vendredi 1 avril 2022

Les illustrations de Dascher-chapitre 6

 

Les illustrations de Georges Dascher

Chapitre 6

Nos garçons, l’honneur de la France

De l’école romantique à l’école méthodique

Dès 1830, rendre l’histoire de France et sa géographie obligatoires fut un vœu de la Monarchie de Juillet, mais ce souhait ne sera mis en œuvre que beaucoup plus tard, en 1860, par Victor Duruy, ministre du Second Empire. Dans l’enseignement de l’histoire, l’école romantique, dans toute la première partie du 19e siècle, sera la première à donner une fonction aux personnages historiques. Cette période « romantique » chère à Michelet, va faire des « héros de la France »,  des personnages de roman. Ce fut, en effet, l’âge d’or de la biographie romancée, magnifiée et instrumentalisée. Le portrait de Jeanne d’Arc fait par Michelet en est un brillant exemple : « Le sauveur de la France devait être une femme. La France était femme elle-même. Elle en avait la mobilité, mais aussi l’aimable douceur, la pitié facile et charmante, l’excellence au moins du premier mouvement. Lors même qu’elle se complaisait aux vaines élégances et aux raffinements extérieurs, elle restait au fond de la nature »… Difficile de faire mieux. Georges Dascher s’y risqua tout de même, en 1895, en illustrant une série de plus de 40 couvertures de cahiers sous le titre Le nom de nos fils, mais les motivations politiques avaient quelque peu changé….


Gabriel Monod, historien, professeur des Universités, écrivain (1844-1912)

Il est communément admis que l’enseignement de l’histoire sous la Troisième République a forgé le sentiment national chez nombre de petits français tout en substituant une histoire laïque à l’histoire sainte. Le choc de Sedan fait naître le besoin d’une histoire nationale qui fortifie la nation, une histoire aux méthodes scientifiques. Ainsi va naître l’école méthodique dont le texte fondateur sera l’éditorial de Gabriel Monod, dans la Revue historique, fondée en 1876 pour contrer la Revue des questions historiques, organe catholique et légitimiste. Monod écrit : «  sans être un recueil de pure érudition, notre revue n’admettra que des travaux originaux et de première main qui enrichissent la science (..) où chaque affirmation soit accompagnée de preuves, de renvois aux sources et de citations. » La rupture avec l’historiographie romantique française semble consommée. Mais là réside tout de même le paradoxe : cette école de pensée se voulant objective, va devenir rapidement nationaliste et fera du personnage historique un symbole à la gloire de la France et à la préparation de la revanche sur l’Allemagne.


Ernest Lavisse, historien, professeur, écrivain (1842-1922)

Les méthodiques gardent la conception héroïque du personnage historique dans leur vision de la science historique. Ces personnages doivent symboliser la France, exalter la fibre patriotique par leur engagement, leur courage ou leur témérité. Leur biographie est mise en valeur et l’enchaînement de leurs actions forme l’histoire nationale, racontée tel un roman : le roman national. Ernest Lavisse, au fil de ses manuels, sera l’artisan de ce roman. Pierre Nora, dans un article de 1962, le gratifiera du surnom d’« instituteur national », à juste titre, précisant tout de même que ce bonapartiste dans l’âme (ami de Duruy, il fut répétiteur du Prince impérial)  n’avait rallié la République que tardivement. Lavisse donne ainsi sa vision de l’enseignement de l’histoire : « Contons leur les Gaulois et les druides, Roland et Godefroy de Bouillon, Jeanne d’Arc et le grand Ferré, Bayard et tous ces héros de l’ancienne France avant de lui parler des héros de la France nouvelle. » Il fixe durablement les objectifs de l’enseignement de l’histoire à l’école primaire :

« Enseignement moral et patriotique ; là doit aboutir l’enseignement de l’histoire à l’école primaire. S’il ne doit laisser dans la mémoire que des noms, c’est-à-dire que des mots et des dates, c’est-à-dire des chiffres, autant donner plus de temps à la grammaire et à l’arithmétique, et ne pas dire un mot d’histoire. Rompons avec les habitudes acquises et transmises ; n’enseignons pas l’histoire avec le calme qui sied à l’enseignement de la règle des participes. Il s’agit ici de notre chair et de notre sang. »

Ainsi, l’histoire de France est jalonnée de grands hommes et de femmes de tête dont la légende doit être connue de tous.


Georges Dascher, illustrateur et artiste (1851-1912)

Georges Dascher : les noms de nos fils

Cette série de 40 couvertures commence évidemment par un protège-cahier titre consacré à Charlemagne : une couverture illustrée, suivie de trois pages biographiques contant les exploits du personnage :





Cette série est l’une des plus importantes produites par les Papeteries vosgiennes des Châtelles. dirigées par Louis Geisler (1852-1914) qui reprit l’usine familiale de pâte à papier en 1881. Illustrateur, il inventa la trichromophotogravure et une machine révolutionnaire à « fabriquer » les cahiers. Il créa, à Paris, une entreprise de photographie et de phototypie qui fournira les directeurs de presse et les affichistes.

Cette série s’accompagne de textes pour le moins apologétiques signés de Daniel Lépine qui adressent aux enfants un message patriotique et moral. Georges Dascher, spécialiste de l’illustration  des couvertures de cahiers est de nouveau sollicité par Louis Geisler avec lequel il a déjà collaboré à de nombreuses reprises.

Voici la liste des autres prénoms et noms de personnages célèbres (connus ou pas) qui figurent dans la série, pour certains plusieurs fois :

Alexandre (III), Alphonse (de Lamartine), Ambroise (Paré), André (Masséna), Antoine (Drouot), Bernard (Palissy), Bertrand (Duguesclin), Charles (Martel), Claude (de Jouffroy), Edouard (Mariette-Bey), Etienne (de Mongolfier), Eugène (de Beauharnais), Fernand (Cortez), François (de Guise), Gaston (de Foix), Georges (Cuvier), Georges (Washington), Gustave (Wasa), Henri (IV), Jacques (Cœur), Jean-Baptiste (de Rochambeau), Jean (Bart), Joseph (de Montcalm), Jules (Bobillot), Léon (Gambetta), Louis (XIV), Maurice (de Saxe), Michel (de L’Hospital), Nicolas (Poussin), Philippe (Auguste), Pierre (le Grand), René (II de Lorraine), Richard (Cœur-de-Lion), Robert (Fulton).

Florilège


















Sources des illustrations :

-       Collections musée

-       Reseau.canopé.fr

-       Inventaire.proscitec.fr

 

Patrick PLUCHOT


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