L’enseignement
par le film
Au temps des
« films-flammes »…
Vers
les années 1930/35, les garçons de l'école de Montceau-Bois-du-Verne avaient la
joie de se rendre chaque semaine au cinéma pour quelques centimes... Ils
pouvaient jouir, le mercredi après-midi, jour de classe, d’une petite séance
récréative (le jour de congé était alors le jeudi d’où l’expression désignant
une semaine de vacances hypothétique : « la semaine des quatre
jeudis… »). Un maître choisissait les films, souvent comiques ou
d’aventures, qui devaient être projetés dans la salle du quartier où les élèves
étaient conduits et surveillés par le corps enseignant.
L’idée
n’était pas nouvelle puisqu’en août 1895, Octave Gréard, alors vice-recteur de
l’Académie de Paris, avait réuni sous sa présidence les Sociétés d’Instruction
Populaire. En effet, ces dernières utilisaient l’image lors de leurs
conférences par le biais de lanternes magiques et de plaques de verre. Octave
Gréard souhaitait utiliser cette technique pour l’enseignement : « Les projections lumineuses étant
utiles pour mettre à la portée de toutes les intelligences la plupart des
connaissances éducatives et professionnelles qui composent le bagage de
l’Instruction Populaire à ses divers degrés, les sociétés d’instruction et les
membres de l’Université devront faire le plus possible appel à ce mode
d’enseignement ».
La
Société de l’Enseignement par l’Aspect (ancêtre de la pédagogie par l’image) naît
de cette réflexion et les projections lumineuses font leur entrée à l’école.
Elle peut immédiatement compter sur l’ingéniosité des constructeurs
d’instruments de plus en plus performants qui trôneront fièrement dans les
catalogues de matériel pédagogique. Dès lors, dans les campagnes ou les
quartiers populaires, des conférences-projections sont organisées par les
instituteurs, le dimanche après-midi, à l’école ou à la mairie : « Quand l’instituteur montre la
lanterne magique, le cabaret est vide et l’école est trop petite (...) et d’école
en école, de l’ouest aux quatre coins de France, l’enseignement par l’aspect
s’est fait sa route triomphale » (Autour
de l’Education Populaire, Edouard Petit).
Dans
les années 30, au Bois-du-Verne, il n’était plus véritablement question de
cinéma éducatif. Cependant, quelques maîtres s’étaient procurés à titre
personnel ou grâce aux fonds de la coopérative scolaire, de petits appareils de
projection du type "Pathé-Baby" ou "Pathé-Kid". On pouvait
alors projeter des films à perforations centrales. Ceux-ci, appelés plus tard
"films-flammes", furent retirés de la circulation pour cause de
"combustion subite" ! A la campagne comme à la ville, il ne
s’agissait là que de quelques cas particuliers...
Il
fallut attendre 1951 et le vote de la loi Barangé octroyant à chaque groupe
scolaire des crédits supplémentaires destinés au matériel d’enseignement, pour
que les écoles puissent se munir de projecteurs à vues fixes du type « Larousse ».
Lorsque les locaux s’y prêtaient, certaines écoles eurent alors leur salle de
projection, avec volets obturant les fenêtres, écran métallisé, meuble de
classement pour films. Plus simplement, chaque maître munissait ses fenêtres de
rideaux noirs et pouvait illustrer, par des images de grand format, toutes les
leçons.
Les
maisons d’édition rivalisaient à qui mieux mieux pour fabriquer, en toutes
disciplines, films et commentaires adéquats. Ainsi les élèves suivaient
agréablement le cours d’un fleuve depuis sa source jusqu’à la mer, en se
promenant par la pensée, sur les quais des villes arrosées… et si les châteaux
de la Loire n’avaient plus de secrets pour eux, ils pouvaient, dans la
succession des vues fixes, voir germer une graine, pousser la tige et les
racines de la plante et même s’épanouir la fleur. L’usage collectif de ces vues
fixes détrôna avantageusement l’usage individuel du stéréoscope que possède le
musée et à travers lequel on peut toujours voir la merveilleuse image en 3D de
Notre Dame de Paris...
Quelle
belle récompense aussi, lorsqu’un film « récréatif » offrait aux yeux
amusés l’histoire merveilleuse d’Ali Baba ou le charme mystérieux de la
Belle au Bois dormant. Les élèves de CM2, eux-mêmes, ne riaient-ils pas de
bon cœur en suivant les tribulations des Trois petits cochons, en
partageant les déconvenues de Boucle d’Or explorant la maison des trois
ours ou en découvrant les aventures de
Sylvain et Sylvette ou autres Tintin
et Milou ? Heureux temps où la
télévision n’ayant pas encore pénétré dans les foyers, les enfants savaient
jeter un regard neuf sur ce nouveau moyen d’information et de distraction !
Le
patronage laïc très développé dans le Bassin minier de Montceau organisait des
séances de projection pour les familles, hors temps scolaire et chaque quartier
était souvent doté, sous l’égide de l’école, d’un matériel « professionnel »
en 16 mm, comme ce fut le cas à l’école de la Saule (actuelle école Jean
Rostand). L’appareil retrouvé dans cette école est un modèle Debrie bien connu.
En
effet, dès le milieu des années 30 apparaît le projecteur Debrie 16 mm qui sera
amélioré et deviendra le fameux MB 15. Cette machine sera l’appareil de
prédilection des amateurs éclairés mais surtout que l’on retrouvera dans les
petites salles communales, les patronages et dans les écoles. Il assure une
projection impeccable jusqu’à 25 mètres de distance sur un écran de 3 mètres de
base. Les images sont d’une fixité absolue et sans scintillement. Ce
projecteur, muni d’un changement de vitesse permettant de passer des films
sonores ou muets, est articulé avec le bloc amplificateur qui lui sert de base,
ce qui permet, par simple inclinaison, le réglage de la projection. L’ensemble
projecteur-amplificateur pouvait être monté sur pied spécial Debrie ou posé sur
n’importe quelle table. Son chargement était ultra-rapide. Pour
les puristes, notez ses caractéristiques révolutionnaires pour l’époque :
-
Entraînement
du film 16 mm sonore par trois griffes.
-
Deux
débiteurs dentés.
-
Bras
débiteur et récepteur.
-
Lanterne
et ampoule électrique incorporées.
-
Moteur
et ventilateur électrique incorporés.
-
Amplificateur
incorporé.
Le
patronage laïc montcellien était vraisemblablement doté d’une caméra du même
fournisseur si on en juge par les films 16 mm des grandes Fêtes de l’Ecole
publique qui sont parvenus jusqu’à nous (fêtes 1953 et 1955 notamment, vendus
en DVD au musée).
Clin d’œil : quand la douillette niche de l’écran
tunnel des années 30 abrite la modernité !
En savoir plus :
Venez visiter l’exposition du musée
« Les
techniques au service des maîtres de 1880 à 2000 »
Sources
et documentation :
-
« Cent ans d’école », production Musée de la Maison d’Ecole,
1981
-
« Ciné-Amateur » n° 1 et 6, 1931
-
« Catalogue Tiranty », 1934
-
Site
web « Cinémathèque de Bretagne »
P.P
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