Une école libératrice
Plaidoyer pour une rentrée
sereine des enfants d’aujourd’hui
Sous
le regard de la bourgeoisie, le 19ème siècle s'était voulu le siècle
de l'enfant, cet enfant roi que « le
cercle de famille applaudit » lorsqu'il paraît selon Victor Hugo, cet enfant
malheureux qui prend conscience de la dureté des adultes avec Alphonse Daudet
ou de leur mesquinerie avec Jules Vallès, cet enfant qu'il faut choyer tout en
le dressant selon la Comtesse de Ségur. Malheureusement, la réalité est tout
autre, tous ces enfants ne sont ni comparables, ni égaux entre eux. Les fils de
la société bourgeoise ont droit à une éducation scolaire et à une adolescence
sentimentale quand, dans le même temps, les enfants des familles ouvrières
passent directement du premier âge à celui de travailleur. Le 19ème
siècle ignorera ces garçons et ces filles d'ouvriers ou de paysans, obligés à mener une vie
d'adulte avant l'âge, mais verra éclore, dans ses dernières décennies, l’école
pour tous qui mènera l’écolier des ténèbres vers l’empyrée.
Victor Hugo et le travail des enfants
En cette rentrée 2020, il n’est pas inutile de rappeler dans quel
contexte furent établis les fondements et les valeurs qui ont présidé à la
naissance de notre école républicaine gratuite, laïque et obligatoire, en 1881.
Pour cela, Victor Hugo nous éclaire sur une période sombre dans ses
« Contemplations » dont voici un extrait :
Melancholia
... Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?
Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.
Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! La cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : - Petits comme nous sommes,
Notre père, voyez ce que nous font les hommes !
Ô servitude infâme imposée à l'enfant !
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu'a fait Dieu ; qui tue, œuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée,
Et qui ferait - c'est là son fruit le plus certain ! -
D'Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !
Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil !
Progrès dont on demande : Où va-t-il ? Que veut-il ?
Qui brise la jeunesse en fleur ! Qui donne, en somme,
Une âme à la machine et la retire à l'homme !
Que ce travail, haï des mères, soit maudit !
Maudit comme le vice où l'on s'abâtardit,
Maudit comme l'opprobre et comme le blasphème !
Ô Dieu ! qu'il soit maudit au nom du travail même,
Au nom du vrai travail, sain, fécond, généreux,
Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux !
Le travail des enfants, en
France, n'a pas débuté au XIX° siècle, mais il s'est étendu et généralisé à
cette époque : étendu à tout le pays et à un très grand nombre d'enfants ;
généralisé à tous les métiers. A l’orée de la révolution industrielle,
130 000 enfants de moins de 13 ans travaillent déjà dans les ateliers de
manufacture. Ainsi rencontrait-on, dans les villes, jusqu'alors généralement
peu industrialisées, une population de femmes et d'enfants sous-employés, ainsi
que des saisonniers, que Karl Marx
qualifiera d’«armée de réserve
industrielle», qui rejoignirent bientôt les régions de grande concentration
industrielle, précédés des ouvriers arrivés au début du siècle.
Le premier texte de loi qui encadre le travail
des enfants paraît le 21 mars 1841 : l’âge de travail est porté à 8 ans
minimum et le travail de nuit est limité. Le texte préconise parallèlement une
scolarité des enfants obligatoire jusqu’à 12 ans… cette dernière obligation ne
s’appliquera réellement qu’en 1881 avec les lois Ferry et difficilement encore.
La loi du 19 mai 1874
« protège » les enfants et les filles mineures de l’industrie en
prohibant le travail de nuit, les dimanches et les jours fériés avant 16 ans.
Le travail est interdit avant 12 ans. Une loi de 1893 limite la durée maximale
de travail à 10 heures par jour pour les enfants de 13 à 15 ans et à 60 heures
par semaine de 16 à 18 ans.
Autour de 1900, beaucoup
d’enfants sont « placés » en apprentissage et les patrons ont
certaines obligations : ils ne doivent pas occuper l’enfant à des travaux
au-dessus de ses forces et doivent surveiller constamment sa conduite et ses
mœurs ; ils doivent le traiter avec bonté et douceur, sans jamais lui
infliger aucune punition corporelle ou privation de nourriture ; ils
doivent faire les démarches nécessaires dans le cas où il fuguerait et donner
l’alerte auprès du Maire de la commune dans les 24 heures en cas d’« évasion ».
Les
enfants et la mine
« Ils
approchent les bois (de soutènement) qui, vu l'exiguïté des ateliers sont de
petites dimensions. Ils écartent des charbons les fragments de schistes et de
rochers, et rangent les remblais. Ils graissent les chariots. Ils font les
commissions de toute nature pour les mineurs, vont chercher des outils, des
cartouches, de l'eau. Enfin ils servent de portiers, c'est-à-dire ouvrent et
ferment les portes d'aérage. Au-delà de quatorze ans, ils participent au
roulage, c'est-à-dire poussent, à deux, les chariots de 4 à 5 hectolitres sur
les voies de fer. » Bulletin
de la Société protectrice des apprentis, Paris, 1868
Jules Vallès est l’un des
premiers journalistes à descendre dans les profondeurs d’une mine pour un
reportage qui sera publié dans Le Figaro
des 16 et 17 novembre 1866. Là, à 400 mètres sous terre, il y décrit certains
travaux effectués par les « moutards
de 8 à 10 ans » lors de sa « descente
aux enfers » : « (..)
une quinzaine de gamins qui se relaient sur des échelles et portent jusqu’au
bord du trou les sacs remplis par les débris de rocs ou du charbon qu’a fait
tomber la pioche du mineur (..) certains d’entre eux font tourner sans relâche
le ventilateur qui permet d’aérer les galeries souterraines où l’oxygène est
rare. Les « trappers », quant à eux, ouvrent et ferment 12 heures par
jour les portes pare-feu au passage des chariots remplis du précieux minerai.
Ils ont pour seule compagnie une chandelle et, de temps à autre, le salut des
jeunes « éclaireurs » de leur âge qui précèdent les convois, ou un
bref échange avec les « toucheurs » qui mènent les chevaux de trait
derrière lesquels s’étire une longue succession de berline. » De nombreuses jeunes filles
effectuent des travaux « en surface », au « triage » et au
« criblage » du charbon, mais aussi, pour certaines, dans les
galeries. Jules Vallès raconte aussi comment les enfants portant des sacs de
charbon sur leur dos sont « invités » à les poser et à s’asseoir
lorsque des personnes étrangères visitent la mine, comme pour leur cacher des
conditions de travail illégales.
En France, différentes lois seront
votées et de nombreux décrets pris entre 1813 et la fin du XIXe siècle. Le 3 janvier 1813, un décret
interdit aux enfants de moins de 10 ans de travailler au fond, mais ce
n’est que soixante ans plus tard qu’un nouveau texte tente de s’attaquer aux
abus des compagnies minières en la matière. La loi du 19 mai 1874,
ainsi que les décrets du 13 mai 1875 et du 31 octobre 1882, mettent
un terme à l’emploi souterrain des garçons de moins de 12 ans.
Pour les 12-16 ans, le travail ne doit pas être physiquement trop pénible, et strictement limité dans sa durée. Après l’interdiction, en 1892, du travail de nuit pour les femmes et les enfants, les 16-18 ans voient leur présence au fond être fixée à cinq heures par jour. L’âge du recrutement des mineurs en herbe est quant à lui relevé à 13 ans. À la fin du siècle, le pourcentage de main-d’œuvre enfantine sera en recul dans tous les bassins miniers.
Les
enfants et la manufacture
A côté des enfants qui
travaillaient au fond, beaucoup d'autres étaient employés, dans les houillères
du Massif Central et du Midi, aux ateliers de surface, pour le triage, le
criblage et le lavage des charbons. On rencontrait de nombreux enfants, encore,
dans les sucreries de betterave, dans les fabriques de faïence et de
porcelaine, dans la passementerie, la métallurgie, et bien d'autres industries
où ils représentaient une part parfois notable de l'effectif de l'entreprise (1).
Le
profit avant l’enfant
La mécanisation dans les
usines favorisa l’emploi des enfants. Généralement les machines n’exigeaient
qu’une main-d’œuvre peu qualifiée mais nombreuse… à faible coût. Certains
économistes préconisaient l'utilisation des enfants qui apportait une économie
notoire « en raison de l'infériorité de
salaire exigée par les enfants pour des travaux qui demandent moins de force
que d'adresse ». Et qui pouvait «
ainsi occuper plusieurs membres d'une même famille, l'amélioration qu'éprouvait
la condition des aînés par le gain des plus jeunes contribuait à dispenser le
fabricant d'élever aussi haut le taux général de la main-d'œuvre ». Archives Nationales
D’autres, non par altruisme,
pensaient le contraire : « Le
manufacturier qui entend bien ses intérêts ne doit pas en employer; trop
jeunes, ils font moins et plus mal, ils ont la maladresse et la légèreté de
leur âge. Cependant, de 10 à 12 ans, il y a économie, comparativement aux
adultes, parce qu'à cet âge ils ont assez d'intelligence et de force pour faire
certains travaux ». Chambre de
Commerce de Lille, 29 septembre 1837
L’enfant
esclave
Les enfants étaient soumis
aux brutalités de la vie au travail, adultes avant l’heure. Leur condition
importait peu aux « maîtres », ils étaient le plus infime rouage de
la machine industrielle. Bien sûr, certains patrons ont pris conscience de
l’importance de la jeunesse, à l’image de Jules Chagot, patron des houillères
de Blanzy, pour qui les ouvriers étaient « les
soldats du travail » et qu’il importait donc de prendre soin des
jeunes pour ménager l’armée future.
Ces petits soldats,
corvéables à merci, pouvaient cependant être formés par la force. On note
d’ailleurs, dans une pièce de théâtre de la fin du siècle mettant en scène des
mineurs, la réplique suivante d’un vieillard de 45 ans : « Il est bon de brutaliser les enfants.
Cela les prépare aux duretés de la vie. De mon temps j'ai été roué de coups ;
en suis-je plus mauvais ? ». Roués de coups, peut-être pas mais les
enfants étaient exploités : d'après Villermé, vers 1835, le salaire moyen
d'un homme était de 2 francs par jour, celui d'une femme de 1 franc, celui d'un
enfant de 12 à 16 ans de 0,75 franc, celui d'un enfant de 8 à 12 ans de 0,45
franc…
21ème
siècle : les enfants enfin tous égaux ?
En ces temps de rentrée de
nos jeunes, il est bon de leur rappeler qu’environ 250 millions d’enfants de 5
à 17 ans travaillent dans le monde… Le BIT (Bureau International du Travail
rattaché à l’ONU) estime que dans les
seuls pays en développement, ces derniers se livrent à une activité économique.
Pour 120 millions d’entre eux, il s’agit d’un travail à temps plein. Le reste
combine le travail avec l’école ou d’autres activités non économiques.
Nos enfants doivent être
conscients de la chance qui est la leur face à cette insulte à l’humanité
qu’est le travail des enfants. Partout dans le monde, des enfants continuent de
travailler, compromettant ainsi leur éducation, leur santé, leur développement,
quelquefois leur vie. Des millions travaillent dans des conditions dangereuses
qui menacent leur santé. Ils peinent dans des mines et des carrières, ils sont
exposés aux produits agrochimiques, ils travaillent accroupis dans des postures
invalidantes au tissage de carpettes et de tapis, ils font de la récupération
dans les décharges. Ils travaillent, pour certains, en situation de servitude,
d’autres sont maltraités dans le cadre du commerce sexuel.
Alors bonne rentrée à vous
tous, dans cette école républicaine qui vous instruit et vous protège. Soyez en
dignes et reconnaissants.
Et
Victor Hugo de conclure
Poème au retour d’une visite
au bagne, une ode à l’école :
Chaque enfant qu'on enseigne est un
homme qu'on gagne.
Quatre-vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne
Ne sont jamais allés à l'école une fois,
Et ne savent pas lire, et signent d'une croix.
C'est dans cette ombre-là qu'ils ont trouvé le crime.
L'ignorance est la nuit qui commence l'abîme.
Où rampe la raison, l'honnêteté périt.
Quatre-vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne
Ne sont jamais allés à l'école une fois,
Et ne savent pas lire, et signent d'une croix.
C'est dans cette ombre-là qu'ils ont trouvé le crime.
L'ignorance est la nuit qui commence l'abîme.
Où rampe la raison, l'honnêteté périt.
Dieu, le premier auteur de tout ce
qu'on écrit,
A mis, sur cette terre où les hommes sont ivres,
Les ailes des esprits dans les pages des livres.
Tout homme ouvrant un livre y trouve une aile, et peut
Planer là-haut où l'âme en liberté se meut.
L'école est sanctuaire autant que la chapelle.
L'alphabet que l'enfant avec son doigt épelle
Contient sous chaque lettre une vertu ; le cœur
S'éclaire doucement à cette humble lueur.
Donc au petit enfant donnez le petit livre.
Marchez, la lampe en main, pour qu'il puisse vous suivre.
A mis, sur cette terre où les hommes sont ivres,
Les ailes des esprits dans les pages des livres.
Tout homme ouvrant un livre y trouve une aile, et peut
Planer là-haut où l'âme en liberté se meut.
L'école est sanctuaire autant que la chapelle.
L'alphabet que l'enfant avec son doigt épelle
Contient sous chaque lettre une vertu ; le cœur
S'éclaire doucement à cette humble lueur.
Donc au petit enfant donnez le petit livre.
Marchez, la lampe en main, pour qu'il puisse vous suivre.
Victor Hugo (Extrait)
Sources :
- Villermé (Louis-René), Tableau
de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de
coton, de laine et de soie, Paris, 1840, 2 vol.; éd. abrégée par Tyl (Y.),
sous le titre État physique et moral des
ouvriers, Paris, Coll. 10/18, 1971.
- Bibliothèque de Travail (BT) n°108, n°114, n°122, n°150, Pédagogie
Freinet
- ICEM-pédagogie-Freinet, n°172, Le
Travail des Enfants, 1984
(1) :
Le plus grand nombre
d’enfants employés tout au long du 20ème siècle le fut dans l'industrie textile,
principalement dans les filatures de coton et de laine, les tissages et les
manufactures d'impression sur tissus. Bien qu’il ne soit pas possible de
détailler tous les métiers auxquels étaient attachés les enfants, quelques
témoignages en dressent cependant le portrait :
Dans une filature de coton : « L'épluchage du coton 4, son cardage,
et surtout le dévidage, sont plus particulièrement faits par des femmes aidées
d'enfants du même sexe. Chaque métier à filer occupe deux, trois, quelquefois
quatre personnes, dont la plus âgée dirige les trois autres, qui sont presque
toujours des enfants. Ces derniers, appelés rattacheurs, surveillent les fils,
rattachent ceux qui se brisent, nettoient les bobines en se précipitant sur le
plancher, pendant que la partie mobile du métier (le chariot) s'écarte de la
partie fixe et ramassent le coton de déchet (...) Quelquefois deux métiers sont
conduits par un seul fileur dont les aides sont alors un peu plus grands, et
d'autres fois deux petits métiers, dirigés chacun par un adolescent n'ont pour
eux deux qu'un seul bobineur. Enfin, comme les fileurs travaillent à la pièce
et sont responsables de la qualité du fil qu'ils fabriquent, ils choisissent et
paient eux-mêmes leurs aides. » Louis-René Villermé, État physique et moral
des ouvriers, Paris, 1840
Les travaux dans un tissage : « Les tissages présentent moins de
complications que les filatures; ils n'emploient pas ce grand nombre de métiers
qui travaillent successivement la même matière. Les opérations du tissage sont
au nombre de quatre: le dévidage, l'ourdissage des chaînes, le parage ou
encollage, enfin le tissage proprement dit. » Jules Simon, L'ouvrière, Paris
1861
« Dans
les tissages mécaniques, les enfants sont en général âgés de plus de douze ans
; ils président à un métier à tisser, et leur travail n'est en général pas très
fatigant : les tissages mécaniques sont un véritable bienfait pour l'humanité
(par rapport au tissage à bras). » P. George et F.-J. Herrgott,
Rapport d'inspection dans des usines, 14 juin 1842
« Les enfants qui n'ont
pas encore assez de force pour tisser, préparent les fils et ceux qui tissent
sont âgés au moins de quinze ans accomplis. » L.-R. Villermé (opus cité)
Dans une manufacture
d'indiennes (ou impression sur tissus) : « Les imprimeurs sont des deux
sexes et de tout âge; mais les hommes font seuls les impressions à la
mécanique, et ordinairement les impressions à la planche qu'on nomme de première
main, parce qu'elles consistent dans l'application de la première couleur et
guident pour l'impression des autres. En outre, un enfant de six à douze ans,
appelé tireur ou brosseur, est attaché à chaque imprimeur ou à une imprimeuse;
sa principale occupation est de soigner le chassis à la couleur pour qu'il ne
soit jamais dépourvu de celle-ci, et que les planches puissent en être chargées
à chaque instant. Les imprimeurs ou imprimeuses, ainsi que ces enfants,
travaillent debout, chacun devant son établi, et dans de très vastes salles à
plafond extrêmement élevé, bien éclairées et chaudes en toutes saisons... (Les
manoeuvres) lavent les pièces d'étoffes, les teignent, les portent à l'étuve,
au séchoir, sur le pré, les y étendent, les arrosent, puis les passent au
cylindre; les calandrent, les pressent, ou font tout autre ouvrage de force.
Disséminés dans l'établissement, mais plus particulièrement attachés aux
ateliers de teinture et de blanchiment, ils travaillent plus ou moins à l'air,
souvent dans l'humidité, et quelquefois dans l'eau. » R.-L. Villermé (op. cité)
Chez les soyeux : « Dans la région lyonnaise, le travail
confié à ces enfants consistait à dévider les soies, c'est-à-dire à transporter
sur des bobines la soie sortant en écheveaux des teintureries, à faire tourner
les mécaniques des moulinages pour tordre les fils des écheveaux, à lancer les
navettes des métiers à tisser. »
Chez les verriers : « Avant la modernisation de la
verrerie, le petit «gamin» avait la charge des «cannes» des verriers, qu'il
devait préparer et chauffer, ainsi que le soin de porter la bouteille brûlante,
fabriquée par le verrier, au «four à recuire». Avec l'invention des moules, à
la fin du siècle, le gamin devait «ouvrir, fermer, ouvrir, fermer, ni plus ni
moins». C'était une chaîne sans fin, les trois souffleurs attachés à la place,
les uns derrière les autres, avec leur verre en fusion en bout de leur canne,
se relayaient sans arrêt... Rivé à mon tabouret, je n'avais guère le loisir de
contempler ce qui se passait alentour. Tout entier à mon souci de bien faire,
je restais l'oeil fixé sur mon moule que je m'appliquais, par commodité, à
caler entre mes deux sabots. J'agissais comme si toute l'usine avait eu les
yeux braqués sur moi. » M. Chabot, L'escarbille 9 - Paris 1978
Des
statistiques difficiles à établir
Connaître avec précision le
nombre exact des enfants employés dans les manufactures est toujours une
opération délicate. Les chiffres dont on dispose sont souvent approximatifs,
incomplets ou même parfois contradictoires, du fait de la clandestinité qui caractérise
ce travail : « Dans les
verreries, retentissait un signal par lequel le concierge avertissait de
l'arrivée de l'inspecteur du travail. C'était alors autour des fours un
sauve-qui-peut général des gosses que l'on cachait dans les caves, les
greniers, les magasins à fourrage, et sous les tonneaux défoncés. » Ch. Delzant « L'exploitation des enfants
dans les verreries » in La Vie Ouvrière 20 juillet 1910. A partir de la
Restauration, les statisticiens se sont efforcés de mesurer le poids des masses
populaires dont l'accroissement mal contrôlé inquiétait les autorités. Une
étude regroupe, malgré tout, toutes les données de 1840 dans le cadre de nos
régions actuelles. Certains départements n'étaient pas industrialisés à
l'époque.
Nombre d’enfants dans les
usines en 1840 par département (source ICEM-pédagogie Freinet-BTJ)
Age d’admission des enfants
dans les usines en France, enquête de 1840 (source ICEM-pédagogie Freinet-BTJ)
(source ICEM-pédagogie
Freinet-BTJ)
(source ICEM-pédagogie
Freinet-BTJ)
La réglementation du travail
des enfants (ICEM-pédagogie-Freinet)
P.PLUCHOT
L'infamie des enfants au travail!
RépondreSupprimerIl faut faire connaître cet historique. Une fois de plus , voilà le bon travail du Musée. Compliments
M. Lauquin.