vendredi 5 mars 2021

Enquête sur les écoles de Saône-et-Loire 1884

 

Enquête sur les écoles de Saône-et-Loire

1884

L’Ecole primaire supérieure de Montceau



La Communale

En juin 1884, Armand Fallières, ministre de l’Instruction publique du gouvernement de Jules Ferry, lance la grande enquête nationale annuelle sur l’état des écoles publiques en France et Algérie. L’opération a deux objectifs, d’une part, faire l’inventaire matériel des besoins et, d’autre part, assurer la mise en œuvre des lois de 1881 et 1882 rendant l’instruction des filles et des garçons obligatoire, laïque et gratuite dans les « communales » (1). La consultation de ces archives remarquables a le mérite de lever le voile sur l’implantation concrète de l’Ecole primaire supérieure de garçons de Montceau en 1884, fournissant notamment les plans des classes.



Le cadre de l’enquête de 1884

Sur injonction du ministre, il fut demandé à chaque institutrice ou directrice et chaque instituteur ou directeur de France métropolitaine et des trois départements algériens (Alger, Constantine et Oran) de remplir en deux exemplaires un formulaire de renseignements sur son école et d’en dresser les plans sommaires. Les remontées devaient se faire vers l’inspection académique de chaque département. Une nouvelle enquête sera diligentée avec la même rigueur en 1892.


Lettre d’accompagnement des retours de questionnaires rédigée par l’Inspecteur primaire de la circonscription de Montceau-les-Mines, 1884, détail

Les formulaires ainsi collectés furent reliés dans un ordre bien défini et imposé aux académies : ordre alphabétique des arrondissements, puis ordre alphabétique des cantons et enfin ordre alphabétique des communes. C’est ainsi que 444 registres furent envoyés au ministère, chaque académie conservant un double. Quelques particularités sont à noter quant à la consultation de ces registres, notamment en ce qui concerne l’Alsace-Lorraine : du fait de son annexion par l’Empire allemand en 1871 et de son régime concordataire, les départements des Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle ne furent pas concernés par l’enquête. On remarque aussi que le Territoire de Belfort actuel se dénommait Haut-Rhin en 1884.


Lettre d’accompagnement des retours de questionnaires rédigée par l’Inspecteur primaire de la circonscription de Montceau-les-Mines, 1884

En outre, la consultation de ces archives recèle de nombreux pièges car les changements administratifs ont été légion depuis la fin du 19ème siècle. La recherche peut se compliquer rapidement car les communes d’un même département peuvent ainsi être réparties entre plusieurs registres. Mieux vaut  connaître son chef-lieu de canton de l’époque pour trouver l’école désirée.



Quoi qu’il en soit, les informations renvoyées et quelquefois les commentaires des institutrices et des instituteurs renseignent sur l’état matériel de l’enseignement primaire aux prémices de la mise en œuvre des grandes lois républicaines. Bien que beaucoup de maîtres soient peu loquaces sur leurs conditions (par pudeur ou par crainte des conséquences), ces témoignages constituent des sources de première main sur l’histoire sociale locale au cœur d’une France restée largement rurale.





Les plans des locaux scolaires dressés par les institutrices ou les instituteurs  ainsi que les statistiques donnent une image assez claire du statut de l’école publique au sein des différentes communes. Ils précisent la disposition des salles et du logement des enseignants, la fréquentation des élèves, les problèmes posés par le manque d’hygiène (présence ou non de fontaine ou de commodités), l’équipement en matériel pédagogique (mobilier, musée scolaire, bibliothèque), l’existence de cours du soir…   


Plan de l’école publique de garçons de Saint-Vallier, 1884, détail

Plan de l’école publique de garçons de Saint-Vallier, 1884, détail

Plan de l’école publique de filles de Saint-Vallier, 1884, détail

Plan de l’école publique de filles de Saint-Vallier, 1884, détail


Un plan quinquennal plus large

 L’administration publiait chaque année depuis 1879, une courte enquête résumée dans un rapport intitulé Résumé des états de situation de l’enseignement primaire, et ce, par département. L’ouvrage comportait un grand nombre de tableaux concernant la situation des communes et des écoles : le nombre de maîtres et d’élèves par catégorie d’enseignement pendant l’année concernée, la marche des institutions auxiliaires de l’école, la progression des certificats d’études et des titres de capacités, les résultats constatés quant à l’instruction des conscrits ou  encore le relevé des dépenses scolaires de l’exercice. Chaque enquête faisait l’objet d’une publication plus « allégée » dans la Revue pédagogique de Ferdinand Buisson.


Ferdinand Buisson, Revue pédagogique, année 1882


Enfin, tous les cinq ans, ce résumé des états ne paraissait pas puisque remplacé par un rapport de la statistique quinquennale fournissant une statistique beaucoup plus complète de l’enseignement primaire coïncidant avec l’année du dénombrement de la population.


Hôtel de ville de Montceau-lesMines accueillant l'E.P.S, vue arrière

Dans l’intimité de l’Ecole primaire supérieure de garçons

Il est bien connu qu’une E.P.S avait été créé à Montceau-les-Mines en 1882, la première du département (voir l’article du blog https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2019/01/lecole-primaire-superieure-de-montceau.html#more). Cette dernière avait vu le jour grâce à l’insistance du maire de la ville, le docteur Octave Jeannin, fervent républicain, et ce, malgré les pressions de la Mine qui entendait bien maintenir le monopole de ses écoles. Depuis quelques années déjà, le seul enseignement public réservé aux enfants dont les parents ne travaillaient pas pour la Mine, s’était installé dans l’hôtel de ville, deux classes primaires y étaient présentes, complétées par la location de la « maison Bonnot », rue de l’Eglise. Il avait fallu attendre la construction de l’école publique de garçons de la rue de l’Est (notre musée), ouverte en 1881, pour libérer les locaux de l’hôtel de ville au profit d’une E.P.S.




Renseignements sur les effectifs de l’E.P.S, détail

Ce qui est moins connu, ce fut la manière dont étaient organisées les classes de cette E.P.S. Les états de 1884 nous éclairent sur l’implantation de cette dernière et sur son fonctionnement, notamment sur l’accueil des pensionnaires.

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Plan de l’E.P.S, 1884, détail


Plan de l’E.P.S, 1884, détail


Renseignements divers sur l’E.P.S, 1884, détail


Renseignements divers sur l’E.P.S, 1884, détail

Les deux premières écoles primaires de Montceau

A la déconvenue des dirigeants de la Mine, une municipalité républicaine, conduite par le Docteur Jeannin, géra la ville pour six ans (1878 à 1884), avant que ne soit élue ensuite une municipalité amie, celle du maire radical Bertrand (1884-1888). C’est sous la première mandature que des réalisations importantes eurent lieu en faveur de l’école publique devenue, en 1881 et 1882, gratuite, laïque et obligatoire.


Etat des effectifs de l’école de garçons de la rue de l’Est, 1884, détail


Se conformant aux lois qui la fondaient alors et bénéficiant  de « secours » de l’état, le maire Jeannin fit bâtir en 1881, au centre de Montceau, deux écoles primaires, dites encore « communales », l’une pour les garçons, rue de l’Est (future rue Jean Jaurès), l’autre pour les filles, rue Centrale (future rue Carnot). Œuvres de l’architecte Dulac, ces petits palais scolaires en pierre de taille devaient exprimer, sans nécessiter de commentaires, l’importance donnée à l’Instruction publique à cette époque. Une façade à la solide ordonnance marque les deux hauts étages des classes, que surmonte un étage bas renfermant les logements des enseignants. A Montceau, cette bâtisse contraste puissamment avec les écoles antérieures appartenant à la  Compagnie des mines de Blanzy, claires et bien construites, mais toutes sur un plan stéréotypé. Aucune ne desservait véritablement le centre, écoles de garçons et écoles de filles étant rejetées à l’extrémité nord de cette ville-rue. De ces deux écoles « jumelles » d’un style rare, sinon unique, il ne reste plus, hélas! que l’école de garçons de la rue Jean Jaurès, redevenue aujourd’hui Maison d’Ecole à travers son musée. Le bâtiment de l’école de filles a été démoli en 1974 et remplacé par un important immeuble à l’angle de la rue Eugène Pottier.


