Coopératives et coopération
scolaires
Par Daniel Saunier*
L’O.C.C.E
L’Office Central de la
Coopération à l’Ecole a été créé en 1928, sous l’impulsion de membres de
l’enseignement et de militants de la coopération, adultes convaincus de la
nécessité d’enseigner, dès l’école, les principes et les vertus de la
coopération que l’on retrouve dans le fonctionnement de l’économie sociale et
solidaire.
*Daniel
Saunier : élu au Conseil d’administration O.C.C.E.71 de 1974 à 2005,
Secrétaire animateur départemental de 1977 à 1984, alternativement Secrétaire
général ou Président de 1985 à 2005, élu au CA national de 1981 à 1989 avec successivement les fonctions de Secrétaire
général adjoint puis de Secrétaire général à partir de 1983.
Fondé
sous le double parrainage de Ferdinand Buisson (Directeur de l’Enseignement
primaire) et de Charles Gide (Professeur au Collège de France, économiste
spécialiste de la coopération), l’OCCE est, aujourd’hui, la Fédération
nationale des 101 associations départementales qui réunissent les membres,
personnes majeures ou mineures de l’Enseignement public, regroupés en
coopératives scolaires du 1er et du second degré, soit 4 560 000 adhérents dans
plus de 50 000 établissements. Elle est reconnue d’utilité publique.
L’OCCE
accompagne les enseignants dans leurs pratiques professionnelles par ses
nombreuses formations proposées, un grand nombre d’outils pédagogiques et ses
propositions d’actions dans les domaines de la lecture, de l’écriture, des
pratiques artistiques et culturelles, de l’éducation au développement durable,
par exemple, tout cela dans un même but : favoriser la coopération au sein des
classes pour améliorer le climat scolaire. Son maillage territorial permet
aussi d’apporter des réponses adaptées sur les plans juridiques et comptables à
tous les coopérateurs et aux parents d’élèves.
Une histoire, des racines
Fin
du XIXe – 1928 - Les premiers essais de coopératives scolaires :
L’apparition
des courants coopératifs, mutualistes, associatifs, fondements de ce que l’on
appelle actuellement «l’économie sociale»- marque la fin du XIXème siècle.
C’est tout naturellement dans cette mouvance que la coopération scolaire va, au
fil des ans, trouver sa place. Les années qui suivent la promulgation des lois
Jules Ferry déclarant l’école publique laïque et gratuite voient naître les premiers essais de
coopératives scolaires. En 1899, un appel lancé en faveur de la coopération
scolaire dans l’Almanach de la Coopération Française la fait reconnaître. En
1922, alors que le mouvement associatif est essentiellement représenté par la
Ligue de l’Enseignement fondée par Jean MACÉ, une Commission Nationale de
l’Enseignement de la Coopération est créée par la Fédération Nationale des
Coopératives de Consommation.
Deux
courants s’opposent alors : Emile BUGNON, fondateur des «Coopératives de
Lorraine», sous l’impulsion de Charles GIDE, pensait utiliser les coopératives
scolaires pour pallier les insuffisances économiques.
Barthélémy
PROFIT, sans rejeter les idées de son collègue inspecteur, souhaitait leur
donner une part d’autonomie par rapport à la Fédération Nationale des
Coopératives de Consommation. Il n’hésitait pas à parler de «cette petite
république qu’est la coopérative».
1928 Création de l’OCCE
Les
successeurs de ces deux pionniers de la coopération scolaire surent allier ces
deux tendances : l’entreprise de production marquée par l’initiation aux
problèmes économiques et «l’école organisée socialement» en y ajoutant, avec
l’apport de Célestin FREINET, une troisième dimension : la transformation de
l’école traditionnelle en une école moderne où les valeurs pédagogiques
prennent toute leur importance.
1928
voit la création d’un Office Central des Coopératives Scolaires devenu, en
1929, l’Office Central de la Coopération à l’Ecole. C’est une association
nationale, régie par la loi de 1901, dont le premier président sera Emile
BUGNON.
En
1936, Jean ZAY, ministre de l’Instruction Publique du Front Populaire, adresse
aux instituteurs une circulaire pour recommander la coopération scolaire dans
les classes primaires.
L’Office
sort exsangue du second conflit mondial mais l’intérêt pédagogique de la
Coopération Scolaire n’échappe pas au Directeur de l’Enseignement du Premier
degré qui n’hésite pas à le rappeler
dans une note du 1er avril 1945.
1948 « Inspirées par un idéal de progrès humain »
Pour
ses 20 ans, en 1948, le congrès de Tours fait sienne la définition de Jean de
SAINT-AUBERT :
« Dans l’enseignement public, les
coopératives scolaires sont des sociétés d’élèves gérées par eux avec le
concours des maîtres en vue d’activités communes. Inspirées par un idéal de
progrès humain, elles ont pour but l’éducation morale, civique et
intellectuelle des coopérateurs par la gestion de la société et le travail de
ses membres ». Cette définition a traversé les
décennies, sans prendre une seule ride.
de 1948 à nos jours
1957
voit la naissance de « AMIS-COOP », un journal destiné aux enfants, le pendant
de la « Revue de la Coopération Scolaire » destinée aux adultes.
1961
sera marqué par l’organisation du premier congrès des jeunes coopérateurs.
1968
Reconnaissance d’Utilité publique de l’Office Central de la Coopération à
l’Ecole.
1976
Création du bimestriel pédagogique «Animation & Education».
1978
L’OCCE fête ses 50 ans et déclare : « La coopérative est une association
d’enfants, d’adolescents et de membres de l’enseignement public coopérant à
l’entreprise éducative avec les parents, les femmes et les hommes qui
constituent l’environnement social de l’école ».
En
1988, à Tours, L’Office Central de la Coopération à l’Ecole devient une
Fédération. Les 100 associations départementales deviennent, désormais, des
entités juridiques.
Aujourd’hui, l’O.C.C.E a l’agrément Education Nationale au titre des associations éducatives
complémentaires de l’enseignement public et a obtenu, en 1992, auprès du
Secrétariat d’Etat Jeunesse et Sports, l’agrément au titre « Association
jeunesse et éducation populaire ».
Les coopératives scolaires
Définie
par la circulaire ministérielle du 23 juillet 2008, la coopérative scolaire est
un regroupement d’adultes et d’élèves qui décident de mettre en œuvre un projet
éducatif s’appuyant sur la pratique de la vie associative et coopérative. La
coopérative bénéficie du soutien de l’OCCE en matière éducative, pédagogique,
juridique et comptable.
La
Coopérative scolaire est donc une association d’élèves au service d’une
éducation citoyenne, responsable et solidaire.
Le
but des coopératives scolaires est, avant tout, d’éduquer les élèves (par
l’apprentissage de la vie associative et la prise de responsabilités réelles en
fonction de leur âge) à leur futur rôle de citoyens. La coopérative, c’est
l’éducation citoyenne en actes et cet objectif dépasse largement les problèmes
financiers auxquels elle est souvent associée.
La
coopérative scolaire n’a pas pour but de se substituer aux obligations des
collectivités territoriales concernant les charges d’entretien et de
fonctionnement des écoles publiques. Elle ne doit contribuer ni à la
réalisation de travaux, ni à la location ou l’achat de moyens d’enseignement,
ni au financement des activités obligatoires intégrées dans le Projet d’Ecole
et soumises au Conseil d’Ecole.
Les
principes généraux du fonctionnement de la coopérative scolaire sont ceux de
toute association : gestion démocratique, rigueur et transparence comptables.
Comme toute association, elle a des projets et peut avoir besoin de fonds pour
les réaliser. Plusieurs sources de financement permettent son fonctionnement :
subventions des collectivités, fêtes, kermesses, ristournes sur la vente de
photographies scolaires…
Dans
un établissement du second degré, le Foyer coopératif est une association
autonome.
La gestion financière au service du projet
La
recherche de financements, avec les élèves, a une haute valeur éducative. La
mission de l’école n’est pas de former des élèves « consommateurs » passifs et
assistés de projets. La mendicité auprès des familles n’est pas l’acte éducatif
le plus intéressant. L’importance du projet n’est pas tant dans son objet
(sortie, voyage…) que dans la participation active et réelle des élèves à sa
réalisation. Faire comprendre aux élèves que la réalisation d’un projet
collectif implique échange et participation active de chacun (même dans la recherche
des moyens pour le financer) est l’objectif essentiel des projets mis en œuvre
par la coopérative. La participation financière, quand elle est demandée aux familles, ne
peut être que volontaire et modique. Elle manifeste la volonté de soutenir les
actions de la coopérative de l’école. Mais l’aide que les parents peuvent
apporter à la vie de l’association ne se limite pas à la seule contribution
financière et ils prennent souvent une part active indispensable à la
réalisation des projets de la coopérative.
Pour
toutes ces raisons, l’ouverture de la coopérative à l’ensemble des partenaires
de la communauté éducative est une nécessité qui implique une réelle volonté de
transparence, un souci de dialogue et une confiance sincère dans la volonté de
mettre en place un indispensable partenariat co-éducatif au service des élèves.
La coopération à l’école
On
peut la définir comme un système cohérent de valeurs et de principes issus des
fondamentaux républicains, coopératifs, associatifs (aide, entraide, tutorat,
cotisation volontaire, projet, conseil de coopérative par exemple), d’attitudes
et de pratiques donnant du sens à l’Ecole et aux apprentissages. Articulées autour
de pratiques pédagogiques spécifiques et des valeurs de la « coopération »
(solidarité, entraide), les coopératives scolaires représentent un puissant
levier éducatif pour la construction de citoyens autonomes et solidaires.
Participer activement à la vie de la coopérative, mettre en place des projets,
en rechercher éventuellement les financements, c’est apprendre à débattre, à
décider, à mettre en oeuvre, à évaluer… C’est « apprendre à apprendre et à
vivre avec les autres, par les autres et pour les autres, et non pas seul
contre les autres ». La coopération change le statut de l’élève et de
l’enseignant, prend en compte et valorise l’identité de chaque élève afin que
l’Ecole devienne un lieu de développement de soi et de connaissance des autres.
Pour cela, un certain nombre de principes doivent être affirmés :
* la volonté de construire chez chaque élève
une image positive de lui-même, le souci d’identifier, de valoriser et de
développer les potentialités de tous est un objectif majeur de l’école ;
*
les activités d’expression de soi (activités artistiques et culturelles, jeux
dramatiques...) qui permettent la découverte de soi et des autres doivent avoir
une place centrale à l’Ecole ;
*
les structures et dispositifs du « parler vrai » (conseil, heure de vie de
classe...) doivent être institués dès l’école maternelle pour construire, grâce
à ces dispositifs de régulation et de médiation, une citoyenneté démocratique.
Des règles de vie et des principes au service des
apprentissages
Dans
une classe coopérative, tous les élèves sont responsables de la vie de la
classe en général et de l’émancipation de chacun de ses membres. Ce n’est pas
au maître seul de résoudre les difficultés des élèves, de gérer le conflit ou
l’échec scolaire, mais c’est au contraire avant tout au groupe-classe à
envisager des réponses aux questions qui se posent :
*
Que peut-on faire pour aider tel élève dans telle discipline ?
*
Comment améliorer les relations dans la classe ?
*
Comment se procurer l’argent pour notre projet de classe transplantée ?
*
Comment intervenir dans une bagarre ou un conflit verbal ?
*
Que faire quand un membre du groupe gêne les autres ?
*
Comment aider un camarade à apprendre une leçon ?
...autant
de questions, de situations problèmes en prise directe sur la vie de la classe
qui, analysées collectivement, permettront l’élaboration de nouvelles règles,
la création de nouvelles structures ressenties comme nécessaires au bon
fonctionnement de la classe et à la réussite de chacun.
L’apprentissage coopératif
C’est
un apprentissage construit ensemble, en interaction, au travers d’une
expérience active, qui implique la confrontation des points de vue, la
justification des démarches, la validation des hypothèses et le respect de
chacun. Un apprentissage qui permet la construction active de connaissances, la
découverte de l’autre et l’apprentissage du débat démocratique. Pour
synthétiser en une phrase, l’apprentissage coopératif, c’est : « Apprendre avec
les autres, par les autres, pour les autres et non pas seul contre les autres !
»
La
coopération pour mettre en œuvre une éducation active à la responsabilité
Pour
rendre les élèves responsables et acteurs dans tous les aspects de la vie de
l’école, la classe organisée de façon “ coopérative ” s’appuie sur un certain
nombre de pratiques pédagogiques et de structures inspirées, pour la plupart,
des organisations coopératives, mutualistes ou associatives.
LE
CONSEIL DE COOPÉRATIVE
Le
conseil de coopérative permet d’organiser et de réguler la vie de la classe
lors de réunions périodiques regroupant enseignants et élèves. Ces moments de
débats sont également le lieu privilégié pour la gestion des projets de classes
ou d’écoles. En cela, le conseil favorise l’apprentissage de la prise de parole
et du débat démocratique.
LES
« RÔLES » OU « MÉTIERS »
Que
ce soit dans les conseils de coopératives ou dans l’organisation de la classe,
la responsabilisation des élèves passe par les «rôles» ou «métiers» attribués à
chacun d’eux comme : secrétaire de séance, responsable de la bibliothèque de
classe, médiateur, rédacteur pour le journal scolaire…
L’ÉCRITURE
DES RÈGLES DE VIE DE LA CLASSE
A
partir d’un “ projet de vie ” explicitant les grands principes qui vont guider
la vie de la classe, la participation active des élèves donne l’occasion
d’aborder la question du rapport à la loi, à la justice et au droit. Dans une
classe coopérative, les règles de vie s’élaborent progressivement en réponse
aux problèmes rencontrés. Elles instituent un cadre de référence qui permet la
bonne marche du groupe ou du projet. Co-construites par le maître et les élèves
dans le respect de tous les points de vue, de toutes les différences, élaborées
grâce à l’argumentation, elles sont évolutives. L’enfant, placé dans cette
situation de communication authentique, vit la démocratie grâce à ces règles
qui fondent un cadre institutionnel ouvert sur l’environnement proche de la vie
réelle.
LA
GESTION DES PROJETS ET DES MOYENS FINANCIERS DE LA COOPÉRATIVE
Ils
permettent l’apprentissage de la vie associative.
LE
TUTORAT, L’ENTRAIDE, LE TRAVAIL DE GROUPE
Ce
sont les moyens de mettre la solidarité et la coopération au cœur même de la
construction des apprentissages.
LES
CONTRATS ET PLANS DE TRAVAIL
L’organisation
coopérative s’appuie également sur des outils pédagogiques comme les «contrats»,
les «plans de travail» ou encore les «fichiers» qui permettent aux élèves
d’alterner des travaux en groupe avec des apprentissages en autonomie.
L’ÉVALUATION
Qu’ils
soient menés en groupe ou individuellement, dans les classes coopératives, les
moments d’évaluation associent les élèves au suivi de leurs apprentissages mais
également à ceux des autres élèves de la classe.
LA
CORRESPONDANCE SCOLAIRE, LE JOURNAL DE LA CLASSE OU DE L’ÉCOLE
Ils
inscrivent un grand nombre d’apprentissages dans de réelles actions de
communication.
En conclusion
La
coopération modifie les relations dans l’apprentissage et le climat de la
classe. Elle met l’autonomie et la solidarité au cœur des apprentissages et
permet à l’élève un apprentissage actif de la vie civique. Le respect, la
solidarité, l’entraide sont les notions essentielles de la pédagogie
coopérative. Mais ces valeurs ne sont pas innées, leur acquisition n’est pas “
naturelle ”. Elles nécessitent d’être vécues et analysées dans une pratique
pédagogique et sur la base d’un projet éducatif dont Madeleine ALARY
(présidente de l’OCCE de 1981 à 1988) disait : « Le projet
coopératif d’éducation vise à ce que d’assistés, de mineurs, les membres de la
communauté scolaire deviennent des partenaires d’un projet qui les
concerne ».
Médaille
en bronze doré conservée dans un coffret de la Monnaie de Paris. 1990. Avers :
"DONNONS LEUR UN MONDE MEILLEUR"; colombe de la paix et corne
d'abondance, signature du graveur.
Revers : debout sur un globe terrestre, un petit garçon et une fillette se tendent les bras, entourés du bandeau circulaire "QUE TOUS LES ENFANTS DU MONDE SOIENT AU PREMIER RANG DE NOS VŒUX".
Revers : debout sur un globe terrestre, un petit garçon et une fillette se tendent les bras, entourés du bandeau circulaire "QUE TOUS LES ENFANTS DU MONDE SOIENT AU PREMIER RANG DE NOS VŒUX".
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