Les promenades d’Edmond
De l’origine des classes promenades
C’est en 1909 qu’Edmond Blanguernon, Inspecteur
d’académie de la Haute-Marne, instaure les « classes promenade » dans
le but de répondre aux besoins d’activité des élèves et de mettre en contact
l’école et la vie. Fier de ses origines populaires, il restera partisan sa vie
durant d’une école pour les enfants du peuple.
Edmond
Désiré Blanguernon est né le 15 janvier 1876 à Bailleul, département du Nord,
d'un père douanier et d'une mère ménagère. Il épouse Zénaïde Zeiliger, étudiante
en médecine à la faculté de Lille, le 18 février 1901, avec laquelle il aura
six enfants.
Edmond
a une éducation religieuse rigoureuse, il entre au petit séminaire d'Hazebrouck
en 1887, où il reste cinq ans, puis il poursuit ses études de philosophie au
grand séminaire de Cambrai de 1892 à 1893. Il entreprend ensuite une licence
d'histoire à la faculté catholique des lettres de Lille, entre 1893 et 1895. Faisant
partie du séminaire académique de Lille durant cette période, il porte la
soutane, qu'il abandonnera en février 1895, à l'âge de 19 ans et un mois,
après une crise de conscience de plusieurs années (Curriculum vitae Blanguernon, 29 mars 1919. Archives Nationales-F17/23212).
Il obtient
cependant sa licence avec mention honorable et trouve un poste de professeur
laïque dans un collège libre en 1895, avant d’être nommé répétiteur stagiaire
au collège de Boulogne sur Mer l'année suivante. Boursier d’agrégation, il est reçu deuxième à l'agrégation de grammaire
en 1902 et débute une carrière de professeur à Nevers puis à Douai où il fait
la rencontre d’Albert Mathieu, Directeur de l’Ecole Normale, avec lequel il
écrit un manuel de pédagogie conforme aux programmes officiels du 4 août 1905,
pour les élèves-maîtres.
A sa
demande, il est nommé au poste d’Inspecteur d’académie de la Haute-Marne le 28
décembre 1908. Très vite apprécié par sa hiérarchie, le ministre de
l’Instruction publique songe à lui confier une mission de la plus haute
importance : organiser le service de l’enseignement secondaire en Afrique
occidentale. La mutation n’aura pas lieu et, en 1917, Blanguernon forme le vœu
d’accéder à la direction de l’enseignement à Tunis ainsi qu’à l’inspection
générale de l’enseignement primaire, sans plus de réussite. Ce ne sera que le
15 février 1922 qu’il sera nommé aux fonctions d’Inspecteur adjoint à la
direction de l’Instruction publique à Hanoï. A son retour, il espère encore
obtenir Tunis mais sa réputation de pédagogue innovateur ainsi que ses prises de positions, par la plume et par la pratique, sont
peut-être la cause de son maintien dans les fonctions d’Inspecteur d’académie à
Clermont-Ferrand cette fois, en octobre 1925.
Outre
les poèmes qu’il a produits (dont Robert Sabatier fera l’éloge dans son Histoire
de la poésie française du XIXe siècle, le décrivant comme un poète « élégiaque
et panthéiste dans Rimes blanches,
1896, ou la Vie orgueilleuse,
1912, qui a parfois des accents verlainiens, et jette du merveilleux dans la
poésie des humbles ), il écrira tout au long de sa carrière des
manuels de pédagogie qui seront réédités à de nombreuses reprises, et
participeront à la formation des maîtres de plusieurs générations. Pour
l'école vivante, qui paraît chez Hachette en 1913, lui vaudra le prix
Adrien Dunant décerné par l'Académie des sciences morales et politiques. Il y
développe les méthodes actives de la pédagogie dans laquelle il croit et qu’il
va s’employer à introduire dans son académie : ouvrir l’école sur la vie,
donner à l’enseignement un caractère pratique et adapté aux besoins régionaux.
Pour l’école vivante est
réédité en 1918. Il est composé en grande partie
d'articles parus dans le Manuel général de l'instruction primaire, revue
pédagogique publiée par Hachette à l'initiative de Guizot en 1832. Ferdinand Buisson en est le directeur entre
1897 et 1905, et c'est lui qui signe la préface de l'ouvrage de Blanguernon
(1).
L’école
doit s'ouvrir sur la nature et les hommes qui l'entourent. L’école nie
l’existence de « la nature avec ses
champs, ses prés, ses bois, où travaillent les hommes, les parents, les frères
de nos élèves ». Il faut sortir de l’école et aller faire la classe
dans la nature : les classes promenades sont ainsi nées... sous couvert
des « promenades scolaires » des Instructions de 1882.
Les classes promenades : une innovation vieille
de 110 ans
Edmond
Blanguernon entend réformer les méthodes d'enseignement. Il fixe ses objectifs
dans son rapport sur la situation de l'enseignement primaire dans le
département de la Haute-Marne en septembre 1909. Le but de l'école doit être « de moins en moins formaliste, de
moins en moins livresque ». On doit développer « les
jeunes puissances d'observation, de réflexion, de raisonnement de nos
élèves », « d'une manière
non seulement active, mais personnelle ». Sa pédagogie est celle « qui consiste à donner à tous les
enseignements une base de choses concrètes, vivantes, bien sensibles à l'enfant
– au premier rang desquelles le terroir, l'histoire, les métiers, les arts de
son pays ». Il donne le ton de l'innovation qu'il va instaurer à grand
renfort de réglementation, et institue les classes promenades pour tous les
écoliers de la Haute-Marne (2).
Depuis
la publication de son manuel de pédagogie en 1905, Blanguernon connaît les
Instructions officielles sur le bout des doigts et il considère qu’elles
restent excellentes malgré leur quart de siècle d’existence, notamment dans les
directives à suivre pour enseigner. La mission de
l'école telle qu'elle est entendue par les instructions officielles de 1882
consiste à apporter des connaissances qui seront capables d'« assurer à l'enfant tout le savoir
pratique dont il aura besoin dans la vie », de former son esprit, et
de constituer ainsi une véritable éducation. Pour cela, la seule voie à suivre
est bien celle de la coopération et de l'échange d'idées entre le maître et ses
élèves (3). Ce faisant, Blanguernon émet tout de même un doute sur
l’application de ces préceptes par les maîtres du primaire (4). Ce que
Blanguernon propose, c'est d'aller dans la nature « pour découvrir les relations de la terre et des hommes »,
et c'est en ce sens qu'il entend instaurer les classes promenades.
L’objectif
de la classe promenade est de mettre « l'enfant
en contact direct avec la terre et la vie , ce qui va lui permettre
d'apprendre à voir, observer, réfléchir, sentir la vérité et la beauté des
êtres et des choses, des spectacles naturels et des œuvres humaines. (..) Elle amasse en effet des
impressions, des remarques, des jugements, des souvenirs, des
« images » de tous les sens, où les divers enseignements iront puiser
et se nourrir » Blanguernon, 1918.
Malgré
tout, Blanguernon prend bien garde de légitimer son innovation pédagogique en
s’appuyant toujours sur les programmes officiels de chaque discipline (5).
Seulement, il y a une grande différence d’appréciation entre les promenades
scolaires recommandées (et dépendant uniquement de la
bonne volonté des maîtres, souvent faites le jeudi jour de congé, afin de ne pas
bousculer les programmes, ce qui les fit tomber en désuétude) et les
classes promenades, l’une est un conseil, l’autre est organisée : « Les classes promenades, au contraire (..) sont des classes
régulières, fixées à un jour de travail scolaire, avec une préparation prévue
comme celle des autres classes, soumises comme les autres à l'inspection,
donnant lieu, toujours comme les autres, à des exercices oraux et à des devoirs
écrits » Blanguernon,
1918. Blanguernon s’accommodera aisément de ce qui aurait pu être une entorse
aux programmes (6).
La circulaire
Blanguernon de l’Académie de la Marne
Elle rend obligatoires les classes promenades dès
1909 avec une réglementation en sept articles qui précisent notamment :
« Dans
toutes les écoles primaires élémentaires, spéciales ou mixtes, des classes
promenades auront lieu les premiers et troisièmes mercredis des mois suivants :
avril, mai, juin, juillet, août, octobre. En cas de mauvais temps, elles seront
reportées d'une semaine à charge pour le maître d'en avertir son inspecteur
primaire. Pendant la mauvaise saison, de courtes sorties pourront avoir lieu
aux mêmes dates si le temps le permet.
Les
classes promenades se feront en avril, mai, octobre, le soir, de 1 heure à 4
heures ; en juin, juillet, août, le matin, de 7 ou 8 heures à 10 heures.
La
promenade fera, le vendredi matin, l'objet d'un compte-rendu écrit, servant de
composition française, qui figurera au cahier-journal et, par conséquent, au
cahier de roulement. L'on pourra y joindre parfois le dessin libre d'une des
choses ou d'un des sites observés ».
Vers une reconnaissance
nationale
Les programmes renouvelés par Paul Lapie en 1923 et
le programme des écoles primaires et élémentaires le 23 février 1923 intègrent
timidement ces innovations sous le terme de « classe promenade » qui
ne concerne que les leçons de choses et l’éducation physique de la section
préparatoire et du cours élémentaire alors que la rubrique VIII pour le cours
supérieur parle d’« élément usuels des sciences physiques et
naturelles : observations et expériences-classes promenade » (7).
La classe promenade ne deviendra discipline à part
entière que dans les programmes de 1938 portés par le ministre Jean Zay. Elle
sera comme Blanguernon l’avait imaginée : transdisciplinaire et à visée
éducative. A son retour d’Hanoï en 1925, alors Inspecteur d’académie du
Puy-de-Dôme, il continuera de promouvoir la classe promenade dont l’un des
promoteurs les plus connus restera évidemment Célestin Freinet qui l’utilisera dans
le cadre des techniques qu’il mettra au point (8).
Nous rentrions heureux de ces classes promenades
Souvenirs
de Georges Lopez :
« Nous rentrions heureux de ces classes
promenades qui n'étaient que promenades récompenses. Combien de fois
l'avons-nous entendu ! «Si tout le monde travaille bien, nous sortirons samedi
après-midi». C'était à l'époque des trente heures !
De ces escapades je rapportais toujours une plante,
une fleur, une feuille morte, un caillou mystérieux et unique par les veines
qui l'ornaient, un bout de bois étrangement humain ou bien un insecte desséché
que j'aurais voulu voir ressusciter dans mes mains.
Sur le chemin du retour, nous entonnions les chansons
apprises en classe et, de «Gentil coquelicot» à « Colchiques dans les prés
» en passant par le sempiternel « Il était un petit navire », nous épuisions
notre répertoire en évitant soigneusement « La Marseillaise ». Il arrivait
parfois que du fond de la colonne qui s'étirait sur la route nous parviennent
les accents d'une chanson grivoise habituellement chantée en catalan et donc
doublement interdite à l'école. Emportés par le désir de transgresser la règle,
les derniers en oubliaient la prudence. Ceux qui, en tête, côtoyaient les
maîtresses, effrayés à l'idée d'une punition collective, s'empressaient de
chuchoter un « taisez-vous » suivi du « faites passer » de circonstance. Je
crois surtout que nos institutrices faisaient semblant de ne pas entendre, tout
bonnement parce que nous n'étions pas dans l'enceinte de l'école. Par contre,
nous étions bien prévenus : en cas de visite inopinée de l'inspecteur, ne
prononcer aucun mot en catalan.
Ces visites d'inspection, on se demande pourquoi, nous
procuraient une certaine peur. Peut-être la maîtresse elle-même nous
transmettait-elle sa propre angoisse ? En fait, ce personnage était pour nous
un intrus, celui qui s'invite quand bon lui semble. Droit comme un «i»,
d'allure plutôt sévère dans son costume sombre, il semblait nous regarder
individuellement derrière ses petites lunettes. Au fond, à le
voir déambuler parmi nous, de rangée en rangée, montant et descendant,
s'arrêtant de temps à autre pour feuilleter un cahier, nous avions l'impression
qu'il était venu pour nous. Aussi, penchés sur nos pages, silencieux, nous
faisions chanter nos plumes Sergent-major. Pas question d'interpeller un voisin
ou de se retourner. Seul, un regard lancé à la dérobée au plus proche camarade,
les yeux écarquillés comme pour dire : « Attention ! »
Morale : « L'amour du travail bien fait». Écriture ;
les pleins et les déliés de la lettre « F ». Lecture : « Au jardin du
Luxembourg ». Calcul : l'addition et la multiplication des nombres à virgule.
Les leçons et les exercices se succédaient dans un silence royal. Venaient
ensuite la récitation et le chant. Mme Adroguer choisissait les élèves qui
diraient les textes appris à ce jour. Je me revois encore tout près de
l'estrade récitant «Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
/ Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends. / J'irai par la forêt, j'irai
par la montagne / Je ne puis demeurer loin de toi plus
longtemps.» J'aimais ces vers de Victor Hugo. Je me les répétais souvent
entre la maison et l'école et chaque fois ma pensée s'évadait vers Edmée, bien
vivante, elle, en détachant bien : «Je sais que tu m'attends». Ce jour-là, la
présence de l'inspecteur aurait dû m'intimider, me paralyser même. Il n'en fut
rien car je dis le texte les yeux rivés sur l'objet de ma passion. »
Souvenirs
d’une ancienne élève de l’école de filles de Toulon-sur-Arroux :
(1) : Préface de Ferdinand Buisson :
« Sous l'apparence de rapides et
familières causeries au fil des jours et au hasard des rencontres, savez-vous
ce qui se déroule ? Tout un plan d'éducation. C'est un programme, c'est un
manifeste de réforme pédagogique, c'est un Traité des études primaires qui se
cachait sous ces pages fraiches et rieuses. [...] Voyez quel don d'évocation il
attend du maître, de la maîtresse, pour réagir contre le savoir livresque...
« Cela faisait longtemps, dit un jeune fermier, qu'on voyait les choses en
encre, cela fait plaisir de les voir un peu en vrai. » Ce mot pittoresque
s'applique aux « classes-promenades », une des innovations
pédagogiques, hardiment extraréglementaires, de la Haute-Marne, objet de toute
une piquante étude, semée d'exemples qui valent mieux que tous les arguments. »
(2) :
« Depuis le printemps [1909], les écoliers de la Haute-Marne sortent deux fois par mois de leurs
classes, et loin des cahiers et des livres, hors des murs, ils s'en vont, sous
la conduite de leurs maîtres et de leurs maîtresses, libérant leurs sens,
aérant leur intelligence, découvrir et apprendre leur pays. C'est ce que j'ai
cru pouvoir appeler la classe promenade ; et j'ai juxtaposé ces deux mots,
qu'on n'avait pas accoutumé de joindre, pour bien marquer le caractère de
l'innovation » Blanguernon, 1918.
(3) : « Le maître part
toujours de ce que les enfant savent... En tout enseignement, le maître, pour
commencer, se sert d'objets sensibles, fait voir et toucher les choses, met les
enfants en présence de réalités concrètes, puis peu à peu, il les exerce à en
dégager l'idée abstraite... Il forme le jugement en amenant l'enfant à juger,
il pousse le raisonnement en aidant l'enfant à raisonner de lui-même et sans
règles de logique... » Blanguernon, 1918.
(4) : « Ces instructions seraient-elles
restées lettre-morte, comme le feraient croire les critiques adressées plus que
jamais à l'enseignement officiel, et faudrait-il alors déplorer la résistance
d'inertie des disciplines formalistes et des pédagogies routinières ? Les
coupables seraient-ils les programmes, trop vastes, trop généraux, établis en
dépit des instructions qu'ils accompagnent, ou, au contraire, les manuels
bourrés de mots, dont on se servirait sans souci d'accommodation, pour
dispenser à tous les écoliers de France la même pâture de généralités fades et
d'abstractions indigestes ? Je sais
bien que l'on a étiqueté parfois « leçons de choses », des
leçons sur des choses... absentes, de pures leçons de mots » Blanguernon, 1918.
(5) : Blanguernon
démontre ainsi que les programmes invitent eux-mêmes à la promenade :
« - le programme de français demande que les
premiers exercices de rédaction soient sur les sujets les plus simples, et
comprend des comptes-rendus de lectures, de leçons, de promenades.
- le programme de géographie est des plus
explicites : dès la section enfantine, c'est l'esprit d'observation qu'il
veut avant tout provoquer chez les enfants « en leur faisant simplement
remarquer les phénomènes les plus ordinaires, les principaux accidents du sol ».
Appel encore plus précis au cours élémentaire : « Les point cardinaux
non appris par cœur, mais trouvés sur le terrain, dans la cour, dans
les promenades, d'après la position du soleil. La géographie locale, les
entretiens sur le lieu natal et la géographie du cours moyen qui demande une
« étude plus approfondie du canton, du département, de la région ».
- le programme des éléments de sciences physiques et
naturelles, dont le but est de « surtout amener les enfants à
regarder, à observer, à comparer, à questionner, à retenir ».
- la méthode également est indiquée : « on
s'efforcera de régler, autant que possible, l'ordre des leçons par l'ordre des
saisons, afin que la nature même fournisse les objets de ces leçons et que
l'enfant contracte ainsi l'habitude d'observer, de comparer et de juger. »
- les moyens enfin, qui prônent l'expérience en
classe, le musée scolaire mais surtout les promenades : petites
collections faites par les élèves notamment au cours des promenades
scolaires (cours élémentaire). - Indication des plantes utiles et
nuisibles, surtout dans les promenades scolaires (cours moyen).
Nous
serions donc vraiment les aveugles et les sourds dont parle le psalmiste, si
nous nous entêtions à rester calfeutrés dans nos classes, après tous ces appels
à la liberté ».
(6) : « Qu'advient-il alors de l'objection
qui pourrait leur être faite d'être contraire aux règlements scolaires, qui
fixent les heures précises des programmes, comme c'est le cas de l'article 19
de l'arrêté du 18 janvier 1887 qui attribue à l'enseignement du français
« tous les jours environ deux heures » contre une heure à une heure
et demie en moyenne » à l'enseignement scientifique ? Ou encore de ce
« terrible article 18 qui partage chaque séance en plusieurs exercices
différents, coupés par les récréations règlementaires ». Il semblerait à
présent que les conseils officiels relatifs aux promenades destinées à
« mettre l'enfant en présence des réalités » soient rendus
inapplicables par des règlements tout autant officiels ! Blanguernon trouve la réponse en s'attachant à chaque
mot, en relevant la moyenne avec laquelle le maître peut s'arranger, et pour finir
donne lecture d'un rapport d'inspection de l'un des inspecteurs primaires de la
Haute-Marne qui donne à voir que « calcul mental, calcul écrit, exercice
d'observation et de langages, préparation à la composition française,
géographie, et lecture par le maître : ne sont-ce pas là les « plusieurs
exercices différents » réclamés par le règlement de M. Dufresne ? ».
Un élément reste encore à ajouter pour s'assurer de la bonne marche des
classes-promenades : il s'agit de la collaboration des maîtres, que Blanguernon
décrits comme étant dévoués à leur tâche. Lorsqu'il voit les rapports, les
carnets de préparation, les devoirs d'élèves, les albums de dessins et de
photographies, il est certain qu'elles perdureront, « parce que les
maîtres veulent qu'elles vivent ». Et de cela, Blanguernon va s'en assurer en règlementant les
classes-promenades. »
Fabienne Sérina-Karski, Les
Classes-promenades d’Edmond Blanguernon, CIRCEFT Université de Paris XIII
Vincennes Saint-Denis
(7) :
Loi du 23 février 1923 :
Section
préparatoire
VI. -
LEÇONS DE CHOSES. (En classe et en promenade.)
- Exercices et entretiens familiers, ayant pour but de faire acquérir aux enfants les
premières connaissances usuelles (la droite et la gauche ; les jours, les
mois, les saisons ; le nord, le sud, l'est, l'ouest ; les animaux,
les végétaux, les minéraux, l'air, l'eau) et surtout de les amener à observer,
à comparer, à questionner.
- Notions très élémentaires sur le corps humain.
- Hygiène (conseils
très simples).
Section
élémentaire
VIII. -
LEÇONS DE CHOSES. (En classe et en promenade.)
- Observations
accompagnées d'explications simples : objets et phénomènes usuels,
animaux, végétaux et minéraux apportés en classe ou rencontrés au cours des
promenades scolaires ; principales matières ouvrées d'un usage courant :
aliments, tissus, papier, bois, pierre, métaux.
- Hygiène. -
Exercices pratiques (propreté du corps, des vêtements et de la classe).
- Premières leçons d'agriculture et d'horticulture dans le jardin de l'école.
Cours
moyen
VIII. -
LEÇONS DE CHOSES. (En classe et en promenade.)
1.
Les trois états des corps. Notions sur l'air, l'eau et les combustions ;
sur l'hydrogène, l'oxygène (corps simples) et sur le gaz carbonique (corps
composé). Petites démonstrations expérimentales.
Propriétés
pratiques de quelques métaux usuels.
2. L'homme. - Description sommaire
du corps humain et idée des principales fonctions de la vie.
Les animaux. -
Idée de la classification en quelques groupes ; idée de la division des
vertébrés en classes, à l'aide d'un animal pris comme type dans chaque cas.
Animaux
utiles et animaux nuisibles de la région.
Les végétaux. -
Idée des principales fonctions de la plante. Notions sur les grandes divisions
du règne végétal, à l'aide d'une plante prise comme type dans chaque cas.
Plantes
utiles et plantes nuisibles de la région.
3. Enseignement ménager (pour
les filles). - Exercices pratiques de cuisine et de nettoyage.
4. Hygiène. - Exercices pratiques
(propreté du corps, des vêtements, de la classe).
5. Agriculture et horticulture. -
Notions, à propos des leçons de choses et des promenades, sur les principales
cultures, sur les engrais, sur les travaux des champs et les instruments
usuels.
Cours
supérieur
VIII. -
ÉLÉMENTS USUELS DES SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. (Observations et
expériences-Classes-promenades)
- Sciences physiques. - Expériences simples et notions sommaires ayant
pour centre l'étude de la balance, du baromètre, du thermomètre, de la
boussole.
- Notions
sommaires sur les applications les plus usuelles du courant électrique.
- Notions
sommaires sur les métaux et les sels usuels.
- Sciences naturelles. - Compléments sur l'homme, les animaux, les
végétaux.
- Notions
sommaires sur le sol, les roches, les fossiles, les terrains : exemples tirés
de la contrée.
- Hygiène. -
Exercices pratiques. Notions sommaires sur les causes des maladies (les
microbes, les parasites) et sur l'hygiène de la respiration, de l'alimentation
(dangers de l'alcoolisme), du vêtement, de la maison.
- Enseignement ménager (pour les filles). - Exercices pratiques de
cuisine et de nettoyage. Notions sommaires sur les principes scientifiques des
pratiques ménagères. Puériculture.
- Agriculture et horticulture. - Notions plus méthodiques sur les cultures (champs,
jardins et bois), sur les engrais naturels et artificiels, sur le sol et les
amendements, sur les animaux domestiques.
Les classes promenades puisent tout leur sens
dans l’apparition de méthodes nouvelles dites « actives », relayées
par les instructions de 1923 :
« C'est pour ce motif qu'à l'observation, qui laisse encore l'écolier passif, nous préférons, dans la mesure où elle peut être pratiquée à l'école primaire, l'expérimentation qui lui assigne un rôle actif. Dans certaines écoles, les enfants du cours préparatoire eux-mêmes pèsent des liquides et se rendent compte de la différence des densités. Et il faut voir avec quelle joie ils enregistrent les résultats. Nous souhaitons que de telles pratiques se généralisent, que partout les élèves collaborent à la préparation des leçons, à la récolte des matériaux et des documents (qu'il s'agisse de cartes postales illustrées, de plantes ou d'insectes) ; que partout ils fabriquent de leurs mains des objets de démonstration ; que partout ils travaillent effectivement pendant que le maître parle ; que partout on s'ingénie à rendre la classe plus animée et plus vivante. A l'enseignement par l'aspect, forme intéressante de la méthpde concrète qui n'a pas dit son dernier mot et que le cinématographe va renouveler, il faut superposer une autre forme de la même méthode qui n'en est encore qu'à ses balbutiements, mais qui décuplera l'efficacité de l'art pédagogique, l'enseignement par l'action. (..) Dans toutes les , à tous les cours, la méthode employée doit être une méthode fondée sur l'observation et l'expérience. C'est à dessein qu'on a effacé du programme le titre : "Sciences physiques et naturelles", pour le remplacer par cette expression "Leçons de choses, en classe et en promenade".Elle signifie que le livre ne doit jouer, dans cet enseignement, qu'un rôle secondaire. Elle signifie que le maître n'a pas à faire de cours : il doit, en classe et en promenade, faire observer et expérimenter. »
(8) : « La classe-promenade fut pour moi la
planche de salut. Au lieu de somnoler devant un tableau de lecture, à la
rentrée de la classe de l’après-midi, nous partions dans les champs qui
bordaient le village. Nous nous arrêtions en traversant les rues pour admirer
le forgeron, le menuisier ou le tisserand dont les gestes méthodiques et sûrs
nous donnaient envie de les imiter. Nous observions la campagne aux diverses
saisons, quand l’hiver les grands draps étaient étalés sous les oliviers pour
recevoir les olives gaulées, ou quand les fleurs d’oranger épanouies au
printemps semblaient s’offrir à la cueillette. Nous n’examinions plus
scolairement autour de nous la fleur ou l’insecte, la pierre ou le ruisseau.
Nous les sentions avec tout notre être, non pas seulement objectivement mais
avec toute notre naturelle sensibilité. Et nous ramenions nos richesses : des
fossiles, des chatons de noisetier, de l’argile ou un oiseau mort. »
Célestin Freinet
Source et bibliographie :
- - Fabienne
Sérina-Karski, Les Classes-promenades
d’Edmond Blanguernon, CIRCEFT Université de Paris XIII Vincennes Saint-Denis
- - Blanguernon E.
(1918). Pour l'école vivante. Paris : Hachette.
- - Conseil général de la
Haute-Marne (1909/09). Rapports et procès-verbaux des séances du
Conseil.
- - Petit É. (11 juillet1909).
La classe-promenade. Le journal des instituteurs. p. 497-498.
P.P
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