vendredi 29 avril 2022

Les illustrations de Dascher-chapitre 7

 

Les illustrations de Georges Dascher

Chapitre 7

Nos filles, l’honneur de la France

Où sont les femmes ?

(Patrick Juvet, 1950-2021)

Ce titre, clin d’œil, pose malgré tout une question à laquelle il faut répondre en matière d’histoire. Si Charlemagne avait eu les honneurs de la première couverture de la série Les noms de nos fils (1), produite en 1895, il semble qu’aucune de nos filles n’ait eu un talent suffisant pour en faire autant. Curieuse conception du rôle qu’occupera la femme au sein des personnages historiques. Toutefois, sur cette couverture-annonce ou « couverture-pilote », comme le diraient nos publicitaires d’aujourd’hui, l’une d’entre elles vient de naître et les bonnes fées se penchent sur son berceau, délicatesse toute féminine. Mais quel prénom donner à cette blanche colombe ? Un large choix sera proposé dans la série Les noms de nos filles, forte de plus de 40 protège-cahiers illustrés par Georges Dascher bien sûr.  


Entre le début du 19e siècle et les années 1860, une quinzaine de recueils et dictionnaires biographiques concernant les femmes sont publiés. Ils proposent des notices biographiques plus ou moins étoffées dans lesquelles figurent des femmes de savoir et de religion, mais aussi des héroïnes. Durant le Second Empire (1852-1870), les biographies des femmes de pouvoir, issues de toutes les périodes, sont privilégiées. Elles sont représentées dans les récits historiques : reines, épouses de roi, mères, filles, sœurs, cousines, amantes des souverains, depuis la sphère royale jusqu’aux rangs de la petite noblesse. Toutes ces femmes d’influence ont exercé le pouvoir ou en ont été très proches. Plus tard, émergeront des personnalités issues du domaine des arts et de la littérature : femmes de lettres, poétesses, philosophes ; issues aussi du domaine scientifique : physiciennes, mathématiciennes, astronomes ; voire des théologiennes, des artistes-peintres ou des musiciennes.

Si la plupart d’entre-elles  sont des femmes royales ou nobles, quelques roturières se glissent dans le récit national, au nom du courage, du sacrifice ou de la mort. Ces dernières sont honorées pour avoir pris les armes, défendu un territoire, dirigé des armées ou pris part à des révolutions. C’est dans cet inventaire à la Prévert que Louis Geisler, directeur des Papeteries vosgiennes des Châtelles va faire sa sélection de femmes « historiques » pour produire son impressionnante série de protège-cahiers Le nom de nos filles. Ne doutons pas que ce choix, pour le moins iconoclaste, ait été guidé par des instructions « officielles ». Comme la série Les noms de nos fils (1), la série Les noms de nos filles s’accompagnera de textes, non moins apologétiques, signés de Valentine Desprez et sera illustrée par Georges Dascher. 

On peut tout de même avancer deux remarques. Tout d’abord, force est de constater le peu d’originalité par rapport aux biographies du second Empire ; ensuite, on peut s’interroger sur le choix des femmes honorées, hétéroclite, certes, mais surtout « Ancien Régime ». Révisons ensemble ces reflets d’une culture oubliée…  

Un aréopage d’Impératrices, de reines ou de (très) proches de roi

CATHERINE : Catherine II de Russie rencontre Diderot le 6 juillet 1762, 9 jours après le coup d’Etat qui l’a portée au pouvoir. Elle lui propose de publier en Russie son encyclopédie interdite en France. (1729-1796)

MARIE-THERESE : Marie-Thérèse d’Autriche, appelée « l’impératrice » de par son mariage avec François II, est considérée comme un grand monarque malgré une succession difficile. Elle unifiera nombre de territoires et de peuples dont la Hongrie (illustration des Magnats) pour former la monarchie Austro-Hongroise dont son arrière-petit-fils sera victime en 1914 à Sarajevo. Elle eut 16 enfants dont 11 filles ! (1717-1780)

BLANCHE : Blanche de Castille instruisant son fils, mère de Saint-Louis, épouse de Louis VIII le Lion. (1188-1252)

BERTHE : Bertrade de Laon ou Berthe au Grand Pied, épouse de Pépin le Bref, mère de Charlemagne. Son surnom « au Grand Pied » au singulier est une manière élégante de l’identifier par son pied-bot.  (720-783)

LOUISE : Louise de Savoie, mère de François 1er, deux fois régente du Royaume de France, négocia « la Paix des dames » qui mit fin à la septième guerre d’Italie entre son fils et Charles Quint. (1476-1531) 

MARGUERITE : Marguerite de Valois, elle fut entourée de rois dès son plus jeune âge : fille d’Henri II et de Catherine de Médicis, ses frères devinrent rois à leur tour (François II, Charles IX, Henri III). Elle devint reine quand son époux Henri de Navarre prit le titre d’Henri IV. (1553-1615)

CHRISTINE : Christine de Suède, surnommée la Reine Christine, elle succède à son père à l’âge de 6 ans et abdiquera 22 ans plus tard pour se consacrer aux lettres et aux arts. (1626-1689)

ANTOINETTE : Marie-Antoinette d’Autriche, épouse de Louis XVI, dernière reine de l’Ancien Régime, guillotinée comme son époux en 1793. (1755-1793)

JOSEPHINE: Joséphine de Beauharnais, première épouse de Napoléon 1er, elle est la grand-mère de Napoléon III de par son premier mariage avec Alexandre de Beauharnais guillotiné en 1793. (1763-1814) 

FRANCOISE : Françoise de Maintenon, gouvernante des enfants naturels du roi. Epousée secrètement par Louis XIV après la mort de son épouse. Le terme moderne de son action serait « influenceuse ». (1635-1719)

ISABELLE : Isabelle 1ère de Castille dite Isabelle la Catholique, épouse de Ferdinand II d’Aragon. Elle finance la grande expédition de Christophe Colomb. (1451-1504)

MARIE : Marie Stuart, épouse de François II de France, reine pendant deux ans avant de quitter la France. Décapitée en Angleterre, coupable d’avoir voulu faire exécuter la reine Elisabeth. (1542-1587)

MATHILDE : Mathilde de Flandre, épouse de Guillaume le Conquérant, célèbre pour la tapisserie de Bayeux qu’elle n’aurait ni conçue ni exécutée. (1031-1083)

 

EDITH : Edith Swanneck, amante du roi Harold Godwinson, dernier roi d’Angleterre. Elle aurait identifié le corps du roi défiguré, mort à la bataille d’Hastings en 1066 « grâce à des marques secrètes ». (1025-1086) 

NICOLE : Nicole de Lorraine, fille d’Henri II, épouse de Charles IV de Lorraine. Elle vint à Paris pour demander des secours à Louis XIII pour recouvrer ses droits après la mort de son époux. (1608-1657) 

ODETTE : Odette de Champdivers, maîtresse de Charles VI. Elle aurait inventé les cartes à jouer pour distraire le roi (1390-1425 ?)

ESTHER : Esther de Perse, de la tribu juive de Benjamin, épouse du roi Perse Assuérus (Xerxès 1er), elle sauva les tribus juives de la mort. 

Une pincée de révolutionnaires et de résistantes

CHARLOTTE : Marie Anne Charlotte de Corday D’Armont, personnalité célèbre de la Révolution française, guillotinée le 17 juillet 1793, restée célèbre pour avoir assassiné Marat le 13 juillet de la même année. (1768-1793)

JEANNE : Jeanne Laisné ou Jeanne Fourquet dite Jeanne Hachette, doit son surnom à l’instrument dont elle se servit pour repousser les Bourguignons à Beauvais. (1454- ?)

LUCILE : Anne Lucile Philippe Laridon-Duplessis, personnalité de la Révolution française, épouse de Camille Desmoulins, guillotinée le 13 avril 1794, huit jours après son époux. (1770-1794)

YVONNE : Yvonne Saunier

Un soupçon de femmes des Arts

FELICITE : Félicité de Saint-Aubin ou Mme de Genlis, romancière et dramaturge, elle fut aussi pédagogue, faisant la classe « aux petits paysans ». (1746-1830)

GERMAINE : Germaine Necker dite Madame de Staël, fille de Jacques Necker, ministre de Louis XVI. Ecrivaine et femme de lettres, elle tient salon, ici représentée en compagnie de Condorcet, Necker, Lafayette, Lavoisier, Bernardin de Saint-Pierre, Diderot, Gretry et Beaumarchais. (1766-4817)

JULIE : Julie Bernard, épouse de Jacques Récamier dite Madame Julie ou Juliette Récamier. Femme de lettres qui, elle aussi, tient salon et reçoit les célébrités du Directoire à la Monarchie de Juillet. (1777-1849) 

Quelques saintes femmes et religieuses

GENEVIEVE : Sainte Geneviève, patronne de Paris (et des gendarmes) a exhorté les Parisiens à résister aux Huns. Geneviève n’aurait jamais rencontré Attila qui évita Lutèce (Paris). (420-502 ?)

ELISABETH : Sainte Elisabeth, Elisabeth de Hongrie, puis de Thuringe après mariage. Cachant du pain pour les pauvres sous son manteau, surprise par son mari furieux, le pain se serait transformé en roses : le miracle des roses. Le même récit est rapporté pour Elisabeth du Portugal et pour Roseline de Villeneuve en France. (1207-1231)

CLOTILDE : Sainte Clotilde, princesse burgonde, fille de Chilpéric II, elle épouse Clovis et le convertit au christianisme. (475-545 ?)

CECILE : Saint Cécile de Rome, chrétienne martyrisée sous l’Empire romain, patronne des musiciens. (entre 150 et 230, peu de sources)

JACQUELINE : Jacqueline Pascal, sœur de Blaise Pascal, religieuse poétesse et écrivaine, elle plaide et obtient la réhabilitation de son père auprès de Richelieu. (1625-1661)

JEANNE : Jeanne d’Arc, Cheffe de guerre et héroïne de l’histoire de France. (1412-1431)

MADELEINE : Marie de Magdala ou Marie la Magdaléenne, devenue Marie de Béthanie au VIè siècle, disciple de Jésus. (aucune date)

ROSALIE : Jeanne-Marie Rendu, sœur Rosalie de Saint-Vincent-de-Paul. Elle soigne les blessés au siège de Sébastopol, décorée de la Légion d’honneur par Napoléon III. (1786-1856)

Femmes entrées ou issues de la légende

CLEMENCE : Dame Clémence Ysaure, de la famille toulousaine Yzalguier, personnage semi-légendaire qui fonda les Jeux floraux de Toulouse en finançant l’académie qui y est attachée. (peu précisé, fin XIVème siècle-début XVème siècle)

HELENE : Hélène de Troie, personnage mythologique, fille de Zeus, femme de Ménélas, roi de Sparte. Elle est à l’origine de la guerre de Troie. (aucune date)

POLYEUCTE : Personnage d’une tragédie de Corneille, inspiré de Polyeucte de Mélitène, martyrisée sous Valérien en 259. (aucune date)

SUZANNE : Personnage biblique, fille d’Helcias, épouse de Joakim, jugée pour adultère et acquittée. (aucune date)




VIRIGINIE : Virginie Romana, personnage emprunté à l’histoire de Rome. Elle aurait été immolée (poignardée) par son père pour lui éviter le déshonneur avec un tyran. (450 av. JC) 

La pensée du jour


Patrick PLUCHOT



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