samedi 2 mars 2019

L'Office Central de la Coopération à l'Ecole



Coopératives et coopération scolaires
Par Daniel Saunier*


Amis-coop, magasine coopératif de l'OCCE en direction des enfants (collection musée)



L’O.C.C.E

L’Office Central de la Coopération à l’Ecole a été créé en 1928, sous l’impulsion de membres de l’enseignement et de militants de la coopération, adultes convaincus de la nécessité d’enseigner, dès l’école, les principes et les vertus de la coopération que l’on retrouve dans le fonctionnement de l’économie sociale et solidaire.




*Daniel Saunier : élu au Conseil d’administration O.C.C.E.71 de 1974 à 2005, Secrétaire animateur départemental de 1977 à 1984, alternativement Secrétaire général ou Président de 1985 à 2005, élu au CA national de 1981 à 1989 avec successivement les fonctions de Secrétaire général adjoint puis de Secrétaire général à partir de 1983.


Ferdinand Buisson
Charles Gide


Fondé sous le double parrainage de Ferdinand Buisson (Directeur de l’Enseignement primaire) et de Charles Gide (Professeur au Collège de France, économiste spécialiste de la coopération), l’OCCE est, aujourd’hui, la Fédération nationale des 101 associations départementales qui réunissent les membres, personnes majeures ou mineures de l’Enseignement public, regroupés en coopératives scolaires du 1er et du second degré, soit 4 560 000 adhérents dans plus de 50 000 établissements. Elle est reconnue d’utilité publique.






L’OCCE accompagne les enseignants dans leurs pratiques professionnelles par ses nombreuses formations proposées, un grand nombre d’outils pédagogiques et ses propositions d’actions dans les domaines de la lecture, de l’écriture, des pratiques artistiques et culturelles, de l’éducation au développement durable, par exemple, tout cela dans un même but : favoriser la coopération au sein des classes pour améliorer le climat scolaire. Son maillage territorial permet aussi d’apporter des réponses adaptées sur les plans juridiques et comptables à tous les coopérateurs et aux parents d’élèves.

Une histoire, des racines

Fin du XIXe – 1928 - Les premiers essais de coopératives scolaires :

L’apparition des courants coopératifs, mutualistes, associatifs, fondements de ce que l’on appelle actuellement «l’économie sociale»- marque la fin du XIXème siècle. C’est tout naturellement dans cette mouvance que la coopération scolaire va, au fil des ans, trouver sa place. Les années qui suivent la promulgation des lois Jules Ferry déclarant l’école publique laïque et  gratuite voient naître les premiers essais de coopératives scolaires. En 1899, un appel lancé en faveur de la coopération scolaire dans l’Almanach de la Coopération Française la fait reconnaître. En 1922, alors que le mouvement associatif est essentiellement représenté par la Ligue de l’Enseignement fondée par Jean MACÉ, une Commission Nationale de l’Enseignement de la Coopération est créée par la Fédération Nationale des Coopératives de Consommation.

Deux courants s’opposent alors : Emile BUGNON, fondateur des «Coopératives de Lorraine», sous l’impulsion de Charles GIDE, pensait utiliser les coopératives scolaires pour pallier les insuffisances économiques.


Plaque à la mémoire d’Emile Bugnon située 30 rue du Tribel à Verdun


Barthélémy PROFIT, sans rejeter les idées de son collègue inspecteur, souhaitait leur donner une part d’autonomie par rapport à la Fédération Nationale des Coopératives de Consommation. Il n’hésitait pas à parler de «cette petite république qu’est la coopérative».


Bulletins périodiques sur la pédagogie Freinet auxquels B. Profit participa activement


1928 Création de l’OCCE

Les successeurs de ces deux pionniers de la coopération scolaire surent allier ces deux tendances : l’entreprise de production marquée par l’initiation aux problèmes économiques et «l’école organisée socialement» en y ajoutant, avec l’apport de Célestin FREINET, une troisième dimension : la transformation de l’école traditionnelle en une école moderne où les valeurs pédagogiques prennent toute leur importance.

1928 voit la création d’un Office Central des Coopératives Scolaires devenu, en 1929, l’Office Central de la Coopération à l’Ecole. C’est une association nationale, régie par la loi de 1901, dont le premier président sera Emile BUGNON.


Jean Zay


En 1936, Jean ZAY, ministre de l’Instruction Publique du Front Populaire, adresse aux instituteurs une circulaire pour recommander la coopération scolaire dans les classes primaires.

L’Office sort exsangue du second conflit mondial mais l’intérêt pédagogique de la Coopération Scolaire n’échappe pas au Directeur de l’Enseignement du Premier degré qui  n’hésite pas à le rappeler dans une note du 1er avril 1945.




1948 « Inspirées par un idéal de progrès humain »

Pour ses 20 ans, en 1948, le congrès de Tours fait sienne la définition de Jean de SAINT-AUBERT :
« Dans l’enseignement public, les coopératives scolaires sont des sociétés d’élèves gérées par eux avec le concours des maîtres en vue d’activités communes. Inspirées par un idéal de progrès humain, elles ont pour but l’éducation morale, civique et intellectuelle des coopérateurs par la gestion de la société et le travail de ses membres ». Cette définition a traversé les décennies, sans prendre une seule ride.

de 1948 à nos jours

1957 voit la naissance de « AMIS-COOP », un journal destiné aux enfants, le pendant de la « Revue de la Coopération Scolaire » destinée aux adultes.


AMIS-COOP n° 1, octobre 1957 (collection musée)


1961 sera marqué par l’organisation du premier congrès des jeunes coopérateurs.

1968 Reconnaissance d’Utilité publique de l’Office Central de la Coopération à l’Ecole.

1976 Création du bimestriel pédagogique «Animation & Education».

1978 L’OCCE fête ses 50 ans et déclare : « La coopérative est une association d’enfants, d’adolescents et de membres de l’enseignement public coopérant à l’entreprise éducative avec les parents, les femmes et les hommes qui constituent l’environnement social de l’école ».

En 1988, à Tours, L’Office Central de la Coopération à l’Ecole devient une Fédération. Les 100 associations départementales deviennent, désormais, des entités juridiques.

Aujourd’hui, l’O.C.C.E a l’agrément Education Nationale au titre des associations éducatives complémentaires de l’enseignement public et a obtenu, en 1992, auprès du Secrétariat d’Etat Jeunesse et Sports, l’agrément au titre « Association jeunesse et éducation populaire ».




Les coopératives scolaires

Définie par la circulaire ministérielle du 23 juillet 2008, la coopérative scolaire est un regroupement d’adultes et d’élèves qui décident de mettre en œuvre un projet éducatif s’appuyant sur la pratique de la vie associative et coopérative. La coopérative bénéficie du soutien de l’OCCE en matière éducative, pédagogique, juridique et comptable.

La Coopérative scolaire est donc une association d’élèves au service d’une éducation citoyenne, responsable et solidaire.

Le but des coopératives scolaires est, avant tout, d’éduquer les élèves (par l’apprentissage de la vie associative et la prise de responsabilités réelles en fonction de leur âge) à leur futur rôle de citoyens. La coopérative, c’est l’éducation citoyenne en actes et cet objectif dépasse largement les problèmes financiers auxquels elle est souvent associée.




La coopérative scolaire n’a pas pour but de se substituer aux obligations des collectivités territoriales concernant les charges d’entretien et de fonctionnement des écoles publiques. Elle ne doit contribuer ni à la réalisation de travaux, ni à la location ou l’achat de moyens d’enseignement, ni au financement des activités obligatoires intégrées dans le Projet d’Ecole et soumises au Conseil d’Ecole.

Les principes généraux du fonctionnement de la coopérative scolaire sont ceux de toute association : gestion démocratique, rigueur et transparence comptables. Comme toute association, elle a des projets et peut avoir besoin de fonds pour les réaliser. Plusieurs sources de financement permettent son fonctionnement : subventions des collectivités, fêtes, kermesses, ristournes sur la vente de photographies scolaires…


La vente de calendriers par la coop (collection musée)


Dans un établissement du second degré, le Foyer coopératif est une association autonome.

La gestion financière au service du projet

 La recherche de financements, avec les élèves, a une haute valeur éducative. La mission de l’école n’est pas de former des élèves « consommateurs » passifs et assistés de projets. La mendicité auprès des familles n’est pas l’acte éducatif le plus intéressant. L’importance du projet n’est pas tant dans son objet (sortie, voyage…) que dans la participation active et réelle des élèves à sa réalisation. Faire comprendre aux élèves que la réalisation d’un projet collectif implique échange et participation active de chacun (même dans la recherche des moyens pour le financer) est l’objectif essentiel des projets mis en œuvre par la coopérative.  La participation financière, quand elle est demandée aux familles, ne peut être que volontaire et modique. Elle manifeste la volonté de soutenir les actions de la coopérative de l’école. Mais l’aide que les parents peuvent apporter à la vie de l’association ne se limite pas à la seule contribution financière et ils prennent souvent une part active indispensable à la réalisation des projets de la coopérative.


Collecte et vente de plantes par la coopérative de l’école (film INA « Mémoires partagées »)


Pour toutes ces raisons, l’ouverture de la coopérative à l’ensemble des partenaires de la communauté éducative est une nécessité qui implique une réelle volonté de transparence, un souci de dialogue et une confiance sincère dans la volonté de mettre en place un indispensable partenariat co-éducatif au service des élèves.
La coopération à l’école

On peut la définir comme un système cohérent de valeurs et de principes issus des fondamentaux républicains, coopératifs, associatifs (aide, entraide, tutorat, cotisation volontaire, projet, conseil de coopérative par exemple), d’attitudes et de pratiques donnant du sens à l’Ecole et aux apprentissages. Articulées autour de pratiques pédagogiques spécifiques et des valeurs de la « coopération » (solidarité, entraide), les coopératives scolaires représentent un puissant levier éducatif pour la construction de citoyens autonomes et solidaires. Participer activement à la vie de la coopérative, mettre en place des projets, en rechercher éventuellement les financements, c’est apprendre à débattre, à décider, à mettre en oeuvre, à évaluer… C’est « apprendre à apprendre et à vivre avec les autres, par les autres et pour les autres, et non pas seul contre les autres ». La coopération change le statut de l’élève et de l’enseignant, prend en compte et valorise l’identité de chaque élève afin que l’Ecole devienne un lieu de développement de soi et de connaissance des autres. Pour cela, un certain nombre de principes doivent être affirmés :

*  la volonté de construire chez chaque élève une image positive de lui-même, le souci d’identifier, de valoriser et de développer les potentialités de tous est un objectif majeur de l’école ;
* les activités d’expression de soi (activités artistiques et culturelles, jeux dramatiques...) qui permettent la découverte de soi et des autres doivent avoir une place centrale à l’Ecole ;
* les structures et dispositifs du « parler vrai » (conseil, heure de vie de classe...) doivent être institués dès l’école maternelle pour construire, grâce à ces dispositifs de régulation et de médiation, une citoyenneté démocratique.


Coopérative scolaire à Saint-Savinien, Carte postale, vers 1930 (collection Claude Aubineau)



Des règles de vie et des principes au service des apprentissages

Dans une classe coopérative, tous les élèves sont responsables de la vie de la classe en général et de l’émancipation de chacun de ses membres. Ce n’est pas au maître seul de résoudre les difficultés des élèves, de gérer le conflit ou l’échec scolaire, mais c’est au contraire avant tout au groupe-classe à envisager des réponses aux questions qui se posent :

* Que peut-on faire pour aider tel élève dans telle discipline ?
* Comment améliorer les relations dans la classe ?
* Comment se procurer l’argent pour notre projet de classe transplantée ?
* Comment intervenir dans une bagarre ou un conflit verbal ?
* Que faire quand un membre du groupe gêne les autres ?
* Comment aider un camarade à apprendre une leçon ?

...autant de questions, de situations problèmes en prise directe sur la vie de la classe qui, analysées collectivement, permettront l’élaboration de nouvelles règles, la création de nouvelles structures ressenties comme nécessaires au bon fonctionnement de la classe et à la réussite de chacun.


La fête de la coopérative, préparation des costumes, 1955  (CANOPE)


L’apprentissage coopératif

C’est un apprentissage construit ensemble, en interaction, au travers d’une expérience active, qui implique la confrontation des points de vue, la justification des démarches, la validation des hypothèses et le respect de chacun. Un apprentissage qui permet la construction active de connaissances, la découverte de l’autre et l’apprentissage du débat démocratique. Pour synthétiser en une phrase, l’apprentissage coopératif, c’est : « Apprendre avec les autres, par les autres, pour les autres et non pas seul contre les autres ! »
La coopération pour mettre en œuvre une éducation active à la responsabilité

Pour rendre les élèves responsables et acteurs dans tous les aspects de la vie de l’école, la classe organisée de façon “ coopérative ” s’appuie sur un certain nombre de pratiques pédagogiques et de structures inspirées, pour la plupart, des organisations coopératives, mutualistes ou associatives.


La gestion coopérative : cotiser et voter (film INA « Mémoires partagées »)


LE CONSEIL DE COOPÉRATIVE
Le conseil de coopérative permet d’organiser et de réguler la vie de la classe lors de réunions périodiques regroupant enseignants et élèves. Ces moments de débats sont également le lieu privilégié pour la gestion des projets de classes ou d’écoles. En cela, le conseil favorise l’apprentissage de la prise de parole et du débat démocratique.

LES « RÔLES » OU « MÉTIERS »
Que ce soit dans les conseils de coopératives ou dans l’organisation de la classe, la responsabilisation des élèves passe par les «rôles» ou «métiers» attribués à chacun d’eux comme : secrétaire de séance, responsable de la bibliothèque de classe, médiateur, rédacteur pour le journal scolaire…

L’ÉCRITURE DES RÈGLES DE VIE DE LA CLASSE
A partir d’un “ projet de vie ” explicitant les grands principes qui vont guider la vie de la classe, la participation active des élèves donne l’occasion d’aborder la question du rapport à la loi, à la justice et au droit. Dans une classe coopérative, les règles de vie s’élaborent progressivement en réponse aux problèmes rencontrés. Elles instituent un cadre de référence qui permet la bonne marche du groupe ou du projet. Co-construites par le maître et les élèves dans le respect de tous les points de vue, de toutes les différences, élaborées grâce à l’argumentation, elles sont évolutives. L’enfant, placé dans cette situation de communication authentique, vit la démocratie grâce à ces règles qui fondent un cadre institutionnel ouvert sur l’environnement proche de la vie réelle.

LA GESTION DES PROJETS ET DES MOYENS FINANCIERS DE LA COOPÉRATIVE
Ils permettent l’apprentissage de la vie associative.


Réunion du bureau de la coopérative, 1955 (CANOPE)


LE TUTORAT, L’ENTRAIDE, LE TRAVAIL DE GROUPE
Ce sont les moyens de mettre la solidarité et la coopération au cœur même de la construction des apprentissages.

LES CONTRATS ET PLANS DE TRAVAIL
L’organisation coopérative s’appuie également sur des outils pédagogiques comme les «contrats», les «plans de travail» ou encore les «fichiers» qui permettent aux élèves d’alterner des travaux en groupe avec des apprentissages en autonomie.

L’ÉVALUATION
Qu’ils soient menés en groupe ou individuellement, dans les classes coopératives, les moments d’évaluation associent les élèves au suivi de leurs apprentissages mais également à ceux des autres élèves de la classe.

LA CORRESPONDANCE SCOLAIRE, LE JOURNAL DE LA CLASSE OU DE L’ÉCOLE
Ils inscrivent un grand nombre d’apprentissages dans de réelles actions de communication.


Les techniques au service de la coopération (film INA « Mémoires partagées »)


En conclusion

La coopération modifie les relations dans l’apprentissage et le climat de la classe. Elle met l’autonomie et la solidarité au cœur des apprentissages et permet à l’élève un apprentissage actif de la vie civique. Le respect, la solidarité, l’entraide sont les notions essentielles de la pédagogie coopérative. Mais ces valeurs ne sont pas innées, leur acquisition n’est pas “ naturelle ”. Elles nécessitent d’être vécues et analysées dans une pratique pédagogique et sur la base d’un projet éducatif dont Madeleine ALARY (présidente de l’OCCE de 1981 à 1988) disait : « Le projet coopératif d’éducation vise à ce que d’assistés, de mineurs, les membres de la communauté scolaire deviennent des partenaires d’un projet qui les concerne ».



Médaille en bronze doré conservée dans un coffret de la Monnaie de Paris. 1990. Avers : "DONNONS LEUR UN MONDE MEILLEUR"; colombe de la paix et corne d'abondance, signature du graveur. 
Revers : debout sur un globe terrestre, un petit garçon et une fillette se tendent les bras, entourés du bandeau circulaire "QUE TOUS LES ENFANTS DU MONDE SOIENT AU PREMIER RANG DE NOS VŒUX".

Pour aller plus loin :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire