vendredi 31 mai 2019

L'école et ses registres



Les registres obligatoires autrefois

Conseil des maîtresses, école de filles de Chagny, vers 1890. On notera la présence du registre du Conseil posé sur la table (collection musée)



Le registre matricule

Ce registre matricule, obligatoire, est destiné à l'inscription dans l'ordre chronologique des enseignants et des enfants ayant fréquenté l'école concernée, si peu que ce soit. Dans certains cas, on note la présence de 3 enfants inscrits pour la journée, enfants de forains dont il fallait bien faire viser le carnet de scolarité. Pour les élèves, outre l'état civil des parents, on y trouve les dates d'entrée à l'école et de sortie, et une appréciation de l'instituteur plus ou moins détaillée, ainsi que la destination de l'élève qui quitte l'école en cours de scolarité.






Quelques exemples de commentaires :

- Le 20 février 1890 (père cultivateur) : « … a toujours eu une bonne conduite pendant le temps qu’il a passé à l’école de Saint-Nizier »
-  Le 2 avril 1890 (père maquignon) : « élève intelligent, travailleur et soigneux. Fréquente la commune de Saint-Symphorien-de-Marmagne où ses parents travaillent »
-  Le 30 avril 1890 (mère journalière) : « élève peu intelligent, mais courageux et plein de bonne volonté. A fréquenté l’école pendant quelque temps. Sorti de l’école avec peu d’instruction »

Les annotations appréciatives cessent pratiquement au début du siècle dernier, à noter que celles-ci n'étaient pas toujours flatteuses. Par la suite, on ne note que le devenir des élèves, quand on le connaît ou la réussite aux examens.



Registre matricule de l’école de garçons de Saint-Nizier-sous-Charmoy-71, in « Cent ans d’école » (publication musée)



En ce qui concerne les enseignants, leur mouvement est consigné dans une partie différente du document, sont notés tous les maîtres et maîtresses ayant été nommés dans l’école concernée, si peu que ce soit à nouveau (un an, une partie de l'année ou plusieurs années). On y trouve, outre leur état civil et leurs titres, un bref "curriculum vitae" qui retrace leur itinéraire pédagogique, leurs différentes mutations et quelquefois une appréciation sur la qualité des examens obligatoires passés pour être enseignant.



Partie réservée aux maîtres dans le registre matricule de l’école de Saint-Nizier, page 1 (collection musée)

Partie réservée aux maîtres dans le registre matricule de l’école de Saint-Nizier, page 2 (collection musée)



Pour l’étude d’une population de village ou de quartier, le registre matricule est une mine de renseignements. Celui de Saint-Nizier est des plus intéressants par sa longue durée. Commencé en 1883 (sans doute à l’ouverture de la Maison d’Ecole ou mairie-école), il se termine en 1972. Il concerne donc presqu’un siècle de la vie d’une petite commune rurale proche des centres industriels de la communauté urbaine Le Creusot/Montceau. Saint-Nizier-sous-Charmoy changea de nom en 1904 et devint « Les Bizots ».



Conseil des maîtres, école de garçons de Gueugnon, 1936 (collection musée)



Le registre de Conseil des maîtres

La vie interne d'une école, à travers les procès-verbaux du Conseil des Maîtres d'une école, est une trace importante de l'évolution  de celle-ci. Le Conseil des Maîtres est une institution statutaire de toute école primaire. Au moins deux fois par an, plus si nécessaire, sous la présidence du Directeur (ou de la Directrice), l'un d'entre eux, souvent le dernier arrivé, étant secrétaire, les instituteurs se réunissent pour régler les problèmes propres à chaque groupe scolaire. Dans les séances de début d'année on retrouve plus ou moins les mêmes communications concernant :

- la répartition des élèves dans les divers cours et la répartition des cours entre les maîtres;
- la prévision des absences éventuelles des instituteurs et la "ventilation" des élèves parmi les autres (les moyens de remplacement n'étaient pas ce qu'ils sont actuellement);
- les rappels de la discipline, pendant, avant ou entre les heures de classe.
Mais d'autres questions sont abordées suivant les besoins : les nouveaux programmes d'enseignement, les inscriptions des élèves, les projets de l'école...



