Enquête
sur les écoles de Saône-et-Loire
1884
L’Ecole
primaire supérieure de Montceau
La Communale
En juin
1884, Armand Fallières, ministre de l’Instruction publique du gouvernement de
Jules Ferry, lance la grande enquête nationale annuelle sur l’état des écoles
publiques en France et Algérie. L’opération a deux objectifs, d’une part, faire
l’inventaire matériel des besoins et, d’autre part, assurer la mise en œuvre des
lois de 1881 et 1882 rendant l’instruction des filles et des garçons
obligatoire, laïque et gratuite dans les « communales » (1). La consultation de ces archives remarquables
a le mérite de lever le voile sur l’implantation concrète de l’Ecole primaire
supérieure de garçons de Montceau en 1884, fournissant notamment les plans des
classes.
Le cadre de l’enquête de 1884
Sur injonction du ministre, il fut demandé à
chaque institutrice ou directrice et chaque instituteur ou directeur de France métropolitaine
et des trois départements algériens (Alger, Constantine et Oran) de remplir en
deux exemplaires un formulaire de renseignements sur son école et d’en dresser
les plans sommaires. Les remontées devaient se faire vers l’inspection
académique de chaque département. Une nouvelle enquête sera diligentée avec la même rigueur en 1892.
Lettre d’accompagnement des retours de
questionnaires rédigée par l’Inspecteur primaire de la circonscription de
Montceau-les-Mines, 1884, détail
Les formulaires ainsi collectés furent reliés
dans un ordre bien défini et imposé aux académies : ordre alphabétique des
arrondissements, puis ordre alphabétique des cantons et enfin ordre alphabétique
des communes. C’est ainsi que 444 registres furent envoyés au ministère, chaque
académie conservant un double. Quelques particularités sont à noter quant à la
consultation de ces registres, notamment en ce qui concerne l’Alsace-Lorraine :
du fait de son annexion par l’Empire allemand en 1871 et de son régime
concordataire, les départements des Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle ne furent
pas concernés par l’enquête. On remarque aussi que le Territoire de Belfort
actuel se dénommait Haut-Rhin en 1884.
Lettre d’accompagnement des retours de
questionnaires rédigée par l’Inspecteur primaire de la circonscription de
Montceau-les-Mines, 1884
En outre, la consultation de ces archives recèle
de nombreux pièges car les changements administratifs ont été légion depuis la
fin du 19ème siècle. La recherche peut se compliquer rapidement car
les communes d’un même département peuvent ainsi être réparties entre plusieurs
registres. Mieux vaut connaître son
chef-lieu de canton de l’époque pour trouver l’école désirée.
Quoi qu’il en soit, les informations
renvoyées et quelquefois les commentaires des institutrices et des instituteurs
renseignent sur l’état matériel de l’enseignement primaire aux prémices de la
mise en œuvre des grandes lois républicaines. Bien que beaucoup de maîtres soient
peu loquaces sur leurs conditions (par pudeur ou par crainte des conséquences),
ces témoignages constituent des sources de première main sur l’histoire sociale
locale au cœur d’une France restée largement rurale.
Les plans des locaux scolaires dressés par
les institutrices ou les instituteurs
ainsi que les statistiques donnent une image assez claire du statut de l’école
publique au sein des différentes communes. Ils précisent la disposition des
salles et du logement des enseignants, la fréquentation des élèves, les
problèmes posés par le manque d’hygiène (présence ou non de fontaine ou de
commodités), l’équipement en matériel pédagogique (mobilier, musée scolaire,
bibliothèque), l’existence de cours du soir…
Plan de l’école publique de garçons de
Saint-Vallier, 1884, détail
Plan de l’école publique de garçons de
Saint-Vallier, 1884, détail
Plan de l’école publique de filles de
Saint-Vallier, 1884, détail
Plan de l’école publique de filles de
Saint-Vallier, 1884, détail
Un plan quinquennal
plus large
Ferdinand Buisson, Revue pédagogique, année
1882
Enfin, tous les cinq ans, ce résumé des états
ne paraissait pas puisque remplacé par un rapport de la statistique quinquennale
fournissant une statistique beaucoup plus complète de l’enseignement primaire coïncidant
avec l’année du dénombrement de la population.
Hôtel de ville de
Montceau-lesMines accueillant l'E.P.S, vue arrière
Dans l’intimité
de l’Ecole primaire supérieure de garçons
Il est bien connu qu’une E.P.S avait été créé
à Montceau-les-Mines en 1882, la première du département (voir l’article du
blog https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2019/01/lecole-primaire-superieure-de-montceau.html#more).
Cette dernière avait vu le jour grâce à l’insistance du maire de la ville, le
docteur Octave Jeannin, fervent républicain, et ce, malgré les pressions de la
Mine qui entendait bien maintenir le monopole de ses écoles. Depuis quelques
années déjà, le seul enseignement public réservé aux enfants dont les parents
ne travaillaient pas pour la Mine, s’était installé dans l’hôtel de ville, deux
classes primaires y étaient présentes, complétées par la location de la « maison
Bonnot », rue de l’Eglise. Il avait fallu attendre la construction de l’école
publique de garçons de la rue de l’Est (notre musée), ouverte en 1881, pour
libérer les locaux de l’hôtel de ville au profit d’une E.P.S.
Renseignements sur les effectifs de l’E.P.S,
détail
Ce qui est moins connu, ce fut la manière dont étaient organisées les classes de cette E.P.S. Les états de 1884 nous éclairent sur l’implantation de cette dernière et sur son fonctionnement, notamment sur l’accueil des pensionnaires.
.
