Des
« grandes vacances »…
Trop
longues ?
La
petite histoire des « grandes vacances »
Avant
les grandes lois scolaires de Jules Ferry et l’avènement de l’école publique
obligatoire, laïque et gratuite, la durée des congés scolaires fut fluctuante
et ne concernait finalement que peu d’écoliers (1). La plupart des enfants étaient utilisés comme main d’œuvre
gratuite dans les familles ou mis au travail très jeune pour rapporter quelques
subsides au foyer. La loi sur l’obligation scolaire de 1882 ne fut pas du goût
des campagnes. A partir de la Quatrième République (1944-1958), les
« grandes vacances » furent au centre du débat éducatif car depuis
les années 1950, la société française, jusqu’alors majoritairement paysanne, se
transformait peu à peu en société de consommation et de loisirs. Les premiers
congés payés et l’apparition du tourisme commençaient d’influer sur les
vacances de nos chères têtes blondes…
Jean-Baptiste de La Salle
enseignant, tableau de Cesare Mariani
Au
travail !
Sous l’Ancien Régime,
l’ensemble des jours de congés scolaires était ancré dans la vie religieuse qui
rythmait celle des adultes et suivait le calendrier des fêtes chrétiennes
(Epiphanie, Saint-Charlemagne, Sainte-Geneviève, Pentecôte, Carnaval,
Assomption, Toussaint, Sainte-Catherine, Ascension, Fête-Dieu pour les
principales), à l’exception des grandes vacances qui avaient une nécessité plus
terre à terre. En effet, dès 1231, le pape Grégoire II avait accordé, aux rares
écoliers des monastères, un mois de vacances estivales pour les travaux
agricoles qui portaient le nom de « vendanges ». Bon an mal an, la
durée de ces congés scolaires avoisinait les 80 jours durant lesquels les
enfants étaient souvent mis au (vrai) travail !
Devant l’anarchie ambiante (chaque région fixant les dates des grandes vacances), la Révolution, puis l’Empire, édictèrent une règlementation unifiant les congés scolaires sur l’ensemble du territoire français. Ceci étant, tout au long du 19e siècle, les congés vont inéluctablement grignoter le temps scolaire, bien que le Consulat, en 1800, n’ait accordé que d’uniques vacances du 5 août au 20 septembre pour « l’aide que les enfants devaient apporter lors de vendanges et de la moisson », supprimant les congés liés aux fêtes religieuses. Ce dernier alla même plus loin avec la volonté de réduire les grandes vacances à 15 jours en août pour les classes secondaires dans son arrêté du 2 septembre 1800. Il entendait accorder ces dernières seulement « aux élèves qui se seront bien conduits » avec « la permission d’aller en vacances tous les deux ans. » Finalement, en 1803, on reviendra à la pratique des 7 semaines de congés d’été. Il faudra cependant attendre Napoléon III pour avoir, en 1860, cinq jours supplémentaires pour les fêtes de Pâques. Les fluctuations sont nombreuses, en 1814, les vacances d’été sont ramenées à 6 semaines et, en 1851, elles ne seront plus que d’un mois, leur date étant confiée aux recteurs entre août et octobre.
Tableau de Jean Goffroy, L’instruction
obligatoire
L’implantation de l’école
publique par la loi de 1882 ne changera pas immédiatement les pratiques :
ce sont les préfets désormais qui vont fixer les dates de départ en vacances,
donc rien n’est uniformisé nationalement ; l’absentéisme reste important,
de l’ordre de 15 % en 1890, de 10 % en 1929. La disparité est grande entre
villes et campagnes et ce depuis longtemps. Déjà en 1834, le Manuel général de
l’instruction primaire notait « des
premiers jours d’avril ou de mai jusqu’à la fin octobre ou quelquefois
novembre, le retour régulier des travaux agricoles enlève à nos écoles toute
leur population. » Ce mal récurent ne prendra fin qu’avec la
disparition de la petite paysannerie française, au cours du 20e
siècle.
Une école maternelle, vers
1890
En 1888, la durée des
grandes vacances était passée de 4 à 9 semaines, bientôt ramenées à 6 semaines
par un arrêté du 4 janvier 1894 prévoyant en outre que « lorsque les besoins des populations l’exigent et avec
l’assentiment du conseil municipal, la fermeture des classes peut être limitée
à 15 jours. » Dans la foulée, en 1905, les congés
« extraordinaires » sont réduits à une semaine pour Pâques, au jour
de l’an, au lundi de Pentecôte, au lendemain de la Toussaint, au 14 juillet et
à la fête patronale. A noter que cette dernière fête a perduré longtemps et se
traduisait, dans le Bassin minier par exemple, par la « journée du
maire », notamment le lundi de la « fête du Montceau » ou le « lundi
de la fête de Saint-Vallier », date à laquelle les agents communaux
étaient libérés. René Haby, ministre de l’Education nationale étendit cette « journée
du maire » aux écoles à la rentrée 1977-1978 ; cette journée n’était
pas « statutaire » et relevait plutôt d’un avantage acquis par
tradition, elle restait à la discrétion du maire ou de l’Inspecteur d’académie.
