Révisons
le Certificat ensemble
Les
épreuves de sciences
Une période magnifiée
Ah,
le temps béni du certif ! Certif dont les anciens se réclament dans un
unanime « moi, de mon temps, on savait lire,
écrire, compter… ». Sans vouloir briser
leurs rêves, on peut avancer que leurs souvenirs, sur un fond de vérité,
peuvent être involontairement transformés, erronés, ou volontairement aussi,
afin de coller avec ce qui est pensé de nombreuses années plus tard, et ainsi servir
de justification à des prises de positions hasardeuses. Quoi qu’il en soit, de
la naissance de l’école, gratuite, laïque et obligatoire de Jules Ferry,
jusqu’en 1900, la proportion des élèves sortant de l’école primaire avec le
Certificat d’études n’avoisinait péniblement que les 25 % de la classe d’âge.
Quid des autres ?
(collection musée)
Bon an mal an, cette
proportion atteignit les 35 % vers 1920 et les 50 % dans les années d’après-guerre. On note, une
fois encore, que la proportion de garçons présentés au certificat était supérieure à celle des filles, même si ces dernières obtenaient de meilleurs
résultats ! (voir tableaux plus loin)
L’avènement des années 50,
avec l’obligation scolaire portée à 16 ans, ainsi que l’ouverture du collège à
tous ont compliqué les statistiques car seuls les volontaires (souvent les
meilleurs élèves) se présentèrent désormais à l’examen qui, somme toute, ne
correspondait plus à aucun contenu de l’époque et nécessitait de la part des
candidats, de sérieuses révisions…
Certificat 1938 (collection privée)
Cependant, les mentalités avaient
changé, les esprits s’étaient ouverts plus largement au monde et à
l’information. Le temps était loin de cette année 20 où une session du
certificat montcellien avait dû être annulée : on avait demandé aux
candidats de décrire la rue Carnot et on se rendit compte que les filles et les
garçons venus du Bois-du-Verne (un autre quartier de Montceau), avaient été
incapables de le faire ! A 12 ou 13 ans, ils n’y étaient pas venus assez
fréquemment pour en avoir un souvenir suffisant… En fait, le Bois-du-Verne
n’était-il pas le bout du monde ? Une autre galaxie en quelque sorte,
séparée du cœur de la ville par 2 kilomètres lunaires et une demi-heure de
marche à travers les carrières et les « crassiers » déjà abandonnés.
Comme La Saule, La Sablière, Lucy et toutes ces citées éclatées autour des
exploitations houillères, où, enfant, on n’allait que du quartier au quartier
et d’où, adulte, on n’irait que de la maison au « puits », qui
embauchait alors à 14 ans. Univers duquel on ne sortirait jamais…
Le profil des élèves
présentés dans les années 60 s’en trouve modifié : l’examen leur est
proposé en classe de 4e, donc à 13-14 ans, plutôt qu’à 11-12 ans
auparavant. En effet, bien que l’objectif initial fut, à l’origine, de retenir
les élèves à l’école jusqu’à 13 ans (âge de l’obligation scolaire), et pour ne
pas décourager les meilleurs élèves de se présenter à l’examen (preuve de sa
crédibilité), on les présenta plus jeunes avant leur fuite vers les Ecoles
Primaires Supérieures : « ceux qui, à partir de 11 ans, auront obtenu
le certificat d’études primaires seront dispensés du temps de scolarité
obligatoire ». (1)
(collection musée)
Le nombre des candidats
reçus par rapport au nombre des candidats présentés est très élevé dès le
départ : de l’ordre de 68 % au début des années 1880, de 77 % dans les
années 1890 et près de 82 % au début du 20e siècle. Comment
expliquer ces taux de réussite rapportés aux 25 % d’une classe d’âge
titulaire du Certificat autour de 1900 ?
Peut-être par le fait que
seuls les meilleurs élèves étaient jadis présentés par les instituteurs car,
bien sûr, un fort pourcentage de succès révélait la qualité du pédagogue !
Les autres restaient à la maison… Prenons l’exemple de l’année 1882 :
3 349 773 élèves dans les écoles publiques (hors écoles maternelles),
et environ 372 197
élèves de
niveau classe de fin
d’études. Le pourcentage des élèves « présentés » (134 439) par
rapport au nombre d’élèves de niveau fin d’études est de 36 % et celui des
élèves « reçus » (91 153) tombe à 24,49 %.
(collection privée)
Les Inspecteurs primaires ne
jugeaient-ils pas la valeur professionnelle des maîtresses et maîtres à l’aune
des résultats obtenus ? Cet état d’esprit entraina inévitablement une
dérive chez certains qui ne « poussèrent » spécialement que quelques
sujets triés sur le volet au détriment des autres. A la sortie de la Seconde
Guerre mondiale l’examen s’en trouva réservé à une élite,
malgré la pression des autorités académiques : « Un certain nombre d’instituteurs se refusent, malgré
les instructions qui leur ont été données, à présenter à l’examen d’admission
dans les classes de 6e des lycées ou collèges les élèves qui
manifestent le désir de continuer leurs études. Il importe de rappeler énergiquement aux instituteurs que le
certificat est l’examen qui consacre la fin de la scolarité obligatoire et que
seuls les élèves qui ne désirent pas continuer leurs études au-delà de
14 ans doivent être engagés dans cette voie. » Circulaire ministérielle, mai 1948.
(collection musée)
Les clés de la réussite
Pour être
reçu, il ne faut avoir eu zéro ni en orthographe, ni en calcul ; avoir
obtenu la moyenne à l'ensemble rédaction-orthographe-calcul-sciences ;
avoir obtenu la moyenne à l'ensemble des épreuves. La barre fatidique,
éliminatoire, des cinq fautes en dictée fut la cause principale de l’échec, si
bien qu’en 1890, Léon Bourgeois, homme d’Etat et enseignant issu d’une famille
modeste, interviendra, en vain, pour que soit revu ce barrage infranchissable
pour certains. Quelle était, dès lors, la part d’un vaste bachotage, sans
explication ni analyse, dans les compétences des élèves de l’époque ?
Les classes
sociales favorisées ne s’y trompèrent pas en caricaturant le
« certif » comme le « bacho des gueux », leurs enfants
étant allés dès leur jeune âge, dans les classes spéciales des collèges ou des
lycées, longtemps payantes. Pour les lauréats du peuple, leur réussite à l’examen
était cependant une consécration et un précieux sésame pour accéder aux
premiers échelons de la fonction publique ou pour entrer aux « chemins de
fer »…
(collection
privée)
Les épreuves du certificat
d’études sous la IVe République :
-
Dictée d’une dizaine de lignes suivie de
trois questions dont deux relatives à l’intelligence du texte et une à la
grammaire.
-
Composition de calcul : deux problèmes de la
vie pratique, l’un court, l’autre plus long.
-
Rédaction servant d’épreuve d’écriture.
-
Interrogation écrite comportant deux
questions de sciences.
-
Interrogation écrite comportant une question
d’histoire et une de géographie.
-
Dessin ou travail manuel pour les garçons ;
dessin ou couture pour les filles.
-
Lecture expressive d’une dizaine de lignes.
-
Épreuve de calcul mental : cinq questions
empruntées à la vie pratique.
-
Épreuve de chant ou de récitation, ou
exécution instrumentale d’un morceau simple, sur une liste de six chants,
récitations ou partitions, présentée par le candidat.
La remise du Certificat aux
reçus, 1965 (collection privée)
Les
sciences au certificat
Evaluer
des connaissances « usuelles »
Condorcet disait : « On n’apprend pas les Droits de
l’Homme comme des Tables descendues du Ciel. » Désormais, la
mémorisation de la règle ne devait plus être de mise, il était question de
former le citoyen éclairé. Il en serait de même pour l’enseignement des
sciences (hormis le « bachotage » évoqué plus haut !). On
retrouve encore, enfoui dans les tréfonds des écoles, le matériel de mesure
unificateur (compendium métrique) et le matériel destiné à réaliser des
expériences (panneaux et verroterie diverse). L’enseignement des sciences
fut-il, alors, un vecteur politique ? Intéressante interrogation. A
l’époque d’Emile Combes, en particulier, les « Catéchismes républicains »
montraient aux instituteurs anticléricaux, comment utiliser la science pour
lutter contre la « superstition et l’obscurantisme ». De manière
moins marquée, les directives officielles virent dans l’étude des sciences à
l’école élémentaire, une « étude libératrice de l’esprit » : « elle habitue à ne rien accepter sans
contrôle, elle écarte le surnaturel et le miracle, elle montre comment
passer toute information au crible de la raison » in Cent ans d’école, 1983. Innovante démarche à une époque où l’on
ne discutait pourtant pas des rondeurs de la planète et où aucun réseau social
ne la déclarait plate…
La première année d’enseignement
scientifique, Paul Bert, 1883 (collection musé
Comme toute idée nouvelle a
ses limites, de nombreuses forces vinrent s’opposer à une telle orientation. En
premier lieu, on peut s’interroger sur les rapports qu’entretenait l’école de
Jules Ferry avec les classes sociales. Cette toute jeune école primaire
publique avait surtout affaire avec des flots d’enfants d’origine modeste que,
jusque-là, l’enseignement avait laissés de côté, et qui ne poursuivraient pas
d’études au-delà de l’obligation scolaire (s’ils parvenaient au terme de cette
dernière…). Ces élèves n’avaient principalement besoin, dirent les
contradicteurs, que de connaissances pratiques.
(picclick)
En second lieu, les mêmes défendront
l’idée qu’en tout état de cause, le « citoyen éclairé » devra devenir
un « bon citoyen », respectueux des lois et de l’ordre : « L’enseignement des sciences ne doit pas subir les excès de la raison.
(..) L’enseignement scientifique devra donc être orienté vers les
connaissances usuelles. » in
Cent ans d’école, op. cit.) Parallèlement, cet enseignement accordera
beaucoup de place à l’observation de la nature et à la fameuse « leçon de
choses » : ce que l’écolier doit d’abord apprendre, c’est qu’il y a
des lois de la nature, et qu’il faut s’y soumettre, comme le bon citoyen se
soumettra aux lois de la République.
(collection musée)
A
vous de jouer messieurs
D’une manière plus ludique,
après le constat que nous avons fait de la meilleure performance des filles à
l’examen du Certificat d’études primaires, messieurs, la balle est dans votre
camp. A vous de relever le défi et de voir si vous auriez été de brillants
candidats en matière de sciences. Bon courage.
Révisions
avant interrogation
Questions
fréquemment posées au « certif »
Auriez-vous
su répondre ?
Même les instituteurs
avaient leur pensum, édité par les Imprimeries Réunies, en janvier 1950
(picclick)
Patrick Pluchot
(1) :
Journal Officiel du 29 mars 1982, article 6 :
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