Chronique
des années noires
Le Bulletin de l’Enseignement
primaire de 1940 à 1945
La lecture attentive du Bulletin
de l’Enseignement Primaire révèle assez bien l’atmosphère de l’époque : l’ignominie,
l’hypocrisie, l’appel moralisateur s’y mêlent intimement aux propos ambigus.
Une lecture critique y décèlerait même le double sens dont usèrent parfois les
plumes de l’époque.
« La complexité des problèmes,
l’incertitude qui demeure en ce qui concerne nombre de faits âprement discutés,
l’inégale richesse des documents authentiques, les témoignages passionnés dont
le contenu ne peut être accepté sans preuves difficiles à établir – en un mot
la trop faible proximité des événements : autant d’obstacles s’opposant à
la perspicacité de l’historien disposé à aborder sans manichéisme l’étude de
cette période, dès qu’elle concerne le quotidien de nos compatriotes en
général, et des enseignants en particulier… » Groupe de travail du Musée de la Maison d’Ecole,
in Cent
ans d’école, 1983.
Evidemment,
dans cette période troublée, les enseignants retrouvent dans le Bulletin
national de l’enseignement primaire, non sans un certain amusement, quelques
poncifs à la vie dure : prêches sur la moralité qui disparaît,
dénonciation de la baisse de niveau des études, de la médiocrité croissante du
corps enseignant de la Troisième République (on n’aime que les instituteurs des
générations disparues). La référence aux « hussards de la
République » chers à Péguy revient fréquemment. Ces propos s’inscrivent
déjà dans le discours moralisateur de cette fraction conservatrice installée à
Vichy, et que l’on retrouvera peu ou prou transformée en d’autres temps.
On
sait comment les instituteurs furent, dans les mois qui suivirent la défaite de
1940, livrés à la vindicte publique comme responsables majeurs du désastre. Un
arrière-goût de « déjà vu » semble-t-il si l’on revient à la défaite
de 1870 (1). Cependant, dans le Bulletin national de février
1943, le ministère reconsidère le problème et souhaite qu’une sourdine soit
mise aux dénonciations de cette sorte. Parlant des instituteurs « égarés dans
une nuit d’incertitude »,
on écrit : « ils
attendent, ils souhaitent qu’on les remette en bonne voie. Des partisans sans
vergogne ont mis quelque hâte à les désigner comme premiers fauteurs du malheur
national. Et le corps enseignant une fois de plus joue le rôle classique du
baudet de la fable dans un jugement sommaire que l’opinion publique a depuis
longtemps récusé. Je n’admets pas cette accusation, a dit le Maréchal… ». Soit, le corps enseignant n’est pas totalement
perdu pour Vichy mais il convient de le remettre dans le droit chemin.
Intéressant
au passage ce jugement porté un peu plus loin sur la baisse de niveau, en
termes très actuels : « Les instituteurs ne se dissimulent pas
qu’un fléchissement sensible dans la qualité moyenne de l’enseignement se
révèle, indéniable depuis un quart de siècle. Des comparaisons entre les
résultats obtenus par les maîtres d’école qui enseignèrent de 1870 à 1914 et
ceux qu’on peut imputer aux instituteurs des cinq derniers lustres, accusent une
régression, notamment en ce qui concerne les techniques instrumentales et les
acquisitions de base… ».
Moyennant
quoi, les autorités de Vichy comptent sur l’aide de l’instituteur pour mener à
bien une foule d’initiatives dont l’efficacité paraît compromise au départ.
Ainsi la lutte contre les rats et les doryphores, le ramassage des marrons et
des fruits sauvages ; ou, sur un autre plan, ce « concours de la
meilleure lettre aux Français travaillant en Allemagne » ; ces « colis à nos chers
prisonniers » etc…
Mais Vichy
n’a pas été que ce prêchi-prêcha moralisant ou ces initiatives un peu naïves (que
le travail des instituteurs transformait quelquefois sur place en une œuvre
réellement concrète et utile, tant la misère était grande autour d’eux). On
trouve aussi, dans le Bulletin national, l’écho, feutré ou non, du drame que
vivait alors dans le sang et les larmes, le pays opprimé. Par exemple :
l’arrêté du 22 juillet 1943 relatif à « la situation administrative des
fonctionnaires, des agents et des auxiliaires, membres de la Légion des
Volontaires Français contre le bolchevisme (L.V.F), considérés comme
mobilisés… ». Dans le
même numéro de septembre 1943 se succède l’annonce de la publication, dans la
collection « L’Amitié par le livre », d’un florilège de
Saint-Paul-Roux dont on confirme le décès en 1940 sans révéler que le poète fut
assassiné par un soldat allemand ; l’annonce de la mort d’un instituteur,
victime des « terroristes » dans le Jura, suivie d’une rapide oraison
funèbre pour ce maître, « ancien élève de l’Ecole normale de
Lyon, dirigeant du Syndicat National des Instituteurs et munichois résolu ».
Quid
de la pédagogie ? Elle était concernée, notamment par la publication d’une
liste de livres interdits par ordre des autorités occupantes : manuels
d’histoire et livres d’allemand surtout ; en écho à cet interdit nazi,
l’appel d’un instituteur qui, de son stalag, recommande à ses collègues de
France : « C’est
à vous de rayer sur les manuels d’histoire les phrases contre
l’Allemagne… ». Un peu plus
loin, Victor Hugo est appelé à la rescousse pour la même cause : « La désunion de
la France et de l’Allemagne, c’est la dislocation de l’Europe »(Le Rhin, 1841). Etrange voisinage, la chronique
bibliographique du même bulletin annonce la parution des « Propos sur
l’Education » d’Alain, cet ouvrage de base connu de tous les maîtres,
ainsi présenté : « En ce recueil, le maître de la pensée rationaliste
contemporaine prend nettement parti pour la méthode sévère : il propose
l’éducation par l’effort et par l’attention difficile, afin de former des
esprits exigeants et rigoureux et des caractères droits et bien trempés ». Dans un autre registre, le chroniqueur salue la
réédition des « Paroles aux éducateurs de France » de Péguy, « bréviaire de
la pensée pédagogique… ». La
sortie du « Cheval blanc » d’Elsa Triolet ou celle de la « Reine
morte » de Montherlant bénéficie d’une critique plutôt favorable du
journaliste.
Extraits choisis des contenus du
Bulletin National de l’Instruction primaire de Saône-et-Loire
Année 1940
N° 620, 10 octobre 1940 :
- Admission
des élèves maîtres en 1940 (Circulaire Ministérielle du 25 septembre 1940),
page 117.
- Œuvre de redressement national (CM du 16 août
1940), page 118.
Année 1941
N° 628, 5 octobre 1941 :
- Adieux à Mâcon de l’Inspecteur d’Académie Besseige
en retraite, ses regrets de n’avoir pu « visiter » cette année, page
170.
- Les limites de la gratuité de l’enseignement
secondaire (Loi du 15 août 1941), page 221.
N° 630, 25 novembre 1941 :
- Nomination pour Mâcon de l’Inspecteur d’Académie
Delrieu (8 octobre 1941).
- Avis de décès à Nantes, le 22 octobre 1941, de M.
Bartoli, instituteur en retraite, par M. Delrieu, page 306. (2)
- Après suppression des écoles normales, nomination à
Oran de M. Blanc, Directeur de l’E.N, affecté à l’institut de formation, page
307.
- Décret du 15 février 1941 portant création
d’instituts de formation professionnelle pour les maîtres de l’enseignement
primaire, page 327.
- Interdiction aux fonctionnaires d’adhérer à un
groupement politique (CM du 26 août 1941), page 334.
- « Appels et messages du Maréchal de
France », volume de 10 feuilles destiné à toutes les bibliothèques
scolaires (CM du 21 novembre 1941), page 351.
Année 1942
N° 631, 10 février 1942 :
- Vœux du nouvel an pour « le relèvement
rapide de notre patrie selon les directions de M. le Maréchal Pétain », page 3.
- « Salut au drapeau », page 3.
- Félicitations adressées à deux fillettes
courageuses par Jérôme Carcopino (3), page 7.
- Nécrologie : « M. Damichel,
instituteur à Saint-Jean-des-Vignes, décédé à Paris, le 15 décembre 1941, à
l’âge de 33 ans »,
page 27 (4).
- Recensement des juifs et instruction de
l’Inspecteur d’Académie Delrieu (CM du 16 janvier 1942), page 75.
N° 632, 12 mai 1942 :
- Interdiction des associations secrètes (L du 27
février 1942), page 153.
- Lutte contre les maladies épidémiques et les poux
(CM du 1er avril 1942), page 155.
- Edition spéciale de l’effigie du Maréchal Pétain
(CM du 18 septembre 1942), page 173.
- L’enseignement de la morale, de l’histoire et des
sciences appliquées aux écoles élémentaires. Programmes de l’enseignement
élémentaire, pages 182 et suivantes.
N° 633, 9 juillet 1942 :
- Brevet supérieur : auteurs à expliquer, dans
l’académie de Lyon, en particulier en Saône-et-Loire, page 250.
- Certificat d’aptitude pédagogique, épreuve écrite
de 1942 pour la zone occupée : sur 12 candidats, « 3 ont été
déclarés admissibles »,
page 251.
- Message de M. le Ministre, Secrétaire d’Etat à
l’Education Nationale au personnel enseignant (du 13 mai 1942, Abel Bonnard),
page 252 ;
- « Groupement des Jeunes du Maréchal » (CM
du 9 juin 1942), page 258.
