Connaissez-vous
le nardigraphe ?
Pour
une pédagogie inventive
C’est en 1930 que fut publiée la brochure « Nos
techniques d’illustration » par les Editions de l’Imprimerie à l’Ecole, reprise
en 1949 (1). Dans cet ouvrage étaient
rassemblées toutes les techniques découvertes et testées par les adeptes de la
pédagogie Freinet concernant la décoration des journaux scolaires et des livres
de vie, mais aussi la reproduction de cartes de géographie. Un des outils
préconisés était le nardigraphe du nom de son inventeur.
Si
les Instructions de 1923 avaient ouvert, bien que timidement, la voie d’une
pédagogie plus centrée sur l’apprenant, les tenants de l’Ecole Nouvelle, quant
à eux entendaient bien développer le sens artistique et créateur de leurs
élèves. L’utilisation de l’imprimerie et l’introduction du texte libre ne
pourraient dès lors pas se passer longtemps d’une illustration qui égaierait les
productions.
Dès
les années 30, les diverses techniques d’illustration ont été soumises à
l’« épreuve du feu » dans les milliers de laboratoires que furent la
C.E.L (Coopérative de l’Enseignement Laïc) des écoles Freinet de France et de
l'étranger ainsi que plus tard l’ICEM (Institut Coopératif de l’Ecole
Moderne).
Les
bricoleurs « spécialisés » que sont les instituteurs firent une
nouvelle fois preuve d’imagination, découvrant de nouvelles techniques ou
améliorant les anciennes. Les observations que nous allons faire prennent appui
sur les journaux scolaires (qui feront l’objet d’un prochain article de fond),
sur les livres de vie et sur tous autres documents « polygraphiés »
consultables dans nos collections.
Trois
moyens d’illustrations eurent leur heure de gloire : le limographe, la
pierre humide et, moins connu, le nardigraphe. Le premier, un outil très
simple, fit l’objet d’une publication de la CEL, le n° 31 de la collection des Brochures d’Education Nouvelle Populaire,
un pensum complet sur sa construction, son fonctionnement et son utilisation.
La
pierre humide, simple d’utilisation, était à la portée des enfants. Elle
présentait l’avantage de produire des tirages en couleurs par l’emploi d’encres
diverses. Ces tirages, avec la pâte à polycopie, étaient malheureusement
limités à une quarantaine d’exemplaires donc inappropriés aux classes à gros
effectifs ni à la confection des journaux scolaires.
Le nardigraphe
Plus
élaboré que les deux précédents outils, le nardigraphe, bien utilisé, donne des
résultats parfaits. Sa manœuvre, plus délicate et minutieuse, n’est pas à la
portée de tous les élèves malgré son apparente simplicité. Il n’est en effet
composé que d’une plaque de verre épais finement dépolie sur une face, d’un
socle, d’un couvercle et d’un encadrement de réglettes clouées sur le socle.
M.
Nardi, l’inventeur :
Le
nardigraphe du musée, du nom de son inventeur, est un modèle daté de 1948 et
fabriqué par les établissements Nardi, 7 rue Marius Marnata à Toulon (83). Les
modèles précédents furent largement utilisés dans les années 30 dans les écoles
Freinet pour produire les journaux scolaires.
Freinet,
qui éditait le journal scolaire Le Gerbe,
recherchait depuis longtemps un procédé de reproduction à grand tirage. Il fit
connaissance avec un appareil de reproduction par sensibilisation d’une plaque
de verre : le nardigraphe et en fit la promotion. Cet appareil moins cher
qu’une imprimerie pouvait en effet, être acheté par les écoles pauvres qui
pourraient ainsi, peu à peu, s’intégrer au mouvement en attendant d’acheter
l’outil idéal : l’imprimerie.
Comment
utilisait-on le nardigraphe :
Une
copieuse brochure de 30 pages, imprimée avec le procédé
« nardigraphe » bien sûr, accompagne l’appareil. Elle détaille, avec
force schémas, son utilisation et ses performances. Une version
semi-automatique du nardigraphe fait même l’objet d’une attention particulière…
Ancêtre
du photocopieur, le nardigraphe développa des fonctions nouvelles avec le
temps, notamment : la « nardexgraphie » qui permettait la
reproduction de presque tous les textes imprimés et la
« photonardigraphie » qui permettait la reproduction de
photographies. Le modèle 1947 présenté au musée permettait, quant à lui, de
reproduire des textes dactylographiés sur stencils grâce à l’emploi du carton
autographique :
Vous
aurez compris que la société Nardi préconisait l’emploi de « STENCILS NARDIGRAPHE ». Elle commercialisait en effet
toutes sortes de dérivés nécessaires au fonctionnement de l’appareil :
carton, papiers, encre, correcteur…
Clin
d’œil de l’histoire : au 7 rue de Marnata, à Toulon, l’immeuble « le
Nardigraphe » abrite de nos jours, une société de dépannage
informatique !
(1) :
Préface de la brochure :
« La technique de l'Imprimerie à l'Ecole
a dû se constituer d’après des procédés et avec un matériel originaux, qui
n'ont que de lointains rapports avec la technique typographique actuelle. Nous
avons dû, de même, étudier, découvrir et expérimenter des techniques
d'illustrations qui nous permettent d'embellir et d'enrichir nos imprimés par
des moyens d'une simplicité enfantine et avec un matériel plus que
rudimentaire, à la portée de nos écoles les plus pauvres. Avons-nous atteint
notre but ? En partie, certainement - l'originalité moyenâgeuse de nos
publications en est la preuve évidente. Mais en partie, seulement !
Cette
brochure, recueil des divers articles publiés dans notre bulletin et mis à
jour, apportera à tous nos adhérents, et aux nombreux camarades qui, chaque
mois, se joignent à nous, toutes les indications et précisions actuellement
possibles. Mais nous ne voudrions pas que cette publication marquât un arrêt
des recherches dans ce sens. Cette brochure n'est qu'une étape. Par les efforts
de tous, nous améliorerons encore nos techniques. Nous souhaitons que cet
opuscule vous guide et vous encourage dans vos recherches. »
P.P
Pour moi, c'est une découverte. J'ai utilisé en son temps la "Pierre humide",le "Limographe" et bien entendu la casse d'imprimerie classique, mais je n'avais jamais entendu parler du "Nardigraphe". Bien intéressant.
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