vendredi 29 novembre 2019

1940-1945 ou la chronique des années noires



Chronique des années noires

L’école instrumentalisée, affiche de propagande, 1943 (collection privée)


Le Bulletin de l’Enseignement primaire de 1940 à 1945

La lecture attentive du Bulletin de l’Enseignement Primaire révèle assez bien l’atmosphère de l’époque : l’ignominie, l’hypocrisie, l’appel moralisateur s’y mêlent intimement aux propos ambigus. Une lecture critique y décèlerait même le double sens dont usèrent parfois les plumes de l’époque.





Écoliers écoutant un discours du maréchal Pétain sur les ondes nationales, octobre 1941 (jpbro.unblog.fr)



« La complexité des problèmes, l’incertitude qui demeure en ce qui concerne nombre de faits âprement discutés, l’inégale richesse des documents authentiques, les témoignages passionnés dont le contenu ne peut être accepté sans preuves difficiles à établir – en un mot la trop faible proximité des événements : autant d’obstacles s’opposant à la perspicacité de l’historien disposé à aborder sans manichéisme l’étude de cette période, dès qu’elle concerne le quotidien de nos compatriotes en général, et des enseignants en particulier… » Groupe de travail du Musée de la Maison d’Ecole, in Cent ans d’école, 1983.

Evidemment, dans cette période troublée, les enseignants retrouvent dans le Bulletin national de l’enseignement primaire, non sans un certain amusement, quelques poncifs à la vie dure : prêches sur la moralité qui disparaît, dénonciation de la baisse de niveau des études, de la médiocrité croissante du corps enseignant de la Troisième République (on n’aime que les instituteurs des générations disparues). La référence aux « hussards de la République » chers à Péguy revient fréquemment. Ces propos s’inscrivent déjà dans le discours moralisateur de cette fraction conservatrice installée à Vichy, et que l’on retrouvera peu ou prou transformée en d’autres temps.



« Maréchal, nous voilà ! » 1941, Chant pour les écoles, paroles d'André Montagard, musique d'A. Montagard et C. Courtioux (collection privée)



On sait comment les instituteurs furent, dans les mois qui suivirent la défaite de 1940, livrés à la vindicte publique comme responsables majeurs du désastre. Un arrière-goût de « déjà vu » semble-t-il si l’on revient à la défaite de 1870 (1). Cependant, dans le Bulletin national de février 1943, le ministère reconsidère le problème et souhaite qu’une sourdine soit mise aux dénonciations de cette sorte. Parlant des instituteurs « égarés dans une nuit d’incertitude », on écrit : « ils attendent, ils souhaitent qu’on les remette en bonne voie. Des partisans sans vergogne ont mis quelque hâte à les désigner comme premiers fauteurs du malheur national. Et le corps enseignant une fois de plus joue le rôle classique du baudet de la fable dans un jugement sommaire que l’opinion publique a depuis longtemps récusé. Je n’admets pas cette accusation, a dit le Maréchal… ». Soit, le corps enseignant n’est pas totalement perdu pour Vichy mais il convient de le remettre dans le droit chemin.

Intéressant au passage ce jugement porté un peu plus loin sur la baisse de niveau, en termes très actuels : « Les instituteurs ne se dissimulent pas qu’un fléchissement sensible dans la qualité moyenne de l’enseignement se révèle, indéniable depuis un quart de siècle. Des comparaisons entre les résultats obtenus par les maîtres d’école qui enseignèrent de 1870 à 1914 et ceux qu’on peut imputer aux instituteurs des cinq derniers lustres, accusent une régression, notamment en ce qui concerne les techniques instrumentales et les acquisitions de base… ».



Puzzle réalisé par la fameuse illustratrice Germaine Bouret,  « La vie du Maréchal en 5 puzzles », visa de censure « OA 334 »
Puzzle « Il était une fois un Maréchal de France » réalisé par la fameuse illustratrice Germaine Bouret,  détail, visa de censure « OA 334 » (collection privée)



Moyennant quoi, les autorités de Vichy comptent sur l’aide de l’instituteur pour mener à bien une foule d’initiatives dont l’efficacité paraît compromise au départ. Ainsi la lutte contre les rats et les doryphores, le ramassage des marrons et des fruits sauvages ; ou, sur un autre plan, ce « concours de la meilleure lettre aux Français travaillant en Allemagne » ; ces « colis à nos chers prisonniers » etc…

Mais Vichy n’a pas été que ce prêchi-prêcha moralisant ou ces initiatives un peu naïves (que le travail des instituteurs transformait quelquefois sur place en une œuvre réellement concrète et utile, tant la misère était grande autour d’eux). On trouve aussi, dans le Bulletin national, l’écho, feutré ou non, du drame que vivait alors dans le sang et les larmes, le pays opprimé. Par exemple : l’arrêté du 22 juillet 1943 relatif à « la situation administrative des fonctionnaires, des agents et des auxiliaires, membres de la Légion des Volontaires Français contre le bolchevisme (L.V.F), considérés comme mobilisés… ». Dans le même numéro de septembre 1943 se succède l’annonce de la publication, dans la collection « L’Amitié par le livre », d’un florilège de Saint-Paul-Roux dont on confirme le décès en 1940 sans révéler que le poète fut assassiné par un soldat allemand ; l’annonce de la mort d’un instituteur, victime des « terroristes » dans le Jura, suivie d’une rapide oraison funèbre pour ce maître, « ancien élève de l’Ecole normale de Lyon, dirigeant du Syndicat National des Instituteurs  et munichois résolu ».



 « Pétain » de Paluel-Marmont publié pour la librairie des Champs-Elysées et illustré par M. Albe (1942)



Quid de la pédagogie ? Elle était concernée, notamment par la publication d’une liste de livres interdits par ordre des autorités occupantes : manuels d’histoire et livres d’allemand surtout ; en écho à cet interdit nazi, l’appel d’un instituteur qui, de son stalag, recommande à ses collègues de France : « C’est à vous de rayer sur les manuels d’histoire les phrases contre l’Allemagne… ». Un peu plus loin, Victor Hugo est appelé à la rescousse pour la même cause : « La désunion de la France et de l’Allemagne, c’est la dislocation de l’Europe »(Le Rhin, 1841). Etrange voisinage, la chronique bibliographique du même bulletin annonce la parution des « Propos sur l’Education » d’Alain, cet ouvrage de base connu de tous les maîtres, ainsi présenté : « En ce recueil, le maître de la pensée rationaliste contemporaine prend nettement parti pour la méthode sévère : il propose l’éducation par l’effort et par l’attention difficile, afin de former des esprits exigeants et rigoureux et des caractères droits et bien trempés ». Dans un autre registre, le chroniqueur salue la réédition des « Paroles aux éducateurs de France » de Péguy, « bréviaire de la pensée pédagogique… ». La sortie du « Cheval blanc » d’Elsa Triolet ou celle de la « Reine morte » de Montherlant bénéficie d’une critique plutôt favorable du journaliste.




Extraits choisis des contenus du Bulletin National de l’Instruction primaire de Saône-et-Loire

Année 1940

N° 620, 10 octobre 1940 :
-        Admission des élèves maîtres en 1940 (Circulaire Ministérielle du 25 septembre 1940), page 117.
-       Œuvre de redressement national (CM du 16 août 1940), page 118.

Année 1941

N° 628, 5 octobre 1941 : 
-       Adieux à Mâcon de l’Inspecteur d’Académie Besseige en retraite, ses regrets de n’avoir pu « visiter » cette année, page 170.
-       Les limites de la gratuité de l’enseignement secondaire (Loi du 15 août 1941), page 221.

N° 630, 25 novembre 1941 :
-       Nomination pour Mâcon de l’Inspecteur d’Académie Delrieu (8 octobre 1941).
-       Avis de décès à Nantes, le 22 octobre 1941, de M. Bartoli, instituteur en retraite, par M. Delrieu, page 306. (2)
-       Après suppression des écoles normales, nomination à Oran de M. Blanc, Directeur de l’E.N, affecté à l’institut de formation, page 307.
-       Décret du 15 février 1941 portant création d’instituts de formation professionnelle pour les maîtres de l’enseignement primaire, page 327.
-       Interdiction aux fonctionnaires d’adhérer à un groupement politique (CM du 26 août 1941), page 334.
-       « Appels et messages du Maréchal de France », volume de 10 feuilles destiné à toutes les bibliothèques scolaires (CM du 21 novembre 1941), page 351.

Année 1942

N° 631, 10 février 1942 :
-       Vœux du nouvel an pour « le relèvement rapide de notre patrie selon les directions de M. le Maréchal Pétain », page 3.
-       « Salut au drapeau », page 3.
-       Félicitations adressées à deux fillettes courageuses par Jérôme Carcopino (3), page 7.
-       Nécrologie : « M. Damichel, instituteur à Saint-Jean-des-Vignes, décédé à Paris, le 15 décembre 1941, à l’âge de 33 ans », page 27 (4).
-       Recensement des juifs et instruction de l’Inspecteur d’Académie Delrieu (CM du 16 janvier 1942), page 75.

