jeudi 6 décembre 2018

Le claquoir



Le claquoir : un outil pédagogique ?


Claquoir (collection musée)

« Clac ! Clac ! Bras croisés ! »

En cette fin de 19ème siècle, les écoliers marchent moins à la « baguette » qu’au claquoir. Chacun attend le signal du maître pour exécuter un ordre. Quand le bruit sec du claquoir retentit, on s’assoit, on se lève, on sort son cahier, on lève son ardoise… en bref, on obéit.



On trouve déjà trace du claquoir dans les écoles en 1846 (1). Inspiré de la « claquette du vicaire » en usage dans les églises durant les offices ou de la « claquette des lépreux » qui signalait leur présence, ce petit instrument (sous forme de deux planchettes de bois reliées par une charnière) permettait de rythmer les exercices d'ensemble : entrée et sortie du banc, debout, assis, etc. 


Claquoir « fait main » (collection particulière)



Comme le disait vers 1900 une institutrice à l'Inspecteur : "Il me permet de ménager mes poumons". Son emploi était réglé par les instructions officielles qui le mentionnent au même titre que le sifflet, au profit duquel il fut abandonné : "claquoir et sifflet sont compris nécessairement dans le matériel d'enseignement de l'école maternelle" (Loi du 16 juin 1881. Titre II, Article 27).



Claquoir (collection musée)



Pour le bon fonctionnement de la classe, une discipline de fer doit donc régner. Un modèle plus imposant existait et devait probablement servir lors des grandes assemblées ou des mouvements collectifs. Il était, lui aussi, un héritage des religieux. Comme quoi, toute idée était bonne à prendre.
L'élève devait avoir une bonne tenue en général, bras croisés, il écoutait les leçons du maître. Pour chaque action, chaque mouvement, des instructions précises lui étaient données et il se devait de les respecter à la lettre au « claquement » du maître…




Grand claquoir (collection musée)



Tous les élèves sont face au bureau du maître. Jusqu'au XIXème siècle, ce bureau est appelé la chaire et s'inspire des collèges religieux dans lesquels les lectures pieuses se faisaient à partir d'un meuble étroit et haut, accessible par une ou plusieurs marches. L'assemblée des écoliers est ainsi dominée du regard et de la voix par l'enseignant qui jouit alors d'une autorité sans conteste, se faisant obéir d'un même mouvement par tous les élèves. Le claquoir servait aussi à rappeler à l'attention l'écolier distrait.



Claquoir et sifflet (collection musée)



Dès 1880, les méthodes appliquées dans les salles d’asile sont fustigées par l’Inspectrice Générale Pauline Kergomard elle-même : « La salle d’asile dès le début encombrée par un trop grand nombre d’enfants les a enrégimentés ; elle les a casernés par centaines dans d’immenses salles où les croisées s’arrêtaient à deux mètres du sol comme dans une prison ; elle les a fait marcher tous soudés les uns contre les autres par les épaules en longues chaînes (..) comme des forçats ; elle les a alignés les uns contre les autres sur les marches de gradins ou sur des bancs rivés au sol ; elle les a fait se lever tous ensemble au claquoir ; elle les a fait se moucher tous ensemble au claquoir, elle les a fait compter, réciter, répondre tous ensemble et toujours au claquoir. Privé de la liberté de ses mouvements, l’enfant n’a plus eu à l’école, ni originalité, ni personnalité ; chacun n’a plus été que l’un des anneaux de la chaîne ou l’un des rouages de la machine inconsciente. » Pauline Kergomard, Les Ecoles Maternelles de 1837 jusqu’en 1910, aperçu rapide, Paris, Nathan, 1910.



Ecole maternelle vers 1895 (collection privée)



Pauline Kergomard esquissera dès lors les programmes d’une école « maternelle ». Ferdinand Buisson et Jules Ferry transformeront enfin juridiquement les « maisons d’assistance » qu’étaient les salles d’asile en « maisons scolaires ». Après la loi du 16 juin 1881 déjà citée, le décret du 2 août 1881 (2) remplace le terme de salle d’asile par celui d’école maternelle. La loi Goblet du 30 octobre 1886 fixe explicitement la place des maternelles dans l’ordre du primaire. Le décret d’application du 18 janvier 1887 les définit comme des établissements de première éducation.   

Pauline Kergomard imposa l’école maternelle face aux salles d’asile mais le claquoir perdura… jusqu’en 1887, date à laquelle il disparaît des listes du règlement au bénéfice des bûchettes, lattes, cubes, lettres mobiles et autres jeux de construction : « Au matériel immobile qui ankylosait l’intelligence, nous substituons le matériel que l’enfant manie lui-même ». Pauline Kergomard, Ami de l’Enfance, 1er février 1887.


Pauline Kergomard (lafeuillecharbinoise.com)

En guise de conclusion (par Jean Gaumet)


En 1976, le Creusotin Claude PALLOT, écrivain, artiste – peintre  et aussi enseignant au Cours Complémentaire du Creusot publie «  AU TEMPS DU PILON : Scènes et chroniques du Creusot d'autrefois ». Dans une page intitulée « La Zile », il évoque l'Asile, garderie enfantine d'un quartier où les grands  avaient comme maîtresse Mlle Anna.

Extraits : « Dans la cour ombragée d’acacias, nous attendions, en jouant avec le maté riel que nous avions à notre disposition, c'est à dire : les gravelles, les feuilles sèches et la poussière, que les tard-levés soient arrivés.
            Lorsque tout le cheptel se trouvait rassemblé, nous nous mettions en rang par deux et nous entrions en classe, au rythme du claquoir de Mademoiselle Anna en chantant  un chant de circonstance :
            Au pas , à l'école
            Au pas ,à l'école
ou cet autre plus martial :
            Ran tan plan
            La guerre, la guerre, la guerre, ran tan plan
            La guerre du régiment....
…........
Nous écoutions des contes où s'agitaient des bêtes, des méchants punis, des enfants mal élevés qui pleuraient pour se débarbouiller, jusqu'au moment  où le claquoir de la maîtresse retentissait pour annoncer le goûter, la récréation ou la sortie.


            Ce fameux claquoir est toujours resté  un mystère pour nous. Mademoiselle Anna le tenait si bien caché dans sa main que nous nous sommes toujours demandé comment elle pouvait faire tant de bruit avec ses seuls doigts » AU TEMPS DU PILON, réédité en 2000 par les Nouvelles Editions du Creusot, Boulevard Henri-Paul Schneider – 71200 LE CREUSOT

Prochainement, après « Les femmes dans l’enseignement », « Julie Victoire Daubié », « Marie Pape-Carpantier » viendra l’article « Pauline Kergomard, la passion de l’école »

Pour mémoire :





(1) :


« L’école ne vaut que ce qu’on la fait. Bien s’entendre pour la créer, pour l’améliorer, pour la diriger, est l’un des devoirs principaux dévolu aux autorités compétentes et en particulier à l’instituteur : il est plus à même que tout autre de comprendre les besoins que réclament l’instruction et l’éducation de la jeunesse. (..)
1 : Qu’il ait une salle d’école vaste, élevée bien aérée (..) un sifflet, une clochette, un signal ou un claquoir. – Un sifflet pour les grands mouvements, un signal pour les autres. » Extrait du « Grand Livre à l’Usage des Ecoles Primaires » de M. Malgras, Hachette et Cie, 1846

(2) :

Titre II - Écoles maternelles publiques (loi du 2 août 1881)