- Port de la francisque en zone occupée (CM du 13 mai
1942), page 266 ;
- Réforme de l’enseignement secondaire (Arrêté
ministériel du 7 mai 1942), page 267.
N° 634, novembre 1942 :
- Tableau du personnel de l’enseignement primaire et
élémentaire de Saône-et-Loire.
Année 1943
N° 636 :
- Fête des Mères 1943 : de « haute portée
morale », page 52.
- M. Juredieu (5), « instituteur de Saône-et-Loire, ancien
admissible au CA à l’Inspection des Ecoles primaires » a été chargé de la suppléance de M. Beney,
Inspecteur primaire, faisant fonction d’Inspecteur d’Académie à
Chalon-sur-Saône, page 58.
- Supplément à ce bulletin : « Mesures
répressives » et « révocation » prévues au sujet de
fonctionnaires soustraits au Service obligatoire du travail (CM du 15 juin
1943), signé Pierre Laval. Insignes autorisés pour leur port dans tous les
établissements et administrations de l’Etat, pour les fonctionnaires, employés,
élèves : la francisque du Maréchal de France, l’insigne de la Légion
Française des Combattants, l’insigne de la Milice Française.
N° 639, octobre 1943 :
- M. Juredieu précédemment chargé d’un service
d’Inspection primaire à Chalon-sur-Saône a été nommé Inspecteur primaire à
Annecy (suppléance de M. Dussauge, prisonnier de guerre), page 131.
- Exercices d’entraînement des élèves à gagner les
« emplacements d’alerte » dans les « secteurs menacés »
comme ceux du Creusot et de Montceau-les-Mines (CM du 1er octobre
1943), page 132.
- Service du travail obligatoire : peines d’emprisonnement ou d’amende prévues pour tout complice des réfractaires, selon
les lois de 1943 rappelées par Abel Bonnard, page 133.
- Admission au sanatorium, pour les institutrices, à
celui de Haute-Savoie de Saint-Jean d’Aulph rouvert le 23 août après
réquisition militaire, pour les instituteurs à celui de la Creuse de
Sainte-Feyre, abandonné des « dames », page 157.
Année 1944
N° 640, janvier-février 1944 :
- Répression des actes commis par des fonctionnaires « contre
l’exécution des lois ou contre les ordres du gouvernement » punition « d’un emprisonnement de 2 à 10
ans et d’une amende de 10 000 à 500 000 francs », page 24.
- Supplément à ce bulletin : instructions
destinées à empêcher « les administrations et les services
publics » de favoriser la lutte contre le
Reich allemand « alors
que le gouvernement français doit interdire aux ressortissants français de la
combattre selon la convention d’armistice franco-allemande du 22 juin 1940.
N° 641, mars-juin 1944 :
- Décès de M. Bouvet Jean à Mâcon le 28 juin 1944 à
l’âge de 52 ans. Une brève mention dans la page intitulée
« Nécrologie » : « M. Jean Bouvet, professeur au collège
moderne, décédé à Mâcon le 28 juin 1944 à l’âge de 52 ans ». Un peu court quand on sait la tragédie qui s’est
déroulée (6)… page 41.
- « Prélèvement de
fonctionnaires appelés à partir pour l’Allemagne ». Le fonctionnaire ne peut être maintenu qu’à titre
exceptionnel dans son poste dans chaque ordre d’enseignement, « Le Secrétariat
général de la main-d’œuvre demande à connaître leurs noms, leur classe par
ordre d’âge croissant, selon leur situation d’état civil », page 44.
- Exhortations de M. le Ministre après les évènements
de Voiron (CM du 8 mai 1944) : « Le crime hideux de
Voiron » d’après Abel Bonnard « l’acte
abominable où se sont portés ces jeunes gens » sans préciser de quel acte il s’agit en 2 pages de
bulletin destinées aux enseignants (7), page 51.
- Congés du personnel en 1944 (CM du 17 juillet
1944), « congé
de deux semaines qui est pour le moment suspendu en raison des circonstances »
largement commenté par Abel
Bonnard dans le sens de l’intérêt national.
N° 642 :
- Tableau du personnel des instituteurs et institutrices de Saône-et-Loire au 1er
janvier 1944, y compris les instituteurs au STO depuis 1, 2, ou 3 ans.
N° 643, 10 novembre 1944 :
- Nomination de M. Coche à titre provisoire au poste
d’Inspecteur d’Académie en remplacement de M. Delrieu, page 125.
- Programmes de l’enseignement primaire (Instructions
du 12 octobre 1944), y compris pour les classes de fin d’études et des cours
complémentaires.
N° 644, 5 décembre 1944 :
- Vœux du nouvel an : « 1945 est la
première année de la libération, elle vous apporte une certitude, celle de la
victoire, une grande espérance, celle du relèvement national, de la reconstitution
des foyers, du retour de vos chers absents ».
- Note détachée du bulletin pour le Secours de Guerre
de l’Enseignement public auquel l’adhésion
du personnel enseignant est escomptée.
N° 645, 7 février 1945 :
- Organisation des Secours de Guerre de l’Enseignement
public.
- Résumé des conférences pédagogiques du département :
« Comment
l’école publique peut-elle contribuer au relèvement de la France nouvelle ».
(1) :
« Ernest
Renan n’est pas le seul à vanter les mérites patriotiques de l’instituteur
prussien dans La réforme intellectuelle et morale de la France, Paris, 1871. La
préface du « petit Lavisse », le manuel d’histoire qui sera le plus
utilisé dans les écoles laïques de la Troisième République insiste, dans sa
version de 1876, sur le rôle des instituteurs « qui savent
qu’on répète tous les jours que l’instituteur allemand a vaincu à Sadowa et à
Sedan ». (..) Le patriotisme
français ne peut plus être considéré indépendamment de l’Allemagne ; il
doit se faire défensif et xénophobe. Tel est le message que délivre Charles
Bigot dans Le Petit français. Et
Lavisse d’affirmer que l’instituteur et l’officier sont les « piliers
jumeaux de la patrie ». Il s’agit non pas seulement de s’armer contre
la « menace allemande », mais aussi de faire de la question
d’Alsace-Lorraine un « problème de morale internationale »,
l’Allemagne étant présentée comme un empire fondé sur la force qui a aliéné les
droits de millions d’hommes, tandis que la France qui représente ces droits
violés travaille, au nom de l’humanité, à la reconquête des provinces perdues. »
https://www.europa.clio-online.de
(2) : Né le 28 septembre 1883 à Polneca (Corse), fusillé
comme otage le 22 octobre 1941 à Châteaubriant (Loire-Inférieure,
Loire-Atlantique) ; instituteur à Digoin (Saône-et-Loire) ; militant
communiste.
Fils de Constantin Bartoli et d’Angélique
Santoni, Titus Bartoli adhéra au Parti communiste après le congrès de Tours.
Militant du syndicat de l’Enseignement,
secrétaire du rayon communiste de Digoin, c’est lui qui présida la réunion de
fusion des syndicats enseignants le 10 octobre 1935. Isolé dans l’ouest du
département, il s’attacha à étendre l’influence des idées communistes.
Arrêté le 21 juillet 1941 à Digoin, par la police française, pour distribution de tracts dénonçant l’attaque allemande contre l’URSS, ce retraité de l’enseignement fut détenu à la prison de Chalon-sur-Saône le 21 juillet 1941, puis interné au camp de Châteaubriant, camp de Choisel. Les Allemands le fusillèrent à Châteaubriant le 22 octobre 1941 comme otage, en représailles à l’exécution de l’officier allemand Hotz à Nantes. Il était médaillé militaire et Croix de guerre 1914-1918.
Il était marié et père d’un enfant. Une école de Digoin porte son nom.
Arrêté le 21 juillet 1941 à Digoin, par la police française, pour distribution de tracts dénonçant l’attaque allemande contre l’URSS, ce retraité de l’enseignement fut détenu à la prison de Chalon-sur-Saône le 21 juillet 1941, puis interné au camp de Châteaubriant, camp de Choisel. Les Allemands le fusillèrent à Châteaubriant le 22 octobre 1941 comme otage, en représailles à l’exécution de l’officier allemand Hotz à Nantes. Il était médaillé militaire et Croix de guerre 1914-1918.
Il était marié et père d’un enfant. Une école de Digoin porte son nom.
(3) : Personnage complexe
et controversé, Jérôme Carcopino est nommé secrétaire d’État
à l'Éducation nationale et à la jeunesse dans le gouvernement de
l'amiral Darlan en 1941. Acceptant le financement par Vichy de l'école
privée, en laïque modéré, il suspend l'introduction de la religion dans les
programmes de morale de l'école primaire et notamment les « devoirs envers
Dieu », les remplaçant par « la civilisation chrétienne qui exclut
les croyants des autres cultures ».
Dans ses fonctions, il fait appliquer les
lois du régime de Vichy, notamment les textes
excluant juifs et francs-maçons des fonctions publiques.
Maréchaliste et pétainiste, il n'est pas antisémite mais il respecte
scrupuleusement la législation d'exclusion du gouvernement de Pétain.
Jules Isaac dit de lui : « parmi les ministres de l'Éducation nationale
de Vichy, il est celui qui
a mis, au service de la Révolution nationale, le tempérament le plus
autoritaire et la poigne la plus rude ». Paradoxalement, il
propose sa succession en Sorbonne à son élève Henri-Irénée Marrou, dont il
n'ignore pas les activités en faveur de la résistance lyonnaise.
Au retour
de Pierre Laval aux
affaires en avril 1942, Carcopino démissionne. Le 18 avril 1942,
il est remplacé par Abel Bonnard au poste de secrétaire d'État à
l'Éducation nationale. Il retrouve son
poste de directeur de l'École normale supérieure et s'efforce de faire échapper
ses élèves au Service du travail
obligatoire. Il intervient pour tenter de sauver
plusieurs résistants, tels Raymond Croland ou Georges
Bruhat.
À la Libération, il est
révoqué de ses fonctions pour sa participation au gouvernement de Vichy. Il est
emprisonné à Fresnes en août 1944,
dans la même cellule que Sacha Guitry, il obtient sa libération provisoire
en février 1945. Le 11
juillet 1947, la Haute cour de
justice rend un arrêt de non-lieu pour « services rendus à
la Résistance », alors que son prédécesseur en tant que secrétaire
d'État à l'Instruction publique, Jacques Chevalier, est condamné à vingt
ans de travaux forcés, et que son successeur à cette même fonction, Abel
Bonnard, est condamné à mort par contumace, exilé en Espagne qu’il est. En
1951, Carcopino est réintégré dans la fonction publique sans renier les idées
qui furent les siennes.
Source : wikipedia
(4) :
Né le 2 juillet
1908 à Allerey (Saône-et-Loire), instituteur ; dirigeant communiste de
Chalon-sur-Saône, il fut fusillé comme otage le 15 décembre 1941 au
Mont-Valérien.
Jean-Marie Damichel était fils d’un instituteur radical
et libre-penseur : « mon père (décédé en 1933) était
instituteur ; ma mère est sans profession. Ma mère reçoit la demi-retraite
d’instituteur, elle touche en plus les revenus d’une ferme et d’environ
30 ha de terre. Mon père appartenait au parti radical, il était lié à
certains politiciens radicaux (sénateur Borgeat) ou réactionnaires (baron de
Sainte-Suzanne) ; il était président de la section de Libre-pensée de
Chalon, membre de la Ligue des droits de l’Homme ; ma mère est
sympathisante à notre parti » (autobiographie de 1937).
Élève de l’École normale de Mâcon,
Jean-Marie Damichel appartint quelques mois à la Jeune République en 1927,
puis fut, l’année suivante, trésorier de la section de Mâcon de l’Union
générale des étudiants de l’enseignement.
Le Parti communiste reçut son adhésion en janvier 1932.
Secrétaire du rayon de Chalon (Saône-et-Loire) à partir de 1933, il entra au
bureau régional en 1936. Instituteur à Chalon, secrétaire de l’Union locale de
la CGT, il fut candidat du PCF dans la 2e circonscription de Chalon le
26 avril 1936. Dans son autobiographie rédigée pour la commission des
cadres du parti le 31 juillet 1937, il fut jugé sévèrement et classé
« B », ce qui signifait « ne pas lui donner de
responsabilité » avec la mention « à vérifier sur place ».
Nommé ensuite instituteur à Verdun-sur-le-Doubs, puis à Saint-Jean-des-Vignes, Jean-Marie Damichel, fut membre de la Fédération de l’enseignement et élu membre du conseil syndical de la section départementale du Syndicat national, le 10 juillet 1938, avec 318 voix sur 363 votants. A l’orée de la Seconde Guerre mondiale, Il ne fut pas réélu en juillet 1939.
Bientôt déplacé par le gouvernement de Vichy à Cressy-sur-Saône (Saône-et-Loire), il était membre du Front national. Arrêté par la Gestapo le 27 juin 1941, il est emprisonné à Chalon, à Romainville puis à Compiègne. Il fut fusillé par les Allemands, comme otage, au Mont-Valérien, le 15 décembre 1941, en représailles aux attentats des 28 novembre 1941 et 7 décembre 1941 à Paris et en région parisienne. Marié en janvier 1938 à Chalon, il était père d’une fille.
Source : maitron-fusilles-40-44.univ-paris1.fr
(5) : Joseph Juredieu est l’auteur, avec Eugénie Mourlevat, du
manuel en deux livrets intitulé Rémi et Colette , édité en 1965. Normalien de L’Ecole Normale de Mâcon, promotion
1916-1919, Joseph Juredieu deviendra Inspecteur de l’enseignement primaire.
Chronique du Cinquantenaire, Joseph JUREDIEU (16/19)
Bulletin de l'Amicale n° 87, 1966 :
« Le
1er octobre 1916, étions trente à faire notre entrée à l’Ecole
Normale. La troisième année de guerre était entamée et depuis sept mois le
canon tonnait sans relâche à Verdun. Comme nos camarades des deux promotions
précédentes, nous ne connûmes pas les locaux de l’Ecole, occupés par un hôpital
militaire. En première année, les cours étaient donnés à la Chambre des
Notaires et en deuxième et troisième année, à l’Orangerie, dépendance de la
Préfecture. Lorsque nous fûmes en possession de notre uniforme et que nos
anciens nous eurent baptisé au vin blanc dans la salle de la Patte d’Oie, nous
devînmes de vrais Roupanards.
Nos
deux premières années de l’Ecole Normale s’écoulèrent dans l’atmosphère d’une
guerre atroce. A tout moment, l’un de
nous apprenait qu’un de ses proches était tué, ou grièvement blessé, ou porté
disparu. Nos camarades des deux promotions précédentes et quelques-uns de notre
promotion nous quittèrent en avril 1917, en avril et août 1918. Une des morts
qui nous frappèrent le plus fut, en juin 1918, celle de CHALUMEAU, que tout le
monde admirait pour son intelligence exceptionnelle.
Pendant
nos récréations de 16 à 17 heures, nous allions souvent à la gare pour lire les
gros titres et les manchettes des journaux du soir. Parfois, notre Directeur, M.
LAURENCIN, se joignait en ville à l’un de nos groupes et nous commentait les
dernières nouvelles.
La
majeure partie de notre promotion passa le conseil de révision pendant l’été de
1918. CLEMENCEAU pensant avoir besoin de la classe 20 au printemps suivant. En
attendant, nous faisions régulièrement de la préparation militaire ; nous
nous rendions au stand au pas cadencé, en chantant la Madelon ou les airs
martiaux qu’entonnaient nos aïeux de 1792. (..)
Nous
n’étions pas toujours envahis par des pensées tristes. La jeunesse ne perd
jamais ses droits. (..) Le règlement était sévère. Il était défendu de fumer et
d’entrer dans un café, même à la campagne ; sans doute nous dérogions
parfois à ces interdictions, mais c’était toujours modérément : notre
argent de poche était si modique ! (..) Le jeudi après-midi, nous sortions
par petits groupes sous la responsabilité d’un normalien de 3ème
année, qui indiquait par avance au Directeur l’itinéraire choisi. Le dimanche,
nous sortions librement jusqu’à cinq heures ; en cela, nous étions plus
favorisés que les normaliennes, conduites par un professeur vigilant en dehors
de la ville. Ceux qui avaient une amie
parmi elles parvenaient à croiser le groupe, et des regards et des sourires
chargés de tendresse s’échangeaient pendant quelques secondes.
Au début de notre troisième année, la
victoire des alliés s’affirmait sur tous les
fronts. Nous apprîmes au début de novembre que les allemands avaient demandé un
armistice. Le 11 novembre, à midi, les cloches de Mâcon sonnèrent à toute
volée ; tout le monde comprit. Nous quittâmes aussitôt nos pensions, nous
mêlant à la foule qui envahissait les rues. C’était une extraordinaire
explosion de joie : s’en était fini de l’hécatombe ! Nous allions
revoir ceux qui avaient couru tant de périls et montré tant de courage ;
la paix saurait écarter tout risque d’une nouvelle guerre… La marée humaine
nous entraîna vers la Préfecture, où s’organisait un immense défilé ;
notre Directeur, nos professeurs étaient parmi nous. Journée unique, journée
inoubliable. »
(6) :
Jean
Bouvet fut élève de l’Ecole Normale Supérieure de St-Clou mais ses études
furent écourtées en 1914 à la suite de sa mobilisation dans l’Infanterie.
Blessé à Verdun, il est replié à l’hôpital de Montceau-les-Mines. C’est à cette
période qu’il rencontra son épouse, Marie-Antoinette Genevois (née en 1893 dans
cette même ville) et qu’il se maria.
En
1920, il est nommé professeur d’histoire à l’Ecole normale de Bonneville, puis
aux Ecoles Normales de Mâcon en 1922, jusqu’à leur fermeture par le
gouvernement de Vivhy en 1941, date à laquelle il continuera d’enseigner au
Collège moderne de garçons (avec son ancien élève et collègue Marcel Vitte). En
1923, pacifiste convaincu, il publie, sous le pseudonyme de André Jean, Les Cantilènes
Rouges, un recueil de chants sur les souffrances endurées durant la Grande
Guerre :
« Les poètes maudits sont ceux qui, dans leur
chambre,
Devant le papier blanc et le feu flambant clair,
Bien repus, honorés, assurés d’être lus
Par un public servile, osent chanter la guerre. (…)
Faites taire vos chants ou priez sur les morts
Pleurez, mettez un crêpe à vos lyres, poètes,
Allez voir les tranchées et regardez nos fils
Qui pourrissent sous le ciel dur, comme des bêtes.
Regardez les pourrir. Regardez les vivants,
Dites si dans leurs yeux s’est allumée la haine,
S’ils rêvent de tuer, s’ils rêvent de mourir,
S’ils n’ont pas le désir des heures pacifiques.
Les poètes maudits ont semé dans les cœurs
La haine et n’ont récolté que la haine,
Ils ont menti, ils ont injurié l’amour
Et caché lâchement l’horreur du sacrifice. » Jean
Bouvet
En
1926, il est Secrétaire fédéral de la Fédération départementale de la Ligue des
Droits de l’Homme, puis en devient Président en 1934. Il devient en outre
secrétaire du Cartel mâconnais pour la paix en 1932. Commissaire départemental
des Auberges de Jeunesse, il fonda celles de Crèches, Tournus,
Mont-Saint-Vincent et Epinac. Chercheur régionaliste, il publia notamment un
article dans le bulletin de la « Physiophile » de Montceau en
collaboration avec son ancien élève Henri Parriat (« Notes d’archéologie
montcellienne », 1928). Bientôt, le second conflit mondial éclate, Jean
Bouvet écrit dans une lettre du 2 novembre 1939 : « Nous sommes
entrés dans la grande épreuve et ma sensibilité m’y fait plus participer que ma
situation peut le laisser croire. J’ai trop souffert moi-même il y a 25 ans
pour rester aujourd’hui insensible (…) Résister au flot montant du mensonge et
de l’égoïsme, préserver de toute atteinte les vraies valeurs humaines, voilà la
règle de conduite pour le temps présent. »
Jean
Bouvet, Conseiller Municipal, résistant, patriote, fut lâchement assassiné par
la Milice, en 1944, à son domicile de la rue Gambette à Mâcon (ainsi que six
autres personnes, en représailles à l’assassinat de Philippe Henriot) :
« Il cherchait par là le chemin de la paix et du bonheur, et il le
trouvait dans la connaissance, la compréhension et l’amitié des autres hommes.
La veille de sa mort, il me confiait encore son incompréhension des haines
présentes et ses espoirs de lendemain meilleur. Il avait cependant le
pressentiment de sa mort. Oui, nous aimions Jean Bouvet. » (Discours de
Louis Escande, Maire de Mâcon, à l’inauguration de la rue Jean Bouvet, 5
septembre 1957)
Pacifiste,
humanisme, poète, ami de Jean Giono, il a marqué de sa rayonnante personnalité
des centaines d’institutrices et d’instituteurs de Saône-et-Loire.
« Je rêve un
jour où l’homme
Toutes barrières
abolies
Vers tous les peuples
du monde
S’en ira libre et
fraternel » Jean Bouvet
Sources :
documentation Musée de la Maison d’Ecole, « Maîtres et Maîtresse de
Saône-et-Loire » (AVNP71)
(7) :
« C’est
à cette époque après avoir été naturalisé français que je commence mes études à
l’Ecole Nationale Professionnelle (ENP) de Nantes.
J’ai
pris pension chez la mère Turcaud.
C’est
chez elle que j’ai connu Georges Camus (qui deviendra mon beau-frère), son frère
Jacques, André Pézavent célèbre conteur d’histoires normandes.
C’est
grâce à la mère Turcaud que j’ai appris qu’il est de bon ton de présenter ses
excuses (Oh pardon !) aux portes dont l’embrasure a été rendue trop
étroite par les vapeurs d’alcool (elle les voyait doubles et ne savait pas
laquelle était la bonne ).
La
première année de scolarité ne se passe pas trop mal.
Je suis
le seul élève ENP de la région ce qui me donne droit à une bourse de la part de
la Chambre de Commerce de La Rochelle.
Malheureusement
pendant la période des vacances (juillet septembre 1943 ?) Nantes et la
base des sous-marins de St-Nazaire sont bombardées par les alliés.
Le
centre de la ville, la rue Crébillon, est complètement rasé ; il ne reste
qu’un tas de décombres qui atteint la hauteur d’un 3ième étage et des dizaines
de victimes.
La
situation étant devenue trop dangereuse le directeur Mr Gallois, nous
avise que les élèves seront répartis dans les ENP ailleurs en France dans des
endroits moins exposés. Je suis donc, avec une trentaine de mes camarades
désigné pour continuer mes études à Voiron la seule école à enseigner la
fonderie qui devait devenir ma spécialité.
La
distance d’avec ma famille et le mode de vie ne sont plus les mêmes, il s’agit
maintenant d’un internat de quelque 600 élèves et les conditions d’existence
sont bien différentes de celles de chez la mère Turcaud malgré son penchant
pour la bouteille et les portes de sa cuisine trop étroites.
Le
logement et les études se déroulent dans une ambiance surpeuplée et froide en
ce mois d’octobre 1943.
La
subsistance est lamentable et provoque des révoltes de réfectoire.
Les
surveillants sont sifflés et chahutés avec les carottes quotidiennes projetées
avec les fourchettes comme catapulte.
L’école
est une immense propriété avec un parc clôturé et tous les départements pour en
faire une entité autonome avec, en plus des bâtiments scolaires, les
installations sportives, buanderie, les dortoirs, l’infirmerie, des logements
pour les surveillants et certains professeurs etc…
Nous
les réfugiés nantais, étions logés dans des combles transformés en dortoirs, et
les cours avaient lieu dans une salle polyvalente, théâtre, cinéma dans
lequel on avait rassemblé à notre intention pupitres et tableaux noirs
récupérés ou mis au rebut pour en faire une salle de classe.
C’est
dans cette atmosphère peu sympathique qu’éclate le drame dont toute la France
va parler.
L’affaire
commence un matin lorsque nous apprenons l’assassinat d’un commandant de la
milice de Pétain.
Cette
milice, haïe des français, constituée de repris de justice libérés avait pour
but de pourchasser les juifs et les partisans pour les remettre aux allemands
qui les expédiaient en Allemagne dans les camps de la mort.
Ceci
s’est passé pendant la nuit dans la maison d’habitation du milicien, de l’autre
côté de l’avenue juste en face de l’entrée de l’école.
Tous
les membres de la famille et les gardes du corps ont été passés par les armes.
Parmi
les victimes se trouvent un enfant dans son berceau et un autre de 4 ans, la
femme, et la grand-mère.
Pendant
quelques jours il règne une atmosphère assez tendue dans l’école et un calme
inhabituel. Puis on apprend que ce sont des élèves de l’école qui sont
impliqués dans cette affaire.
L’école
est envahie de policiers, le directeur est arrêté ainsi que d’autres personnes,
elles sont frappées et rouées de coups devant les élèves rassemblés dans la
cour pour les obliger à assister au spectacle.
Des
interrogatoires serrés sont menés parmi les élèves, puis, ce que nous les
nantais ne pouvions pas soupçonner parce qu’arrivés récemment, se fait au grand
jour.
Le
directeur de l’école, et forcément d’autres personnes, abritaient sous des faux
noms des fils de juifs déportés et de nord-africains qui, bien que leurs études
fussent terminées ne pouvaient plus rentrer chez eux sous peine de risquer
eux-mêmes la déportation.
Note :
Pour pouvoir sortir de l’école les jours de congé le samedi ou le dimanche il
fallait avoir des parrains en ville, qui, en principe, étaient chargés d’une
certaine surveillance de ces heures de liberté et chez qui il fallait se
présenter de temps en temps et ou parfois on était invité pour un thé.
Animés
par un désir de vengeance, préméditée depuis longtemps, un certain nombre
d’entre eux passaient leur temps libre chez leur parrain milicien, avec qui ils
avaient feint de se lier d’amitié.
Souvent
le soir ils "faisaient le mur" pour jouer aux cartes ou discuter,
jusqu’au soir où en s’emparant par surprise des armes des gardes ils ont abattu
tous les occupants.
Par
malchance un ricochet blesse un des élèves en lui traversant la main.
Au bout
de quelques jours son état a nécessité des soins médicaux et, pour les
justifier, se provoque une grave brûlure à la forge de son atelier
d’apprentissage.
L’infirmière,
pas dupe, admet la brûlure à l’intérieur de la main mais comprend que la
blessure sur le dos de la main est d’une autre nature, probablement l’orifice
de sortie d’une balle.
Que ce
soit ou non l’infirmière qui l’ait dénoncé le résultat aurait été le même, la
police avait déjà découvert une chemise ensanglantée mal camouflée dans un
buisson du parc.
En plus
du personnel administratif, le directeur, le surveillant général, certains
professeurs sont en cause pour avoir dissimulé certains élèves sous un faux nom
et 17 élèves ont organisé et participé à l’assassinat.
Durant
une quinzaine de jours l’école est complètement isolée aucun courrier aucun
contact avec l’extérieur n’est permis.
Tous
les élèves sont soumis aux perquisitions des enquêteurs pour essayer de
découvrir d’autres complots ou des armes.
Il faut
rappeler que Voiron est à la porte du Vercors haut lieu de la résistance
française.
Sur
ordre des autorités l’école doit être fermée et complètement évacuée.
Les
responsables sont emprisonnés envoyés en Allemagne ou fusillés.
Le
Maréchal Pétain essaie bien d’intervenir mais la faiblesse de sa position ne
lui permet pas d’être très efficace.
Le
retour à la maison s’effectue par petits groupes de 10 sous surveillance armée
et contrôle de la destination du billet de chemin de fer avec le registre des
élèves où sont notées les adresses des parents. »
Témoignage de Jean Gubler in https://www.livet-histoire.fr/.
P.P
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