Les
Droits de l’Homme
Les
Droits des enfants
Quid
des femmes ?
En
ce jour de fête nationale
Dès
1789, la question des droits de l’homme et du citoyen est posée et supposée
résolue par la Déclaration du 26 août 1789. Reste la question des droits
politiques des femmes abordée par Talleyrand, à l’Assemblée nationale, en septembre
1791 : « Nous
avons annoncé au commencement de notre travail des principes d’instruction pour
les femmes : ces principes nous paraissent très simples. (..) Si nous
pensons que leur part doit être uniquement le bonheur domestique et les devoirs
de la vie intérieure, il faut les former de bonne heure pour remplir cette
destination. (..) Si l’exclusion des emplois publics prononcés contre les
femmes est pour les deux sexes un moyen d’augmenter la somme de leur bonheur
mutuel, c’est dès lors une loi que toutes les sociétés ont dû reconnaître et
consacrer. » Tout
changera-t-il en 1881 quand sera évoqué officiellement le droit à une éducation
égale pour les filles et les garçons, à travers les lois Ferry qui annoncent
clairement les objectifs en créant une école publique, laïque, gratuite et
surtout obligatoire ?
Déclaration des Droits de l’Homme
et du Citoyen affichée dans toutes les classes des écoles publiques (salle 1882
du musée)
La
Déclaration des Droits de l’Homme illustrée par Dascher
L’éditeur Auguste-Gorchaux
et les auteurs Clérice et Poignet proposent dans les dernières années du 19e
siècle, une série de protège-cahiers sur le thème des Droits de l’homme. Cette
série est notamment alimentée par des reproductions des gravures Le livre unique de morale et d’instruction
civique de Poignet et Bernat de 1898. Elle reprend les idées et les valeurs
républicaines censées être transmises à l’école publique, idées dont sont
encore exclus les enfants et les femmes. Elle s’adresse aux citoyens en herbe
dont on nie l’enfance et parle des devoirs envers la Patrie, des devoirs envers
la société, du respect de la propriété privée, de la défense de la France, de
la devise républicaine reprise dans une allégorie de trois couvertures :
la Liberté, l’Egalité, la Fraternité.
Evidemment, Georges Dascher
est à la manœuvre une fois encore et en assume les illustrations, dont voici
quelques exemples :
Quid
des droits de l’enfant ?
Jusqu’à la fin du 19e
siècle, et malgré les quelques lois qui visent à les protéger au travail à
partir de 1841, les enfants ne sont considérés que comme de « petits
adultes » et des citoyens en devenir. Malgré les avancées des lois Ferry,
il faudra attendre le début du siècle suivant pour voir la mise en place d’une
protection médicale, sociale et juridique des mineurs. La reconnaissance des
Droits de l’enfant viendra de la Société des Nations, à partir de 1919, qui
créera un Comité de protection de l’enfance, en effet, les jeunes sont devenus
un bien précieux à la suite du désastre démographique engendré par la Grande
Guerre.
(CANOPE)
Cette même société va aussi
adopter la Déclaration de Genève (1924), un texte à l’initiative de la Pologne
et s’inspirait largement des travaux du médecin polonais Janusz Korczak, dont
la colonie d’enfants connut un destin tragique lors de la guerre suivante,
histoire déjà contée dans un article précédent (1). Après la Seconde Guerre
mondiale, 1.5 million d’enfants juifs ont disparu et des milliers d’autres sont
dans l’errance. Les Nations unies créent un fond de secours d’urgence dédié à
l’enfance en 1947, l’agence UNICEF est née (United Nations International
Children’s Emergency Fund) et devient une organisation permanente en 1953. Dans
le même temps, le 10 décembre 1948, la Déclaration universelle des droits de
l’homme reconnaît que « la maternité
et l’enfance ont droit à une aide spéciale », mais ce ne sera qu’en
1959 que les Nations unies adopteront la Déclaration des droits de l’enfant. A
noter que ce texte n’aura aucune valeur contraignante, pour ne pas froisser les
Etats Unis qui y sont opposés, il évoluera jusqu’à nos jours et est
actuellement ratifié par 193 pays sur 195. Bien que l’ayant signé, les Etats
Unis et la Somalie ne l’ont pas ratifié (2)…
Le Patit Journal, 1908 (BNF)
Quid
des droits de la femme ?
La femme a-t-elle une âme,
a-t-elle seulement une existence ? La tradition veut que la question ait
été posée au second concile de Mâcon en 585 : le mot latin homo désignait-il l’être humain en
général ou bien uniquement le sexe masculin ? Le débat fut rapporté par
Grégoire de Tours dans son histoire des
Francs (3) : « Pendant ce synode un des évêques se
leva pour dire qu’une femme ne pouvait être dénommée homme ; mais
toutefois, il se calma, les évêques lui ayant expliqué que le livre sacré de
l’Ancien Testament enseigne qu’au commencement, lorsque Dieu créa l’homme, « il
créa un mâle et une femme et il leur donna le nom d’Adam », ce qui signifie
homme fait de terre, désignant ainsi la femme aussi bien que le mâle : il
qualifia donc l’un et l’autre du nom d’homme. D’ailleurs, le Seigneur
Jésus-Christ est appelé fils de l’homme parce qu’il est le fils d’une vierge,
c’est-à-dire d’une femme, et lorsqu’il s’apprêta à changer l’eau en vin, il lui
dit : « Qu’y a-t-il entre moi et vous, femme ? ». Cette question,
ayant été réglée par beaucoup d’autres témoignages encore, fut laissée de
côté. » « Et creavit Deus hominem ad imaginem suam, ad imaginem Dei creavit
illum, masculum et feminam creavit
eos. » (Et Dieu créa l'homme à
son image, à l'image de Dieu il le créa, mâle et femelle il les créa). Dont acte.
Marche du 5 juillet
1914 en faveur du vote des femmes (BNF RNM-GP)
Passons sur les douze
siècles qui suivirent et durant lesquels la femme n’eut pas un sort très
enviable… On nota un frémissement au cours du 19e siècle (4),
mais c’est durant la seconde moitié du 20e siècle que le droit des
femmes va évoluer avec des avancées nombreuses, notables et malgré tout
insuffisantes.
La plus marquante est sans
nul doute l’obtention du droit de vote le 21 avril 1944, avec un premier vote
aux municipales du 29 avril 1945 (près d’un siècle après les hommes…), alors
que les femmes votent déjà en Nouvelle-Zélande depuis 1893, en Finlande depuis
1906, en Turquie en 1934.
Manifestation en 1937
La loi « Marthe
Richard » du 13 avril 1946 met fin aux maisons de tolérance (mais pas dans
les colonies) et, le 27 octobre de la même année, on inscrit dans le Préambule
de la Constitution l’égalité homme-femme (alinéa 3) : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits
égaux à ceux de l’homme », ce qui ne change pas immédiatement les
traditions sociales. L’année 1946 verra aussi la première femme à obtenir le
titre de ministre : Germaine Ponso-Chapuis, ministre de la Santé publique
et de la population, la deuxième sera Simone Veil, le 28 mai 1974.
L’émancipation juridique des
femmes françaises prend forme le 13 juillet 1965 avec la loi sur les régimes
matrimoniaux : elles peuvent désormais exercer une profession, ouvrir un
compte bancaire à leur nom sans le consentement de leur mari. En 1956 avait été
créé le mouvement « la Maternité heureuse » qui deviendra le
Mouvement Français pour le Planning Familial (MFPF) qui luttera pour l’éducation
sexuelle, le droit à la contraception et le droit à l’avortement. La loi
Neuwirth du 19 décembre 1967 est adoptée sous la pression, libéralisant le
recours à la contraception. La pilule contraceptive était jusqu’alors interdite,
mais les décrets d’application tarderont à être publiés (1971).
La loi du 4 juin 1970 modifie
le Code civil en imposant l’autorité parentale conjointe en lieu et place de « la
puissance paternelle » : « les
deux époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la
famille." Le 26 août 1970 apparaît le MLF (Mouvement de
Libération des Femmes), 10 femmes déposent symboliquement une gerbe sous l’Arc
de triomphe « à la femme du soldat inconnu ». Moins d’un an plus
tard, le Nouvel Observateur publie le
manifeste des 343 femmes (délicatement appelé « le Manifeste des 343
salopes » par les opposants) réclamant l’avortement libre dont la loi de
1920 faisait un crime (5). La loi du 11 juillet 1973 crée le Conseil
supérieur de l’information sexuelle, de la régulation des naissances et de l’éducation
familiale.
La loi du 4 juin 1970 modifie
le Code civil en imposant l’autorité parentale conjointe en lieu et place de « la
puissance paternelle » : « les
deux époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la
famille." Le 26 août 1970 apparaît le MLF (Mouvement de
Libération des Femmes), 10 femmes déposent symboliquement une gerbe sous l’Arc
de triomphe « à la femme du soldat inconnu ». Moins d’un an plus
tard, le Nouvel Observateur publie le
manifeste des 343 femmes (délicatement appelé « le Manifeste des 343
salopes » par les opposants) réclamant l’avortement libre dont la loi de
1920 faisait un crime (5). La loi du 11 juillet 1973 crée le Conseil
supérieur de l’information sexuelle, de la régulation des naissances et de l’éducation
familiale.
La joyeuse ménagère, affiche
années 60
(1) :
Personnage cité dans l’article du blog L’école
nouvelle, l’espoir nouveau : période 1920-1931, les pionniers, sur les travaux de Korczak et L’école nouvelle, l’espoir nouveau :
période 1932-1939, la fin des pionniers,
avec la déportation et l’extermination à Tréblinka, de Korczak et des enfants
de sa colonie :
https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2020/05/lecole-nouvelle.html#more
https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2020/06/lecole-nouvelle-2.html#more
(2) : Bref historique de la
Déclaration des droits de l’enfant :
« Le
20 novembre 1959, l’Assemblée générale des Nations Unies adopte
la Déclaration des droits de l’enfant. Même si de nombreux États
n’étaient pas d’accord et que le texte n’a aucune valeur contraignante, il
ouvre la voie à une reconnaissance universelle des droits de l’enfant. Ce texte
définit en dix principes les droits de l’enfant et fait de lui un véritable
sujet de droit. Après l’adoption de la Déclaration universelle des droits
de l’homme, les Nations unies souhaitent mettre en place une Charte des droits
de l’homme qui aurait force d’obligation et de contrainte pour les États.
Ainsi, une Commission des droits de l’homme chargée de rédiger ce texte va être
créée.
Dans
un contexte de guerre froide et après de longues négociations, deux textes
complémentaires à la Déclaration universelle des droits de
l’homme sont adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies à New York
:
-
Le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels reconnaît le droit à la protection contre l’exploitation
économique, le droit à l’éducation et le droit à la santé.
-
Le Pacte
relatif aux droits civils et politiques établit le droit à un nom et à une
nationalité.
L’année
1979 est proclamée par les Nations Unies « Année internationale de l’enfant ».
1979 marque une véritable prise de conscience, où la Pologne propose la
constitution d’un groupe de travail au sein de la Commission des droits de
l’homme. Ce groupe de travail est ainsi chargé de rédiger une convention
internationale… Le 20 novembre 1989 est adoptée la Convention
internationale des droits de l’enfant. En 54 articles, ce texte, adopté à
l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations unies, énonce les droits
civils, économiques, sociaux et culturels de l’enfant.
La Convention
internationale des droits de l’enfant est le texte international relatif
aux droits de l’homme, qui à ce jour, a été le plus rapidement adopté dans
l’histoire. Le 2 septembre 1990, ce texte devient un traité international,
après sa ratification par 20 États qui en marque l’entrée en vigueur. Le 11
juillet 1990, l’Organisation de l’unité africaine (qui deviendra l’Union
africaine) adopte la Charte africaine des droits et du bien-être de
l’enfant. Le 17 juin 1999 est adoptée la Convention de Genève sur les
pires formes de travail des enfants. En mai 2000, le Protocole facultatif
à la Convention internationale des droits de l’enfant concernant la
participation des mineurs aux conflits armés est ratifié. Il entrera en vigueur
en 2002. Ce texte interdit la participation des mineurs aux conflits armés.
À ce
jour, la Convention internationale des droits de l’enfant a été
ratifiée par 193 États sur 195, malgré quelques réserves sur certaines parties
du texte. Les États-unis et la Somalie sont les seuls pays au monde à l’avoir
signée mais pas ratifiée.
Aujourd’hui,
le cadre théorique et contraignant est quasi universellement admis. Pourtant,
il reste à l’appliquer, à transformer les paroles en actions, à faire des mots
une réalité… Dans un monde d’une intolérable urgence, où toutes les 5 secondes
un enfant meurt de faim, il est temps de lier la théorie à la pratique…
peut-être aurait-il fallu commencer par-là ? » (https://www.humanium.org/fr/histoire-des-droits-de-l-enfant/)
(3) :
Ouvrage cité dans l’article du blog Clovis : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2022/12/chronique-des-heros-du-roman-national.html#more
(4) :
Quelques repères :
- La loi du 7 novembre 1800
interdit le port du pantalon pour les femmes, loi heureusement abrogée
rapidement… en 2013 !
- En 1801, le sieur Sylvain
Maréchal dépose un projet de loi visant à interdire d’apprendre à lire aux
femmes.
- En 1804, le Code civil
français déclare l’incapacité juridique de la femme qui restera toujours sous
tutelle (de ses parents, puis de son mari). Tout a heureusement une fin :
la femme cesse de devoir l’obéissance à son mari en 1938, elle peut exercer une
profession dans son autorisation en 1965 et n’est plus obligée de le suivre à
son domicile en 1975.
- En 1806, les
médecins-accoucheurs peuvent prendre des sages-femmes comme auxiliaires.
- En 1810, le Code pénal
établit que le délit d’adultère pour les femmes est puni de 3 à 24 mois de prison
alors qu’entretenir une concubine à son domicile ne mérite qu’une amende de 200
à 2 000 francs. L’article 317 du même Code condamne les personnes qui
pratiquent, aident ou subissent un avortement à la réclusion. Pour les
pharmaciens et médecins impliqués, ce seront les travaux forcés.
- Le divorce est supprimé le
8 mai 1816.
- Grande avancée en
1832 : la majorité sexuelle est fixée à 11 ans et le viol devient un
crime, tandis qu’est créé le premier journal féministe La femme libre. Les idées saint-simoniennes fleurissent : la Fondation des
Femmes libres est créée, Georges Sand se dévoile dans son roman Leila.
- En 1838, création de la
première Ecole Normale de filles.
- 1848, Deuxième République.
Si les hommes obtiennent, le 7 mars, le suffrage universel, les femmes aspirent
au changement. Les « Vénusiennes » prônent le partage des tâches
ménagères, portent le pantalon, réclament l’accès à tous les emplois publics,
civils, religieux et militaires. En réponse, la loi du 26 juillet leur interdit
d’être membre d’un club et d’assister à tout débat public.
- La loi Falloux de 1850
oblige les communes de plus de 800 habitants à entretenir une école de filles.
- En 1861, Julie-Victoire
Daubié est la première bachelière française, la Sorbonne lui reste cependant
fermée pour poursuivre ses études. Elle y rentrera tout de même en 1871. La deuxième
bachelière sera Emma Chenu en 1863.
- 1867, Victor Duruy crée
l’enseignement secondaire pour les filles. Cet enseignement sera reconnu d’Etat
par Camille Sée en 1880, avec un programme spécifique qui comprend surtout
l’enseignement ménager et moral. Il faudra attendre 1924 pour que filles et
garçons reçoivent le même enseignement.
- Les lois de 1874 : 18
mars, le travail de nuit est interdit aux enfants de moins de 13 ans ; le
19 mai, le travail de nuit est interdit aux femmes de 13 à 21 ans ; le 2
novembre, le travail des femmes est interdit dans les mines et les carrières.
- 1875, Madeleine Brès
devient la première femme docteure en médecine.
- En 1881, Blanche Edwards
est reçue au concours de l’externat en médecine, des étudiants brûlent son
effigie en place publique. Le 9 avril, on autorise les femmes à ouvrir un
livret de caisse d’épargne sans l’autorisation de leur mari sauf pour en
retirer le contenu…
- En 1882, le premier lycée
de jeunes filles ouvre à Montpellier, mais ne prépare pas au baccalauréat.
- En 1883, création d’une
agrégation féminine distincte qui ne fusionnera avec celle des hommes qu’en 1960.
En 1884, 25 étudiantes sont inscrites à la Sorbonne.
- En 1889, le Congrès
international des droits des femmes a lieu à Paris.
- En juillet 1891,
Marie-Louise Gagneur demande à l’Académie française la féminisation des noms de
métiers masculins occupés par les femmes, elle essuie un refus… mais ce sera
chose faite en 2019, après 128 ans de tractations !
- 1897, l’Ecole nationale
des beaux-arts de Paris s’ouvre enfin aux femmes.
- 1898, les femmes peuvent
être électrices… au Tribunal de commerce.
(5) : Octobre-novembre
1972 : les procès de Bobigny s'ouvrent : Marie-Claire Chevalier
est jugée en octobre pour avoir fait le choix d'avorter. Un mois plus
tard, sa mère, Michèle Chevalier, est accusée de "complicité d'avortement". Leur défense est assurée par l'avocate
Gisèle Halimi. La fille est relaxée, la mère est condamnée au paiement de 500 francs
d'amende avec sursis. Parmi les co-accusées, Micheline Bambuck, l'avorteuse,
est condamnée à un an de prison ; deux collègues qui ont conseillé
Marie-Claire Chevalier sont relaxées.
PATRICK
PLUCHOT
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