vendredi 2 août 2024

Les buvards publicitaires

 

Buvard, raconte nous ton histoire

La naissance de la réclame

La révolution industrielle de la deuxième moitié du 19e siècle va entraîner peu à peu une augmentation de la consommation. On produit de plus en plus, mais encore faut-il faire connaître ses produits pour les écouler. Ainsi, en cette fin de siècle, va naître la « réclame ». Bien que rudimentaire à ses débuts, elle sera partout : dans la presse, sur les affiches et les placards publicitaires. A la Belle Epoque, on inventera l’« objet publicitaire » qui sera distribué, souvent sous forme de cadeau, par les magasins, les entreprises, les grandes enseignes et les grandes marques. L’école n’y échappera pas, à travers les buvards… entre autres.


Outre les règles, gommes et autres protège-cahiers publicitaires, l’écriture à la plume entraîna nécessairement une production surabondante de buvards. Ainsi, ce dernier connaîtra son apogée dans les années 1950-1960, avant d’être balayé par la généralisation de l’usage du stylo à bille, surtout Bic pour ne pas le nommer. Naïvement, en assurant la promotion de la pointe Bic, les producteurs de buvards ne signaient-ils pas leur arrêt de mort ?… 

En attendant l’issue fatale, sournoisement, sous prétexte d’une grande valeur d’usage – les buvards évitent, en effet, la plupart des dangers de l’écriture à la plume – les buvards publicitaires ciblent massivement la jeunesse de l’après Seconde Guerre mondiale.

Ils seront les alter egos du protège-cahier devenu, lui aussi, publicitaire. Le matraquage sera quotidien, si le cahier ouvert élude momentanément le message de couverture, le buvard, quant à lui, la face vierge posée sur la page à écrire, offre sa réclame à la vue des écoliers pendant qu’ils travaillent. Le buvard traditionnel fut « inventé » par hasard au 15e siècle, à la suite d’une erreur de dosage des ingrédients dans la fabrication d’une pâte à papier. L’oubli de la colle donna au papier obtenu, des qualités absorbantes impropres à l’écriture directe, mais qui présentèrent d’autres avantages, le papier « buvard » était né. 

Ce petit rectangle de papier de 16 cm par 21 cm fut adopté dans les écoles et fit partie des fournitures scolaires indispensables. Blanc à ses débuts, il fut ensuite rose, et évidemment vierge d’inscriptions. Il resta longtemps l’ami de l’écolier, absorbant les tâches involontaires que le Corector du maître finirait de faire disparaître, et protégeant la page blanche des salissures provoquées par des mains douteuses, malgré le contrôle quotidien de la maîtresse ou du maître, à l'entrée en classe.



Le buvard traversa les Trente Glorieuses, racontant l’histoire d’une société de consommation en plein essor, encore dépourvue de télévision et d’internet. Il devint un des supports privilégiés de la publicité. Il inaugura l’ère du slogan ! L’école entra-t-elle dans ce jeu mercantile ? Non, assurément. Les buvards fournis en classe restèrent, jusqu’à leur obsolescence, des buvards traditionnels, cependant que d’autres, véritables produits publicitaires, étaient diffusés auprès des familles à l’occasion d’achats ou de campagnes de réclame, même locales. 





Du reste, beaucoup seront censurés par les maîtres qui ne désiraient notamment pas faire la promotion des boissons alcoolisées ou des cigarettes, même en chocolat ! De tels buvards ne devaient pas être mis entre les mains des écoliers.




Certaines entreprises traitèrent malicieusement des sujets historiques ou culturels à but éducatif, espérant amadouer les enseignants et inciter les élèves à constituer une collection. En règle générale, on constate que les produits vantés restèrent populaires et proches des préoccupations des gens. On retrouve principalement, pêle-mêle, les bonbons et sucettes, le chocolat, le sucre, les produits laitiers, les biscottes, le savon, les produits alimentaires de base.

Pour les marques les plus riches, les buvards publicitaires furent de véritables créations graphiques confiées à des dessinateurs et illustrateurs réputés, parmi lesquels on retrouvera Jacques Faizant, Alain Saint-Ogan ou encore Benjamin Rabier, pour ne citer qu’eux.


Illustration signée Benjamin Rabier, inventeur du logo La Vache qui rit



Série de 10 buvards La Vache qui rit sur le thème du cirque, illustrés par Alain Saint-Ogan créateur de Zig et Puce


Buvard illustré par Jacques Faizant, dessinateur et éditorialiste de presse

Papibeverophiles, papibeveristes et autres pictopubicephiles…

Même si les buvards publicitaires ne sont que des « bouts » de papier, souvent d’une qualité médiocre, distribués aux familles ou aux enfants pour qu’ils les rapportent à l’école, ils sont désormais devenus des « collectors ».  Les collectionneurs les recherchent, en bon état pour certains, tachés de traces d’encre pour d’autres, qui, férus d’objets ayant vécu et portant une histoire, les préfèrent usagés. Certaines marques sont plus recherchées que d’autres : Michelin, Banania, la Vache-qui-rit. Des salons leur sont consacrés et leur valeur varie de quelques euros à une centaine ou plus, selon la rareté.


Rare buvard Banania « Le Petit Poucet », 1935, coté près de 60 à une centaine d’euros selon l’état, existe aussi en version « La Belle au Bois dormant »

Si le buvard traditionnel, protecteur des travaux d’écriture des écoliers, a vécu, le papier buvard quant à lui, continue sa carrière d’une manière beaucoup plus « professionnelle ». Les spécialistes l’utilisent toujours en sous-main pour l’encadrement ou les collections de timbres, pour la confection des herbiers, ainsi que dans la plupart des pratiques artistiques, pour absorber les excès de médium… entre autres activités.

Florilège























Sources :

-       documentation musée.

-       Collection musée.

-       Collections privées.

Patrick Pluchot

Bon mois d’août à tous.

Prochains articles à la rentrée de septembre :

Les enfants de 40

Panneau scolaire Rossignol, l’exode en 1940, détail (collection musée)

Avant l’occupation, l’exode

 

Apprendre à lire : méthode globale ou mixte ?

Les clés de la liberté

Les instructions de 1923 : une révolution ?


Manifestations en septembre, toutes les infos dans la rubrique

 « Infos pratiques » :

https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/p/blog-page.html


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire