Le
bureau du maître
La maxime du jour : « Obéir
aux lois »
A
l’intérieur d’une salle de classe, le symbole de l’Etat et de la rationalisation
est le bureau du maître, appelé chaire, derrière lequel on se tient le plus
souvent debout. Posé sur une estrade il exprime l'autorité magistrale, la
domination face à l'assemblée ordonnée des élèves. Ce meuble avec un écritoire
à battant incliné et des placards latéraux est parfaitement fonctionnel.
La chaire, puis le bureau et
enfin la table du maître : cette seule évolution du vocabulaire permet de
constater une évolution de la pratique éducative.
Jusqu’au
19ème siècle, la chaire, évidemment inspirée de celle
des collèges religieux, elle-même descendante des chaires de lecteur dans les
monastères, est un meuble étroit et haut, accessible par plusieurs
marches ; elle permet de dominer du regard et de la voix une assemblée
nombreuse d’écoliers ou d’étudiants, parfois disposés sur des gradins. Jouissant
d’une autorité sans conteste et faisant obéir d’un même mouvement tous les élèves,
le maître ou la maîtresse est « au-dessus ».
Parfois, dans certaines
chaires, un trou est aménagé afin d’y glisser une longue baguette de coudrier,
destinée soit à montrer les tableaux de lecture, soit à rappeler à l’attention
l’écolier distrait.
Au
début du 20ème siècle, le bureau du maître est
toujours sur une estrade, mais en général une seule marche y conduit. Ce bureau
à pupitre incliné, rapporté ou non, muni ou non de tablettes latérales pour y
déposer des livres, et d’une niche flanquée de deux placards, est le plus
souvent recouvert d’une austère peinture noire mate.
Seuls les encriers du
maître, en verre plus ou moins mouluré, destinés à l’encre noire (ou violette)
et à la traditionnelle encre rouge des corrections, y apportent une note de
fantaisie.
Parfois, dans les écoles de
filles, un petit vase en terre cuite ou en verre également, attend quelques
fleurs des champs qu’apportera une écolière admirative.
La maîtresse se rapproche
ainsi de ses élèves ; elle est plus à leur portée ; on vient plus
facilement près de l’estrade. Mais le travail est toujours guidé collectivement
et l’emplacement de son bureau commande la disposition des pupitres !
Après
la Seconde Guerre mondiale, dans certaines classes, le maître,
supprimant l’estrade, se trouvera au niveau ou au milieu de ses élèves. Sa
table sera un bureau plat, verni ou peint d’une couleur moins austère, à
piétement métallique bientôt et, grande nouveauté, non pas disposé sur le front
de la classe mais souvent dans un angle, dégageant ainsi les tableaux.
Ces derniers sont devenus verts pour une
meilleure lisibilité. Ils seront toujours soulignés d’une estrade mais qui,
cette fois, doit permettre aux enfants d’écrire au tableau aussi !
Certains maîtres
bouleversent également la sacro-sainte disposition des tables en trois ou
quatre rangées inamovibles, amorçant un travail par petits groupes, ou même un
travail entièrement individualisé dans des salles remodelées dans l’espace où
l’enfant peut se déplacer (presque) à sa guise. Parallèlement, la distance
entre l’enseignant et l’apprenant s’estompant, l’évolution de l’aménagement de
l’espace s’accompagnera d’une inéluctable évolution du statut du maître devant
ses élèves et probablement devant la société (1)…
(1) :
« L’école, la mairie et l’église.
En Petite Beauce, vers 1900. Les classes des garçons étaient tenues par les maîtres d'école, celles des filles par les maîtresses. L'opinion n'aurait jamais accepté qu'un homme enseignât à des fillettes, pas plus qu'une demoiselle apprît l'alphabet à des garçonnets.
La lourde
responsabilité de conduire les "grands" jusqu'au certificat d'études
incombait au directeur et à la directrice ; leurs adjoints torchaient les
"petits", les purgeaient enfin de leurs expressions patoisantes. Le directeur
faisait figure de notabilité dans les environs. Il était l'érudition
personnalisée, l'homme savant du village, la tête pensante de la commune après
le curé, bref le citoyen qui bénéficiait d'enviables vacances. Quand les
paysans s'échinaient en moissons, lui se reposait. Le savoir livresque lui
conférait le respect général. Tout comme son voisin le curé, dont il ne
partageait ni les idées politiques ni les certitudes religieuses, cela va sans
dire ! L’instituteur se doublait d'un agent électoral avant chaque consultation
du suffrage universel. En sa qualité de secrétaire de mairie, il conseillait
les paysans sur les démarches administratives à effectuer et rédigeait leurs
lettres importantes. Il assurait la direction de la succursale de la Caisse d'épargne
de Blois, où le dépôt maximal sur livret ne devait pas excéder 1500 francs. Le
cas échéant, il procédait à l'arpentage des parcelles litigieuses. Son salaire
annuel s'élevait à 1800 francs, plus une gratification de 300 francs pour le
secrétariat de mairie. D'ordinaire, à la campagne, le maître d'école était
également secrétaire de mairie. Il y avait des raisons à cela. D'une part, peu
de gens se sentaient capables de se dépatouiller des paperasses
administratives. De l'autre, un enseignant en primaire ne gagnait jamais des
mille et des cents, de sorte qu’un petit supplément financier lui procurait un
brin d’aisance.
L’instituteur et le curé.
À
l'époque, ce genre de scission se répétait partout.
Dans les années 1950, l'instituteur de Vouzon avait l'œil aussi mauvais que le pied : il voyait de travers les écoliers qui délaissaient la classe pour l'instruction religieuse, mais l'âge l'empêchait de courser le jeune prêtre dont il jugeait si néfastes les enseignements. Certains jours, n'y tenant plus, il se chaussait non de souliers comme l'accoutumée, mais de sabots. De la sorte, il pouvait en lancer un à la tête du cureton quand celui-ci, qui cherchait à rassembler ses catéchumènes, osait s’approcher trop de l’école.
Dans les années 1950, l'instituteur de Vouzon avait l'œil aussi mauvais que le pied : il voyait de travers les écoliers qui délaissaient la classe pour l'instruction religieuse, mais l'âge l'empêchait de courser le jeune prêtre dont il jugeait si néfastes les enseignements. Certains jours, n'y tenant plus, il se chaussait non de souliers comme l'accoutumée, mais de sabots. De la sorte, il pouvait en lancer un à la tête du cureton quand celui-ci, qui cherchait à rassembler ses catéchumènes, osait s’approcher trop de l’école.
Un homme à tout faire... Formation d'un instituteur en
1900.
L'instituteur
étudiera les règlements concernant la construction des bâtiments scolaires et
la confection du matériel destiné aux écoles, afin d'être en mesure de donner,
s'il y a lieu, son avis sur les projets qui se préparent sous ses yeux ; afin
surtout d'observer les règlements dont nous donnerons plus loin les
prescriptions essentielles. Il veillera au maintien des enfants, quand ils
lisent et écrivent. En hiver, la température des salles ne descendra pas
au-dessous de 10 degrés et ne s'élèvera pas au-dessus de 13 degrés. Il y aura
constamment de l'eau en évaporation sur les poêles. Des précautions seront
prises pour éviter des accidents auprès des poêles et des cheminées.
Les enfants ne porteront, dans la salle de classe, ni foulards, ni manteaux ; mais ils se couvriront au moment où ils quitteront la classe pour pénétrer dans l'air froid du dehors.
