Bouliers compteurs
Bouliers numérateurs ?
L’énigme
du boulier Montcellien
Qui
pourra donner l’explication ?
Le
boulier inventé par Marie Pape-Carpantier doit comporter à sa partie supérieure, 2 tringles
horizontales de 15 boules chacune. Le boulier que possède le musée comporte
bien 2 tringles, la première en haut, de 14 boules, la seconde en bas de 12
boules…
Il
y a deux hypothèses possibles :
- Notre boulier serait
antérieur à 1878, date d’une certaine normalisation dans ce type de matériel
pédagogique ???
- Notre boulier comprenait
bien à l’origine 2 fois 15 boules, mais dans ses tribulations, quelques boules
ont pu se dessécher, se fendre et tomber ??? On notera qu’il manque aussi
2 tringles coudées par rapport à la gravure originale (unités simples et centaines de millions). On en voit encore les
points d’insertion… ces outrages du temps viendraient-ils alors corroborer
cette deuxième hypothèse ?
Un
très vieil outil d’apprentissage
Dès la fin du Moyen Age, on
exerçait les enfants à « sommer avec
les jets » (jetons). Montaigne dit quelque part « Je ne sais compter ni à jet ni à plume ». (1)
Il paraît bien avéré pourtant que c’est de Russie que nous est venu, au début
du XIXème siècle, le type du boulier-compteur
– soit quelques tringles horizontales dans lesquelles sont enfilées des boules –
mais il ne peut guère servir qu’à apprendre aux enfants la série des dix
premiers nombres et surtout la numération décimale (système nouveau au XIXème
siècle puisque œuvre de la Révolution française).
En France, madame Marie
Pape-Carpantier (2) va inventer une construction ingénieuse qui réunit les
avantages d’une disposition double :
« Les
tiges du boulier-numérateur se recourbent à angle droit de manière à
présenter une partie verticale et une partie horizontale ; Il n’y a bien
entendu que 9 boules dans chaque tige, mais suivant qu’on veut figurer 1, 2, 3,
4 unités, on fait descendre dans la partie verticale 1, 2, 3, 4 boules en
laissant les autres en réserve dans la partie supérieure. De plus, ces boules
ne sont pas d’égale grosseur ; il a été impossible de leur donner la
progression des volumes qu’exigerait le système décimal ; mais c’est déjà
une très utile leçon de voir que les
unités sont plus petites que les dizaines, celles-ci plus petites que les
centaines, etc. Avec cet appareil, on fait des exercices de calcul par la vue
qui peuvent très bien embrasser les 4 règles. Le résultat le plus important est
d’habituer l’enfant à bien comprendre le sens et la nécessité du zéro, indiqué
par l’absence de boule dans la tringle représentant un certain ordre d’unités… »
D’autres bouliers furent
imaginés, mais ce qui importait, c’était de déterminer en quel sens et dans
quelle mesure leur emploi devait être approuvé.
Il rencontra des adversaires
sérieux dès le XIXème siècle :
« Le
boulier corrompt l’enseignement de l’arithmétique. La principale utilité de cet
enseignement est d’exercer de bonne heure, chez l’enfant, les facultés d’abstraction,
de lui apprendre à VOIR de tête, par les yeux de l’esprit. Lui mettre les choses
sous les yeux de la chair, c’est aller directement contre l’esprit de cet
enseignement. La nature a donné aux enfants dix doigts pour boulier ; au
lieu de leur en donner un second, il faut leur apprendre à se passer du
premier. » (M. Rambert, professeur à l’école
polytechnique de Zurich)
Il eut aussi ses défenseurs :
« En
montrant à l’enfant, en lui faisant voir les résultats d’une addition, d’une
soustraction, d’une multiplication, d’une division, le boulier diminue les
efforts et la fatigue des enfants ; mais par le témoignage de ses yeux, il
grave profondément dans son esprit et dans sa mémoire tous ces résultats qu’il
lui importe de conserver. Le boulier prépare, initie au calcul mental :
nous n’avons jamais pensé qu’il pût le remplacer ».(Journal
des Instituteurs, 1877, 1er semestre)
« On
veut que l’enfant s’accoutume à voir de tête, c’est très bien ; mais
encore faut-il qu'il ait appris d’abord à voir avec ses yeux. Avant l’abstrait,
le concret, avant la formule, l’image, avant l’idée pure, l’idée sensible :
c’est la loi générale de la saine pédagogie. » (Dictionnaire
de Pédagogie de Ferdinand Buisson (3), 1882, p. 271)
Le boulier tomba très
progressivement en désuétude dans le premier quart du XXème siècle, remplacé
dans les manipulations arithmétiques par les bûchettes (d’abord manufacturées
par les pères et les grands-pères, puis industrialisées) ou par les marrons et,
après la deuxième guerre mondiale et l’introduction de la « mathématique
nouvelle », par les blocs logiques.
(1) :
(2) : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2017/10/marie-pape-carpantier-pedagogue-et.html#more
(3) : Ferdinand Buisson
(1841-1932), Inspecteur général puis Directeur de l’enseignement primaire en
1879, fut le principal collaborateur de Jules Ferry dans l’élaboration des lois
qui fondèrent l’enseignement primaire public. Son influence contribua grandement
à fixer l’esprit de cet enseignement. Le Dictionnaire de Pédagogie (1882-1889
et 1911)dont il dirigea la publication précisait ses vues sur les méthodes à
appliquer.
P.P
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