Les illustrations de Georges Dascher
Chapitre 3
Les
enfants courageux
Les
costumes à travers les âges
Carte postale, illustration
de Georges dascher.
L’éducation
par l’exemple
Si la leçon de morale et l’éducation civique sont inventées par Jules Ferry dans le
but de forger le citoyen nouveau, ces enseignements restent imprégnés des
préceptes de la morale chrétienne. L’instauration de la Troisième République
est laborieuse et, dans un premier temps, nul ne souhaite choquer la religion
catholique majoritaire. L’Eglise ne manqua d’ailleurs pas de se moquer des
prétentions de cette morale sans Dieu. C’est ainsi que Jules Ferry, aidé en
cela par Ferdinand Buisson, a ajouté aux leçons quotidiennes de morale une
série de personnages dont les actions héroïques pouvaient servir d’exemple aux
écoliers. Georges Dascher sera mis à contribution.
Nos
petits héros
La laïcité va devenir un
sujet crucial au début du 20e siècle et Jaurès s’adressera alors aux
instituteurs (1). Mais, bien avant, la laïcisation de la morale dans les
lois Ferry impliquera le renouvellement des méthodes et des supports qui
devront être exempts de toute référence à une autorité divine. Cette tâche sera
confiée à Ferdinand Buisson qui développera ce concept, notamment dans son
ouvrage La Foi laïque. Ce ne seront
plus seulement des personnages illustres qui seront proposés sur les images
moralisatrice mais des jeunes gens inconnus dont l’attitude devant l’adversité
force le respect et doit éveiller le sens civique des futurs citoyens. Quelques
exemples illustrés par Georges Dascher :
Les
costumes à travers les âges
Voilà, au premier abord, un
sujet beaucoup moins sérieux semble-t-il. On note en cette fin de 19e
siècle, un grand intérêt pour le costume et les arts décoratifs, intérêt qui
perdurera durant une bonne partie du 20e siècle. Le principal
inspirateur en est Auguste Racinet (2). Georges Dascher fut un
« disciple » de ce dernier en puisant largement dans son œuvre afin
de produire une série d’illustrations pour couvertures de cahiers d’écolier. Le
but pédagogique poursuivi par les commanditaires académiques était cependant
moins artistique qu’historique : il s’agissait surtout de découvrir les
grandes périodes de l’Histoire à travers les costumes. Ils y voyaient une façon
concrète et vivante de découvrir la succession des civilisations et le mode de
vie des hommes, à travers la tenue des femmes en l’occurrence…
(1) : Lettre de Jaurès aux
institutrices et instituteurs, La
Dépêche, 15 janvier 1888 :
Eh quoi ! Tout cela à des enfants ! Oui, tout cela, si
vous ne voulez pas fabriquer simplement des machines à épeler. Je sais quelles
sont les difficultés de la tâche. Vous gardez vos écoliers peu d’années et ils
ne sont point toujours assidus, surtout à la campagne. Ils oublient l’été le
peu qu’ils ont appris l’hiver. Ils font souvent, au sortir de l’école, des
rechutes profondes d’ignorance et de paresse d’esprit, et je plaindrais ceux
d’entre vous qui ont pour l’éducation des enfants du peuple une grande
ambition, si cette grande ambition ne supposait un grand courage.
J’entends dire, il est vrai : À quoi bon exiger
tant de l’école ? Est-ce que la vie elle-même n’est pas une grande
institutrice ? Est-ce que, par exemple, au contact d’une démocratie
ardente, l’enfant devenu adulte ne comprendra point de lui-même les idées de
travail, d’égalité, de justice, de dignité humaine qui sont la démocratie
elle-même ? Je le veux bien, quoiqu’il y ait encore dans notre société,
qu’on dit agitée, bien des épaisseurs dormantes où croupissent les esprits.
Mais autre chose est de faire, tout d’abord, amitié avec la démocratie par
l’intelligence ou par la passion. La vie peut mêler, dans l’âme de l’homme, à
l’idée de justice tardivement éveillée, une saveur amère d’orgueil blessé ou de
misère subie, un ressentiment et une souffrance. Pourquoi ne pas offrir la
justice à des cœurs tout neufs ? Il faut que toutes nos idées soient comme
imprégnées d’enfance, c’est-à-dire de générosité pure et de sérénité.
Comment donnerez-vous à l’école primaire l’éducation
si haute que j’ai indiquée ? Il y a deux moyens. Il faut d’abord que vous
appreniez aux enfants à lire avec une facilité absolue, de telle sorte qu’ils
ne puissent plus l’oublier de la vie et que, dans n’importe quel livre, leur
œil ne s’arrête à aucun obstacle. Savoir lire vraiment sans hésitation, comme
nous lisons vous et moi, c’est la clef de tout. Est-ce savoir lire que de
déchiffrer péniblement un article de journal, comme les érudits déchiffrent un
grimoire ? J’ai vu, l’autre jour, un directeur très intelligent d’une
école de Belleville, qui me disait : « Ce n’est pas seulement à la
campagne qu’on ne sait lire qu’à peu près, c’est-à-dire point du tout ; à
Paris même, j’en ai qui quittent l’école sans que je puisse affirmer qu’ils
savent lire. » Vous ne devez pas lâcher vos écoliers, vous ne devez pas,
si je puis dire, les appliquer à autre chose tant qu’ils ne seront point par la
lecture aisée en relation familière avec la pensée humaine. Qu’importent
vraiment à côté de cela quelques fautes d’orthographe de plus ou de moins, ou
quelques erreurs de système métrique ? Ce sont des vétilles dont vos
programmes, qui manquent absolument de proportion, font l’essentiel.
J’en veux mortellement à ce certificat d’études
primaires qui exagère encore ce vice secret des programmes. Quel système
déplorable nous avons en France avec ces examens à tous les degrés qui
suppriment l’initiative du maître et aussi la bonne foi de l’enseignement, en
sacrifiant la réalité à l’apparence ! Mon inspection serait bientôt faite dans
une école. Je ferais lire les écoliers, et c’est là-dessus seulement que je
jugerais le maître.
Sachant bien lire, l’écolier, qui est très curieux,
aurait bien vite, avec sept ou huit livres choisis, une idée, très générale, il
est vrai, mais très haute de l’histoire de l’espèce humaine, de la structure du
monde, de l’histoire propre de la terre dans le monde, du rôle propre de la
France dans l’humanité. Le maître doit intervenir pour aider ce premier travail
de l’esprit ; il n’est pas nécessaire qu’il dise beaucoup, qu’il fasse de
longues leçons ; il suffit que tous les détails qu’il leur donnera
concourent nettement à un tableau d’ensemble. De ce que l’on sait de l’homme
primitif à l’homme d’aujourd’hui, quelle prodigieuse transformation ! Et comme
il est aisé à l’instituteur, en quelques traits, de faire sentir à l’enfant
l’effort inouï de la pensée humaine !
Seulement, pour cela, il faut que le maître lui-même
soit tout pénétré de ce qu’il enseigne. Il ne faut pas qu’il récite le soir ce
qu’il a appris le matin ; il faut, par exemple, qu’il se soit fait en
silence une idée claire du ciel, du mouvement des astres ; il faut qu’il
se soit émerveillé tout bas de l’esprit humain, qui, trompé par les yeux, a
pris tout d’abord le ciel pour une voûte solide et basse, puis a deviné
l’infini de l’espace et a suivi dans cet infini la route précise des planètes
et des soleils ; alors, et alors seulement, lorsque, par la lecture
solitaire et la méditation, il sera tout plein d’une grande idée et tout
éclairé intérieurement, il communiquera sans peine aux enfants, à la première
occasion, la lumière et l’émotion de son esprit. Ah ! Sans doute, avec la
fatigue écrasante de l’école, il vous est malaisé de vous ressaisir ; mais
il suffit d’une demi-heure par jour pour maintenir la pensée à sa hauteur et
pour ne pas verser dans l’ornière du métier. Vous serez plus que payés de votre
peine, car vous sentirez la vie de l’intelligence s’éveiller autour de vous. Il
ne faut pas croire que ce soit proportionner l’enseignement aux enfants que de
le rapetisser.
Les enfants ont une curiosité illimitée, et vous
pouvez tout doucement les mener au bout du monde. Il y a un fait que les
philosophes expliquent différemment suivant les systèmes, mais qui est
indéniable : « Les enfants ont en eux des germes, des commencements
d’idées. » Voyez avec quelle facilité ils distinguent le bien du mal,
touchant ainsi aux deux pôles du monde ; leur âme recèle des trésors à
fleur de terre : il suffit de gratter un peu pour les mettre à jour. Il ne
faut donc pas craindre de leur parler avec sérieux, simplicité et grandeur.
Je dis donc aux maîtres, pour me résumer :
lorsque d’une part vous aurez appris aux enfants à lire à fond, et lorsque
d’autre part, en quelques causeries familières et graves, vous leur aurez parlé
des grandes choses qui intéressent la pensée et la conscience humaine, vous
aurez fait sans peine en quelques années œuvre complète d’éducateurs.
Dans chaque intelligence il y aura un sommet, et, ce
jour-là, bien des choses changeront. »
(2) : Le Costume historique d’Auguste Racinet est publié en six tomes
entre 1876 et 1888. Cet ouvrage couvre l’histoire mondiale du costume, de la
mode et du style de l’Antiquité jusqu’à la fin du 19e siècle, depuis
la tenue antique des Etrusques jusqu’à la mode des françaises. C’est aussi
l’étude la plus pertinente et la plus complète entreprise sur l’histoire de
l’habillement, complétée par de savoureuses descriptions et des commentaires
souvent spirituels. L’ampleur des recherches et le souci des détails sont
impressionnants et Le Costume historique
constitue toujours, de nos jours, une référence inestimable pour les étudiants,
les concepteurs, les artistes, les historiens, les illustrateurs, les costumiers
du 7e Art et du théâtre.
Patrick PLUCHOT
Pour information : la série "Dascher" comportera 9 chapitres, donc à suivre...
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