Bien qu’ayant disparu, elle n’est pas officiellement abrogée.
En 1912, le début des
grandes vacances est avancé au 14 juillet et elles finissent le 1er
octobre. La Grande Guerre a saigné le monde paysan et, la main d’œuvre agricole
étant devenue insuffisante, on octroie aux écoliers 15 jours de vacances
supplémentaires pour pallier ce manque. La refonte des programmes de 1923 ouvre
modestement la porte aux nouvelles pédagogies. Elle prend aussi en compte le
statut de l’enfant qu’il convient de protéger après le désastre démographique
dû à la guerre. Ils bénéficieront désormais, dès 1925, de 2 semaines à Noël et
de 2 semaines à Pâques. Plus tard, en 1936, le Front populaire renforcera ces
« petites vacances » avec 4 jours en février (si Pâques arrive en
retard…) et 4 jours à la Pentecôte (si Pâques est trop tôt…).
A l’initiative du ministre
Jean Zay (1), une note est transmise au Conseil supérieur de
l’éducation : « les vacances
des enfants doivent être mises en harmonie avec les congés payés des
parents. » Ainsi, un arrêté ministériel du 11 juillet 1938 va donc
fixer les dates de congés comme suit : 2 jours pour la Toussaint (1er
et 2 novembre), 10 jours pour noël et le jour de l’an (du 23 décembre au 2
janvier), 1 jour pour mardi-gras, 15 jours pour Pâques, le lundi de Pentecôte
et les grandes vacances du 15 juillet au 30 septembre. Ces 10 semaines estivales
exauçaient les vœux des populations paysannes qui représentaient encore, en
1950, 49 % de la population totale. On libérait ainsi à nouveau des bras pour
travailler de la moisson aux vendanges.
Vendanges 1920
Les
grands bouleversements
A partir de 1955, avec la
relance économique accompagnant les « trente glorieuses »
d’après-guerre, mais aussi à la suite des changements opérés depuis la grande
victoire du mouvement ouvrier de 1936 et l’instauration des congés payés, le
calendrier scolaire devra s’adapter aux nouvelles réalités. Pour de nombreuses
familles de salariés, le départ en vacances débute dès le 1er
juillet, la fin d’année scolaire entre le début juillet et le 15 est
compromise, non plus par une nécessité agricole mais par un impératif de
loisir. L’école va suivre le mouvement social.
En 1960, les grandes
vacances sont fixées du 28 juin au 16 septembre, ce sera l’apogée de leur durée
avec 10 semaines. Des aménagements sont proposés à la population agricole
encore importante en cette année scolaire 1960-1961 : les textes prévoient
des autorisations d’absences entre les 15 et 30 septembre, aux enfants de plus
de 12 ans. Ces autorisations seront délivrées par les Inspecteurs d’académie,
sur demande des parents justifiant la participation indispensable de leurs
enfants aux travaux agricoles (reprise de l’article 5 de la loi du 28 mars
1882) mais uniquement dans les départements viticoles compte tenu des travaux
de vendanges (circulaire du 19 septembre 1960).
Vendanges 1960
Depuis 1981, les vacances
scolaires ont changé de vocable. Les jours de congés du mardi-gras sont devenus
les vacances d’hiver, ceux de Pâques les vacances de printemps, les « grandes
vacances » les « vacances d’été ». Les mouvements pédagogiques
ont réussi, un temps, à imposer un rééquilibrage des congés avec une diminution
de 2 semaines des vacances d’été et une redistribution sur les vacances intermédiaires
avec l’instauration des « 7 semaines d’école » par période. On
assiste alors à l’apparition des vacances de la Toussaint et à la disparition des
15 jours de septembre qui confirment l’extinction de la petite paysannerie
française.
Rentrée 1982, Mammouth
écrase toujours les prix…
Cette nouvelle
répartition avait été suggérée sous le ministère d’Alain Savary (1981-1984) et
repris sous le ministère Jack Lang (1992-1993). Trois impératifs ont guidé
cette évolution : l’intérêt des enfants et les rythmes biologiques qui
sont mis en avant, la disparition du travail aux champs des enfants et, ce qui
prendra une place prépondérante à l’orée du 21e siècle, les
concessions faites au tourisme d’été comme d’hiver, pour en arriver à un « zonage
académique » des vacances, néfaste au premier impératif. Ce zonage, testé
depuis 1965, fut concrétisé par l’arrêté du 24 juillet 1995, organisant la
répartition des « petites vacances » en 3 zones A, B et C. Dopées par
les Jeux olympiques de Grenoble de 1968, les vacances d’hiver et de printemps devinrent
une véritable institution et marquent toujours notre temps. Notons que le
zonage avait aussi été testé pour les vacances d’été, alors, à quand la
suite ?
Les « grandes
vacances » ont vécu, vive les « vacances d’été », mais
n’oublions pas que cette évolution sémantique est le résultat d’une profonde
transformation sociologique. Les offres de loisirs et de tourisme allant
croissantes, la France est définitivement rentrée dans l’ère de la société de
loisirs !
Pour revivre l’école d’antan,
voir l’article du blog : Les
peintres de l’école : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2021/01/voir-lecole-en-peinture.html#more
Patrick Pluchot
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(1) :
L’école au Moyen Âge :
En
529, le Concile de Vaison ordonne à chaque prêtre de prendre en charge un ou
plusieurs garçonnets afin de leur apprendre le latin et de leur donner une
culture biblique. L’instruction se développe au 8e siècle grâce à
l’admonitio generalis (exhortation générale) du roi Charlemagne, dans
lequel celui-ci impose que « des écoles soient créées pour apprendre à lire
aux enfants. Dans tous les monastères, dans tous les évêchés, il faut
enseigner les psaumes, les notes, le chant d’église, le calcul, la grammaire
(…) ». Cependant, ces écoles sont
encore réservées aux clercs.
Les
premières écoles sont donc des écoles monastiques dépendant des cathédrales
(Paris, Chartres, Laon, Reims). Elles se divisent en deux catégories :
internes accueillant les oblats (enfants offerts à Dieu) et externes,
accueillant les jeunes laïcs des grandes familles qui retournent dans le monde
à l’issue de leur instruction. Dès le 11e siècle, les petites écoles
gratuites se multiplient dans les villes en lien avec la renaissance des
activités économiques, motivant par là-même l’éducation des enfants de
marchands et artisans. Au 15e siècle, 100 petites écoles sont
mentionnées à Paris.
Le
coût d’un livre manuscrit équivaut à un « troupeau », les élèves
apprennent donc à lire et à compter avec des objets de substitution :
abécédaires sur des ceintures de cuir, sur des broderies ou bien inscrits
sur les murs de certaines églises. Plus tard, à l’université, les livres des
bibliothèques deviennent accessibles… tout en étant enchaînés au
pupitre. Le matériel est donc très rudimentaire : le petit cartable est une
“poche” en cuir, le cahier est une tablette de bois recouverte de cire ou
de chaux ou même une écorce de bouleau. Les élèves suivent le cours assis sur
la paille devant le maître d’école qui lui bénéficie toujours d’une
chaire.
Longtemps,
l’enseignement sera détenu majoritairement par le clergé dans des écoles du
cloître. Les enfants commencent leur apprentissage à l’âge de 6 ou 7 ans
mais tous ne sont pas logés à la même enseigne. Beaucoup d’enfants, notamment
ceux des classes modestes, sont offerts à Dieu, et donc au monastère, ce
“don” permettant le salut de l’enfant et celui de sa famille. C’est la pratique
de l’oblation. Durant le Haut Moyen Age, les petits “oblats” n’ont aucune
possibilité de retourner dans le monde laïc mais à partir du 11e
siècle, les règles s’assouplissent, permettant aux jeunes moines
de retrouver leur liberté. Cette pratique prend fin au 14e
siècle, sur décision du pape Martin V.
Les
petits aristocrates ou les enfants des classes aisées sont placés dans
des établissements religieux de 7 à 15 ans, les parents considérant que
c’est là le meilleur type d’éducation. En ville, les enfants, destinés à
la prêtrise sont reçus dans les écoles cathédrales. Qui comprennent 10 à 12
enfants sans compter les enfants de la manécanterie.
Adriaen
Van Ostade, Le maître d’école, 1662 (Louvre)
Plus
rarement, les enfants peuvent aussi être éduqués dans des petites écoles
par des maîtres ou des maîtresses laïques, au château par le chapelain ou
bien par un pédagogue privé. Ces petites écoles sont généralement installées
dans une maison très ordinaire, celle du maître, pourvue de latrines et
d’une cuisine. La salle de classe se situe au rez-de-chaussée ou en sous-sol.
Au premier étage peut se trouver un
dortoir. Il arrive que certaines de ces petites écoles, en plus d’une cour,
disposent d’un jardin potager dont le maître peut tirer quelques
émoluments.
Léopold
Chibourg, Scène de classe, 1842 (MUNAE)
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