1900 la tuberculose : péril national
Ou
comment éviter le contact a vaincu la maladie
Le confinement fut la solution, il le reste aujourd'hui !
Voilà un fléau dont on ne parle plus guère,
mais qui, cependant, a mis en émoi le milieu scolaire pendant plus d’un demi-siècle.
Responsable de la mort de plus de 150 000
personnes annuellement en France, la tuberculose, en 1902, est devenue un péril
national et le Ministre de l'Instruction publique prescrit les mesures à
prendre dans les établissements d'enseignement quant à la contagion.
La Grande Guerre s’accompagne d’une recrudescence de la maladie. De 1906 à 1918, la France passe du
cinquième au deuxième rang des pays exposés à la mortalité due à ce fléau.
Il importait cependant de promouvoir une bonne hygiène individuelle, la salubrité du milieu scolaire, voire domestique, d’assurer l’éloignement des malades atteints de « lésions contagieuses de tuberculose », qu’ils fussent des élèves, des enseignants ou des personnels des écoles. L’éviction des maîtresses et des maîtres était prévue jusqu’à guérison prouvée par examen médical. Une affiche devait être apposée à un mur de l’école, elle prévenait contre la transmission de la tuberculose par diffusion d’un microbe contenu dans les crachats, dans le mucus nasal ou dans la salive. Des mesures disciplinaires furent du reste explicites en matière de comportement favorisant la contagion, en voici un exemple :
Pour les élèves d’internat, une « fiche
sanitaire individuelle » devait permettre de contrôler leur développement
physique et leur état de santé. Cette fiche perdura longtemps dans les écoles,
notamment lors des départs en classe transplantée. Il était demandé aux
familles de remplir un questionnaire permettant de connaître les antécédents
des élèves. Elle fut supplantée par le carnet de santé, véritable outil de
suivi de la santé des enfants.
P.P
Favorisée à Paris par la promiscuité en des
logements exigus, mal éclairés, la tuberculose ne pouvait manquer de menacer la population scolaire. Le
professeur Grancher eut le mérite de s’en rendre compte et de prendre le
problème à bras le corps en s’efforçant d’y apporter remède. Fin 1903, début
1904, au sein de la population parisienne laborieuse de moyenne aisance, dans
le XVème arrondissement, il put examiner ou faire examiner par 12 médecins,
collaborateurs de bonne volonté, les élèves de deux écoles primaires , l’une de
garçons, l’autre de filles. Le 21 juin 1904, ce fut « au milieu de
l’émotion générale » qu’à l’Académie de Médecine, il communiqua les
résultats de l’enquête : au total, sur 896 enfants, garçons et filles, 141
étaient en état de tuberculose latente, ganglio-pulmonaire, soit 14% de garçons
et 17% de filles. Surtout, parmi eux, « 46 garçons et 28 filles
sérieusement atteints. »
Qu’est-il advenu de ces malheureux ?
Combien furent sauvés grâce à l’initiative du professeur Grancher ? Que
proposait-il ? Sous surveillance médicale, suralimenter certains enfants,
dans leur famille, ou permettre aux autres d’avoir, à la campagne, des
activités de plein air « judicieusement
associées aux études, surtout éviter à beaucoup un contact familial
tuberculeux, enfin courir la chance de guérir « la plupart d’entre
eux », aux moindres frais.
Sans doute entendu des pouvoirs publics, il
réussit à créer, dès 1905, un placement familial, dans des maisons de paysans
sains, pour de tels jeunes de trois à treize ans et dépassant souvent cet âge.
Son œuvre de bienfaisance réduisit la mortalité par tuberculose à moins de 1
pour 1000, alors qu’en 1912, elle allait encore atteindre, à Paris, 3,34 pour
1000 habitants.
Désormais, de plus en plus, les pouvoirs
publics ou bien des organismes privés menèrent la lutte contre la tuberculose.
Ainsi l’état ouvrit en 1906, pour ses institutrices et ses instituteurs, le
sanatorium antituberculeux de Sainte-Feyre dans la Creuse, qu’un bulletin de
l’instruction publique présentait comme « construit
selon les principes les plus récents de la science moderne ». Par la
suite, il devait être réservé aux instituteurs, tandis que le sanatorium de
Saint-Jean d’Aulphe en Haute-Savoie était affecté aux institutrices. Au
surplus, dans la première moitié du XXème siècle au moins, toujours en
recherchant des sites aérés, ensoleillés et salubres, on accueillit de plus en
plus et au mieux, dans des préventoriums ou des écoles de plein air, comme
celle de Cruzille en Saône-et-Loire, les personnes, en particulier les enfants,
atteints d’une forme initiale de tuberculose non contagieuse (primo-infection).
En des sites semblables et bien protégés des
vents, des sanatoriums permirent de soigner aux meilleures conditions, des
malades atteints de tuberculose déclarée, parfois des enfants. Publics ou
privés, ces établissements se multiplièrent en France et ils finirent par y
dépasser, après 1945, le nombre de 170.
En 1945, en faveur des écoles, les plus
efficaces mesures préventives furent prises. Un contrôle y fut rendu
obligatoire, de la santé des élèves âgés d’au moins six ans et de celle de
leurs maîtres ou maîtresses si souvent victimes de la contagion, comme des « personnes se trouvant en contact
habituel » avec des enfants. Ces visites médicales eurent lieu dans
des centres médico-sociaux scolaires organisés pour dépister, surtout chez le
personnel, des maladies contagieuses. La tuberculose était toujours
sous-entendue. Ainsi pouvait-on en découvrir chez tel écolier ou tel enseignant
une simple menace plutôt que la maladie, comme naguère, arrivée à un stade
hélas trop souvent irrémédiable.
Vers 1950, les vaccinations obligatoires
permettaient de prévenir, dès l’enfance, non seulement les principales maladies
épidémiques et contagieuses (variole, diphtérie, tétanos, typhoïdes), mais
aussi la tuberculose. Organisée contre celle-ci, à l’école même, la vaccination
des enfants par le B.C.G était obligatoire quand il présentait une
cuti-réaction négative à la tuberculose. Parfois, au contraire positive, la
cuti-réaction permettait de déceler des élèves menacés, et même assez souvent
un foyer familial d’infection auprès d’eux. La protection de la société était
donc bien organisée autour de l’école même.
Toujours vers 1950, une grande victoire fut
remportée sur l’agent de la tuberculose : la découverte du rimifon (ou
isoniazide) contribua très efficacement à le tuer. Peu à peu, on allait
apprendre à ne plus redouter la terrible maladie d’autrefois, à condition
toutefois de rester vigilant à une disparition complète du fléau d’antan. On ne
peut pas reprocher à l’action sanitaire de ne pas avoir tout mis en œuvre
autour du dépistage et de la prévention et malgré cela, en 1979, en
Saône-et-Loire, on compta 18 décès par tuberculose, survenus à des personnes
trop isolées ou nomades. Rien n’est jamais acquis.
En guise de conclusion, l’idée de
l’ « envoi à la campagne » et au grand air des enfants malades
de tuberculose au début du XIXème siècle fut reprise en 1938 par le mouvement
J.P.A (Jeunesse en Plein Air) de la bien connue F.O.L, Fédération des Œuvres Laïques
(à l’origine F.N.O.L.V.E.A Fédération
Nationale des Œuvres Laïques de Vacances d’Enfants et d’Adolescents) à
l'initiative de Georges Lapierre secrétaire général adjoint du Syndicat national des instituteurs,
encouragé par Jean Zay (deux personnages cités dans un article prochain
sur l’école pendant la Seconde Guerre mondiale : le premier étant mort en
déportation et l’autre assassiné par la milice française) et Léo Lagrange. Une souscription lancée
auprès des écoliers de France permettait de financer, par la vente de timbres
et de cartes dont chacun se souvient, des départs en vacances pour les enfants
issus de familles modestes.
Rappelons que la lutte contre la tuberculose
fut une grande cause nationale au même titre que la lutte contre l’alcoolisme
(sujet traité dans un précédent article dans la même rubrique) :
https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2017/02/lecole-en-lutte-contre-lalcoolisme.html
https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2017/02/lecole-en-lutte-contre-lalcoolisme.html
Ouvrages
consultés :
-
« Après l’école », revue illustrée d’enseignement populaire, 10ème
année, Paris 1904 et 1905.
-
« Bulletin de l’Instruction Primaire de Saône-et-Loire », N°250 de
1902, 294 de 1906, 65 de 1946, 690 et 693 de 1950.
-
Chabanas et Renoult, « Sciences Appliquées », classe de fin d’études
primaires, Paris, Coulommiers 1949.
-
« Code Soleil : le livre des instituteurs », Paris, 1954.
-
« Dauphiné Libéré », journal du 18 décembre 1979, Lyon.
-
Galtier-Boissière, « Larousse Médical Illustré », Paris 6ème,
1946.
-
« Institut National de la santé et de la
Recherche Médicale », Paris, 1976.
-
« Sciences et Avenir », revue mensuelle, N° 102 de 1955, Paris 8ème.
-
Docteur Pradal Henri, « Guide des médicaments les plus courants, Paris,
1974.
Très belle initiative en ces temps de Covid 19 que de rappeler que le confinement demeure la seule solution pour enrayer la pandémie. Je note également qu'il a fallu attendre 47 ans pour mettre au point le vaccin du B.C.G.
RépondreSupprimerMerci pour ces rappels historiques qui ne sont pas si lointains.
Jean Pirou
Synthèse historique très intéressante et tellement d'actualité d'une pandémie qui a ravagé la France et qui s'est déroulé sur une assez longue
RépondreSupprimerpériode.
Merci pour ce très bon document et les reportages photographiques associés qui doivent nous servir de leçon.
Jean-Guy de Vaulchier.
Malheureusement, on peut noter aujourd'hui deux reculs importants de la prévention dans nos écoles : la quasi disparition du service de santé scolaire et des locaux sanitaires indignes faute de personnel de surveillance et d'entretien. Là aussi les moyens manquent cruellement !
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