagéré ; mais
généralisé il peut s’appliquer à un grand nombre de Français, car le Français a
un caractère léger, insouciant et quand les choses sont passées elles se perdent
dans son souvenir. Mais il en reste encore une assez grande partie qui a un
caractère différent et qui fait équilibre à l’autre.
Le Français est l’amateur de la gaieté,
des plaisirs, des jeux, des divertissements et de la bonne humeur. Quand il est
accablé de souffrances et de douleur il a en quelque sorte un ressort qui lui
permet de réagir et de se surmonter. Voyons un exemple des plus nouveaux. En
1871, l’Allemagne avait, comme dit, abattu la France et elle la croyait, ainsi
que les autres nations d’Europe, incapable de réagir contre cette
défaite ; mais le ressort français s’étendit et elle se releva en quelques années et continua son œuvre de
prospérité et de civilisation au grand étonnement de ses ennemis.
La France n’oublie pas ses morts, pas
plus les héros du passé que ceux du présent ; elle n’oublie pas non plus
ses malheurs ; ses fautes et les faits glorieux qui ont formé cette belle
France qui jalouse tous les autres pays. Elle se souvient des bienfaits qu’on
lui a rendus des services qu’on lui a faits. Elle se rappellera des services
que lui ont rendus pendant cette guerre, la Belgique, l’Italie, l’Angleterre,
l’Amérique et quand l’occasion se présentera elle les leur rendra.
La France nous enseigne : l’horreur
des guerres injustes comme celle que nous subissons ; le respect des
contrats ; l’inviolabilité des traités la foi à la parole donnée - et
d’autres choses essentielles que les Allemands appelaient des chiffons de
papiers au début de la guerre –. Elle nous apprend à être fier de nos braves
soldats, couchés dans la tranchée, qui nous défendent, de nos marins qui
parcourent les mers pour nous ravitailler ; et des braves civils.
Tous les anciens souvenirs sont utiles
pour notre éducation : les uns servent à orienter
notre conduite ; les autres à être dignes de notre patrie et des
troisièmes enfin nous aident à la servir pour la fidélité à nos devoirs. »
Dans un autre, il faut donner le sens du mot « tenir »,
« tenir jusqu’au bout », « nos soldats tiendront », « pourvu
que les civils tiennent » et commenter ces paroles (1918). Le sujet a dû
être dicté oralement, puisque l’élève a mal interprété le nom du
« dessinateur Forain », écrivant le « sénateur
Forant » :
Texte intégral : Cahier de composition française, élève inconnu, 1918
(archive n° 65)
«
Composition française du 6 février 1918
Expliquez en lui donnant toute sa
valeur, le sens du mot : « Tenir » dans les expressions devenues
courantes : « Il faut tenir jusqu’au bout », « nos soldats
tiendront » ; « pourvu que les civils tiennent »
Plan
1ier
Quel est le sens de ce mot : « Tenir » ?
2ième
De quand date cette expression : « Il faut tenir jusqu’au
bout » ?
3ième
Celle-ci : « Nos soldats tiendrons » ?
4ième
Le sénateur Forant [dessinateur Forain] prononça ces paroles :
« Pourvu que les civils tiennent ».
Développement
Tenir ! c’est une belle parole qui
est sortie de la bouche de nos plus grands généraux. Tenir ! c’est
résister malgré la force. Tenir ! c’est encore ne pas lâcher prise à une
chose commencée.
« Tenir jusqu’au bout » est
une belle expression prononcée au début des hostilités, en 1914, au moment de
la bataille de la Marne, après l’invasion allemande, par le général Joffre,
devenu maréchal de France, à cause de son courage et de sa bravoure. La
bataille de la Marne a été comme vous le savez une terrible bataille qui décida
du sort d’un peuple, et dura près d’une semaine. Joffre avait fait le plan de
la bataille sur la Marne et c’est à cette occasion qu’il dit à nos
soldats : « ne dépassez pas la Marne et tenez jusqu’au bout »
Tenez jusqu’au bout, c’est-à-dire qu’il ne faut pas lâcher prise, coûte que
coûte ; ce qui veut encore dire : « qu’il faut se faire tuer
plutôt que céder un pouce de terrain ». Nos soldats exécutèrent ces paroles à la lettre, résistèrent malgré
la masse et finalement remportèrent la victoire qui sauva la France.
A ce même moment, pendant l’invasion, le
général Gallieni, après s’être ressaisit – parce que tout d’abord Gallieni,
Gouverneur de la Capitale, et le général Joffre avaient décidé de laisser Paris
ouvert, c’est-à-dire sans défense, aux
mains de l’ennemi, mais ayant vu les atrocités faites par les allemands ils
conclurent de défendre la Capitale – prononça ces héroïques paroles :
« Nos soldats tiendront. » En effet ils ont tenu après s’être
courageusement et bravement défendus. Ils ont bien tenu.
Le
sénateur Mr Foran a dit en parlant de la guerre, : « Pourvu que les
civils tiennent ». Les civils aussi bien que les soldats tiennent. Sauf
quelques exceptions qui ne trouvent rien de bon. Les civils comme les soldats sont calmes et résignés ;
ils supportent sans maugréer les quelques petites privations que leur impose le
gouvernement ; ils versent aussi leur argent pour la Défense Nationale,
car, eux-mêmes, savent qu’ils peuvent se rendre utiles pour hâter la victoire.
Le sénateur avait bien tort de dire : « Pourvu que le civils
tiennent. » Soldat du front, soldat de l’arrière, civils ont tenu,
tiennent et tiendront jusqu’à la victoire qui ne se fera peut-être pas beaucoup
attendre maintenant. En attendant… « Courage, patience et ténacité. »
Enfin, en partant de la métaphore
«le sillon est une tranchée »,
un troisième élève doit montrer que « celui qui laboure, sème, moissonne,
sert son pays comme le soldat et contribue à la victoire » (1918), sujet
qui a valu 1/10 à son auteur, malgré le plan fourni avec le sujet et un vibrant
hommage aux travailleurs de l’arrière (le paysan, l’ouvrier, le savant) dont
les femmes sont bizarrement exclues ! :
Texte intégral : Cahier
de devoirs Enseignement secondaire institution Saint-Joseph de Digne
(Basses-Alpes, Eugène L., cours complémentaire, 1918 (archive n° 66)
«Composition
française du 16-1-18
On
a dit : « Le sillon est une tranchée ». Montrez que celui qui
laboure, qui sème, qui moissonne, dans cette guerre plus que dans toutes autres
du passé, sert son pays comme le soldat, et comme lui contribue à la victoire (.)
Plan
1ier
Les besoins du soldat sont nombreux.
2ième
A l’automne, le paysan prépare bien son sol pour favoriser la récolte.
3ième
Il ensemence cette terre ameublie et recouvre la semence.
4ième
Il peine et sue pour recueillir sa précieuse moisson.
5ième
Le blé nourrit non seulement les soldats mais encore ceux qui pourvoient à
leurs besoins.
6ième
Les paysans défendent leur patrie aussi bien que les soldats et, à eux, honneur et gloire !
Développement
Les soldats qui luttent courageusement
dans les tranchées humides et froides depuis(bientôt) quarante mois ont besoin
d’être habillés, nourris, ravitaillés et armés. Tout cela leur est donné par le
travail du paysan et de l’ouvrier.
Regardez donc à l’automne le brave et
vaillant paysan qui, les mains sur les mancherons de sa charrue, tourne et
retourne le sol. Il détruit les mauvaises herbes, ameublit et prépare une bonne
place à la semence nouvelle.
Après le labour, il ensemence cette
bonne terre pensant au service qu’il rend à la société si point de gelées ou de mauvais temps ou d’orage
ne détruit pas sa récolte ; il travaille ainsi avec joie sans songer à la
peine qu’il subit. La semence répandue, il herse le terrain afin de la
préserver de la gelée, de favoriser la germination et empêcher les oiseaux
granivores de s’en emparer.
Voilà la moisson ; c’est là que le
paysan fait plus preuve de vaillance. Voyez-le sous l’ardent soleil d’août
moissonnant sa belle récolte, avec l’air content et le visage joyeux, car la
récolte est favorable. Il sue, il peine mais il oublie tout en voyant les
gerbes s’entasser sur le gerbier.
Le
paysan nourrit non seulement les soldats, mais encore les pauvres, les
ouvriers, qui sont enfermés jours et nuits dans une usine, les savants, qui
passent, toutes leurs journées pour découvrir des choses nouvelles et en un mot
le paysan est le bienfaiteur de l’humanité.
Les
paysans contribuent autant que les soldats à la victoire, et à eux honneur et
gloire. »
Enfin, la huitième et dernière
rédaction sélectionnée (école
privée Schneider) date de 1928. Elle prouve que le devoir de mémoire est encore
vivace et son occasion est la projection d’un film sur « Verdun, visions d’Histoire »
dont l’élève doit sélectionner une scène marquante (le fort de Douaumont),
avant de dire ses impressions ressenties devant la guerre et « ses
horreurs ». Même s’il faut toujours terminer sur les « sentiments
éprouvés à l’égard des soldats » (l’élève oublie de faire et n’a pas la
moyenne), le regard s’est déporté des témoignages isolés ou d’un imaginaire des
combats vers un récit historique du conflit : de quoi découvrir des « horreurs »
en effet, et donner des arguments au courant pacifiste d’après-guerre :
Texte intégral :
«Composition
française
Vous
avez vu représenté au cinématographe « Verdun, visions d’histoire ».
Décrivez la scène qui vous a le plus intéressée. Quelles impressions avez-vous
ressenties à ce spectacle. Dites ce que vous pensez de la guerre et de ses
horreurs et quels sentiments vous éprouvez pour les soldats de 1914-1918.
La
semaine dernière, vendredi, nous étions invités à aller voir « Verdun,
visions d’histoire, ce qui m’a fort intéressé. Les allemands après avoir vaincu
les Russes mirent toutes leurs troupes contre le front français. Le 21 février,
les armées du Kronprinz commençaient l’attaque furieuse au secteur de Verdun.
L’ennemi
voulait d’abord prendre Verdun puis forcer les troupes françaises et avoir la
route libre pour Paris.
Pour
prendre Verdun, les allemands devaient être maîtres de Douaumont et du fort de
Vaux.
L’ennemi
pénètre jusque dans le fort de Douaumont. La route de Verdun était ouverte. Le
général Pétain qui commandait nos troupes, résiste stoïquement sous le feu
infernal de l’ennemi. La lutte fut effroyable au Mort-homme à Douaumont et à
Vaux.
Enfin
les troupes des Généraux Nivelles et
Mangin résistèrent et enlevèrent d’un suprême
élan le fort de Douaumont qui sauva la France. Les soldats français
après de rudes offensives ennemies n’ont pas perdu courage, ils se sont animés
de patriotisme et d’héroïsme pour sauver leur patrie en danger.
Les
soldats ennemis, poussés par une seule pensée, dominer le monde, pillaient, tuaient tout sur leur
passage.
La
guerre est une horrible chose qui supprime beaucoup de vies humaines soit en
les tuant ou les asphyxiant dans leurs repères. La guerre ruine et pille tout
sur son passage.
Les
soldats se sont animés de courage en prononçant ces seuls mots : « Ils ne
passeront pas. »
P.P
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