mercredi 18 août 2021

Les illustrations de Dascher-chapitre 3

 

Les illustrations de Georges Dascher

Chapitre 3

Les enfants courageux

Les costumes à travers les âges

Carte postale, illustration de Georges dascher.

L’éducation par l’exemple

Si la leçon de morale et l’éducation civique sont inventées par Jules Ferry dans le but de forger le citoyen nouveau, ces enseignements restent imprégnés des préceptes de la morale chrétienne. L’instauration de la Troisième République est laborieuse et, dans un premier temps, nul ne souhaite choquer la religion catholique majoritaire. L’Eglise ne manqua d’ailleurs pas de se moquer des prétentions de cette morale sans Dieu. C’est ainsi que Jules Ferry, aidé en cela par Ferdinand Buisson, a ajouté aux leçons quotidiennes de morale une série de personnages dont les actions héroïques pouvaient servir d’exemple aux écoliers. Georges Dascher sera mis à contribution.


Nos petits héros

La laïcité va devenir un sujet crucial au début du 20e siècle et Jaurès s’adressera alors aux instituteurs (1). Mais, bien avant, la laïcisation de la morale dans les lois Ferry impliquera le renouvellement des méthodes et des supports qui devront être exempts de toute référence à une autorité divine. Cette tâche sera confiée à Ferdinand Buisson qui développera ce concept, notamment dans son ouvrage La Foi laïque. Ce ne seront plus seulement des personnages illustres qui seront proposés sur les images moralisatrice mais des jeunes gens inconnus dont l’attitude devant l’adversité force le respect et doit éveiller le sens civique des futurs citoyens. Quelques exemples illustrés par Georges Dascher : 










Les costumes à travers les âges

Voilà, au premier abord, un sujet beaucoup moins sérieux semble-t-il. On note en cette fin de 19e siècle, un grand intérêt pour le costume et les arts décoratifs, intérêt qui perdurera durant une bonne partie du 20e siècle. Le principal inspirateur en est Auguste Racinet (2). Georges Dascher fut un « disciple » de ce dernier en puisant largement dans son œuvre afin de produire une série d’illustrations pour couvertures de cahiers d’écolier. Le but pédagogique poursuivi par les commanditaires académiques était cependant moins artistique qu’historique : il s’agissait surtout de découvrir les grandes périodes de l’Histoire à travers les costumes. Ils y voyaient une façon concrète et vivante de découvrir la succession des civilisations et le mode de vie des hommes, à travers la tenue des femmes en l’occurrence…











(1)  : Lettre de Jaurès aux institutrices et instituteurs, La Dépêche, 15 janvier 1888 :


« Vous tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes responsables de la patrie. Les enfants qui vous sont confiés n’auront pas seulement à écrire et à déchiffrer une lettre, à lire une enseigne au coin d’une rue, à faire une addition et une multiplication. Ils sont Français et ils doivent connaître la France, sa géographie et son histoire : son corps et son âme. Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre, quels droits leur confère, quels devoirs leur impose la souveraineté de la nation. Enfin ils seront hommes, et il faut qu’ils aient une idée de l’homme, il faut qu’ils sachent quelle est la racine de toutes nos misères : l’égoïsme aux formes multiples ; quel est le principe de notre grandeur : la fierté unie à la tendresse. Il faut qu’ils puissent se représenter à grands traits l’espèce humaine domptant peu à peu les brutalités de la nature et les brutalités de l’instinct, et qu’ils démêlent les éléments principaux de cette œuvre extraordinaire qui s’appelle la civilisation. Il faut leur montrer la grandeur de la pensée ; il faut leur enseigner le respect et le culte de l’âme en éveillant en eux le sentiment de l’infini qui est notre joie, et aussi notre force, car c’est par lui que nous triompherons du mal, de l’obscurité et de la mort.

Eh quoi ! Tout cela à des enfants ! Oui, tout cela, si vous ne voulez pas fabriquer simplement des machines à épeler. Je sais quelles sont les difficultés de la tâche. Vous gardez vos écoliers peu d’années et ils ne sont point toujours assidus, surtout à la campagne. Ils oublient l’été le peu qu’ils ont appris l’hiver. Ils font souvent, au sortir de l’école, des rechutes profondes d’ignorance et de paresse d’esprit, et je plaindrais ceux d’entre vous qui ont pour l’éducation des enfants du peuple une grande ambition, si cette grande ambition ne supposait un grand courage.

J’entends dire, il est vrai : À quoi bon exiger tant de l’école ? Est-ce que la vie elle-même n’est pas une grande institutrice ? Est-ce que, par exemple, au contact d’une démocratie ardente, l’enfant devenu adulte ne comprendra point de lui-même les idées de travail, d’égalité, de justice, de dignité humaine qui sont la démocratie elle-même ? Je le veux bien, quoiqu’il y ait encore dans notre société, qu’on dit agitée, bien des épaisseurs dormantes où croupissent les esprits. Mais autre chose est de faire, tout d’abord, amitié avec la démocratie par l’intelligence ou par la passion. La vie peut mêler, dans l’âme de l’homme, à l’idée de justice tardivement éveillée, une saveur amère d’orgueil blessé ou de misère subie, un ressentiment et une souffrance. Pourquoi ne pas offrir la justice à des cœurs tout neufs ? Il faut que toutes nos idées soient comme imprégnées d’enfance, c’est-à-dire de générosité pure et de sérénité.

Comment donnerez-vous à l’école primaire l’éducation si haute que j’ai indiquée ? Il y a deux moyens. Il faut d’abord que vous appreniez aux enfants à lire avec une facilité absolue, de telle sorte qu’ils ne puissent plus l’oublier de la vie et que, dans n’importe quel livre, leur œil ne s’arrête à aucun obstacle. Savoir lire vraiment sans hésitation, comme nous lisons vous et moi, c’est la clef de tout. Est-ce savoir lire que de déchiffrer péniblement un article de journal, comme les érudits déchiffrent un grimoire ? J’ai vu, l’autre jour, un directeur très intelligent d’une école de Belleville, qui me disait : « Ce n’est pas seulement à la campagne qu’on ne sait lire qu’à peu près, c’est-à-dire point du tout ; à Paris même, j’en ai qui quittent l’école sans que je puisse affirmer qu’ils savent lire. » Vous ne devez pas lâcher vos écoliers, vous ne devez pas, si je puis dire, les appliquer à autre chose tant qu’ils ne seront point par la lecture aisée en relation familière avec la pensée humaine. Qu’importent vraiment à côté de cela quelques fautes d’orthographe de plus ou de moins, ou quelques erreurs de système métrique ? Ce sont des vétilles dont vos programmes, qui manquent absolument de proportion, font l’essentiel.

J’en veux mortellement à ce certificat d’études primaires qui exagère encore ce vice secret des programmes. Quel système déplorable nous avons en France avec ces examens à tous les degrés qui suppriment l’initiative du maître et aussi la bonne foi de l’enseignement, en sacrifiant la réalité à l’apparence ! Mon inspection serait bientôt faite dans une école. Je ferais lire les écoliers, et c’est là-dessus seulement que je jugerais le maître.

Sachant bien lire, l’écolier, qui est très curieux, aurait bien vite, avec sept ou huit livres choisis, une idée, très générale, il est vrai, mais très haute de l’histoire de l’espèce humaine, de la structure du monde, de l’histoire propre de la terre dans le monde, du rôle propre de la France dans l’humanité. Le maître doit intervenir pour aider ce premier travail de l’esprit ; il n’est pas nécessaire qu’il dise beaucoup, qu’il fasse de longues leçons ; il suffit que tous les détails qu’il leur donnera concourent nettement à un tableau d’ensemble. De ce que l’on sait de l’homme primitif à l’homme d’aujourd’hui, quelle prodigieuse transformation ! Et comme il est aisé à l’instituteur, en quelques traits, de faire sentir à l’enfant l’effort inouï de la pensée humaine !

Seulement, pour cela, il faut que le maître lui-même soit tout pénétré de ce qu’il enseigne. Il ne faut pas qu’il récite le soir ce qu’il a appris le matin ; il faut, par exemple, qu’il se soit fait en silence une idée claire du ciel, du mouvement des astres ; il faut qu’il se soit émerveillé tout bas de l’esprit humain, qui, trompé par les yeux, a pris tout d’abord le ciel pour une voûte solide et basse, puis a deviné l’infini de l’espace et a suivi dans cet infini la route précise des planètes et des soleils ; alors, et alors seulement, lorsque, par la lecture solitaire et la méditation, il sera tout plein d’une grande idée et tout éclairé intérieurement, il communiquera sans peine aux enfants, à la première occasion, la lumière et l’émotion de son esprit. Ah ! Sans doute, avec la fatigue écrasante de l’école, il vous est malaisé de vous ressaisir ; mais il suffit d’une demi-heure par jour pour maintenir la pensée à sa hauteur et pour ne pas verser dans l’ornière du métier. Vous serez plus que payés de votre peine, car vous sentirez la vie de l’intelligence s’éveiller autour de vous. Il ne faut pas croire que ce soit proportionner l’enseignement aux enfants que de le rapetisser.

Les enfants ont une curiosité illimitée, et vous pouvez tout doucement les mener au bout du monde. Il y a un fait que les philosophes expliquent différemment suivant les systèmes, mais qui est indéniable : « Les enfants ont en eux des germes, des commencements d’idées. » Voyez avec quelle facilité ils distinguent le bien du mal, touchant ainsi aux deux pôles du monde ; leur âme recèle des trésors à fleur de terre : il suffit de gratter un peu pour les mettre à jour. Il ne faut donc pas craindre de leur parler avec sérieux, simplicité et grandeur.

Je dis donc aux maîtres, pour me résumer : lorsque d’une part vous aurez appris aux enfants à lire à fond, et lorsque d’autre part, en quelques causeries familières et graves, vous leur aurez parlé des grandes choses qui intéressent la pensée et la conscience humaine, vous aurez fait sans peine en quelques années œuvre complète d’éducateurs.

Dans chaque intelligence il y aura un sommet, et, ce jour-là, bien des choses changeront. »

(2) : Le Costume historique d’Auguste Racinet est publié en six tomes entre 1876 et 1888. Cet ouvrage couvre l’histoire mondiale du costume, de la mode et du style de l’Antiquité jusqu’à la fin du 19e siècle, depuis la tenue antique des Etrusques jusqu’à la mode des françaises. C’est aussi l’étude la plus pertinente et la plus complète entreprise sur l’histoire de l’habillement, complétée par de savoureuses descriptions et des commentaires souvent spirituels. L’ampleur des recherches et le souci des détails sont impressionnants et Le Costume historique constitue toujours, de nos jours, une référence inestimable pour les étudiants, les concepteurs, les artistes, les historiens, les illustrateurs, les costumiers du 7e Art et du théâtre.




Patrick PLUCHOT


1 commentaire:

  1. Pour information : la série "Dascher" comportera 9 chapitres, donc à suivre...

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