Art. 12. - Dans les écoles maternelles publiques, les enfants seront divisés en deux sections suivant leur âge et le développement de leur intelligence.
Art. 13. - Les premiers principes d'éducation morale seront donnés dans les écoles maternelles publiques, non sous forme de leçons distinctes et suivies, mais par des entretiens familiers, des récits, des chants destinés à inspirer aux enfants le sentiment de leurs devoirs envers la famille, envers la patrie, envers Dieu. Ces premiers principes devront être indépendants de tout enseignement confessionnel.
Art. 14. - Les connaissances sur les objets usuels comportent des explications très élémentaires sur le vêtement, l'habitation et l'alimentation, sur les couleurs et les formes, sur la division du temps, les saisons, etc.
Art. 15. - Les exercices de langage ont pour but d'habituer les enfants à parler et à rendre compte de ce qu'ils ont vu et compris. Les morceaux de poésie qu'on leur fait apprendre seront courts et simples.
Art. 16. - L'enseignement du dessin comprend :
1° Des combinaisons de lignes au moyen de lattes, bâtonnets, etc. ;
2° La représentation sur l'ardoise de ces combinaisons et de dessins faciles faits par la maîtresse, au tableau quadrillé ;
3° La reproduction sur l'ardoise des objets usuels les plus simples.
Art. 17. - La lecture et l'écriture seront, autant que possible, enseignées simultanément.
Les exercices doivent toujours être collectifs.
Art. 18. - L'enseignement du calcul comprend :
1° L'étude de la formation des nombres de 1 à 10 ;
2° L'étude de la formation des dizaines de 10 à 100 ;
3° Les quatre opérations, sous la forme la plus élémentaire, appliquées d'abord à la première dizaine ;
4° La représentation des nombres par les chiffres ;
5° Des applications très simples du système métrique (mètre, litre, monnaie).
Cet enseignement sera donné au moyen d'objets mis entre les mains des enfants, tels que lattes, bâtonnets, cubes, etc.
Les enfants seront exercés au calcul mental sur toutes les combinaisons de nombres qu'ils auront faites.
Art. 19. - Les éléments d'histoire naturelle comprennent la désignation des parties principales du corps humain, des notions sur les animaux les plus connus, les végétaux et les minéraux usuels.
Cet enseignement est donné à l'aide d'objets réels et de collections formées autant que possible par les enfants et les maîtresses.
Art. 20. - L'enseignement de la géographie est descriptif ; il s'appuie sur l'observation des lieux où vit l'enfant.
Il comprend :
1° L'orientation (points cardinaux) ;
2° Des notions de la terre et des eaux ;
3° Quelques indications sur les fleuves, les montagnes et les principales villes de France.
Art. 21. - Les récits porteront principalement :
1° Sur les grands faits de l'histoire nationale ;
2° Sur des leçons de choses.
Art. 22. - Les exercices manuels consisteront en tressage, tissage, pliage, petits ouvrages de tricot.
Les travaux de couture et tous autres travaux de nature à fatiguer les enfants sont interdits.
Art. 23. - L'enseignement du chant comprend :
Les exercices d'intonation et de mesure les plus simples, les chants à l'unisson et à deux parties qui accompagnent les jeux gymnastiques et les évolutions. Les chants sont appropriés à l'étendue de la voix des enfants. Pour ces exercices, les directrices se serviront de diapason.
Art. 24. - Les exercices gymnastiques seront gradués de manière à favoriser le développement physique de l'enfant. Ils se composeront de mouvements, de marches, d'évolutions et de jeux dirigés par la maîtresse.
Art. 25. - Les leçons ne devront jamais durer plus d'un quart d'heure ou vingt minutes ; elles seront toujours séparées par des chants, des exercices gymnastiques, des marches ou des évolutions.
Art. 26. - Les conditions dans lesquelles doivent être établies les écoles maternelles publiques, tant au point de vue des bâtiments que de l'ameublement, seront l'objet d'un règlement spécial.
Art. 27. - Le matériel d'enseignement de l'école maternelle comprend nécessairement les objets suivants :
Un claquoir, un sifflet ;
Un ou plusieurs tableaux noirs, dont un au moins sera quadrillé ;
Une méthode de lecture en tableaux et plusieurs collections d'images ;
Un nécessaire métrique ;
Un globe terrestre et une carte murale de la France ;
Un boulier ;
Des collections de bûchettes ou bâtonnets, des lattes, des cubes, etc. ;
Une collection de jouets ;
Des ardoises, quadrillées d'un côté et unies de l'autre ;
Un diapason.
Art. 28. - Aucun enfant n'est reçu dans une école maternelle s'il n'est muni d'un billet d'admission signé par le maire et s'il ne produit un certificat de médecin, dûment légalisé, constatant qu'il n'est atteint d'aucune maladie contagieuse et qu'il a été vacciné.
Art. 29. - Lorsqu'un enfant est présenté dans une école maternelle, la directrice fait connaître aux parents les conditions réglementaires auxquelles ils devront se conformer.
Art. 30. - Un mois de vacances est successivement accordé chaque année aux directrices et sous-directrices d'écoles maternelles.
Art. 31. - Les enfants seront toujours repris avec bienveillance. Ils ne devront pas être frappés.
Art. 32. - Un médecin nommé par le maire visite une fois par semaine les écoles maternelles.
Il inscrit ses observations sur un registre particulier.
Art. 33. - Les directrices et les sous-directrices des écoles maternelles publiques sont nommées et révoquées dans la même forme que les institutrices publiques. Les mêmes peines disciplinaires leur sont applicables et dans la même forme qu'aux institutrices.
Les directrices sont choisies, autant que possible, parmi les sous-directrices.
Chaque année, la directrice adresse à l'inspectrice départementale un rapport détaillé sur tout ce qui concerne l'établissement quelle dirige.
Art. 34. - Dans toute école maternelle publique recevant plus de cinquante enfants, la directrice est aidée par une sous-directrice.
Dans toute école maternelle publique recevant plus de vingt-cinq enfants, la directrice est assistée par une femme de service.
Art. 35. - Les directrices et sous-directrices d'écoles maternelles publiques pourvues du brevet de capacité sont assimilées aux institutrices titulaires et adjointes pour la fixation du taux du traitement, les conditions de l'avancement et du logement.
Art. 36. - La femme de service est nommée, dans chaque école maternelle publique, par la directrice, avec agrément du maire ; elle est révoquée dans la même forme.
Ar. 37. - Un règlement des écoles maternelles publiques de chaque département sera rédigé par le conseil départemental, d'après les indications générales d'un règlement-modèle arrêté par le Ministre de l'instruction publique en Conseil supérieur.


P.P

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire