dimanche 23 juillet 2017

L'enseignement par le film


L’enseignement par le film

Projecteur PATHE-KID-9 mm, modèle simplifié du PATHE-BABY-9mm pour usage scolaire, 1934 (collection musée)

Au temps des « films-flammes »…

Vers les années 1930/35, les garçons de l'école de Montceau-Bois-du-Verne avaient la joie de se rendre chaque semaine au cinéma pour quelques centimes... Ils pouvaient jouir, le mercredi après-midi, jour de classe, d’une petite séance récréative (le jour de congé était alors le jeudi d’où l’expression désignant une semaine de vacances hypothétique : « la semaine des quatre jeudis… »). Un maître choisissait les films, souvent comiques ou d’aventures, qui devaient être projetés dans la salle du quartier où les élèves étaient conduits et surveillés par le corps enseignant.



L’enseignement par l’aspect, vers 1900 (CANOPE)

L’idée n’était pas nouvelle puisqu’en août 1895, Octave Gréard, alors vice-recteur de l’Académie de Paris, avait réuni sous sa présidence les Sociétés d’Instruction Populaire. En effet, ces dernières utilisaient l’image lors de leurs conférences par le biais de lanternes magiques et de plaques de verre. Octave Gréard souhaitait utiliser cette technique pour l’enseignement : « Les projections lumineuses étant utiles pour mettre à la portée de toutes les intelligences la plupart des connaissances éducatives et professionnelles qui composent le bagage de l’Instruction Populaire à ses divers degrés, les sociétés d’instruction et les membres de l’Université devront faire le plus possible appel à ce mode d’enseignement ».


Catalogue Delagrave, 1890 (collection Rigand)


La Société de l’Enseignement par l’Aspect (ancêtre de la pédagogie par l’image) naît de cette réflexion et les projections lumineuses font leur entrée à l’école. Elle peut immédiatement compter sur l’ingéniosité des constructeurs d’instruments de plus en plus performants qui trôneront fièrement dans les catalogues de matériel pédagogique. Dès lors, dans les campagnes ou les quartiers populaires, des conférences-projections sont organisées par les instituteurs, le dimanche après-midi, à l’école ou à la mairie : « Quand l’instituteur montre la lanterne magique, le cabaret est vide et l’école est trop petite (...) et d’école en école, de l’ouest aux quatre coins de France, l’enseignement par l’aspect s’est fait sa route triomphale » (Autour de l’Education Populaire, Edouard Petit).   


Projecteur PATHE-BABY-LUX-YA-9.5mm, 1931 (collection musée)

Projecteur PATHE-BABY-LUX version n° 03 1001 YD 12, 1931 (collection musée)


Dans les années 30, au Bois-du-Verne, il n’était plus véritablement question de cinéma éducatif. Cependant, quelques maîtres s’étaient procurés à titre personnel ou grâce aux fonds de la coopérative scolaire, de petits appareils de projection du type "Pathé-Baby" ou "Pathé-Kid". On pouvait alors projeter des films à perforations centrales. Ceux-ci, appelés plus tard "films-flammes", furent retirés de la circulation pour cause de "combustion subite" ! A la campagne comme à la ville, il ne s’agissait là que de quelques cas particuliers...


Films-flammes-9 mm  pour PATHE-KID  et bobines 35 mm à vues fixes (collection musée)

Films éducatifs pour PATHE-KID vers 1931 (collection musée)


Il fallut attendre 1951 et le vote de la loi Barangé octroyant à chaque groupe scolaire des crédits supplémentaires destinés au matériel d’enseignement, pour que les écoles puissent se munir de projecteurs à vues fixes du type « Larousse ». Lorsque les locaux s’y prêtaient, certaines écoles eurent alors leur salle de projection, avec volets obturant les fenêtres, écran métallisé, meuble de classement pour films. Plus simplement, chaque maître munissait ses fenêtres de rideaux noirs et pouvait illustrer, par des images de grand format, toutes les leçons.
SODISFOM 480-S Mixte pour rouleaux à vues fixes ou diapositives, 1960  (collection musée)


Les maisons d’édition rivalisaient à qui mieux mieux pour fabriquer, en toutes disciplines, films et commentaires adéquats. Ainsi les élèves suivaient agréablement le cours d’un fleuve depuis sa source jusqu’à la mer, en se promenant par la pensée, sur les quais des villes arrosées… et si les châteaux de la Loire n’avaient plus de secrets pour eux, ils pouvaient, dans la succession des vues fixes, voir germer une graine, pousser la tige et les racines de la plante et même s’épanouir la fleur. L’usage collectif de ces vues fixes détrôna avantageusement l’usage individuel du stéréoscope que possède le musée et à travers lequel on peut toujours voir la merveilleuse image en 3D de Notre Dame de Paris...


