vendredi 24 janvier 2020

La visite médicale scolaire



La visite médicale à l’école



Tableau mural Ecrire et Parler pour le CE1, 1967,  (collection musée)



Montrez-moi vos mains !

Si les premières préoccupations en matière de médecine scolaire apparaissent pendant la période révolutionnaire, c’est uniquement en matière d’hygiène. En effet, en 1793, trois représentants du peuple : Sieyes, Lakanal et Daunou, présentent un projet de décret à la Convention sur la santé des enfants scolarisés.





L’hygiène vers 1900, contrôle des mains et des oreilles (école de Trélon 59)



De l’hygiène à la prévention

Est-il utile de rappeler que la Constituante, quelques temps plus tôt, le 20 et 21 avril 1790, avait proclamé l’Instruction Publique pour le peuple ? (1). Le développement de l’esprit n’est pas tout pour la toute nouvelle Révolution, on doit aussi veiller à la santé du corps. C’est ainsi que le terme d’ « inspection médicale scolaire » apparaît dans le projet d’éducation Lakanal, soumis à la Convention nationale le 26 juin : « Art 27 : un officier de santé du district est chargé par le bureau d’inspection de visiter dans les quatre saisons de l’année, toutes les écoles nationales du district. Il examine les enfants et indique, en général et en particulier, les règles les plus propres à fortifier leur santé ».

La médecine scolaire se structurera et évoluera à partir du dix-neuvième siècle :
-       Sous Napoléon 1er, les préfets organisent des visites des collèges et des lycées afin de contrôler si la santé des élèves y est correctement assurée.
-       En 1833, la loi GUIZOT confie à un comité communal la mission de veiller à la salubrité des écoles publiques et privées.



LEJEUNE A. et DEMAILLY A., Cours d’enseignement ménager, Science et Morale, Paris, DELAGRAVE, 1902 (collection musée)



-       Sous la Troisième République, avec les lois FERRY, l’hygiène entre définitivement à l’école. La loi de 1886 institue une inspection médicale scolaire dans l’enseignement primaire, mise en œuvre par les collectivités locales. On diffuse à travers l’école, une instruction sur la santé et sur l’hygiène en direction des familles pour prévenir notamment les maladies contagieuses.



Cours d’enseignement ménager, Paris, DELAGRAVE, détail (collection musée)



-       En 1928, Edouard HERRIOT, alors ministre de l’instruction publique, dépose un projet de loi destiné à rendre obligatoire un contrôle médical pour tous les élèves au moyen d’un service spécifique.



Journal hebdomadaire des instituteurs et des institutrices, 1932 (collection musée)



-       En 1930, des crédits sont ouverts à cet effet au sein du budget du ministère de la santé publique, nouvellement créé.

-       En 1934, la Chambre des députés adopte le principe d’une inspection médicale scolaire, sans toutefois lui donner des moyens. L’initiative reste aux municipalités intéressées par le sujet. Des bureaux « d’hygiène » apparaissent alors dans les grandes villes seulement.



Manuel général de l’instruction primaire, guide alphabétique de médecine et d’hygiène à l’école, 1937 (lelivre .com)


Affiche de propagande du Régime de Vichy, 1944 (musée Carnavalet-PH45252)



-       En 1945, une ordonnance pose les bases d’un « service national d’hygiène scolaire et universitaire » relevant du ministère de l’éducation nationale, que les conditions d’après-guerre (malnutrition, maladies infectieuses) rendent indispensable. Le décret d’application de 1946 précise que le budget nécessaire sera alimenté par les collectivités publiques (Etat, départements et communes).



Visite médicale à l’entre-deux-guerres, toise, spiromètre et bascule agricole (MUNAE)



-       Entre 1945 et 1947, les modalités de recrutement et les tâches du personnel de santé (médecins et « adjointes d’hygiène scolaire ») sont cadrées. La construction de centres médico-sociaux (CMS) est obligatoire dans les villes de plus de 5 000 habitants. Les visites médicales des scolaires s’organisent et sont placées sous la responsabilité des inspections académiques, services départementaux de l’éducation nationale.



Notions élémentaires d’hygiène pratique, tableau Armand Colin, après 1900 (collection musée)





-       En 1954, les services d’hygiène scolaire créés en 1945 deviennent « services de santé scolaire et universitaire », les objectifs de la médecine scolaire, du fait de l’amélioration de l’état sanitaire du pays, évoluent en devenant préventifs.

-       A la fin des années 1950, les problèmes individuels d’adaptation et d’échec scolaire prennent le pas sur l’état sanitaire de la population.



MDI, tableau scolaire N°15, 1966 (collection musée)


Protège-cahier publicitaire, années 60 (collection privée)



De la prévention à l’éducation à la santé

Au début des années 60, le service de santé scolaire est transféré au ministère de la santé, ce qui n’empêche toutefois pas l’éducation nationale de s’investir dans l’éducation à la santé.



MDI, tableau scolaire N°20, 1966 (collection musée)



-       En 1973, la circulaire FONTANET fait entrer à l’école l’information et l’éducation sexuelle. La priorité est de sensibiliser les élèves « à une conduite librement assumée et à l’exercice de sa responsabilité ».

-       En 1982, la circulaire BAGNOLET fixe de nouvelles orientations sur le fonctionnement du service de santé scolaire qui reste placé sous la responsabilité du ministère de la santé. Elles affirment en priorité le développement de la prévention médicale au profit des élèves scolarisés, au moyen de bilans de santé et d’actions d’éducation à la santé et de suivi de l’hygiène.

-       En 1984, le ministère de l’éducation nationale se voit confier la responsabilité des actions de promotion de la santé. Les infirmières et infirmiers relèvent désormais du ministère de l’éducation nationale, tandis que les médecins scolaires relèvent toujours du ministère de la santé (les médecins scolaires seront intégrés au sein de l’éducation nationale en 1991).



Visite médicale au début du 20ème siècle (delcampe)

-       En 1986, la Charte d’Ottawa actualise la définition de l’organisation mondiale de la santé de 1946. De l’idée de prévention, on en arrive à celle de promotion de la santé, « ressource de la vie quotidienne » qui « a pour but de favoriser la prise en charge par une population de sa propre santé ; elle ne relève donc pas uniquement du secteur sanitaire. Elle invite à adopter des modes de vie stimulants ».

-       Une circulaire de mai 1989 est mise en œuvre au sein des établissements scolaires avec une volonté d’information et de prévention en matière de santé (notamment sur le SIDA), à travers une politique d’éducation à la santé : nouveaux programmes, actions complémentaires et interventions extérieures par « toutes les personnes compétentes ». On peut malheureusement déplorer, avec la parution de nombreux textes pendant les années 1990 (lutte contre le tabac, les drogues, les conduites à risques ou autres), un éparpillement des actions.



Visite médicale dans la salle de classe, tableau d’élocution N°11,  Editions Rossignol-collectionsrossignol.com (collection musée)



De l’éducation à la santé à la promotion de la santé

Toute chose évoluant, une circulaire du ministère de l’éducation nationale du 24 novembre 1998 fixe une mission de promotion à la santé à ce qu’était l’éducation à la santé. La distinction, qui peut paraître subtile, se traduit par une perspective d’éducation globale qui inclut la citoyenneté. Des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) à l’échelon des établissements d’enseignement du second degré sont institués.



Manuel scolaire Hygiène Alimentation Services (HAS), 2012 (collection musée)



La circulaire de l’éducation nationale du 12 janvier 2001 abandonne la notion de service pour privilégier une « mission de promotion de la santé ». Deux autres textes, l’un concernant les médecins, l’autre les infirmiers, redéfinissent leurs missions respectives, les premiers étant rattachés aux inspections académiques, les seconds étant affectés dans les établissements.
Par ailleurs, l’éducation à la santé fait son entrée dans le socle commun de connaissances et de compétences institué par la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005, en apparaissant au titre du pilier 6 « compétences sociales et civiques » (« être éduqué à la sexualité, à la santé et à la sécurité ») et du pilier 7 : « autonomie et initiative ».

Conclusion

Ce bref historique montre les grandes évolutions qu’ont connues les objectifs de la médecine scolaire. On a pu constater des hésitations sur le positionnement de cette dernière, naviguant entre le ministère de la santé et celui de l’éducation nationale. Mais malgré tout, l’exception française a encore frappé au regard de ce qui s’est passé autour de nous : au Portugal, des médecins généralistes effectuent des vacations dans les établissements scolaires ou examinent les élèves en cabinet ; en Espagne, l’éducation à la santé et le suivi médical des élèves ont été transférés aux communautés autonomes ; au Danemark et en Pologne, si les services de santé scolaire intègrent des infirmiers, ce sont des médecins généralistes, des pédiatres et des médecins libéraux qui effectuent des vacations dans les établissements scolaires.
La France, quant à elle, a fait le choix d’une médecine scolaire exercée par des médecins fonctionnaires de l’éducation nationale et même si cela constitue plutôt une singularité à l’échelon européen, cette décision reste dans l’esprit républicain du service public. 

La visite médicale : années 20 - années 50



La visite médicale scolaire à Hénin-Liétard (ville qui n’existe plus depuis sa fusion avec Beaumont-en-Artois en 1971, elle est devenue Hénin-Beaumont), 1920 (Archives départementales du Pas-de-Calais, 8Fid_1743)

La visite médicale scolaire à Hénin-Liétard (ville qui n’existe plus depuis sa fusion avec Beaumont-en-Artois en 1971, elle est devenue Hénin-Beaumont), 1920 (Archives départementales du Pas-de-Calais, 8Fid_1743)

La visite médicale scolaire à Hénin-Liétard (ville qui n’existe plus depuis sa fusion avec Beaumont-en-Artois en 1971, elle est devenue Hénin-Beaumont), 1920 (Archives départementales du Pas-de-Calais, 8Fid_1743)


Visite médicale dans une école parisienne, 1954, la salle d’attente (CANOPE)

Visite médicale dans une école parisienne, 1957, la pesée (CANOPE)

Visite médicale dans une école parisienne, 1957, mesure de la taille (CANOPE)



(1) : En 1791, le Comité de constitution note dans son texte : « Il sera créé et organisé une instruction publique commune à tous les citoyens, gratuite à l’égard des parties indispensables à tous les hommes, et dont les établissements seront distribués graduellement dans un rapport combiné avec la division du royaume ». Le 14 octobre 1791, après diverses péripéties (dont le plan Talleyrand trouvé trop « religieux » dans ses enseignements), un Comité d’instruction publique est créé, on compte parmi ses membres Condorcet qui en sera le principal animateur.



« Catéchisme républicain » sous la Révolution (médiathèque Bar-le-Duc)



Condorcet présente à l’Assemblée législative, les 20 et 21 avril 1792, les propositions du Comité sur l’organisation générale de l’instruction publique : elle sera gratuite et universelle mais cependant non obligatoire : « Toute collection de maisons renfermant quatre cents habitants aura une école et un maître (..) On enseignera dans ces écoles à lire, à écrire, ce qui suppose nécessairement quelques notions grammaticales ; on y adjoindra les règles de l’arithmétique, des méthodes simples de mesurer exactement un terrain, de toiser un édifice (..) le développement des premières idées morales et des règles de conduite qui en dérivent (..) ces diverses instructions seront distribuées en quatre cours, dont chacun doit occuper une année les enfants d’une capacité commune. »
Ce projet n’aboutira pas, il coûte fort cher en effet et la conjoncture ne s’y prête pas (entrée en guerre contre l’Autriche, arrestation de Louis XVI, l’Assemblée législative devient Convention le 20 septembre 1792).

La Convention reprend alors le flambeau en décembre en nommant son propre Comité d’instruction publique de 24 membres qui se donnent comme priorité l’instruction primaire : « Les écoles primaires formeront le premier degré d’instruction. On y enseignera les connaissances  rigoureusement nécessaires à tous les citoyens. Les personnes chargées  de l’enseignement dans ces écoles s’appelleront Instituteurs ».



Recueil de 104 pages « Alphabet constitutionnel, éditeur Chez Charbonnier, Paris, an II de la République  (gallica.bnf.fr)



Une nouvelle fois, les événements en décideront autrement et feront ajourner les décisions (exécution de Louis XVI le 21 janvier 1793, institution du Comité de salut public en avril, influence nouvelle des Montagnards, assassinat de Marat). Il faudra attendre le vote de la Convention en brumaire an II (octobre 1793) pour voir naître la première législation de l’instruction primaire.




P.P

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