samedi 28 mars 2020

Pierre humide, limographe et nardigraphe



Connaissez-vous le nardigraphe ?

Carte postale publicitaire réalisée au nardigraphe, date inconnue (collection musée)


Pour une pédagogie inventive


C’est en 1930 que fut publiée la brochure « Nos techniques d’illustration » par les Editions de l’Imprimerie à l’Ecole, reprise en 1949 (1). Dans cet ouvrage étaient rassemblées toutes les techniques découvertes et testées par les adeptes de la pédagogie Freinet concernant la décoration des journaux scolaires et des livres de vie, mais aussi la reproduction de cartes de géographie. Un des outils préconisés était le nardigraphe du nom de son inventeur. 





Si les Instructions de 1923 avaient ouvert, bien que timidement, la voie d’une pédagogie plus centrée sur l’apprenant, les tenants de l’Ecole Nouvelle, quant à eux entendaient bien développer le sens artistique et créateur de leurs élèves. L’utilisation de l’imprimerie et l’introduction du texte libre ne pourraient dès lors pas se passer longtemps d’une illustration qui égaierait les productions.

Dès les années 30, les diverses techniques d’illustration ont été soumises à l’« épreuve du feu » dans les milliers de laboratoires que furent la C.E.L (Coopérative de l’Enseignement Laïc) des écoles Freinet de France et de l'étranger ainsi que plus tard l’ICEM (Institut Coopératif de l’Ecole Moderne).

Les bricoleurs « spécialisés » que sont les instituteurs firent une nouvelle fois preuve d’imagination, découvrant de nouvelles techniques ou améliorant les anciennes. Les observations que nous allons faire prennent appui sur les journaux scolaires (qui feront l’objet d’un prochain article de fond), sur les livres de vie et sur tous autres documents « polygraphiés » consultables dans nos collections.



Le limographe Eyquem (collection musée)



Trois moyens d’illustrations eurent leur heure de gloire : le limographe, la pierre humide et, moins connu, le nardigraphe. Le premier, un outil très simple, fit l’objet d’une publication de la CEL, le n° 31 de la collection des Brochures d’Education Nouvelle Populaire, un pensum complet sur sa construction, son fonctionnement et son utilisation.



Extrait de Le Limographe à l’Ecole Moderne, Célestin Freinet (collection musée)

Extrait de Le Limographe à l’Ecole Moderne, Célestin Freinet (collection musée)

Dessin au limographe, détail journal scolaire (collection privée)




La pierre humide, simple d’utilisation, était à la portée des enfants. Elle présentait l’avantage de produire des tirages en couleurs par l’emploi d’encres diverses. Ces tirages, avec la pâte à polycopie, étaient malheureusement limités à une quarantaine d’exemplaires donc inappropriés aux classes à gros effectifs ni à la confection des journaux scolaires.


Pierre humide à reproduire, marque Au Cygne (collection musée)

Pierre humide à reproduire, marque Au Cygne (collection musée)



Le nardigraphe

Plus élaboré que les deux précédents outils, le nardigraphe, bien utilisé, donne des résultats parfaits. Sa manœuvre, plus délicate et minutieuse, n’est pas à la portée de tous les élèves malgré son apparente simplicité. Il n’est en effet composé que d’une plaque de verre épais finement dépolie sur une face, d’un socle, d’un couvercle et d’un encadrement de réglettes clouées sur le socle.



Nardigraphe, édition 1909 (PicClick.fr)



M. Nardi, l’inventeur :

Le nardigraphe du musée, du nom de son inventeur, est un modèle daté de 1948 et fabriqué par les établissements Nardi, 7 rue Marius Marnata à Toulon (83). Les modèles précédents furent largement utilisés dans les années 30 dans les écoles Freinet pour produire les journaux scolaires.



Album publicitaire Nardi expliquant l’historique de l’invention (musée de la vitrographie)


Enveloppe à remplir des Établissements Nardi, tiré au nardigraphe (musée de la vitrographie)


Publicité des établissements Nardi, années 50, dans une revue syndicale (collection musée)



Freinet, qui éditait le journal scolaire Le Gerbe, recherchait depuis longtemps un procédé de reproduction à grand tirage. Il fit connaissance avec un appareil de reproduction par sensibilisation d’une plaque de verre : le nardigraphe et en fit la promotion. Cet appareil moins cher qu’une imprimerie pouvait en effet, être acheté par les écoles pauvres qui pourraient ainsi, peu à peu, s’intégrer au mouvement en attendant d’acheter l’outil idéal : l’imprimerie.



(icem-pedagogie-freinet.org)


(icem-pedagogie-freinet.org)



Comment utilisait-on le nardigraphe :

Une copieuse brochure de 30 pages, imprimée avec le procédé « nardigraphe » bien sûr, accompagne l’appareil. Elle détaille, avec force schémas, son utilisation et ses performances. Une version semi-automatique du nardigraphe fait même l’objet d’une attention particulière…



11ème édition de la brochure Mode d’Emploi du Nardigraphe (collection musée)


Mode d’emploi supplémentaire du NARDIGRAPHE SEMI-AUTOMATIQUE, page 1 (collection musée)


Mode d’emploi supplémentaire du NARDIGRAPHE SEMI-AUTOMATIQUE, page 2 (collection musée)


Mode d’emploi supplémentaire du NARDIGRAPHE SEMI-AUTOMATIQUE, page 3 (collection musée)


Mode d’emploi supplémentaire du NARDIGRAPHE SEMI-AUTOMATIQUE, page 4 (collection musée)



Ancêtre du photocopieur, le nardigraphe développa des fonctions nouvelles avec le temps, notamment : la « nardexgraphie » qui permettait la reproduction de presque tous les textes imprimés et la « photonardigraphie » qui permettait la reproduction de photographies. Le modèle 1947 présenté au musée permettait, quant à lui, de reproduire des textes dactylographiés sur stencils grâce à l’emploi du carton autographique :


Indications pour l’emploi du carton autographique, détail, 1947 (collection musée)



Vous aurez compris que la société Nardi préconisait l’emploi de « STENCILS NARDIGRAPHE ». Elle commercialisait en effet toutes sortes de dérivés nécessaires au fonctionnement de l’appareil : carton, papiers, encre, correcteur…

Clin d’œil de l’histoire : au 7 rue de Marnata, à Toulon, l’immeuble « le Nardigraphe » abrite de nos jours, une société de dépannage informatique !








(1)  :



Bibliothèque d’éducation nouvelle populaire, N°45 – avril-mai 1949, TECHNIQUES D’ILLUSTRATION, Editions de l’Ecole Moderne Française (ICEM)



Préface de la brochure :

 « La technique de l'Imprimerie à l'Ecole a dû se constituer d’après des procédés et avec un matériel originaux, qui n'ont que de lointains rapports avec la technique typographique actuelle. Nous avons dû, de même, étudier, découvrir et expérimenter des techniques d'illustrations qui nous permettent d'embellir et d'enrichir nos imprimés par des moyens d'une simplicité enfantine et avec un matériel plus que rudimentaire, à la portée de nos écoles les plus pauvres. Avons-nous atteint notre but ? En partie, certainement - l'originalité moyenâgeuse de nos publications en est la preuve évidente. Mais en partie, seulement !

 Cette brochure, recueil des divers articles publiés dans notre bulletin et mis à jour, apportera à tous nos adhérents, et aux nombreux camarades qui, chaque mois, se joignent à nous, toutes les indications et précisions actuellement possibles. Mais nous ne voudrions pas que cette publication marquât un arrêt des recherches dans ce sens. Cette brochure n'est qu'une étape. Par les efforts de tous, nous améliorerons encore nos techniques. Nous souhaitons que cet opuscule vous guide et vous encourage dans vos recherches. »

 P.P

1 commentaire:

  1. Pour moi, c'est une découverte. J'ai utilisé en son temps la "Pierre humide",le "Limographe" et bien entendu la casse d'imprimerie classique, mais je n'avais jamais entendu parler du "Nardigraphe". Bien intéressant.

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