Buvard,
raconte nous ton histoire
La
naissance de la réclame
La
révolution industrielle de la deuxième moitié du 19e siècle va
entraîner peu à peu une augmentation de la consommation. On produit de plus en
plus, mais encore faut-il faire connaître ses produits pour les écouler. Ainsi,
en cette fin de siècle, va naître la « réclame ». Bien que
rudimentaire à ses débuts, elle sera partout : dans la presse, sur les
affiches et les placards publicitaires. A la Belle Epoque, on inventera l’« objet
publicitaire » qui sera distribué, souvent sous forme de cadeau, par les
magasins, les entreprises, les grandes enseignes et les grandes marques. L’école
n’y échappera pas, à travers les buvards… entre autres.
Outre les règles, gommes et
autres protège-cahiers publicitaires, l’écriture à la plume entraîna
nécessairement une production surabondante de buvards. Ainsi, ce dernier
connaîtra son apogée dans les années 1950-1960, avant d’être balayé par la
généralisation de l’usage du stylo à bille, surtout Bic pour ne pas le nommer. Naïvement, en
assurant la promotion de la pointe Bic, les producteurs de buvards ne signaient-ils
pas leur arrêt de mort ?…
En attendant l’issue fatale,
sournoisement, sous prétexte d’une grande valeur d’usage – les buvards évitent, en effet,
la plupart des dangers de l’écriture à la plume – les buvards publicitaires ciblent massivement la
jeunesse de l’après Seconde Guerre mondiale.
Ils seront les alter egos du
protège-cahier devenu, lui aussi, publicitaire. Le matraquage sera quotidien,
si le cahier ouvert élude momentanément le message de couverture, le buvard,
quant à lui, la face vierge posée sur la page à écrire, offre sa réclame à la
vue des écoliers pendant qu’ils travaillent. Le buvard traditionnel fut « inventé » par hasard
au 15e siècle, à la suite d’une erreur de dosage des ingrédients
dans la fabrication d’une pâte à papier. L’oubli de la colle donna au papier
obtenu, des qualités absorbantes impropres à l’écriture directe, mais qui
présentèrent d’autres avantages, le papier « buvard » était né.
Ce petit rectangle de papier
de 16 cm par 21 cm fut adopté dans les écoles et fit partie des fournitures
scolaires indispensables. Blanc à ses débuts, il fut ensuite rose, et évidemment vierge d’inscriptions. Il resta longtemps l’ami de l’écolier, absorbant les tâches involontaires que
le Corector du maître finirait de faire disparaître, et protégeant la page blanche des salissures provoquées par des mains douteuses, malgré le contrôle quotidien de la maîtresse ou du maître, à l'entrée en classe.
Le buvard traversa les Trente
Glorieuses, racontant l’histoire d’une société de consommation en plein essor,
encore dépourvue de télévision et d’internet. Il devint un des supports
privilégiés de la publicité. Il inaugura l’ère du slogan ! L’école entra-t-elle
dans ce jeu mercantile ? Non, assurément. Les buvards fournis en classe
restèrent, jusqu’à leur obsolescence, des buvards traditionnels, cependant que d’autres,
véritables produits publicitaires, étaient diffusés auprès des familles à l’occasion
d’achats ou de campagnes de réclame, même locales.
Du reste, beaucoup seront
censurés par les maîtres qui ne désiraient notamment pas faire la promotion des
boissons alcoolisées ou des cigarettes, même en chocolat ! De tels buvards
ne devaient pas être mis entre les mains des écoliers.
Certaines entreprises traitèrent
malicieusement des sujets historiques ou culturels à but éducatif, espérant
amadouer les enseignants et inciter les élèves à constituer une collection. En
règle générale, on constate que les produits vantés restèrent populaires et
proches des préoccupations des gens. On retrouve principalement, pêle-mêle, les
bonbons et sucettes, le chocolat, le sucre, les produits laitiers, les
biscottes, le savon, les produits alimentaires de base.
Pour les marques les plus
riches, les buvards publicitaires furent de véritables créations graphiques
confiées à des dessinateurs et illustrateurs réputés, parmi lesquels on
retrouvera Jacques Faizant, Alain Saint-Ogan ou encore Benjamin Rabier, pour ne
citer qu’eux.
Illustration signée Benjamin
Rabier, inventeur du logo La Vache qui rit
Série de 10 buvards La Vache
qui rit sur le thème du cirque, illustrés par Alain Saint-Ogan créateur de Zig
et Puce
Buvard illustré par Jacques
Faizant, dessinateur et éditorialiste de presse
Papibeverophiles,
papibeveristes et autres pictopubicephiles…
Même si les buvards
publicitaires ne sont que des « bouts » de papier, souvent d’une
qualité médiocre, distribués aux familles ou aux enfants pour qu’ils les
rapportent à l’école, ils sont désormais devenus des « collectors ». Les collectionneurs les recherchent, en bon
état pour certains, tachés de traces d’encre pour d’autres, qui, férus d’objets
ayant vécu et portant une histoire, les préfèrent usagés. Certaines marques
sont plus recherchées que d’autres : Michelin, Banania, la Vache-qui-rit.
Des salons leur sont consacrés et leur valeur varie de quelques euros à une
centaine ou plus, selon la rareté.
Rare buvard Banania « Le
Petit Poucet », 1935, coté près de 60 à une centaine d’euros selon l’état,
existe aussi en version « La Belle au Bois dormant »
Si le buvard traditionnel,
protecteur des travaux d’écriture des écoliers, a vécu, le papier buvard quant
à lui, continue sa carrière d’une manière beaucoup plus « professionnelle ».
Les spécialistes l’utilisent toujours en sous-main pour l’encadrement ou les
collections de timbres, pour la confection des herbiers, ainsi que dans la
plupart des pratiques artistiques, pour absorber les excès de médium… entre
autres activités.
Florilège
Sources :
-
documentation musée.
-
Collection musée.
-
Collections privées.
Patrick Pluchot
Bon mois d’août
à tous.
Prochains
articles à la rentrée de septembre :
Les enfants de 40
Panneau scolaire Rossignol, l’exode en 1940, détail (collection musée)
Avant
l’occupation, l’exode
Apprendre
à lire : méthode globale ou mixte ?
Les
clés de la liberté
Les instructions de 1923 : une révolution ?
Manifestations en septembre, toutes les infos dans la rubrique
« Infos pratiques » :
https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/p/blog-page.html
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