N° 632, 12 mai 1942 :
-       Interdiction des associations secrètes (L du 27 février 1942), page 153.
-       Lutte contre les maladies épidémiques et les poux (CM du 1er avril 1942), page 155.
-       Edition spéciale de l’effigie du Maréchal Pétain (CM du 18 septembre 1942), page 173.
-       L’enseignement de la morale, de l’histoire et des sciences appliquées aux écoles élémentaires. Programmes de l’enseignement élémentaire, pages 182 et suivantes.

N° 633, 9 juillet 1942 :
-       Brevet supérieur : auteurs à expliquer, dans l’académie de Lyon, en particulier en Saône-et-Loire, page 250.
-       Certificat d’aptitude pédagogique, épreuve écrite de 1942 pour la zone occupée : sur 12 candidats, « 3 ont été déclarés admissibles », page 251.
-       Message de M. le Ministre, Secrétaire d’Etat à l’Education Nationale au personnel enseignant (du 13 mai 1942, Abel Bonnard), page 252 ;
-       « Groupement des Jeunes du Maréchal » (CM du 9 juin 1942), page 258.
-       Port de la francisque en zone occupée (CM du 13 mai 1942), page 266 ;
-       Réforme de l’enseignement secondaire (Arrêté ministériel du 7 mai 1942), page 267.

N° 634, novembre 1942 :
-       Tableau du personnel de l’enseignement primaire et élémentaire de Saône-et-Loire.

Année 1943

N° 636 :
-       Fête des Mères 1943 : de « haute portée morale », page 52.
-       M. Juredieu (5), « instituteur de Saône-et-Loire, ancien admissible au CA à l’Inspection des Ecoles primaires » a été chargé de la suppléance de M. Beney, Inspecteur primaire, faisant fonction d’Inspecteur d’Académie à Chalon-sur-Saône, page 58.
-       Supplément à ce bulletin : « Mesures répressives » et « révocation » prévues au sujet de fonctionnaires soustraits au Service obligatoire du travail (CM du 15 juin 1943), signé Pierre Laval. Insignes autorisés pour leur port dans tous les établissements et administrations de l’Etat, pour les fonctionnaires, employés, élèves : la francisque du Maréchal de France, l’insigne de la Légion Française des Combattants, l’insigne de la Milice Française.

N° 639, octobre 1943 :
-       M. Juredieu précédemment chargé d’un service d’Inspection primaire à Chalon-sur-Saône a été nommé Inspecteur primaire à Annecy (suppléance de M. Dussauge, prisonnier de guerre), page 131.
-       Exercices d’entraînement des élèves à gagner les « emplacements d’alerte » dans les « secteurs menacés » comme ceux du Creusot et de Montceau-les-Mines (CM du 1er octobre 1943), page 132.
-       Service du travail obligatoire : peines d’emprisonnement ou d’amende prévues pour tout complice des réfractaires, selon les lois de 1943 rappelées par Abel Bonnard, page 133.
-       Admission au sanatorium, pour les institutrices, à celui de Haute-Savoie de Saint-Jean d’Aulph rouvert le 23 août après réquisition militaire, pour les instituteurs à celui de la Creuse de Sainte-Feyre, abandonné des « dames », page 157.

Année 1944


N° 640, janvier-février 1944 :
-       Répression des actes commis par des fonctionnaires « contre l’exécution des lois ou contre les ordres du gouvernement » punition « d’un emprisonnement de 2 à 10 ans et d’une amende de 10 000 à 500 000 francs », page 24.
-       Supplément à ce bulletin : instructions destinées à empêcher « les administrations et les services publics » de favoriser la lutte contre le Reich allemand « alors que le gouvernement français doit interdire aux ressortissants français de la combattre selon la convention d’armistice franco-allemande du 22 juin 1940.

N° 641, mars-juin 1944 :
-       Décès de M. Bouvet Jean à Mâcon le 28 juin 1944 à l’âge de 52 ans. Une brève mention dans la page intitulée « Nécrologie » : « M. Jean Bouvet, professeur au collège moderne, décédé à Mâcon le 28 juin 1944 à l’âge de 52 ans ». Un peu court quand on sait la tragédie qui s’est déroulée (6)… page 41.
-       « Prélèvement de fonctionnaires appelés à partir pour l’Allemagne ». Le fonctionnaire ne peut être maintenu qu’à titre exceptionnel dans son poste dans chaque ordre d’enseignement, « Le Secrétariat général de la main-d’œuvre demande à connaître leurs noms, leur classe par ordre d’âge croissant, selon leur situation d’état civil », page 44.
-       Exhortations de M. le Ministre après les évènements de Voiron (CM du 8 mai 1944) : « Le crime hideux de Voiron » d’après Abel Bonnard « l’acte abominable où se sont portés ces jeunes gens » sans préciser de quel acte il s’agit en 2 pages de bulletin destinées aux enseignants (7), page 51.
-       Congés du personnel en 1944 (CM du 17 juillet 1944), « congé de deux semaines qui est pour le moment suspendu en raison des circonstances » largement commenté par Abel Bonnard dans le sens de l’intérêt national.

N° 642 :
-       Tableau du personnel des instituteurs  et institutrices de Saône-et-Loire au 1er janvier 1944, y compris les instituteurs au STO depuis 1, 2, ou 3 ans.

N° 643, 10 novembre 1944 :
-       Nomination de M. Coche à titre provisoire au poste d’Inspecteur d’Académie en remplacement de M. Delrieu, page 125.
-       Programmes de l’enseignement primaire (Instructions du 12 octobre 1944), y compris pour les classes de fin d’études et des cours complémentaires.

N° 644, 5 décembre 1944 :
-       Vœux du nouvel an : « 1945 est la première année de la libération, elle vous apporte une certitude, celle de la victoire, une grande espérance, celle du relèvement national, de la reconstitution des foyers, du retour de vos chers absents ».
-       Note détachée du bulletin pour le Secours de Guerre de l’Enseignement  public auquel l’adhésion du personnel enseignant est escomptée.

 Année 1945

N° 645, 7 février 1945 :
-       Organisation des Secours de Guerre de l’Enseignement public.
-       Résumé des conférences pédagogiques du département : « Comment l’école publique peut-elle contribuer au relèvement de la France nouvelle ».



(1)  :
« Ernest Renan n’est pas le seul à vanter les mérites patriotiques de l’instituteur prussien dans La réforme intellectuelle et morale de la France, Paris, 1871. La préface du « petit Lavisse », le manuel d’histoire qui sera le plus utilisé dans les écoles laïques de la Troisième République insiste, dans sa version de 1876, sur le rôle des instituteurs « qui savent qu’on répète tous les jours que l’instituteur allemand a vaincu à Sadowa et à Sedan ». (..) Le patriotisme français ne peut plus être consi­déré indépendamment de l’Allemagne ; il doit se faire défensif et xénophobe. Tel est le message que délivre Charles Bigot dans Le Petit français. Et Lavisse d’affirmer que l’instituteur et l’officier sont les « piliers jumeaux de la patrie ». Il s’agit non pas seulement de s’armer contre la « menace allemande », mais aussi de faire de la question d’Alsace-Lorraine un « problème de morale internatio­nale », l’Allemagne étant présentée comme un empire fondé sur la force qui a aliéné les droits de millions d’hommes, tandis que la France qui représente ces droits violés travaille, au nom de l’humanité, à la reconquête des provinces per­dues. » https://www.europa.clio-online.de

(2) : Né le 28 septembre 1883 à Polneca (Corse), fusillé comme otage le 22 octobre 1941 à Châteaubriant (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) ; instituteur à Digoin (Saône-et-Loire) ; militant communiste.

Titus Bartoli


Plaque sur le site de Châteaubriant


Fils de Constantin Bartoli et d’Angélique Santoni, Titus Bartoli adhéra au Parti communiste après le congrès de Tours.
Militant du syndicat de l’Enseignement, secrétaire du rayon communiste de Digoin, c’est lui qui présida la réunion de fusion des syndicats enseignants le 10 octobre 1935. Isolé dans l’ouest du département, il s’attacha à étendre l’influence des idées communistes.
Arrêté le 21 juillet 1941 à Digoin, par la police française, pour distribution de tracts dénonçant l’attaque allemande contre l’URSS, ce retraité de l’enseignement fut détenu à la prison de Chalon-sur-Saône le 21 juillet 1941, puis interné au camp de Châteaubriant, camp de Choisel. Les Allemands le fusillèrent à Châteaubriant le 22 octobre 1941 comme otage, en représailles à l’exécution de l’officier allemand Hotz à Nantes. Il était médaillé militaire et Croix de guerre 1914-1918.
Il était marié et père d’un enfant. Une école de Digoin porte son nom.

(3) : Personnage complexe et controversé, Jérôme Carcopino est nommé secrétaire d’État à l'Éducation nationale et à la jeunesse dans le gouvernement de l'amiral Darlan en 1941. Acceptant le financement par Vichy de l'école privée, en laïque modéré, il suspend l'introduction de la religion dans les programmes de morale de l'école primaire et notamment les « devoirs envers Dieu », les remplaçant par « la civilisation chrétienne qui exclut les croyants des autres cultures ».
Dans ses fonctions, il fait appliquer les lois du régime de Vichy, notamment les textes excluant juifs et francs-maçons des fonctions publiques. Maréchaliste et pétainiste, il n'est pas antisémite mais il respecte scrupuleusement la législation d'exclusion du gouvernement de Pétain. Jules Isaac dit de lui : « parmi les ministres de l'Éducation nationale de Vichy, il est celui qui a mis, au service de la Révolution nationale, le tempérament le plus autoritaire et la poigne la plus rude ». Paradoxalement, il propose sa succession en Sorbonne à son élève Henri-Irénée Marrou, dont il n'ignore pas les activités en faveur de la résistance lyonnaise.
Au retour de Pierre Laval aux affaires en avril 1942, Carcopino démissionne. Le 18 avril 1942, il est remplacé par Abel Bonnard au poste de secrétaire d'État à l'Éducation nationale. Il retrouve son poste de directeur de l'École normale supérieure et s'efforce de faire échapper ses élèves au Service du travail obligatoire. Il intervient pour tenter de sauver plusieurs résistants, tels Raymond Croland ou Georges Bruhat.
À la Libération, il est révoqué de ses fonctions pour sa participation au gouvernement de Vichy. Il est emprisonné à Fresnes en août 1944, dans la même cellule que Sacha Guitry, il obtient sa libération provisoire en février 1945. Le 11 juillet 1947, la Haute cour de justice rend un arrêt de non-lieu pour « services rendus à la Résistance », alors que son prédécesseur en tant que secrétaire d'État à l'Instruction publique, Jacques Chevalier, est condamné à vingt ans de travaux forcés, et que son successeur à cette même fonction, Abel Bonnard, est condamné à mort par contumace, exilé en Espagne qu’il est. En 1951, Carcopino est réintégré dans la fonction publique sans renier les idées qui furent les siennes.
Source : wikipedia


(4) : Né le 2 juillet 1908 à Allerey (Saône-et-Loire), instituteur ; dirigeant communiste de Chalon-sur-Saône, il fut fusillé comme otage le 15 décembre 1941 au Mont-Valérien.

Jean-Marie Damichel


Jean-Marie Damichel était fils d’un instituteur radical et libre-penseur : « mon père (décédé en 1933) était instituteur ; ma mère est sans profession. Ma mère reçoit la demi-retraite d’instituteur, elle touche en plus les revenus d’une ferme et d’environ 30 ha de terre. Mon père appartenait au parti radical, il était lié à certains politiciens radicaux (sénateur Borgeat) ou réactionnaires (baron de Sainte-Suzanne) ; il était président de la section de Libre-pensée de Chalon, membre de la Ligue des droits de l’Homme ; ma mère est sympathisante à notre parti » (autobiographie de 1937).

Élève de l’École normale de Mâcon, Jean-Marie Damichel appartint quelques mois à la Jeune République en 1927, puis fut, l’année suivante, trésorier de la section de Mâcon de l’Union générale des étudiants de l’enseignement.

Le Parti communiste reçut son adhésion en janvier 1932. Secrétaire du rayon de Chalon (Saône-et-Loire) à partir de 1933, il entra au bureau régional en 1936. Instituteur à Chalon, secrétaire de l’Union locale de la CGT, il fut candidat du PCF dans la 2e circonscription de Chalon le 26 avril 1936. Dans son autobiographie rédigée pour la commission des cadres du parti le 31 juillet 1937, il fut jugé sévèrement et classé « B », ce qui signifait « ne pas lui donner de responsabilité » avec la mention « à vérifier sur place ».

Nommé ensuite instituteur à Verdun-sur-le-Doubs, puis à Saint-Jean-des-Vignes, Jean-Marie Damichel, fut membre de la Fédération de l’enseignement et élu membre du conseil syndical de la section départementale du Syndicat national, le 10 juillet 1938, avec 318 voix sur 363 votants. A l’orée de la Seconde Guerre mondiale, Il ne fut pas réélu en juillet 1939.

Bientôt déplacé par le gouvernement de Vichy à Cressy-sur-Saône (Saône-et-Loire), il était membre du Front national. Arrêté par la Gestapo le 27 juin 1941, il est emprisonné à Chalon, à Romainville puis à Compiègne. Il fut fusillé par les Allemands, comme otage, au Mont-Valérien, le 15 décembre 1941, en représailles aux attentats des 28 novembre 1941 et 7 décembre 1941 à Paris et en région parisienne. Marié en janvier 1938 à Chalon, il était père d’une fille.
Source : maitron-fusilles-40-44.univ-paris1.fr


(5) : Joseph Juredieu est l’auteur, avec Eugénie Mourlevat, du manuel en deux livrets intitulé Rémi et Colette , édité en 1965. Normalien de L’Ecole Normale de Mâcon, promotion 1916-1919, Joseph Juredieu deviendra Inspecteur de l’enseignement primaire.

Chronique du Cinquantenaire, Joseph JUREDIEU (16/19) Bulletin de l'Amicale n° 87, 1966 :
« Le 1er octobre 1916, étions trente à faire notre entrée à l’Ecole Normale. La troisième année de guerre était entamée et depuis sept mois le canon tonnait sans relâche à Verdun. Comme nos camarades des deux promotions précédentes, nous ne connûmes pas les locaux de l’Ecole, occupés par un hôpital militaire. En première année, les cours étaient donnés à la Chambre des Notaires et en deuxième et troisième année, à l’Orangerie, dépendance de la Préfecture. Lorsque nous fûmes en possession de notre uniforme et que nos anciens nous eurent baptisé au vin blanc dans la salle de la Patte d’Oie, nous devînmes de vrais Roupanards.
Nos deux premières années de l’Ecole Normale s’écoulèrent dans l’atmosphère d’une guerre atroce. A tout moment,  l’un de nous apprenait qu’un de ses proches était tué, ou grièvement blessé, ou porté disparu. Nos camarades des deux promotions précédentes et quelques-uns de notre promotion nous quittèrent en avril 1917, en avril et août 1918. Une des morts qui nous frappèrent le plus fut, en juin 1918, celle de CHALUMEAU, que tout le monde admirait pour son intelligence exceptionnelle.
Pendant nos récréations de 16 à 17 heures, nous allions souvent à la gare pour lire les gros titres et les manchettes des journaux du soir. Parfois, notre Directeur, M. LAURENCIN, se joignait en ville à l’un de nos groupes et nous commentait les dernières nouvelles.
La majeure partie de notre promotion passa le conseil de révision pendant l’été de 1918. CLEMENCEAU pensant avoir besoin de la classe 20 au printemps suivant. En attendant, nous faisions régulièrement de la préparation militaire ; nous nous rendions au stand au pas cadencé, en chantant la Madelon ou les airs martiaux qu’entonnaient nos aïeux de 1792. (..)
Nous n’étions pas toujours envahis par des pensées tristes. La jeunesse ne perd jamais ses droits. (..) Le règlement était sévère. Il était défendu de fumer et d’entrer dans un café, même à la campagne ; sans doute nous dérogions parfois à ces interdictions, mais c’était toujours modérément : notre argent de poche était si modique ! (..) Le jeudi après-midi, nous sortions par petits groupes sous la responsabilité d’un normalien de 3ème année, qui indiquait par avance au Directeur l’itinéraire choisi. Le dimanche, nous sortions librement jusqu’à cinq heures ; en cela, nous étions plus favorisés que les normaliennes, conduites par un professeur vigilant en dehors de la ville. Ceux qui avaient  une amie parmi elles parvenaient à croiser le groupe, et des regards et des sourires chargés de tendresse s’échangeaient pendant quelques secondes.
Au début de notre troisième année, la victoire des alliés s’affirmait sur tous les fronts. Nous apprîmes au début de novembre que les allemands avaient demandé un armistice. Le 11 novembre, à midi, les cloches de Mâcon sonnèrent à toute volée ; tout le monde comprit. Nous quittâmes aussitôt nos pensions, nous mêlant à la foule qui envahissait les rues. C’était une extraordinaire explosion de joie : s’en était fini de l’hécatombe ! Nous allions revoir ceux qui avaient couru tant de périls et montré tant de courage ; la paix saurait écarter tout risque d’une nouvelle guerre… La marée humaine nous entraîna vers la Préfecture, où s’organisait un immense défilé ; notre Directeur, nos professeurs étaient parmi nous. Journée unique, journée inoubliable. »

(6) :
Jean Bouvet fut élève de l’Ecole Normale Supérieure de St-Clou mais ses études furent écourtées en 1914 à la suite de sa mobilisation dans l’Infanterie. Blessé à Verdun, il est replié à l’hôpital de Montceau-les-Mines. C’est à cette période qu’il rencontra son épouse, Marie-Antoinette Genevois (née en 1893 dans cette même ville) et qu’il se maria.

Jean Bouvet


En 1920, il est nommé professeur d’histoire à l’Ecole normale de Bonneville, puis aux Ecoles Normales de Mâcon en 1922, jusqu’à leur fermeture par le gouvernement de Vivhy en 1941, date à laquelle il continuera d’enseigner au Collège moderne de garçons (avec son ancien élève et collègue Marcel Vitte). En 1923, pacifiste convaincu, il publie, sous le pseudonyme de André Jean, Les Cantilènes Rouges, un recueil de chants sur les souffrances endurées durant la Grande Guerre :

« Les poètes maudits sont ceux qui, dans leur chambre,
Devant le papier blanc et le feu flambant clair,
Bien repus, honorés, assurés d’être lus
Par un public servile, osent chanter la guerre. (…)
Faites taire vos chants ou priez sur les morts
Pleurez, mettez un crêpe à vos lyres, poètes,
Allez voir les tranchées et regardez nos fils
Qui pourrissent sous le ciel dur, comme des bêtes.
Regardez les pourrir. Regardez les vivants,
Dites si dans leurs yeux s’est allumée la haine,
S’ils rêvent de tuer, s’ils rêvent de mourir,
S’ils n’ont pas le désir des heures pacifiques.
Les poètes maudits ont semé dans les cœurs
La haine et n’ont récolté que la haine,
Ils ont menti, ils ont injurié l’amour
Et caché lâchement l’horreur du sacrifice. » Jean Bouvet

En 1926, il est Secrétaire fédéral de la Fédération départementale de la Ligue des Droits de l’Homme, puis en devient Président en 1934. Il devient en outre secrétaire du Cartel mâconnais pour la paix en 1932. Commissaire départemental des Auberges de Jeunesse, il fonda celles de Crèches, Tournus, Mont-Saint-Vincent et Epinac. Chercheur régionaliste, il publia notamment un article dans le bulletin de la « Physiophile » de Montceau en collaboration avec son ancien élève Henri Parriat (« Notes d’archéologie montcellienne », 1928). Bientôt, le second conflit mondial éclate, Jean Bouvet écrit dans une lettre du 2 novembre 1939 : « Nous sommes entrés dans la grande épreuve et ma sensibilité m’y fait plus participer que ma situation peut le laisser croire. J’ai trop souffert moi-même il y a 25 ans pour rester aujourd’hui insensible (…) Résister au flot montant du mensonge et de l’égoïsme, préserver de toute atteinte les vraies valeurs humaines, voilà la règle de conduite pour le temps présent. »

Jean Bouvet, Conseiller Municipal, résistant, patriote, fut lâchement assassiné par la Milice, en 1944, à son domicile de la rue Gambette à Mâcon (ainsi que six autres personnes, en représailles à l’assassinat de Philippe Henriot) : « Il cherchait par là le chemin de la paix et du bonheur, et il le trouvait dans la connaissance, la compréhension et l’amitié des autres hommes. La veille de sa mort, il me confiait encore son incompréhension des haines présentes et ses espoirs de lendemain meilleur. Il avait cependant le pressentiment de sa mort. Oui, nous aimions Jean Bouvet. » (Discours de Louis Escande, Maire de Mâcon, à l’inauguration de la rue Jean Bouvet, 5 septembre 1957)
Pacifiste, humanisme, poète, ami de Jean Giono, il a marqué de sa rayonnante personnalité des centaines d’institutrices et d’instituteurs de Saône-et-Loire.



« Je rêve un jour où l’homme
Toutes barrières abolies
Vers tous les peuples du monde
S’en ira libre et fraternel » Jean Bouvet
Sources : documentation Musée de la Maison d’Ecole, « Maîtres et Maîtresse de Saône-et-Loire » (AVNP71)

(7) :
« C’est à cette époque après avoir été naturalisé français que je commence mes études à l’Ecole Nationale Professionnelle (ENP) de Nantes.



J’ai pris pension chez la mère Turcaud.
C’est chez elle que j’ai connu Georges Camus (qui deviendra mon beau-frère), son frère Jacques, André Pézavent célèbre conteur d’histoires normandes.
C’est grâce à la mère Turcaud que j’ai appris qu’il est de bon ton de présenter ses excuses (Oh pardon !) aux portes dont l’embrasure a été rendue trop étroite par les vapeurs d’alcool (elle les voyait doubles et ne savait pas laquelle était la bonne ).
La première année de scolarité ne se passe pas trop mal.
Je suis le seul élève ENP de la région ce qui me donne droit à une bourse de la part de la Chambre de Commerce de La Rochelle.
Malheureusement pendant la période des vacances (juillet septembre 1943 ?) Nantes et la base des sous-marins de St-Nazaire sont bombardées par les alliés.
Le centre de la ville, la rue Crébillon, est complètement rasé ; il ne reste qu’un tas de décombres qui atteint la hauteur d’un 3ième étage et des dizaines de victimes.
La situation étant devenue trop dangereuse le directeur Mr Gallois, nous avise que les élèves seront répartis dans les ENP ailleurs en France dans des endroits moins exposés. Je suis donc, avec une trentaine de mes camarades désigné pour continuer mes études à Voiron la seule école à enseigner la fonderie qui devait devenir ma spécialité.
La distance d’avec ma famille et le mode de vie ne sont plus les mêmes, il s’agit maintenant d’un internat de quelque 600 élèves et les conditions d’existence sont bien différentes de celles de chez la mère Turcaud malgré son penchant pour la bouteille et les portes de sa cuisine trop étroites.
Le logement et les études se déroulent dans une ambiance surpeuplée et froide en ce mois d’octobre 1943.
La subsistance est lamentable et provoque des révoltes de réfectoire.
Les surveillants sont sifflés et chahutés avec les carottes quotidiennes projetées avec les fourchettes comme catapulte.
L’école est une immense propriété avec un parc clôturé et tous les départements pour en faire une entité autonome avec, en plus des bâtiments scolaires, les installations sportives, buanderie, les dortoirs, l’infirmerie, des logements pour les surveillants et certains professeurs etc…
Nous les réfugiés nantais, étions logés dans des combles transformés en dortoirs, et les cours avaient lieu dans une salle polyvalente, théâtre, cinéma dans lequel on avait rassemblé à notre intention pupitres et tableaux noirs récupérés ou mis au rebut pour en faire une salle de classe.
C’est dans cette atmosphère peu sympathique qu’éclate le drame dont toute la France va parler.
L’affaire commence un matin lorsque nous apprenons l’assassinat d’un commandant de la milice de Pétain.
Cette milice, haïe des français, constituée de repris de justice libérés avait pour but de pourchasser les juifs et les partisans pour les remettre aux allemands qui les expédiaient en Allemagne dans les camps de la mort.
Ceci s’est passé pendant la nuit dans la maison d’habitation du milicien, de l’autre côté de l’avenue juste en face de l’entrée de l’école.
Tous les membres de la famille et les gardes du corps ont été passés par les armes.
Parmi les victimes se trouvent un enfant dans son berceau et un autre de 4 ans, la femme, et la grand-mère.
Pendant quelques jours il règne une atmosphère assez tendue dans l’école et un calme inhabituel. Puis on apprend que ce sont des élèves de l’école qui sont impliqués dans cette affaire.
L’école est envahie de policiers, le directeur est arrêté ainsi que d’autres personnes, elles sont frappées et rouées de coups devant les élèves rassemblés dans la cour pour les obliger à assister au spectacle.
Des interrogatoires serrés sont menés parmi les élèves, puis, ce que nous les nantais ne pouvions pas soupçonner parce qu’arrivés récemment, se fait au grand jour.
Le directeur de l’école, et forcément d’autres personnes, abritaient sous des faux noms des fils de juifs déportés et de nord-africains qui, bien que leurs études fussent terminées ne pouvaient plus rentrer chez eux sous peine de risquer eux-mêmes la déportation.
Note : Pour pouvoir sortir de l’école les jours de congé le samedi ou le dimanche il fallait avoir des parrains en ville, qui, en principe, étaient chargés d’une certaine surveillance de ces heures de liberté et chez qui il fallait se présenter de temps en temps et ou parfois on était invité pour un thé.
Animés par un désir de vengeance, préméditée depuis longtemps, un certain nombre d’entre eux passaient leur temps libre chez leur parrain milicien, avec qui ils avaient feint de se lier d’amitié.
Souvent le soir ils "faisaient le mur" pour jouer aux cartes ou discuter, jusqu’au soir où en s’emparant par surprise des armes des gardes ils ont abattu tous les occupants.
Par malchance un ricochet blesse un des élèves en lui traversant la main.
Au bout de quelques jours son état a nécessité des soins médicaux et, pour les justifier, se provoque une grave brûlure à la forge de son atelier d’apprentissage.
L’infirmière, pas dupe, admet la brûlure à l’intérieur de la main mais comprend que la blessure sur le dos de la main est d’une autre nature, probablement l’orifice de sortie d’une balle.
Que ce soit ou non l’infirmière qui l’ait dénoncé le résultat aurait été le même, la police avait déjà découvert une chemise ensanglantée mal camouflée dans un buisson du parc.
En plus du personnel administratif, le directeur, le surveillant général, certains professeurs sont en cause pour avoir dissimulé certains élèves sous un faux nom et 17 élèves ont organisé et participé à l’assassinat.
Durant une quinzaine de jours l’école est complètement isolée aucun courrier aucun contact avec l’extérieur n’est permis.
Tous les élèves sont soumis aux perquisitions des enquêteurs pour essayer de découvrir d’autres complots ou des armes.
Il faut rappeler que Voiron est à la porte du Vercors haut lieu de la résistance française.
Sur ordre des autorités l’école doit être fermée et complètement évacuée.
Les responsables sont emprisonnés envoyés en Allemagne ou fusillés.
Le Maréchal Pétain essaie bien d’intervenir mais la faiblesse de sa position ne lui permet pas d’être très efficace.
Le retour à la maison s’effectue par petits groupes de 10 sous surveillance armée et contrôle de la destination du billet de chemin de fer avec le registre des élèves où sont notées les adresses des parents. »
Témoignage de Jean Gubler in https://www.livet-histoire.fr/. 


P.P

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