Etat des effectifs de l’école de garçons de la rue de l’Est, 1884, détail


Plan de l’école de garçons de la rue de l’Est, 1884, détail


Plan de l’école de garçons de la rue de l’Est, 1884, détail


plan de l’école de garçons de la rue de l’Est, 1884, détail


plan des trois niveaux de l’école de garçons de la rue de l’Est, 1884


Renseignements divers sur l’école de garçons de la rue de l’Est, 1884, détail


Renseignements divers l’école de garçons de la rue de l’Est, 1884, détail


Ainsi, les classes primaires élémentaires de garçons, logées depuis quelques années à l’hôtel de ville récent de Montceau et les classes de filles, logées alors dans la « maison Pallot », rue Centrale, furent transférées dans les établissements scolaires publics auxquels elles étaient destinées, les uns en 1881 et les autres en 1882. Un peu plus tard, dans l’école de filles s’ouvrit un cours complémentaire (dans les années 1890), sous la responsabilité d’une directrice dévouée : Mme Besseige. (Revoir l’article du blog : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2018/02/historique-de-lecole-publiqu-montceau.html#more ), dont le fils deviendra Inspecteur d’académie (Revoir l’article du blog : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2017/06/hommage-henri-besseige.html#more ).


Etat des effectifs de l’école de filles de la rue Centrale (actuelle rue Carnot), 1884, détail

Etat des effectifs de l’école de filles de la rue Centrale (actuelle rue Carnot), 1884, détail

Plan de l’école de filles de la rue Centrale (actuelle rue Carnot), 1884, détail

Etat des effectifs de l’école de filles de la rue Centrale (actuelle rue Carnot), 1884, détail

Etat des effectifs de l’école de filles de la rue Centrale (actuelle rue Carnot), 1884, détail

Etat des effectifs de l’école de filles de la rue Centrale (actuelle rue Carnot), 1884, détail


Renseignements divers sur l’école de filles de la rue Centrale (actuelle rue Carnot), 1884, détail


Etat des effectifs de l’école de filles de la rue Centrale (actuelle rue Carnot), 1884, détail

Parallèlement, vers 1882 fut décidée l’ouverture d’une école maternelle publique, dans un local loué à cet effet, rue de l’Est. Les petits seront scolarisés dans cet endroit jusqu’à l’ouverture de l’école maternelle publique de la rue Pierre Garnier restituée à la municipalité en 1905, construite par la Mine en 1895.


Etat des effectifs de l’école maternelle de la rue de l’Est (actuelle rue Jean Jaurès), 1884, détail

Etat des effectifs de l’école maternelle de la rue de l’Est (actuelle rue Jean Jaurès), 1884, détail

Plan de l’école maternelle de la rue de l’Est (actuelle rue Jean Jaurès), 1884, détail

Plan de l’école maternelle de la rue de l’Est (actuelle rue Jean Jaurès), 1884, détail

Renseignements divers sur l’école maternelle de la rue de l’Est (actuelle rue Jean Jaurès), 1884, détail

Renseignements divers sur l’école maternelle de la rue de l’Est (actuelle rue Jean Jaurès), 1884, détail

Sources :

-       Archives71.fr

-       Archives-nationales.culture.gouv.fr

-       Inventaire des écoles, A. Dessertenne, J.F Rotasperti, F. Geoffray

-       Archives musée de la Maison d’Ecole

- Chagot ville, Frédéric Lagrange

(1) : Le terme « la Communale » se veut, depuis les lois Ferry et l’implantation d’écoles publiques dans chaque commune, l’expression familière et affectueuse qui désigne l’école du village ou du quartier.  Ce terme perdurera pendant des décennies avant que ne lui soit préféré l’appellation d’« Ecole primaire ».

P.P


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