Le printemps des poètes 2021
Désir de dire, désir d’écrire
Retour sur une expérience en
classe, 2018 (photographie JSL71)
Au début, ne
pas avoir peur de dire les mots qui ne sont pas les siens. Ensuite, ne pas
avoir peur d’écrire ses propres mots. Puis se laisser bercer par la musique des
mots sans se poser la problématique de la récitation devant la classe qui
écoute ; en somme, se placer du côté des émotions, les siennes... et celles
que l’on déclenche chez les autres. Tout un art !
Un atelier d’écriture poétique
Le directeur et ses élèves (photographie JSL71)
En 2018, Vincent Marcelin (administrateur du Musée de la Maison d’Ecole), à l’époque directeur de l’école de Saint-Romain-sous-Gourdon, participa avec sa classe au concours « Ecrits pour la fraternité », organisé par la Ligue des Droits de l’Homme chaque année. Le travail d’écriture des enfants s’inspira de la thématique retenue cette année-là : « Le voyageur » d’Apollinaire et son vers célèbre « Ouvrez-moi cette porte ou je frappe en pleurant »(1).
Gérard Foucherot, membre du musée, ancien directeur d’école à la retraite et l’équipe de la Ligue des Droits de l’Homme du Bassin minier, Mmes Fourt et Taiclet (photographie JSL71)
Le jury de la Ligue des Droits de l’Homme était venu pour présenter leur action devant la classe : la Révolution française, la Déclaration des droits de l’homme, ainsi que bien d’autres sujets encore et c’est Gérard Foucherot qui avait repris du « service » pour répondre aux interrogations.
La présentation des poèmes(photographie JSL71)
Mais le jury était aussi
venu pour apprécier les poèmes écrits par les élèves lors d’un échange
poétique. Les enfants, très motivés par leur maître avaient fourni un travail
de qualité qui fut apprécié à sa juste valeur et c’est une douzaine de poèmes
qui furent retenus pour une nouvelle sélection par un jury national.
La récitation
Depuis les origines de l’école, apprendre de la poésie et la dire devant
tous les écoliers a toujours été l’un des piliers de l’enseignement en primaire
et ce, malgré les réformes successives. Jusqu’en 2015, le programme officiel
préconisait de faire retenir par cœur 10 textes poétiques par an à chaque
élève, du CP au CM2. Depuis, le chiffre a disparu, l’obligation de la
récitation est restée, mais avec quel objectif ?
Nathan, 1924 (collection musée)
Dans les petites classes (CP, CE1 et CE2), la récitation doit amener l’élève
à «dire
pour être entendu et compris» (Bulletin officiel de
juillet 2018). En CM1 et CM2, il doit «parler en prenant en compte son
auditoire». Le cap est donc mis sur la maîtrise de l’expression
orale, chacun doit pouvoir « bien » dire les poèmes devant ses
camarades : « Les
élèves apprennent peu à peu à améliorer leur articulation et le volume de leur
voix, à varier les intonations, à utiliser posture, regard, mimiques et
gestuelle pour capter l'attention de l'auditoire », (Recommandations pédagogiques, avril 2019.
Photographie Willy Ronis/Rapho
Faire travailler sa mémoire
Au 20ème siècle, la récitation est, à l’évidence, l’alliée du par cœur : «A partir du début de ce siècle, la mémorisation des leçons fera de plus en plus place à la récitation de poèmes, au point que "récitation" et "poèmes" deviennent presque synonymes dans le langage scolaire.» (Joaquim Dolz, Pour un enseignement de l’oral).
Hatier, 1952 (collection
musée)
A l’école de la Troisième République, le langage avait principalement une fonction référentielle en relation avec les objectifs fondamentaux de développement de l’esprit scientifique : objectivation du réel, leçons de choses, vocabulaire, récitation. L’école niait le développement de l’imaginaire, le pouvoir de la fiction.
Photographie Rapho
De nos jours, c’est un retournement. On restitue sa place à l’imaginaire : création de mondes qui n’existent pas dans celui-ci, faculté de rendre présent ce qui est absent : rêve, rêverie, imagination, notamment en produisant des écrits poétiques. Dire les textes des grands auteurs, écrire et dire ses propres poèmes ? Deux apprentissages liés au désir de communiquer ses émotions.
(1) : Poème d’Apollinaire Le Voyageur :
Cliquez ici pour voir la vidéo
Et maintenant, place à la poésie
S'emporter...
dans le désir
loin de tout
avec ce goût
celui que tous désirent
s'éloigner...
pour être plus loin de moi
plus proche d'une autre planète
plus loin de toi
plus proche d'une étoile mieux faite
et enfin revenir...
sur une pauvre terre
sans regarder en arrière
tout recommencer
et plus tard, encore s'envoler.
Emma, 12 ans, S’emporter, le désir d’ailleurs
Le corbeau et le renard, Lily,
deux ans et demi
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