Stéréoscopes à oculaire Educa-UNIS- France (grand modèle sur socle et petit modèle à main à côté à droite), vers 1900, ils  utilisent des couples stéréoscopiques sur verre ou imprimés sur cartes, la 3D de l’époque ! (collection musée)

Stéréoscope de Holmes, inventé en 1860, le musée en possède une copie artisanale, vers 1900 (collection collège Pasteur)


Quelle belle récompense aussi, lorsqu’un film « récréatif » offrait aux yeux amusés l’histoire merveilleuse d’Ali Baba ou le charme mystérieux de la Belle au Bois dormant. Les élèves de CM2, eux-mêmes, ne riaient-ils pas de bon cœur en suivant les tribulations des Trois petits cochons, en partageant les déconvenues de Boucle d’Or explorant la maison des trois ours ou en découvrant les aventures de Sylvain et Sylvette ou autres Tintin et Milou ?  Heureux temps où la télévision n’ayant pas encore pénétré dans les foyers, les enfants savaient jeter un regard neuf sur ce nouveau moyen d’information et de distraction !


Bobines de films fixes récréatifs (collection privée)


Le patronage laïc très développé dans le Bassin minier de Montceau organisait des séances de projection pour les familles, hors temps scolaire et chaque quartier était souvent doté, sous l’égide de l’école, d’un matériel « professionnel » en 16 mm, comme ce fut le cas à l’école de la Saule (actuelle école Jean Rostand). L’appareil retrouvé dans cette école est un modèle Debrie bien connu.

En effet, dès le milieu des années 30 apparaît le projecteur Debrie 16 mm qui sera amélioré et deviendra le fameux MB 15. Cette machine sera l’appareil de prédilection des amateurs éclairés mais surtout que l’on retrouvera dans les petites salles communales, les patronages et dans les écoles. Il assure une projection impeccable jusqu’à 25 mètres de distance sur un écran de 3 mètres de base. Les images sont d’une fixité absolue et sans scintillement. Ce projecteur, muni d’un changement de vitesse permettant de passer des films sonores ou muets, est articulé avec le bloc amplificateur qui lui sert de base, ce qui permet, par simple inclinaison, le réglage de la projection. L’ensemble projecteur-amplificateur pouvait être monté sur pied spécial Debrie ou posé sur n’importe quelle table. Son chargement était ultra-rapide. Pour les puristes, notez ses caractéristiques révolutionnaires pour l’époque :
-       Entraînement du film 16 mm sonore par trois griffes.
-       Deux débiteurs dentés.
-       Bras débiteur et récepteur.
-       Lanterne et ampoule électrique incorporées.
-       Moteur et ventilateur électrique incorporés.
-       Amplificateur incorporé.


Projecteur 16 mm type MB15 de DEBRIE, fabrication française, 1950 (collection musée)


Le patronage laïc montcellien était vraisemblablement doté d’une caméra du même fournisseur si on en juge par les films 16 mm des grandes Fêtes de l’Ecole publique qui sont parvenus jusqu’à nous (fêtes 1953 et 1955 notamment, vendus en DVD au musée).  

Clin d’œil : quand la douillette niche de l’écran tunnel des années 30 abrite la modernité !

Ecran tunnel, années 30 (collection musée)


En savoir plus :
Venez visiter l’exposition du musée
 « Les techniques au service des maîtres de 1880 à 2000 »


Aperçu de l’exposition, section « projecteurs » (collection musée)

Aperçu de l’exposition, section « projecteurs » (collection musée)

Aperçu de l’exposition, section « projecteurs » (collection musée)


Sources et documentation :
-        « Cent ans d’école », production Musée de la Maison d’Ecole, 1981
-       « Ciné-Amateur » n° 1 et 6, 1931
-       « Catalogue Tiranty », 1934
-       Site web « Cinémathèque de Bretagne »

P.P














Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire