Les illustrations de Georges Dascher
Chapitre 9
Le sport
Quand la mythique Sparte secoue les bancs de la
Convention
Sous la Convention (21 septembre 1792-26 octobre
1795), les législateurs définissent les bases de l’éducation des jeunes
citoyens et, notamment, leur éducation physique obligatoire, seul moyen de
« régénérer » les jeunes corps selon eux. Les guerres révolutionnaires,
puis napoléoniennes, qui avaient impressionné l’Europe entière par la
résistance physique des soldats français, renverront aux calendes grecques ce
remarquable élan. Il faudra attendre la défaite de 1870 pour voir se développer
le sport à l’école.
La défaite de Waterloo et les 55 années de paix qui suivirent, sonnèrent le glas de la présumée vitalité du peuple français. Le premier coup de semonce vint du désastre de 1870. La supériorité de l’éducation allemande fut mise en avant et l’école française fut le bouc-émissaire de la défaite. La nouvelle Troisième République du 4 septembre 1870 vit alors sa revanche possible dans l’application du rapport Condorcet de 1792 (1) et en développant, entre autres, l’éducation physique à l’école. Dès 1880, les exercices militaires, dont les filles étaient évidemment exclues, en sont la traduction. Ces dernières attendront 1882 pour voir leur développement physique pris en compte.
La naissance du sport
Les
activités physiques, plus que l’éducation physique sont donc devenues
obligatoires, non sans arrière-pensée nationaliste, mais l’évolution du sport
en général viendra d’autres cieux, surtout d’Angleterre, où le sport est très
organisé entre athlétisme et jeux collectifs, et un peu de Suède pour la
gymnastique. En cette fin de 19e siècle, la France s’inspire donc du
modèle anglais que les élites étudiantes et aristocratiques ont façonné dans
leurs clubs sportifs. En 1887 est créée l’Union des sociétés françaises des
sports athlétiques qui regroupe la plupart des sports nés en Angleterre. Il
faudra attendre 1912 pour qu’apparaisse notre identité sportive
« nationale » qui se construira autour de la méthode dite « naturelle »
de Georges Hébert, chargé de l’instruction de la gymnastique à l’Ecole des
Fusiliers Marins et farouche opposant à la méthode suédoise.
En
attendant, les leçons s’exécutent dans la cour de l’école, caractérisées par
une succession de mouvements mécaniques des enfants, guidés par un maître à la
formation à l’EPS souvent sommaire.
Quelques
agrès vinrent cependant agrémenter les leçons dans les écoles les plus
équipées, mais les écoles de campagne en restèrent longtemps au grimper de
corde sous le préau de la cour de récréation et à la leçon de natation,
« à sec » dirons-nous, avec des mouvements appris à plat ventre sur
un banc (méthode militaire) !
Apprentissage
de la natation au régiment
Apprentissage
de la natation à l’école
Quoiqu’il en soit, c’est grâce au Français Pierre de Coubertin que les Jeux
Olympiques sont de retour en 1896, ce qui, à terme, donnera une impulsion
décisive à l’éducation sportive. Les Jeux
de la première olympiade (Ολυμπιακοί Αγώνες en grec)
eurent lieu, comme il se doit, à Athènes. 240 athlètes s’affrontèrent dans 42
épreuves. Les sportifs de la délégation française, au nombre de 13,
remporteront 11 médailles dont 5 en or. C’est à Paris que les jeux suivants furent
organisés en 1900, année de l’Exposition universelle (2). La France sortit
vainqueur de ces jeux avec 102 médailles dont 27 en or et, pour la première
fois, on nota la participation de 22 femmes (dont 9 françaises), contre près
d’un millier d’hommes… Ces dernières ne concoururent que dans 5 épreuves :
le tennis, la voile, le croquet, l’équitation et le golf. Hélène Prévost ramena
une médaille d’argent en tennis, dans le simple dame, première médaille
féminine française. Toutefois, l’immense
majorité des participants à ces jeux appartenaient à l’élite sociale car le
sport en général était encore pratiqué majoritairement par des hommes,
occidentaux et fortunés, une évidence.
Une
évidence, en effet. L’époque n’était pas à l’émancipation des classes
laborieuses, mais plutôt à la colonisation des races « inférieures »,
à l’image des Jeux olympiques de 1904, organisés à Saint-Louis, dans le
Missouri (auxquels la France ne participa pas du fait de l’éloignement et du
coût du voyage). L’Exposition universelle ayant lieu là-bas, en même temps que
les jeux, certains anthropologues avisés organisèrent des Jeux « anthropologiques »,
mettant à l’épreuve des « indigènes » exhibés dans les différents
pavillons coloniaux, afin de démontrer l’infériorité physique et probablement
intellectuelle des « peuples de race non-blanche ». Pendant plusieurs
jours, un large public assistera à ces épreuves humiliantes.
L’éducation physique à l’école, enfin ?
L’éducation
physique naît officiellement le 22 décembre 1904 par un décret signé de la main
d’Emile Loubet, Président de la République, en personne. Nul doute que cette
éducation reste toujours toute militaire puisqu’il est question d’en appliquer
les principes dans « les manuels de
guerre, l’instruction publique et les sociétés de gymnastique ». Du
reste, la commission ministérielle mixte qui travailla sur le projet était
composée de spécialistes du sport scolaire dans le pays, mais aussi d’un
général d’armée, commission mixte ne voulant pas dire que des femmes y
participaient.
Extrait
du Manuel général de l’Instruction publique, 1906 (education.persee.fr)
En
définitive, jusqu’aux années 1930, l’éducation physique restera le parent
pauvre de l’éducation. Il faudra attendre l’avènement du Front populaire, puis
la triste époque de Vichy pour qu’elle y trouve sa place (3).
Le sport vu par Georges Dascher
Série de couvertures de cahier vers 1900
Collection La Foire au pain d’Epice ou le sport spectacle
Editeur Camille Charrier,
illustration Georges Dascher, 1895
Sources :
- Iconographie et documentation musée.
- https://www.les-sports.info/calendrier-sport-1900-p0-61900.html
- Aide à l’illustration : reseau-canope.fr ; gdascher.jimdofree.com
Patrick PLUCHOT
(1) :
Marie-Jean-Antoine-Nicolas
Caritat, marquis de Condorcet (© Bibliothèque de l'Assemblée nationale)
Rapport et
projet de décret relatif à l’organisation générale de l’Instruction publique.
Présentation à l’Assemblée législative, le 20 et 21 avril 1792. Texte intégral
sur :
https://www.assemblee-nationale.fr/histoire/7ed.asp
« La gymnastique ne sera point oubliée ; mais on aura
soin d'en diriger les exercices de manière à développer toutes les forces avec
égalité, à détruire les effets des habitudes forcées que donnent les diverses
de travaux. Si l'on reproche à ce plan de renfermer une instruction trop
étendue, nous pourrons répondre qu'avec des livres élémentaires bien faits et
destinés à être mis entre les mains des enfants, avec le soin de donner aux
maîtres des ouvrages composés pour eux, où ils puissent s'instruire de la
manière de développer les principes, de se proportionner à l'intelligence des
élèves, de leur rendre le travail plus facile, on n'aura point à craindre que
l'étendue de cet enseignement excède les bornes de la capacité ordinaire des
enfants. Il existe, d'ailleurs, des moyens de simplifier les méthodes, de
mettre les vérités à la portée des esprits les moins exercés ; et c'est d'après
la connaissance de ces moyens, d'après l'expérience, qu'a été tracé le tableau
des connaissances élémentaires qu'il était nécessaire de présenter à tous les
hommes, qu'il leur était possible d'acquérir. »
(2) : Revoir l’article du
blog, Dascher et l’Exposition universelle de 1900 : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2021/10/les-illustrations-de-georges-dascher.html#more
(3) : Revoir l’article du blog : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2022/04/de-jean-zay-au-regime-de-vichy.html#more
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire