Le claquoir : un outil pédagogique ?
« Clac ! Clac ! Bras croisés ! »
En
cette fin de 19ème siècle, les écoliers marchent moins à la « baguette »
qu’au claquoir. Chacun attend le signal du maître pour exécuter un ordre. Quand
le bruit sec du claquoir retentit, on s’assoit, on se lève, on sort son cahier,
on lève son ardoise… en bref, on obéit.
On trouve déjà trace du claquoir dans les
écoles en 1846 (1). Inspiré de la « claquette du vicaire » en usage
dans les églises durant les offices ou de la « claquette des lépreux »
qui signalait leur présence, ce petit instrument (sous forme de deux
planchettes de bois reliées par une charnière) permettait de rythmer les
exercices d'ensemble : entrée et sortie du banc, debout, assis, etc.
Comme le disait vers 1900 une institutrice à
l'Inspecteur : "Il me permet de ménager mes poumons". Son
emploi était réglé par les instructions officielles qui le mentionnent au même
titre que le sifflet, au profit duquel il fut abandonné : "claquoir et
sifflet sont compris nécessairement dans le matériel d'enseignement de l'école
maternelle" (Loi du 16 juin 1881. Titre II, Article 27).
Pour le bon fonctionnement de la classe, une
discipline de fer doit donc régner. Un modèle plus imposant existait et devait
probablement servir lors des grandes assemblées ou des mouvements collectifs. Il
était, lui aussi, un héritage des religieux. Comme quoi, toute idée était bonne
à prendre.
L'élève devait avoir une bonne tenue en
général, bras croisés, il écoutait les leçons du maître. Pour chaque action,
chaque mouvement, des instructions précises lui étaient données et il se devait
de les respecter à la lettre au « claquement » du maître…
Tous les élèves sont face au bureau du
maître. Jusqu'au XIXème siècle, ce bureau est appelé la chaire et s'inspire des
collèges religieux dans lesquels les lectures pieuses se faisaient à partir
d'un meuble étroit et haut, accessible par une ou plusieurs marches.
L'assemblée des écoliers est ainsi dominée du regard et de la voix par
l'enseignant qui jouit alors d'une autorité sans conteste, se faisant obéir
d'un même mouvement par tous les élèves. Le claquoir servait aussi à rappeler à
l'attention l'écolier distrait.
Dès 1880, les méthodes appliquées dans les
salles d’asile sont fustigées par l’Inspectrice Générale Pauline Kergomard
elle-même : « La salle d’asile
dès le début encombrée par un trop grand nombre d’enfants les a enrégimentés ;
elle les a casernés par centaines dans d’immenses salles où les croisées s’arrêtaient
à deux mètres du sol comme dans une prison ; elle les a fait marcher tous
soudés les uns contre les autres par les épaules en longues chaînes (..) comme
des forçats ; elle les a alignés les uns contre les autres sur les marches
de gradins ou sur des bancs rivés au sol ; elle les a fait se lever tous
ensemble au claquoir ; elle les
a fait se moucher tous ensemble au
claquoir, elle les a fait compter, réciter, répondre tous ensemble et
toujours au claquoir. Privé de la
liberté de ses mouvements, l’enfant n’a plus eu à l’école, ni originalité, ni
personnalité ; chacun n’a plus été que l’un des anneaux de la chaîne ou l’un
des rouages de la machine inconsciente. » Pauline Kergomard, Les Ecoles Maternelles de 1837 jusqu’en
1910, aperçu rapide, Paris, Nathan, 1910.
Pauline Kergomard esquissera dès lors les
programmes d’une école « maternelle ». Ferdinand Buisson et Jules
Ferry transformeront enfin juridiquement les « maisons d’assistance »
qu’étaient les salles d’asile en « maisons scolaires ». Après la loi
du 16 juin 1881 déjà citée, le décret du 2 août 1881 (2) remplace le terme de
salle d’asile par celui d’école maternelle. La loi Goblet du 30 octobre 1886
fixe explicitement la place des maternelles dans l’ordre du primaire. Le décret
d’application du 18 janvier 1887 les définit comme des établissements de première
éducation.
Pauline Kergomard imposa l’école maternelle face
aux salles d’asile mais le claquoir perdura… jusqu’en 1887, date à laquelle il
disparaît des listes du règlement au bénéfice des bûchettes, lattes, cubes,
lettres mobiles et autres jeux de construction : « Au matériel immobile qui ankylosait l’intelligence, nous
substituons le matériel que l’enfant manie lui-même ». Pauline
Kergomard, Ami de l’Enfance, 1er
février 1887.
En guise de
conclusion (par Jean Gaumet)
En 1976, le Creusotin Claude PALLOT, écrivain, artiste – peintre et aussi enseignant au Cours Complémentaire
du Creusot publie « AU TEMPS DU PILON : Scènes et chroniques du Creusot
d'autrefois ». Dans une page intitulée « La Zile », il
évoque l'Asile, garderie enfantine d'un quartier où les grands avaient comme maîtresse Mlle Anna.
Extraits : « Dans la cour ombragée d’acacias, nous
attendions, en jouant avec le maté riel que nous avions à notre
disposition, c'est à dire : les gravelles,
les feuilles sèches et la poussière, que les tard-levés soient arrivés.
Lorsque tout le cheptel se trouvait
rassemblé, nous nous mettions en rang par deux et nous entrions en classe, au
rythme du claquoir de Mademoiselle Anna en chantant un chant de circonstance :
Au pas , à l'école
Au pas ,à l'école
ou cet
autre plus martial :
Ran tan plan
La guerre, la guerre, la guerre, ran
tan plan
La guerre du régiment....
…........
Nous
écoutions des contes où s'agitaient des bêtes, des méchants punis, des enfants
mal élevés qui pleuraient pour se débarbouiller, jusqu'au moment où le claquoir de la maîtresse
retentissait pour annoncer le goûter, la récréation ou la sortie.
Ce fameux claquoir est
toujours resté un mystère pour nous. Mademoiselle Anna le tenait si bien
caché dans sa main que nous nous sommes toujours demandé comment elle pouvait
faire tant de bruit avec ses seuls doigts » AU TEMPS DU PILON, réédité
en 2000 par les Nouvelles Editions du Creusot, Boulevard Henri-Paul Schneider –
71200 LE CREUSOT
Prochainement, après « Les femmes dans l’enseignement »,
« Julie Victoire Daubié », « Marie Pape-Carpantier »
viendra l’article « Pauline Kergomard, la passion de l’école »
Pour mémoire :
(1) :
« L’école ne
vaut que ce qu’on la fait. Bien s’entendre pour la créer, pour l’améliorer,
pour la diriger, est l’un des devoirs principaux dévolu aux autorités
compétentes et en particulier à l’instituteur : il est plus à même que
tout autre de comprendre les besoins que réclament l’instruction et l’éducation
de la jeunesse. (..)
1 : Qu’il ait
une salle d’école vaste, élevée bien aérée (..) un sifflet, une clochette, un
signal ou un claquoir. – Un sifflet
pour les grands mouvements, un signal pour les autres. » Extrait du « Grand Livre à l’Usage des
Ecoles Primaires » de M. Malgras, Hachette et Cie, 1846
(2) :
Titre
II - Écoles maternelles publiques (loi du 2 août 1881)
Art. 12. - Dans
les écoles maternelles publiques, les enfants seront divisés en deux sections
suivant leur âge et le développement de leur intelligence.
Art. 13. - Les
premiers principes d'éducation morale seront donnés dans les écoles maternelles
publiques, non sous forme de leçons distinctes et suivies, mais par des
entretiens familiers, des récits, des chants destinés à inspirer aux enfants le
sentiment de leurs devoirs envers la famille, envers la patrie, envers Dieu.
Ces premiers principes devront être indépendants de tout enseignement
confessionnel.
Art. 14. - Les
connaissances sur les objets usuels comportent des explications très
élémentaires sur le vêtement, l'habitation et l'alimentation, sur les couleurs
et les formes, sur la division du temps, les saisons, etc.
Art. 15. - Les
exercices de langage ont pour but d'habituer les enfants à parler et à rendre
compte de ce qu'ils ont vu et compris. Les morceaux de poésie qu'on leur fait
apprendre seront courts et simples.
Art. 16. -
L'enseignement du dessin comprend :
1° Des combinaisons de lignes au
moyen de lattes, bâtonnets, etc. ;
2° La représentation sur l'ardoise de ces combinaisons et de dessins faciles faits par la maîtresse, au tableau quadrillé ;
3° La reproduction sur l'ardoise des objets usuels les plus simples.
2° La représentation sur l'ardoise de ces combinaisons et de dessins faciles faits par la maîtresse, au tableau quadrillé ;
3° La reproduction sur l'ardoise des objets usuels les plus simples.
Art. 17. - La
lecture et l'écriture seront, autant que possible, enseignées simultanément.
Les exercices doivent toujours
être collectifs.
Art. 18. -
L'enseignement du calcul comprend :
1° L'étude de la formation des
nombres de 1 à 10 ;
2° L'étude de la formation des dizaines de 10 à 100 ;
3° Les quatre opérations, sous la forme la plus élémentaire, appliquées d'abord à la première dizaine ;
4° La représentation des nombres par les chiffres ;
5° Des applications très simples du système métrique (mètre, litre, monnaie).
2° L'étude de la formation des dizaines de 10 à 100 ;
3° Les quatre opérations, sous la forme la plus élémentaire, appliquées d'abord à la première dizaine ;
4° La représentation des nombres par les chiffres ;
5° Des applications très simples du système métrique (mètre, litre, monnaie).
Cet enseignement sera donné au
moyen d'objets mis entre les mains des enfants, tels que lattes, bâtonnets,
cubes, etc.
Les enfants seront exercés au
calcul mental sur toutes les combinaisons de nombres qu'ils auront faites.