En été, la salle sera garantie contre la trop grande lumière par des rideaux foncés, et contre la chaleur excessive, par de fréquents arrosages. Les tables seront disposées de manière à faire tomber la lumière du côté gauche de l'élève. Le soir, la lumière sera abondante, mais la flamme ne frappera pas directement les yeux. Indépendamment de l'aération par des appareils spéciaux, on aura soin de tenir ouvertes les portes et les fenêtres des salles de classes pendant les récréations. La propreté des enfants sera l'objet constant de la surveillance du maître. Matin et soir on passera en revue leur toilette : mains, figure, cou, oreilles, etc. Il y aura de l'eau à proximité de l'école. On exigera que les cheveux soient taillés court. On obtiendra des parents, avec des précautions pour ne pas froisser leur amour-propre ou humilier leur pauvreté, que les vêtements soient propres et raccommodés. L'instituteur n'aura assurément pas à se substituer au médecin; mais il devra pouvoir remédier aux menus accidents; saignements de nez, coupures, foulures, brûlures, piqûres d'insectes, etc. En cas d'accidents graves, tels que fractures, hémorragies intenses, asphyxie, morsures dangereuses, etc., il devra savoir donner des soins intelligents, en attendant l'arrivée du médecin. Il est à désirer que chaque école soit pourvue d'une petite pharmacie, composée de remèdes connus, pouvant être administrés sans danger. L'instituteur saura également reconnaître les symptômes des maladies pernicieuses. Les enfants malades seront conduits dans leurs familles, accompagnés par un camarade ou une personne sûre. En cas de maladie contagieuse, ils ne rentreront à l'école qu'après guérison complète et certifiée. Donner de bonnes habitudes aux écoliers sous le rapport hygiénique, c'est beaucoup; mais l'instituteur peut faire plus encore : il pratiquera l'hygiène pour son compte, afin de prêcher l'exemple; de plus, il en fera l'objet de maints entretiens à l'école. Ces conseils, répétés dans les familles, produiront à la longue des résultats.
Les enfants ne porteront, dans la salle de classe, ni foulards, ni manteaux ; mais ils se couvriront au moment où ils quitteront la classe pour pénétrer dans l'air froid du dehors.
En été, la salle sera garantie contre la trop grande lumière par des rideaux foncés, et contre la chaleur excessive, par de fréquents arrosages. Les tables seront disposées de manière à faire tomber la lumière du côté gauche de l'élève. Le soir, la lumière sera abondante, mais la flamme ne frappera pas directement les yeux. Indépendamment de l'aération par des appareils spéciaux, on aura soin de tenir ouvertes les portes et les fenêtres des salles de classes pendant les récréations. La propreté des enfants sera l'objet constant de la surveillance du maître. Matin et soir on passera en revue leur toilette : mains, figure, cou, oreilles, etc. Il y aura de l'eau à proximité de l'école. On exigera que les cheveux soient taillés court. On obtiendra des parents, avec des précautions pour ne pas froisser leur amour-propre ou humilier leur pauvreté, que les vêtements soient propres et raccommodés. L'instituteur n'aura assurément pas à se substituer au médecin; mais il devra pouvoir remédier aux menus accidents; saignements de nez, coupures, foulures, brûlures, piqûres d'insectes, etc. En cas d'accidents graves, tels que fractures, hémorragies intenses, asphyxie, morsures dangereuses, etc., il devra savoir donner des soins intelligents, en attendant l'arrivée du médecin. Il est à désirer que chaque école soit pourvue d'une petite pharmacie, composée de remèdes connus, pouvant être administrés sans danger. L'instituteur saura également reconnaître les symptômes des maladies pernicieuses. Les enfants malades seront conduits dans leurs familles, accompagnés par un camarade ou une personne sûre. En cas de maladie contagieuse, ils ne rentreront à l'école qu'après guérison complète et certifiée. Donner de bonnes habitudes aux écoliers sous le rapport hygiénique, c'est beaucoup; mais l'instituteur peut faire plus encore : il pratiquera l'hygiène pour son compte, afin de prêcher l'exemple; de plus, il en fera l'objet de maints entretiens à l'école. Ces conseils, répétés dans les familles, produiront à la longue des résultats.
« Le
mauvais écolier, lisait-on sur les couvertures des cahiers scolaires, est
aussi un mauvais fils. Il sera un jour un mauvais apprenti et deviendra un
mauvais sujet. Pour sûr, il sera aussi un mauvais soldat et un mauvais citoyen. » in http://www.histoire-en-questions.fr
Tous mes vœux de très bonne année et de grands succès pour la Maison d'Ecole, son blog et son équipe. Ce que vous faites est magnifique!
RépondreSupprimerHugues de Varine
www.hugues-interactions.over-blog.com
www.hugues-devarine.eu