Registre du Conseil des maîtres de l’école de la rue de l’Est à Montceau (actuel bâtiment du musée), période 1908-1926 (collection musée)


Registre du Conseil des maîtres de l’école de la rue de l’Est à Montceau (actuel bâtiment du musée), période 1908-1926 (collection musée)



Au fil des années et des procès-verbaux, on trouve divers autres sujets de préoccupation : établissement d'une section de tir scolaire, discussion animée pour l'attribution du Cours Supérieur, analyse des programmes d'enseignement, cinéma scolaire, retenue... (2)

On peut très rapidement tirer quelques conclusions de ces comptes rendus :
- Importance et prééminence du rôle du Directeur.
- Le Directeur, puis les maîtres les plus chevronnés exercent dans les grandes classes, les nouveaux, les femmes, les derniers arrivés gardent les petites classes (pourtant, pédagogiquement, plus difficiles à réussir).
- La diminution du nombre d’élèves de chaque cours au long des années (plusieurs causes sans doute à chercher).
Le Conseil des maîtres, par son souci de légiférer dans le détail (par exemple : répartition des élèves, des matières, etc) contribuait certainement à donner à l’enseignement primaire d’alors une stabilité, une régularité qui expliquent parfaitement son efficacité, laquelle n’était nullement due à une meilleure qualité des élèves.
Cette fixité dans la doctrine pouvait évidemment conduire au formalisme le plus rude, mais l’anarchie - excès inverse – n’aurait-elle pas, finalement, été aussi nocive ? Plus tard, l’évolution des mœurs apportera quelques réponses à la question.


Extrait du registre matricule des maîtres, école Joliot-Curie Saint-Vallier 71 (collection musée)

Le registre d’appel

Le cahier d'appel journalier était et est toujours un indicateur précis de la fréquentation scolaire. Il revêt une importance particulière pour l'administration qui a, à travers lui, une preuve de l'assiduité des élèves, et une importance aussi pour les chercheurs qui y trouvent des indications ethnographiques de premier ordre sur les motifs d'absence à travers toutes les époques.
Chacun des mois de l'année occupe une double page sur laquelle apparaît la liste des élèves ainsi que les absences notées par demi-journée et par individu. Des pourcentages mensuels des présences sont calculés chaque mois et une colonne indique tous les motifs d'absence.
A travers ces motifs, une image sociale d'une époque donnée se dessine, il n'est en effet pas rare de trouver, dans les années 1900, des motifs montrant l'emploi des enfants aux travaux de la ferme (garde des troupeaux, ramassage des pommes de terre, cueillette des cerises, prise en charge des frères et sœurs plus jeunes...) ou dans les années 1940-1950, des motifs reflétant la pénurie d'après-guerre ("n'a pas de sabots", "n'a pas de chaussures"...). 


Extrait du registre matricule des maîtresses, école Marie-Curie Saint-Vallier 71 (collection musée)


Le registre d’inventaire

Ce registre servait à consigner tout le matériel en dépôt ou propriété de l'école (mobilier, matériel pédagogique...). Souvent y étaient adjoints la liste des ouvrages et le document de prêt de la bibliothèque scolaire. Ce registre reflétait la part de financement de chacun : le matériel acquis par la municipalité grâce aux deniers publics et le matériel acquis par la coopérative scolaire grâce aux cotisations des familles et aux  rentrées diverses (fêtes, vente de papier ou de marrons, etc).
A cet égard, il n’est pas vain de rappeler que la cession des biens précités est régie par la loi (1).



(1) :
«  ARRÊTONS  DE  DILAPIDER  LE  PATRIMOINE  SCOLAIRE.

Depuis quelques temps, on voit fleurir sur des brocantes ou vide-greniers du matériel scolaire en parfait état. Ce matériel est parfois vendu à des prix exorbitants en fonction de l'offre et de la demande. On peut s'étonner de l'apparition de ces objets sur ce genre de manifestations et sur le bien-fondé de cette entreprise de "dilapidation" d'un patrimoine scolaire acheté le plus souvent sur des fonds publics. Il serait bon, nous semble-t-il, de rappeler un certain nombre de règles élémentaires parfois oubliées.

            Le matériel scolaire, acheté en fonction des besoins et souvent de l'évolution de l'enseignement, a pu l'être grâce à des fonds qui proviennent d'une part ; pour les écoles primaires, du budget municipal, et d'autre part sur des fonds provenant des coopératives scolaires, elles-mêmes alimentées par les cotisations des adhérents et les diverses subventions.
Ce matériel, une fois livré, doit être dûment répertorié et inscrit au patrimoine de l'école. Lorsqu'il est réformé, il doit tout de même être visible à toute demande d'une commission, du moment qu'il figure à l'inventaire. La cession, à quelque personne que ce soit de ce matériel, ne peut se faire qu'accompagnée d'une décision du conseil municipal, décision qui doit ensuite être annexée aux objets en question sur d'éventuels lieux de vente. Dans le cas ou celui-ci a été acheté par la coopérative scolaire, la procédure est la même mais il s'agit cette fois d'une notification du conseil d'école.

            Le label "Musées de France" est attribué à un organisme public dont les seuls objectifs sont : la collecte, la restauration, l'entretien, la mise en valeur et l'exposition puis l'archivage du patrimoine culturel national. Les établissements qui ont ce label ont droit de préemption et sont prioritaires pour l'acquisition des biens culturels du domaine public. (Loi du 4 Janvier 2002)
Le matériel scolaire, acheté sur des fonds publics, fait donc partie du domaine public et de ce fait, lorsqu'une école ou une municipalité souhaite se "débarrasser" d'un matériel dépassé, elle doit d'abord se poser la question de savoir quel établissement public est en mesure d'être intéressé par celui-ci avant de tout céder à une brocante.
Bien sûr, les Musées de France n'ont pas vocation à récupérer tout le patrimoine culturel ainsi déclassé, mais ils recherchent principalement des objets qui enrichiront leurs collections pouvant ainsi témoigner de l'évolution du passé.


            En ce qui concerne le matériel scolaire en Saône et Loire, le seul musée de l'école qui possède le label "Musée de France" et qui est donc habilité pour récupérer les témoignages du passé scolaire est : le Musée de la Maison d'Ecole à Montceau, Musée de France. » Michel BILLARD, mars 2007

(2) : A travers l’anecdote parfois pittoresque apparaissent les relations de l’école avec la société, la municipalité, les parents, l’administration. Le compte-rendu est donné ici à l’état brut, sans commentaire superflu. Ces quelques pages sont issues de « Cent ans d’école », publication du musée, chapitre de l’ouvrage qui s’inspira de « Une école comme les autres », étude effectuée entre les deux guerres, à travers les rapports annuels du Conseil des maîtres (période 1908-1926 puis période 1926-1945).






Première période 1908-1926


In « Cent ans d’école », publication musée, 1983

In « Cent ans d’école », publication musée, 1983

In « Cent ans d’école », publication musée, 1983

In « Cent ans d’école », publication musée, 1983

In « Cent ans d’école », publication musée, 1983


Deuxième période 1926-1945




In « Cent ans d’école », publication musée, 1983

In « Cent ans d’école », publication musée, 1983

In « Cent ans d’école », publication musée, 1983

In « Cent ans d’école », publication musée, 1983



On peut constater qu’à cette époque, le Conseil des maîtres avait encore à faire pour devenir une réelle concertation de « l’équipe éducative ». Il était tentant en effet de réduire son activité aux seuls problèmes d’ordre matériel afin d’éviter toute intrusion sur le terrain pédagogique...



P.P


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