Plan de l’E.P.S, 1884, détail
Plan de l’E.P.S, 1884, détail
Renseignements divers sur l’E.P.S, 1884,
détail
Renseignements divers sur l’E.P.S, 1884,
détail
Les deux premières écoles primaires de Montceau
A la déconvenue des dirigeants de la Mine,
une municipalité républicaine, conduite par le Docteur Jeannin, géra la ville pour
six ans (1878 à 1884), avant que ne soit élue ensuite une municipalité amie,
celle du maire radical Bertrand (1884-1888). C’est sous la première mandature
que des réalisations importantes eurent lieu en faveur de l’école publique
devenue, en 1881 et 1882, gratuite, laïque et obligatoire.
Etat des effectifs de l’école de garçons de
la rue de l’Est, 1884, détail
Se conformant aux lois qui la fondaient alors
et bénéficiant de « secours »
de l’état, le maire Jeannin fit bâtir en 1881, au centre de Montceau, deux
écoles primaires, dites encore « communales », l’une pour les
garçons, rue de l’Est (future rue Jean Jaurès), l’autre pour les filles, rue
Centrale (future rue Carnot). Œuvres de l’architecte Dulac, ces petits palais
scolaires en pierre de taille devaient exprimer, sans nécessiter de
commentaires, l’importance donnée à l’Instruction publique à cette époque. Une
façade à la solide ordonnance marque les deux hauts étages des classes, que
surmonte un étage bas renfermant les logements des enseignants. A Montceau,
cette bâtisse contraste puissamment avec les écoles antérieures appartenant à
la Compagnie des mines de Blanzy, claires
et bien construites, mais toutes sur un plan stéréotypé. Aucune ne desservait
véritablement le centre, écoles de garçons et écoles de filles étant rejetées à
l’extrémité nord de cette ville-rue. De ces deux écoles « jumelles »
d’un style rare, sinon unique, il ne reste plus, hélas! que l’école de garçons
de la rue Jean Jaurès, redevenue aujourd’hui Maison d’Ecole à travers son
musée. Le bâtiment de l’école de filles a été démoli en 1974 et remplacé par un
important immeuble à l’angle de la rue Eugène Pottier.
Etat des effectifs de l’école de garçons de
la rue de l’Est, 1884, détail
Plan de l’école de garçons de
la rue de l’Est, 1884, détail
Plan de l’école de garçons de
la rue de l’Est, 1884, détail
plan de l’école de garçons de
la rue de l’Est, 1884, détail
plan des trois niveaux de l’école de garçons de
la rue de l’Est, 1884
Renseignements divers sur l’école de garçons de
la rue de l’Est, 1884, détail
Renseignements divers l’école de garçons de
la rue de l’Est, 1884, détail
Ainsi, les classes primaires élémentaires de
garçons, logées depuis quelques années à l’hôtel de ville récent de Montceau et
les classes de filles, logées alors dans la « maison Pallot », rue
Centrale, furent transférées dans les établissements scolaires publics auxquels elles étaient destinées, les uns en 1881 et les autres en 1882. Un peu plus
tard, dans l’école de filles s’ouvrit un cours complémentaire (dans les années
1890), sous la responsabilité d’une directrice dévouée : Mme Besseige. (Revoir
l’article du blog : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2018/02/historique-de-lecole-publiqu-montceau.html#more
),
Etat des effectifs de l’école de filles de la
rue Centrale (actuelle rue Carnot), 1884, détail
Etat des effectifs de l’école de filles de la
rue Centrale (actuelle rue Carnot), 1884, détail
Plan de l’école de filles de la
rue Centrale (actuelle rue Carnot), 1884, détail
Etat des effectifs de l’école de filles de la rue Centrale (actuelle rue Carnot), 1884, détail
Etat des effectifs de l’école de filles de la
rue Centrale (actuelle rue Carnot), 1884, détail
Etat des effectifs de l’école de filles de la
rue Centrale (actuelle rue Carnot), 1884, détail
Renseignements divers sur l’école de filles de la
rue Centrale (actuelle rue Carnot), 1884, détail
Etat des effectifs de l’école de filles de la
rue Centrale (actuelle rue Carnot), 1884, détail
Parallèlement, vers 1882 fut décidée
l’ouverture d’une école maternelle publique, dans un local loué à cet effet,
rue de l’Est. Les petits seront scolarisés dans cet endroit jusqu’à l’ouverture
de l’école maternelle publique de la rue Pierre Garnier restituée à la
municipalité en 1905, construite par la Mine en 1895.
Etat des effectifs de l’école maternelle de
la rue de l’Est (actuelle rue Jean Jaurès), 1884, détail
Etat des effectifs de l’école maternelle de
la rue de l’Est (actuelle rue Jean Jaurès), 1884, détail
Plan de l’école maternelle de
la rue de l’Est (actuelle rue Jean Jaurès), 1884, détail
Plan de l’école maternelle de
la rue de l’Est (actuelle rue Jean Jaurès), 1884, détail
Renseignements divers sur l’école maternelle de
la rue de l’Est (actuelle rue Jean Jaurès), 1884, détail
Renseignements divers sur l’école maternelle de
la rue de l’Est (actuelle rue Jean Jaurès), 1884, détail
Sources :
-
Archives71.fr
-
Archives-nationales.culture.gouv.fr
-
Inventaire des
écoles, A.
Dessertenne, J.F Rotasperti, F. Geoffray
-
Archives musée de la
Maison d’Ecole
- Chagot ville, Frédéric Lagrange
(1) : Le terme « la Communale » se
veut, depuis les lois Ferry et l’implantation d’écoles publiques dans chaque
commune, l’expression familière et affectueuse qui désigne l’école du village
ou du quartier. Ce terme perdurera
pendant des décennies avant que ne lui soit préféré l’appellation d’« Ecole
primaire ».
P.P
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