2018 : dernière année de
Commémoration
Du Centenaire de la Grande Guerre
Au cours de cette dernière année
et après trois expositions labellisées, le musée de la Maison d’Ecole à
Montceau se propose de revenir sur la chronologie des évènements qui ont amené
le premier conflit mondial, à travers une série d’article qui paraîtront
périodiquement jusqu’à décembre 2018. En voici le quatrième : « Le
tir scolaire ».
« Quand
tu seras soldat ! Période 1870-1914 »
(Quatrième
partie)
Le tir scolaire
L’Arrêté
du 6 juillet 1882 organisait l’exécution des exercices de tir réservés aux
élèves de plus de 14 ans bien que les Ecoles Primaires Supérieures, les
collèges et les lycées aient déjà été doté de trois carabines avec leurs
munitions depuis fin 1881-début 1882 (lesquelles devaient être stockées dans la
gendarmerie ou dans la caserne de la localité la plus proche). Il s’agissait
d’exercer les jeunes gens au maniement de l’arme devant la cible, de surveiller
le pointage et d’enseigner les positions réglementaires. Au cours de l’année, les élèves pouvaient tirer
30 balles : 5 exercices de 6 balles. Toutes les précautions étaient prises
et il était recommandé aux généraux, commandant les subdivisions, de mettre, si
possible, les champs de tir à disposition. Pour
l’anecdote, lors de leur retrait définitif des écoles (après la Grande Guerre), ces armes furent cédées en grande partie aux
forains qui, jusque dans les années 1980, les utilisèrent dans leurs stands.
Les plus anciens d’entre nous auront un
souvenir ému de ces carabines de foire qui étaient alors chargées avec des
munitions « 6 mm Bosquette » et dont les hausses avaient quelque fois
été faussées pour éviter au badaut de faire mouche trop souvent !
Dès 1882, le tir se pratiqua dans les écoles
avec des armes de type « Flobert » comme le fusil système
« Gras », modèle 1874, plus petit que le fusil militaire
réglementaire, calibre 6 mm à douze mètres (longueur : 1.06 m et
poids : 2.700 kg), et du même fusil en calibre de 11 mm (longueur :
1.14 m et poids : 2.400 kg) munis de cartouches spéciales. Le modèle
« Gras » le plus répandu, est cependant le fusil de parade scolaire
factice « Lens P.D.C », longueur du canon : 71.5 cm, longueur
totale : 113 cm, fusil destiné aux bataillons.
Rapidement, le ministère de l’Instruction
publique met en place une commission chargée de l’application du tir scolaire,
elle a pour rôle de fixer des règles précises et d’« élaborer un
règlement de tir et faire choix de l’arme qui lui paraîtrait la plus propre à
être mise en usage dans les écoles. » Cette commission ouvre un
concours pour la fabrication d’une arme d’instruction ; sur dix modèles
proposés pour homologation, deux sont retenus conforme au fusil d’infanterie
modèle 1886, plus connu sous le nom de fusil Lebel en 8 mm : la carabine
dite « scolaire » toujours de type « Flobert »
et la carabine « La Française », calibre 6 mm, présentée par l’Union
des Sociétés de Tir de France (longueur : 1.07 m et poids : 2.100
kg).
Le « Chassepot »
servira à l’enseignement du tir dans les
sociétés. C’est la réduction réglementaire du fusil de guerre du même nom, au
calibre de 6 mm.
Certaines de ces armes sont équipées d’une
baïonnette identique à celle des fusils d’origine, mais de plus petite taille.
La lame est du type réglementaire, mais réduite en longueur et en épaisseur. On
a arrondi l’extrémité pour la rendre inoffensive. Le dos porte l’inscription
« L. Deny Paris ». Le fourreau est en tôle d’acier bronzé, à bouton
de suspension ovale.
En 1895, une instruction officielle « relative
aux exercices de tir à la carabine « Flobert » dans les écoles
communales » constitue un véritable traité du tir scolaire. Celui-ci
sert de guide aux instituteurs pour l’installation des stands, le choix des
armes, leur mécanisme et les règles à observer dans la pratique du tir. Un
"Manuel de Tir Scolaire" était encore en vigueur en 1924, date de sa
réédition.
Peu à peu, le tir est placé sous la direction
exclusive de l’instituteur et l’enseignement doit être donné dans les locaux scolaires. La plupart du temps,
les stands de tir sont aménagés dans les préaux des écoles ou dans un coin de
la cour d’une manière simple : un porte-cible installé à douze mètres et
au pas de tir une tablette. La partie théorique de la leçon concerne les armes,
la visée, la sécurité et les munitions, une leçon plus pratique concerne le
maniement des armes et les positions de tir ainsi que la préparation physique
du tireur, puis vient le tir pratique au stand. C’est dans les départements du
nord de la Loire et dans l’est de la France que le "Tir Scolaire" a
été le plus répandu. Certaines communes du département de l'Oise avaient encore
des écoles pratiquant le tir scolaire à la fin des années 1920, bien au-delà du
conflit qui justifiait son existence.
A partir de 1896, bien que les bataillons
scolaires aient disparu, un championnat annuel de tir scolaire des écoles
primaires, approuvé par le ministère de l’Instruction publique, est organisé
par l’Union des sociétés de Tir de France. Au niveau départemental, on en
retrouve toujours la trace en Saône-et-Loire durant les quatre années de la
Guerre 14-18 (Bulletins de l’Instruction), bien qu’à l’échelon national, il ait
dû être annulé en 1915. (12)
L’introduction du tir à l’école primaire
avait donné une impulsion à cette pratique et avait donné très vite naissance à
des sociétés de tir scolaire qui se joindront aux sociétés de tir adulte par la
suite. (13)
L’instruction et la préparation
militaire
L’émergence d'un enseignement des exercices
militaires aux civils est le pendant de l’élan patriotique qui anime la société
durant la période 1870-1914. Il sera véhiculé par les sociétés de gymnastique
ou de tir, comme le complément naturel des activités de ces organisations. Si
le fléchissement de l’engouement pour les bataillons scolaires est notoire,
surtout à partir de 1893, la société n’en reste pas moins attachée à son armée
et à ses valeurs. Ainsi donc, les bataillons d’antan auront donné naissance à
une autre forme de militarisme lié aux scolaires.
Des cours d'éducation militaire préparatoire
sont alors créés au profit des jeunes gens appelés à partir sous les drapeaux
au mois de novembre de chaque année. C’est la classe parisienne 1892 qui
sera la première à en bénéficier au
gymnase municipal de la rue d'Allemagne (cela ne s’invente pas…). Des brevets
d'instruction militaire sont délivrés. Pour les futurs conscrits, ces brevets
seront synonymes d'avantages lors du service actif parmi lesquels on peut noter
:
- Inscription au peloton d'instruction des
élèves caporaux.
- Exemption de certaines corvées.
- Permissions diverses.
- Inscription au livret individuel du soldat
des prix de tir et de gymnastique remportés dans les concours civils, avant l’incorporation.
- Facilité pour l'obtention des grades et des
récompenses de toute nature prévus par les règlements.
Les instructions ministérielles du 29 avril
1892, portant sur l'organisation et le fonctionnement des sociétés de tir et de
gymnastique, réglementent ces avantages:
"Article 2, § 12. Nota.- Nombre de
sociétés de tir et de gymnastique joignent à leur enseignement spécial celui
des exercices militaires. Lorsque des jeunes gens, à leur arrivée au corps,
présenteront un brevet d'instruction militaire délivré par une de ces sociétés,
leurs chefs directs pourront en tenir compte pour la désignation des élèves
caporaux."
"Article 7, § 17.- Les jeunes gens qui,
avant leur incorporation, auront pris part à des concours de tir ou de
gymnastique en France ou à l'Etranger, pourront se présenter au corps porteurs
des diplômes de tir ou de gymnastique qui auront pu leur être délivrés.
Mention sera faite de la délivrance de ces
diplômes sur le livret individuel."
Précédemment, le règlement du 1er mars 1888,
sur l'instruction du tir, précisait déjà :
"Article 155.-Les chefs de corps
accordent aux meilleurs tireurs toutes les faveurs compatibles avec l'intérêt
du service."
"Les tireurs de 1ère classe sont dispensés
des exercices de pointage sur chevalet."
Dès 1895 et en marge des sociétés de
gymnastique et de tir se sont formées des associations de jeunes ouvriers et
employés qui, chaque dimanche, apprennent à manier des armes, à marcher en rang
et à défiler. L'Union des Sociétés d'Instruction Militaire, fondée par Edmond Dolfus en 1898, va regrouper la plupart de ces
associations dans son giron. Chaque année, l'Union convie les parisiens à une
grande fête patriotique donnée aux Tuileries en présence du chef de l'Etat.
Certains militaires avaient affirmé
l’obligation de cette instruction pré-régimentaire, avant d’appliquer toute
réduction de la durée du service actif, malgré tout, ce dernier passera bientôt
de trois ans à deux ans avec la loi du 21 mars 1905, mais "le
législateur a senti que cette réduction du service militaire pouvait devenir
nuisible à la force de l'armée, néfaste à son instruction, et qu'elle rendrait,
en tous cas, plus difficile la préparation et la nomination aux grades
inférieurs de la troupe." Fort de ce constat, le gouvernement
proposera une série de lois institutionnalisant la préparation militaire en
contre partie :
- En 1903, en instaurant le Brevet d'Aptitude
Militaire qui confère à son possesseur la possibilité d'être nommé caporal ou
brigadier après quatre mois de service.
- En 1905, en décidant l'organisation
officielle de l'instruction militaire pour les jeunes gens de dix-sept à vingt
ans.
- En 1907, en
précisant (à la demande du Ministre de la guerre) les moyens à employer
pour l'instruction du tir dans les établissements scolaires du secondaire, les
lycées, les collèges et les écoles normales d'instituteurs. La préparation
militaire des jeunes est officielle.
Des sociétés de préparation se créent aux
côtés des sociétés d'instruction qui existaient déjà. Le 14 juin 1907, cette
nébuleuse fusionnera sous le nom de l'Union des Sociétés de Préparation
Militaire de France. A. Chéron en sera le
président.
En 1910, le Commandant Chapuis dote cette
institution d'un manuel spécifique, le manuel de la préparation militaire en
France.
Conclusion
On voit bien que la disparition des
bataillons scolaires n’a pas mis un terme à l’éducation militaire scolaire.
Sous la pression générale, par arrêté du 27 juillet 1893, le ministre R.
Poincaré appuyé par nombre de Républicains et de hauts fonctionnaires (Georges-Leygues,
Buisson entre autres), décide d’ajouter le tir à dix mètres à la carabine au
programme des exercices militaires pour les élèves âgés de plus de dix ans
du cours moyen et supérieur des écoles primaires publiques.
Cet
arrêté est édifiant à ce sujet et jette les bases d’une nouvelle
organisation : « Les instituteurs seront invités d'une façon
pressante à donner l'instruction du tir à courte distance dans leur école ; il
leur sera recommandé, s'ils n'ont déjà une organisation fonctionnant à leur
satisfaction, de procéder à la création de petites sociétés scolaires de tir et
d'y ajouter une section post-scolaire destinée à assurer la continuation des
exercices dans les sociétés jusqu'au service militaire et même après, s'il
convient. »
Le ministre de l’Instruction poursuit :
«J'insiste sur l'intérêt qu'il y aurait à faire de chaque société une société
communale conservant, au sortir de l'école, tous ses adhérents et assurant, à
l'aide des groupements post-scolaires tels que les associations d’anciens
élèves, la continuité de l'enseignement du tir pour tous les jeunes gens de la
commune jusqu'à leur arrivée au régiment. En habituant, dès les premières
années de classe, les enfants aux exercices de tir et en leur inspirant le
goût, il sera possible d'instituer dans les plus petites communes la
préparation au certificat d'aptitude militaire qui confère aux jeunes gens, au
régiment même, des avantages qui ne doivent pas être réservés uniquement aux
recrues des grandes villes.(..) J’estime que presque partout, à l'heure
actuelle, les instituteurs, dont la plupart ont passé par le régiment, sont
capables de donner l'enseignement élémentaire du tir ; mais je suis convaincu
que, s'ils avaient à cet égard quelque scrupule sur leur compétence, ils
trouveraient aisément, dans chaque localité, d'anciens sous-officiers, caporaux
ou soldats suffisamment instruits, très capables de donner à côté d'eux cet
enseignement, et qui seraient désignés, en ce qui concerne la section scolaire,
par l'instituteur, après agrément de l'inspecteur primaire. Mon administration
signalerait bien volontiers à M. le ministre de la guerre les services rendus
par ces instructeurs bénévoles. »
L’Etat,
qui avait mis fin le 31 décembre 1891 aux fonctions d’inspecteur général des
bataillons scolaires, se désintéresse discrètement des bataillons en question.
Plusieurs se transforment alors, hors de l’école qui les a vus naître, en
sociétés de gymnastique ou de tir, qui prennent le relais en admettant les jeunes
adultes et les filles. Libérées de l’emprise militaire, mais subventionnées par
le ministère de l’Intérieur, elles sont plus efficaces disait-on... Mais,
reliques des bataillons scolaires, les sociétés continueront à défiler dans nos
rues, en uniforme, au son d’une musique, derrière le drapeau tricolore et leurs
instructeurs, tantôt pour célébrer la prise de la Bastille, tantôt pour honorer
Jeanne-d’Arc !
Ces
sociétés de gymnastique vont à leur tour être confrontées à la concurrence des
premiers clubs sportifs, qui diffusent la pratique de l’athlétisme et des jeux.
Dès 1889, une Union des sociétés françaises de sports athlétiques avait vu le
jour. De même, au sein de l’enseignement, la gymnastique va devoir rivaliser
avec l’athlétisme et les jeux. Déjà une commission scolaire constituée en 1887
préconisait trois heures de jeux pour une demi-heure de gymnastique méthodique
à l’école primaire. Mais les programmes n’en furent pas modifiés pour autant.
La gymnastique, sa vocation militaire dissipée, aurait encore de belles années
devant elle, derrière les murs des écoles.
Voir l’article du blog : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2016/11/lactivite-physique.html#more
12) :
(13) : Les sociétés
civiles de tir :
On fait remonter la
création des sociétés civiles à 1866. En 1870, on en compte 37, en 1883, elles
sont 232, regroupées pour certaines sous l’égide de la Société Nationale de Tir
des Communes de France et d'Algérie, qui existait déjà sous la présidence de
Mac Mahon et la direction de A. Duquesne. Son siège était 16, rue de la
Sorbonne, (en 1888). Elle promouvait « la propagation du tir en
France ».
L’accroissement des effectifs
étant constant et l’élan soutenu par le patriotisme omniprésent, en 1885, le
Ministère de l'Intérieur, rédige une circulaire visant à encadrer les sociétés
de tir. Ces 524 sociétés étaient de trois types en 1885 :
- Des sociétés civiles de
tir, autorisées par le préfet (349).
- Des sociétés de tir de
l'armée territoriale constituées à l'initiative des chefs de corps et
autorisées par les autorités militaires (117).
- Des sociétés mixtes
comprenant des membres civils et des tireurs se réclamant de l'armée
territoriale (58).
Elles organisaient de
nombreux concours d'importance et de portée plus ou moins grande selon la
Société qui en prenait l’initiative. De très nombreux tireurs se pressaient pour participer et
essayer de remporter un diplôme de lauréat dans les disciplines
proposées, à des distances variables, pouvant aller de moins de 20 mètres à 200
ou 300 mètres.
Pour préparer ces grands
concours et bien figurer, on commença d’évoquer une préparation physique et
morale, voire "médicale", une sorte de dopage en quelque sorte afin
d’essayer, disait-on, « d'échapper aux phénomènes émotionnels » dus
au stress.
Pendant la Grande Guerre, l’Union des Société de
Tir tint à jour un Tableau d'Honneur de ses membres morts pour la Patrie. Il
fut plus ou moins bien renseigné suivant les Sociétés qui faisaient remonter
les renseignements.
P.P
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