Naissance
de l’école communale
de Gourdon (71)
Projet d’une école de hameau à la
Beluze, élévation postérieure, dessin de M. G. Rotival, architecte, 1887, approuvé
et paraphé par le Préfet à Mâcon le 24 janvier 1889 (collection musée)
Une école
communale à Gourdon avant 1850 ?
La présence de
François Bourgogne, instituteur public à Gourdon est avérée au moins depuis
1832 (Voir article précédent). Etant donnée sa nomination
« officielle », bien que provisoire par les autorités académiques, il
devait vraisemblablement exercer dans un local communal et être rétribué, en
partie du moins, par la commune. Mais dans quel lieu ?
Le contexte
historique
Les Trois Glorieuses, la révolte parisienne
de juillet 1830, l’abdication de Charles X et l’arrivée de Louis-Philippe 1er
scellent l’avènement d’un régime nouveau : la Monarchie de Juillet. Il est
fondé sur la Charte, pacte entre la nation et le roi. Le drapeau tricolore est
définitivement adopté et, fait qui aura son importance dans le développement du
système scolaire, le catholicisme n’est plus religion d’Etat.
Ces nouveaux « libéraux » à
l’esprit voltairien gardent le souvenir vif des persécutions infligées par
l’Eglise aux écoles mutuelles et contestent ouvertement les écoles
congréganistes. Victor de Broglie, ministre de l’Instruction publique et des
cultes, diminue les subventions allouées à ces dernières. On assiste, dans de
nombreuses régions, à un abandon par les conseils municipaux des subventions
aux écoles des Frères (octroyées par la Restauration) et à un soutien de ces
mêmes conseils aux écoles communales laïques. Le régime reste cependant attaché
à la liberté d’enseignement et toutes les lois scolaires nouvelles proposées
par la Charte seront repoussées jusqu’au décès de Casimir Perrier et la nomination
de Guizot.
François Guizot partage les idées libérales
mais, en chrétien convaincu que la religion « est
encore plus nécessaire au salut de l’homme que l’Etat », il entend
bien fonder l’instruction primaire sur l’action prépondérante et unie de l’Etat
et de l’Eglise… Il rétablit de facto les subventions à l’Institut des Frères en
1833 et exempte les maîtres-adjoints des congréganistes de l’obligation du
brevet.
Malgré tout, homme de compromis, Guizot, dans
la loi du 28 juin 1833, mêlera esprit libéral et esprit chrétien dans un projet
important de structuration de l’instruction primaire (1). Si la loi institue
un traitement fixe minimum de 200 francs mensuels pour les instituteurs, cette
rétribution reste cependant au bon vouloir des conseils municipaux qui sont
plus prompts à dresser la liste des indigents admis gratuitement à l’école. Les
enseignants, pour vivre sont souvent dans l’obligation d’exercer d’autres
fonctions, notamment le secrétariat de mairie ou être le chantre de la
paroisse.
La loi impose aux communes la charge du local
de l’école (qui sera le plus souvent en mauvais état) mais n’impose pas la
fourniture du mobilier scolaire qui reste à la charge de l’instituteur. Le
maître reste mal considéré et vu comme un employé de la commune au même titre
que le garde-champêtre. De plus les prêtres sont souvent hostiles à leur implantation
et souhaitent plutôt l’arrivée de frères et de sœurs pour une école, annexe de
l’église, qui prônerait l’enseignement de la religion.
Il semble que François Bourgogne et ses
successeurs aient bien bénéficié d’un local loué par la commune, il s’agissait
d’une petite habitation située à l’est du bourg. On note à ce sujet, le
renouvellement d’un bail, après délibération, le 3 août 1854, de la dite habitation appartenant au sieur
Jean-Marie Lagrange au motif suivant « en
attendant que l’autorité supérieure eût statué sur celle que la commune a
acquise du sieur Jean Charolais et qu’elle soit appropriée à sa
destination ». L’inspecteur primaire de Chalon donna son avis dans une
lettre en date du 25 octobre 1854, exprimant quelques réserves, le bâtiment
étant « loin d’être
convenable ».
Auparavant, un projet de construction d’une
maison commune avait bien été envisagé sur un terrain en contre-bas de la
« maison Lagrange ». Le lot envisagé par l’architecte désigné
comprenait une construction ainsi qu’une vaste cour. Aucune suite ne fut donnée
à ce projet.
Quoi qu’il en soit, l’acquisition de la
« maison Charollais » eut lieu le 20 août 1855 « par-devant maître Nicolas Rozier, notaire à
Mont-Saint-Vincent ». L’acte fut signé pour la commune par le maire
Emiland Boucansaud, autorisé par décret impérial du 14 juillet 1855 (2). Il
ne restait plus que la propriété ne soit « appropriée
à sa destination ». On confia à M. Bonnet le soin d’élaborer les plans
et les devis nécessaires. L’estimation fut rude : aux 2850 francs de
l’acquisition vint s’ajouter un estimatif de 6350 francs pour l’« appropriation ».
A cette époque, le bâtiment devint donc « mairie-école géminées »
(garçons et filles mélangés), en 1881, il deviendra « mairie-école de
garçons » (les filles furent provisoirement installées ailleurs, mystère
pour la période 1881-1886) pour finir « mairie-écoles géminées » en
1889 (garçons et filles séparés).
Dans les faits, les réalisations
s’échelonnèrent de la manière suivante :
-
1855 :
acquisition de la « maison Charollais » pour 2850 francs
-
1862 :
appropriation du bâtiment (aile nord) pour 5401 francs
-
1880 :
exhaussement de l’étage pour 2707 francs
-
1889 :
agrandissement du bâtiment (aile est) pour 5420 francs
-
1894 :
construction d’un puits dans le jardin des écoles (pointe orientale de la
parcelle).
Les travaux de la construction de l’école de
filles (aile est) avaient été confiés à l’architecte Rotival de Charolles et à
l’entrepreneur Bousquet de Génelard qui avaient été mandatés entre temps par la
commune pour la construction de l’école du hameau de la Beluze. L’extension de
l’aile est a été approuvée en conseil municipal le 15 août 1888. Avant
l’ouverture de cette nouvelle école de filles, la commune avait loué une maison
à Mme veuve Prébolin, de Montchanin, au prix de 150 francs annuels. Il
s’agissait d’ « une maison
destinée à servir d’école de filles et de logement à l’institutrice, située au
bourg de Gourdon, joignant au Nord et à l’Ouest des bâtiments à Monsieur
Boucansaud, au Midi et à l’Est une place communale, composée : 1) d’un
rez-de-chaussée comprenant une grande salle, une chambre de four et la cage
d’escalier de l’étage, 2) de trois pièces à l’étage et d’une cave sous le
rez-de-chaussée, avec toutes leurs aisances et dépendances, le bail devant
commencer le 11 novembre 1886 ». (AD71-Gourdon-comptabilité)
Avec le temps, la chute des effectifs amena
les autorités à ne conserver qu’une classe unique dans les années 20. Le
développement de l’école de la Beluze entraîna un regroupement des effectifs et
la fermeture définitive de l’école du bourg fut actée au milieu des années 60.
L’école du hameau de
la Beluze
Si les enfants gourdonnais des hameaux les
plus proches de Mont-Saint-Vincent (les Perrons, les Griveaux, Mont-Martin)
fréquentent l’école de ce haut lieu, les parents des enfants des hameaux des
Gris, de Serprix, des Bois-Francs et de la Beluze demandent quant à eux
l’ouverture d’une école pour les « gens du bas ». En effet, au
recensement de 1856, on constate qu’une bonne partie de la population de
Gourdon est implantée à proximité de Montceau-les-Mines donc dans les hameaux
précités.
Ce fut sous les mandatures du maire Claude
Juredieu (1876-1891) que le projet d’une école mixte au hameau de la Beluze se
concrétisa. Un accord de principe fut donné par le conseil municipal dans une
délibération du 4 février 1883 mais l’autorisation préfectorale ne sera
délivrée que le 15 janvier 1886. L’opération consistait en une acquisition de
terrains suivie d’une construction de locaux. Dès l’accord de la préfecture, un
acte de vente fut signé le 19 février 1886 entre Madame de la Serraz, demeurant
à Chambéry, propriétaire et la commune de Gourdon.
Durant la période 1883-1890 (entre l’avis
positif du conseil municipal et la mise à disposition du bâtiment neuf), une
maison a dû vraisemblablement être louée pour accueillir provisoirement une
école au hameau de la Beluze, un bail étant intervenu entre la commune et un
particulier. On notera également les démarches entreprises par le maire
Juredieu auprès de ses collègues de Blanzy et de Saint-Vallier visant à obtenir
d’eux une participation financière pour l’implantation de l’école de la Beluze
qui couvrait des hameaux communs, notamment les Bois-Francs (Saint-Vallier) et
Beauregard (Blanzy). La commune de Gourdon essuya un refus catégorique.
Ce fut Monsieur Rotival, architecte à
Charolles, qui fut saisi des travaux. La fin du chantier fut approuvée par une
délibération municipale en date du 11 mai 1890 et la somme de 11 031,67 francs fut réglée aux entrepreneurs Chauveau
de Saint-Marcellin-de-Cray et Bousquet de Génelard.
L’histoire
de la création de l’école de Beluze ne s’arrête pas là. En effet, en 1891, un
litige apparaît entre la commune de Gourdon et l’administration : « Un différend oppose la municipalité à
l’administration au sujet de l’emplacement des lieux d’aisances ; celui-ci
a été modifié par rapport aux plans prévus et approuvés ; le Conseil des
bâtiments civils exige leur rétablissement à la distance réglementaire sous
peine de suspendre la subvention de l’Etat ; le député expose au préfet
que cette question risque d’entraîner la démission du conseil municipal
républicain et le triomphe des réactionnaires ! Un sénateur interviendra à
son tour. » (Alain Dessertenne,
voir https://adessertenne.pagesperso-orange.fr/, Ecoles communales)
En
1941, devant l’augmentation des effectifs, une deuxième classe sera créée. En
1993, une classe maternelle est adjointe à l’école qui comptera désormais 3
classes. Enfin, à la rentrée 2019, une quatrième classe a vu le jour.
(1) :
Statuts de l’école
1834
« L’instruction
primaire devient élémentaire ou supérieure ; elle est ou privée ou
publique.
Les
communes sont tenues d’entretenir au moins une école primaire élémentaire. Tout
département est tenu d’entretenir une école normale primaire.
Il doit
être fourni à tout instituteur un local, tant pour lui servir d’habitation, que
pour recevoir les élèves et un traitement fixe d’au moins deux cents francs. En
plus du traitement fixe, l’instituteur doit recevoir une rétribution mensuelle
dont le taux est réglé par le conseil
municipal. Les élèves désignés par les conseils municipaux dont les familles ne
peuvent payer aucune rétribution sont admis gratuitement. »
La loi donne une totale liberté (autorisation
d’ouverture et méthode) aux instituteurs privés et protège la situation des
instituteurs publiques : elle charge les conseils municipaux de proposer
un instituteur mais après avis du comité local et décision du comité d’arrondissement.
Rien n’est prévu dans cette loi pour l’instruction des filles. Il faudra
attendre 1836 pour qu’elles soient prises en compte.
(2) : « L’acte de
vente de la « maison Charollais » précise l’origine de la propriété
qui était indivise entre Jean Charollais, père, demeurant à Marigny, et ses
enfants. L’immeuble était un bien de communauté acquis par Jean Charollais et
Antoinette Duran, son épouse, les 10 et 20 avril 1836 (actes notariés signés en
l’étude Rozier de Mont-Saint-Vincent), de Philippe Trotot et de Marie Tremeau,
leur père et mère, grand-père et grand-mère, et ces derniers, « à leur
décès, en étaient propriétaires de temps immémorial ». Le domaine de 8
ares et 5 centiares comprenait : 1) un bâtiment construit en pierre et
couvert de tuiles, composé de deux chambres en rez-de-chaussée, dont une à feu,
cave dessous et grenier dessus ; 2) deux petites écuries de même
construction établies en appentis aux deux extrémités du bâtiment
ci-dessus ; 3) une petite terre au Midi, et attenant au bâtiment. » (Archives sid71)
Sources :
-
Archives sid71 5fi222
23493 a. Archives sid71 5fi222
23494 a. Archives sid71 5fi222
23495 a. Archives sid71 5fi222
23496 a. Archives ad71 13fi
164 1550.
-
Archives Départementales 71 : série O et série T.
-
Archives musée de la Maison d’Ecole.
-
Alain
Dessertenne, site perso https://adessertenne.pagesperso-orange.fr/,
Ecoles communales.
-
Le-temps-des-instituteurs.fr :
statuts de l’école 1834.
P .P
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