Art. 19. - Les
éléments d'histoire naturelle comprennent la désignation des parties
principales du corps humain, des notions sur les animaux les plus connus, les
végétaux et les minéraux usuels.
Cet enseignement est donné à
l'aide d'objets réels et de collections formées autant que possible par les
enfants et les maîtresses.
Art. 20. -
L'enseignement de la géographie est descriptif ; il s'appuie sur l'observation
des lieux où vit l'enfant.
Il comprend :
1° L'orientation (points
cardinaux) ;
2° Des notions de la terre et des eaux ;
3° Quelques indications sur les fleuves, les montagnes et les principales villes de France.
2° Des notions de la terre et des eaux ;
3° Quelques indications sur les fleuves, les montagnes et les principales villes de France.
Art. 21. - Les
récits porteront principalement :
1° Sur les grands faits de
l'histoire nationale ;
2° Sur des leçons de choses.
2° Sur des leçons de choses.
Art. 22. - Les
exercices manuels consisteront en tressage, tissage, pliage, petits ouvrages de
tricot.
Les travaux de couture et tous
autres travaux de nature à fatiguer les enfants sont interdits.
Art. 23. -
L'enseignement du chant comprend :
Les exercices d'intonation et de
mesure les plus simples, les chants à l'unisson et à deux parties qui
accompagnent les jeux gymnastiques et les évolutions. Les chants sont appropriés
à l'étendue de la voix des enfants. Pour ces exercices, les directrices se
serviront de diapason.
Art. 24. - Les
exercices gymnastiques seront gradués de manière à favoriser le développement
physique de l'enfant. Ils se composeront de mouvements, de marches,
d'évolutions et de jeux dirigés par la maîtresse.
Art. 25. - Les
leçons ne devront jamais durer plus d'un quart d'heure ou vingt minutes ;
elles seront toujours séparées par des chants, des exercices gymnastiques, des
marches ou des évolutions.
Art. 26. - Les
conditions dans lesquelles doivent être établies les écoles maternelles
publiques, tant au point de vue des bâtiments que de l'ameublement, seront
l'objet d'un règlement spécial.
Art. 27. - Le
matériel d'enseignement de l'école maternelle comprend nécessairement les
objets suivants :
Un claquoir, un sifflet ;
Un ou plusieurs tableaux noirs,
dont un au moins sera quadrillé ;
Une méthode de lecture en
tableaux et plusieurs collections d'images ;
Un nécessaire métrique ;
Un globe terrestre et une carte
murale de la France ;
Un boulier ;
Des collections de bûchettes ou
bâtonnets, des lattes, des cubes, etc. ;
Une collection de jouets ;
Des ardoises, quadrillées d'un
côté et unies de l'autre ;
Un diapason.
Art. 28. - Aucun
enfant n'est reçu dans une école maternelle s'il n'est muni d'un billet
d'admission signé par le maire et s'il ne produit un certificat de médecin,
dûment légalisé, constatant qu'il n'est atteint d'aucune maladie contagieuse et
qu'il a été vacciné.
Art. 29. -
Lorsqu'un enfant est présenté dans une école maternelle, la directrice fait
connaître aux parents les conditions réglementaires auxquelles ils devront se
conformer.
Art. 30. - Un
mois de vacances est successivement accordé chaque année aux directrices et
sous-directrices d'écoles maternelles.
Art. 31. - Les
enfants seront toujours repris avec bienveillance. Ils ne devront pas être
frappés.
Art. 32. - Un
médecin nommé par le maire visite une fois par semaine les écoles maternelles.
Il inscrit ses observations sur
un registre particulier.
Art. 33. - Les
directrices et les sous-directrices des écoles maternelles publiques sont
nommées et révoquées dans la même forme que les institutrices publiques. Les
mêmes peines disciplinaires leur sont applicables et dans la même forme qu'aux
institutrices.
Les directrices sont choisies,
autant que possible, parmi les sous-directrices.
Chaque année, la directrice
adresse à l'inspectrice départementale un rapport détaillé sur tout ce qui
concerne l'établissement quelle dirige.
Art. 34. - Dans
toute école maternelle publique recevant plus de cinquante enfants, la
directrice est aidée par une sous-directrice.
Dans toute école maternelle
publique recevant plus de vingt-cinq enfants, la directrice est assistée par
une femme de service.
Art. 35. - Les
directrices et sous-directrices d'écoles maternelles publiques pourvues du
brevet de capacité sont assimilées aux institutrices titulaires et adjointes
pour la fixation du taux du traitement, les conditions de l'avancement et du
logement.
Art. 36. - La
femme de service est nommée, dans chaque école maternelle publique, par la
directrice, avec agrément du maire ; elle est révoquée dans la même forme.
Ar. 37. - Un
règlement des écoles maternelles publiques de chaque département sera rédigé
par le conseil départemental, d'après les indications générales d'un
règlement-modèle arrêté par le Ministre de l'instruction publique en Conseil
supérieur.
P.P
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