Les illustrations de Georges Dascher
Chapitre 6
Nos
garçons, l’honneur de la France
De
l’école romantique à l’école méthodique
Dès
1830, rendre l’histoire de France et sa géographie obligatoires fut un vœu de
la Monarchie de Juillet, mais ce souhait ne sera mis en œuvre que beaucoup plus
tard, en 1860, par Victor Duruy, ministre du Second Empire. Dans l’enseignement
de l’histoire, l’école romantique, dans toute la première partie du 19e
siècle, sera la première à donner une fonction aux personnages historiques. Cette
période « romantique » chère à Michelet, va faire des « héros de
la France », des personnages de
roman. Ce fut, en effet, l’âge d’or de la biographie romancée, magnifiée et
instrumentalisée. Le portrait de Jeanne d’Arc fait par Michelet en est un
brillant exemple : « Le
sauveur de la France devait être une femme. La France était femme elle-même.
Elle en avait la mobilité, mais aussi l’aimable douceur, la pitié facile et
charmante, l’excellence au moins du premier mouvement. Lors même qu’elle se
complaisait aux vaines élégances et aux raffinements extérieurs, elle restait
au fond de la nature »… Difficile
de faire mieux. Georges Dascher s’y risqua tout de même, en 1895, en illustrant
une série de plus de 40 couvertures de cahiers sous le titre Le nom de nos fils, mais les motivations politiques avaient
quelque peu changé….
Gabriel Monod, historien, professeur des Universités, écrivain (1844-1912)
Il est communément admis que
l’enseignement de l’histoire sous la Troisième République a forgé le sentiment national
chez nombre de petits français tout en substituant une histoire laïque à l’histoire
sainte. Le choc de Sedan fait naître le besoin d’une histoire nationale qui
fortifie la nation, une histoire aux méthodes scientifiques. Ainsi va naître l’école
méthodique dont le texte fondateur sera l’éditorial de Gabriel Monod, dans la Revue historique, fondée en 1876 pour
contrer la Revue des questions
historiques, organe catholique et légitimiste. Monod écrit : « sans être un recueil de pure
érudition, notre revue n’admettra que des travaux originaux et de première main
qui enrichissent la science (..) où chaque affirmation soit accompagnée de
preuves, de renvois aux sources et de citations. » La rupture avec l’historiographie
romantique française semble consommée. Mais là réside tout de même le paradoxe :
cette école de pensée se voulant objective, va devenir rapidement nationaliste
et fera du personnage historique un symbole à la gloire de la France et à la
préparation de la revanche sur l’Allemagne.
Ernest Lavisse, historien,
professeur, écrivain (1842-1922)
Les méthodiques gardent la
conception héroïque du personnage historique dans leur vision de la science
historique. Ces personnages doivent symboliser la France, exalter la fibre
patriotique par leur engagement, leur courage ou leur témérité. Leur biographie
est mise en valeur et l’enchaînement de leurs actions forme l’histoire
nationale, racontée tel un roman : le roman national. Ernest Lavisse, au
fil de ses manuels, sera l’artisan de ce roman. Pierre Nora, dans un article de
1962, le gratifiera du surnom d’« instituteur national », à juste
titre, précisant tout de même que ce bonapartiste dans l’âme (ami de Duruy, il
fut répétiteur du Prince impérial) n’avait
rallié la République que tardivement. Lavisse donne ainsi sa vision de l’enseignement
de l’histoire : « Contons leur
les Gaulois et les druides, Roland et Godefroy de Bouillon, Jeanne d’Arc et le
grand Ferré, Bayard et tous ces héros de l’ancienne France avant de lui parler
des héros de la France nouvelle. » Il fixe durablement les objectifs
de l’enseignement de l’histoire à l’école primaire :
« Enseignement
moral et patriotique ; là doit aboutir l’enseignement de l’histoire à l’école
primaire. S’il ne doit laisser dans la mémoire que des noms, c’est-à-dire que
des mots et des dates, c’est-à-dire des chiffres, autant donner plus de temps à
la grammaire et à l’arithmétique, et ne pas dire un mot d’histoire. Rompons
avec les habitudes acquises et transmises ; n’enseignons pas l’histoire
avec le calme qui sied à l’enseignement de la règle des participes. Il s’agit
ici de notre chair et de notre sang. »
Ainsi, l’histoire de France est
jalonnée de grands hommes et de femmes de tête dont la légende doit être connue
de tous.
Georges Dascher,
illustrateur et artiste (1851-1912)
Georges
Dascher : les noms de nos fils
Cette série de 40 couvertures
commence évidemment par un protège-cahier titre consacré à Charlemagne :
une couverture illustrée, suivie de trois pages biographiques contant les
exploits du personnage :
Cette série est l’une des
plus importantes produites par les Papeteries vosgiennes des Châtelles. dirigées
par Louis Geisler (1852-1914) qui reprit l’usine familiale de pâte à papier en 1881. Illustrateur, il inventa la trichromophotogravure et une
machine révolutionnaire à « fabriquer » les cahiers. Il créa, à
Paris, une entreprise de photographie et de phototypie qui fournira les
directeurs de presse et les affichistes.
Cette série s’accompagne de
textes pour le moins apologétiques signés de Daniel Lépine qui adressent aux
enfants un message patriotique et moral. Georges Dascher, spécialiste de l’illustration
des couvertures de cahiers est de
nouveau sollicité par Louis Geisler avec lequel il a déjà collaboré à de
nombreuses reprises.
Voici la liste des autres prénoms
et noms de personnages célèbres (connus ou pas) qui figurent dans la série,
pour certains plusieurs fois :
Alexandre (III),
Alphonse (de Lamartine), Ambroise (Paré), André (Masséna), Antoine (Drouot), Bernard
(Palissy), Bertrand (Duguesclin), Charles
(Martel), Claude (de Jouffroy), Edouard (Mariette-Bey), Etienne (de Mongolfier), Eugène (de Beauharnais), Fernand (Cortez), François (de Guise), Gaston (de
Foix), Georges (Cuvier), Georges (Washington), Gustave
(Wasa), Henri (IV), Jacques (Cœur),
Jean-Baptiste (de Rochambeau), Jean (Bart), Joseph (de Montcalm), Jules
(Bobillot), Léon (Gambetta), Louis (XIV),
Maurice (de Saxe), Michel (de L’Hospital),
Nicolas (Poussin), Philippe (Auguste), Pierre (le
Grand), René (II de Lorraine), Richard (Cœur-de-Lion), Robert (Fulton).
Florilège
Sources des illustrations :
-
Collections musée
-
Reseau.canopé.fr
-
Inventaire.proscitec.fr
Patrick PLUCHOT
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire