La visite médicale à l’école
Montrez-moi
vos mains !
Si
les premières préoccupations en matière de médecine scolaire apparaissent
pendant la période révolutionnaire, c’est uniquement en matière d’hygiène. En
effet, en 1793, trois représentants du peuple : Sieyes, Lakanal et Daunou,
présentent un projet de décret à la Convention sur la santé des enfants
scolarisés.
De
l’hygiène à la prévention
Est-il utile de rappeler que
la Constituante, quelques temps plus tôt, le 20 et 21 avril 1790, avait
proclamé l’Instruction Publique pour le peuple ? (1). Le développement de
l’esprit n’est pas tout pour la toute nouvelle Révolution, on doit aussi
veiller à la santé du corps. C’est ainsi que le terme d’ « inspection
médicale scolaire » apparaît dans le projet d’éducation Lakanal, soumis à
la Convention nationale le 26 juin : « Art
27 : un officier de santé du
district est chargé par le bureau d’inspection de visiter dans les quatre
saisons de l’année, toutes les écoles nationales du district. Il examine les
enfants et indique, en général et en particulier, les règles les plus propres à
fortifier leur santé ».
La médecine scolaire se
structurera et évoluera à partir du dix-neuvième siècle :
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Sous Napoléon 1er, les préfets organisent des
visites des collèges et des lycées afin de contrôler si la santé des élèves y
est correctement assurée.
-
En 1833, la loi GUIZOT confie à un comité
communal la mission de veiller à la salubrité des écoles publiques et privées.
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Sous la Troisième République, avec les lois
FERRY, l’hygiène entre définitivement à l’école. La loi de 1886 institue une
inspection médicale scolaire dans l’enseignement primaire, mise en œuvre par
les collectivités locales. On diffuse à travers l’école, une instruction sur la
santé et sur l’hygiène en direction des familles pour prévenir notamment les maladies
contagieuses.
-
En 1928, Edouard HERRIOT, alors ministre de
l’instruction publique, dépose un projet de loi destiné à rendre obligatoire un
contrôle médical pour tous les élèves au moyen d’un service spécifique.
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En 1930, des crédits sont ouverts à cet effet
au sein du budget du ministère de la santé publique, nouvellement créé.
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En 1934, la Chambre des députés adopte le
principe d’une inspection médicale scolaire, sans toutefois lui donner des
moyens. L’initiative reste aux municipalités intéressées par le sujet. Des bureaux
« d’hygiène » apparaissent alors dans les grandes villes seulement.
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En 1945, une ordonnance pose les bases d’un «
service national d’hygiène scolaire et universitaire » relevant du ministère de
l’éducation nationale, que les conditions d’après-guerre (malnutrition, maladies
infectieuses) rendent indispensable. Le décret d’application de 1946 précise
que le budget nécessaire sera alimenté par les collectivités publiques (Etat,
départements et communes).
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Entre 1945 et 1947, les modalités de
recrutement et les tâches du personnel de santé (médecins et « adjointes
d’hygiène scolaire ») sont cadrées. La construction de centres médico-sociaux
(CMS) est obligatoire dans les villes de plus de 5 000 habitants. Les visites
médicales des scolaires s’organisent et sont placées sous la responsabilité des
inspections académiques, services départementaux de l’éducation nationale.
-
En 1954, les services d’hygiène scolaire
créés en 1945 deviennent « services de santé scolaire et universitaire », les
objectifs de la médecine scolaire, du fait de l’amélioration de l’état
sanitaire du pays, évoluent en devenant préventifs.
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A la fin des années 1950, les problèmes
individuels d’adaptation et d’échec scolaire prennent le pas sur l’état
sanitaire de la population.
De la prévention à
l’éducation à la santé
Au début des années 60, le
service de santé scolaire est transféré au ministère de la santé, ce qui
n’empêche toutefois pas l’éducation nationale de s’investir dans l’éducation à
la santé.
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En 1973, la circulaire FONTANET fait entrer à
l’école l’information et l’éducation sexuelle. La priorité est de sensibiliser
les élèves « à une conduite librement
assumée et à l’exercice de sa responsabilité ».
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En 1982, la circulaire BAGNOLET fixe de
nouvelles orientations sur le fonctionnement du service de santé scolaire qui reste
placé sous la responsabilité du ministère de la santé. Elles affirment en
priorité le développement de la prévention médicale au profit des élèves
scolarisés, au moyen de bilans de santé et d’actions d’éducation à la santé et
de suivi de l’hygiène.
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En 1984, le ministère de l’éducation
nationale se voit confier la responsabilité des actions de promotion de la
santé. Les infirmières et infirmiers relèvent désormais du ministère de
l’éducation nationale, tandis que les médecins scolaires relèvent toujours du
ministère de la santé (les médecins scolaires seront intégrés au sein de
l’éducation nationale en 1991).
-
En 1986, la Charte d’Ottawa actualise la
définition de l’organisation mondiale de la santé de 1946. De l’idée de
prévention, on en arrive à celle de promotion de la santé, « ressource de la vie quotidienne » qui « a pour but de favoriser la prise en charge par une population de sa
propre santé ; elle ne relève donc pas uniquement du secteur sanitaire. Elle
invite à adopter des modes de vie stimulants ».
-
Une circulaire de mai 1989 est mise en œuvre
au sein des établissements scolaires avec une volonté d’information et de
prévention en matière de santé (notamment sur le SIDA), à travers une politique
d’éducation à la santé : nouveaux programmes, actions complémentaires et interventions
extérieures par « toutes les personnes
compétentes ». On peut malheureusement déplorer, avec la parution de nombreux
textes pendant les années 1990 (lutte contre le tabac, les drogues, les
conduites à risques ou autres), un éparpillement des actions.
De l’éducation à la santé à
la promotion de la santé
Toute chose évoluant, une
circulaire du ministère de l’éducation nationale du 24 novembre 1998 fixe une
mission de promotion à la santé à ce qu’était l’éducation à la santé. La
distinction, qui peut paraître subtile, se traduit par une perspective
d’éducation globale qui inclut la citoyenneté. Des comités d’éducation à la
santé et à la citoyenneté (CESC) à l’échelon des établissements d’enseignement
du second degré sont institués.
La circulaire de l’éducation
nationale du 12 janvier 2001 abandonne la notion de service pour privilégier
une « mission de promotion de la santé ». Deux autres textes, l’un concernant
les médecins, l’autre les infirmiers, redéfinissent leurs missions respectives,
les premiers étant rattachés aux inspections académiques, les seconds étant
affectés dans les établissements.
Par ailleurs, l’éducation à
la santé fait son entrée dans le socle commun de connaissances et de
compétences institué par la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de
l’école du 23 avril 2005, en apparaissant au titre du pilier 6 « compétences
sociales et civiques » (« être éduqué à
la sexualité, à la santé et à la sécurité ») et du pilier 7 : « autonomie
et initiative ».
Conclusion
Ce bref historique montre
les grandes évolutions qu’ont connues les objectifs de la médecine scolaire. On
a pu constater des hésitations sur le positionnement de cette dernière,
naviguant entre le ministère de la santé et celui de l’éducation nationale. Mais
malgré tout, l’exception française a encore frappé au regard de ce qui s’est
passé autour de nous : au Portugal, des médecins généralistes effectuent
des vacations dans les établissements scolaires ou examinent les élèves en
cabinet ; en Espagne, l’éducation à la santé et le suivi médical des élèves ont
été transférés aux communautés autonomes ; au Danemark et en Pologne, si les
services de santé scolaire intègrent des infirmiers, ce sont des médecins
généralistes, des pédiatres et des médecins libéraux qui effectuent des
vacations dans les établissements scolaires.
La France, quant à elle, a
fait le choix d’une médecine scolaire exercée par des médecins fonctionnaires
de l’éducation nationale et même si cela constitue plutôt une singularité à
l’échelon européen, cette décision reste dans l’esprit républicain du service
public.
La
visite médicale : années 20 - années 50
(1) : En
1791, le Comité de constitution note dans son texte : « Il sera créé et organisé une instruction
publique commune à tous les citoyens, gratuite à l’égard des parties
indispensables à tous les hommes, et dont les établissements seront distribués
graduellement dans un rapport combiné avec la division du royaume ». Le 14 octobre 1791, après diverses
péripéties (dont le plan Talleyrand trouvé trop « religieux » dans
ses enseignements), un Comité d’instruction publique est créé, on compte parmi
ses membres Condorcet qui en sera le principal animateur.
Condorcet présente à
l’Assemblée législative, les 20 et 21 avril 1792, les propositions du Comité
sur l’organisation générale de l’instruction publique : elle sera gratuite
et universelle mais cependant non obligatoire : « Toute collection de maisons
renfermant quatre cents habitants aura une école et un maître (..) On enseignera
dans ces écoles à lire, à écrire, ce qui suppose nécessairement quelques notions
grammaticales ; on y adjoindra les règles de l’arithmétique, des méthodes
simples de mesurer exactement un terrain, de toiser un édifice (..) le
développement des premières idées morales et des règles de conduite qui en
dérivent (..) ces diverses instructions seront distribuées en quatre cours,
dont chacun doit occuper une année les enfants d’une capacité commune. »
Ce projet n’aboutira pas, il
coûte fort cher en effet et la conjoncture ne s’y prête pas (entrée en guerre
contre l’Autriche, arrestation de Louis XVI, l’Assemblée législative devient
Convention le 20 septembre 1792).
La Convention reprend alors
le flambeau en décembre en nommant son propre Comité d’instruction publique de
24 membres qui se donnent comme priorité l’instruction primaire : « Les écoles primaires formeront le
premier degré d’instruction. On y enseignera les connaissances rigoureusement nécessaires à tous les
citoyens. Les personnes chargées de
l’enseignement dans ces écoles s’appelleront Instituteurs ».
Une nouvelle fois, les
événements en décideront autrement et feront ajourner les décisions (exécution
de Louis XVI le 21 janvier 1793, institution du Comité de salut public en
avril, influence nouvelle des Montagnards, assassinat de Marat). Il faudra
attendre le vote de la Convention en brumaire an II (octobre 1793) pour voir
naître la première législation de l’instruction primaire.
P.P
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