350 ème article du blog
Poucet et son ami
Une méthode de lecture selon Rossignol
Dans
le sillage des panneaux éducatifs Rossignol
Du
milieu des années 50 jusqu’après les années 70, une méthode de lecture mixte, préconisée
par les éditions Rossignol, a remporté un vif succès. Jusqu’au cours
élémentaire, des générations d’écoliers, les bras croisés sur les pupitres de
bois, ont suivi les aventures passionnantes de Poucet et Annette, d’abord
contées par la maîtresse ou le maître, puis découvertes du bout du doigt sur le
manuel. Certains pourront retrouver ici les histoires de ce petit garçon malin,
avec toute l’émotion des premiers mots qu’ils ont appris à lire, d’autres, plus
jeunes, y découvriront toute la tendresse de la nostalgie…
Au temps des cahiers à « deux
lignes », de l’ardoise et de la craie, apprendre à lire n’était pas plus
facile qu’aujourd’hui, même si les bons points distribués par la maîtresse et l’espoir
d’avoir une image stimulaient l’écolier. Heureusement, Le Beau Livre de Poucet
était le compagnon de tous les jours. La méthode était-elle plus efficace que d’autres ?
Laissons-en l’analyse aux spécialistes sur le fond, et contentons-nous
présentement d’en voir la forme.
Grande affiche de la méthode (collection musée)
Grande affiche de la méthode,
détail (collection musée)
Techniquement, la méthode de
lecture mixte en question, Poucet et son ami, fut réalisée en « coopération
pédagogique » sous la direction de R. Chariot et Henri Géron, illustrée
par François Garnier, tous trois aidés par R. Lafréchoux, instituteur, et produite
par les éditions Rossignol. Ceci étant dit, un livret-guide fut édité
parallèlement pour aider à l’utilisation particulière de la méthode, précisions
apportées par les auteurs. Ces derniers pensaient que la meilleure manière pour
les enfants de faire connaissance avec Poucet
et son ami, était d’entendre lire (ou plutôt conter) par la maîtresse ou le
maître, ce petit texte d’introduction : « Il était une fois un petit garçon de votre âge. Il s'appelait
Poucet. Il habitait avec son papa et sa maman au bord de la forêt. Son papa
travaillait dans le bois. Sa maman, comme beaucoup de mamans, s'occupait de sa
maison. Poucet, comme tous les petits enfants, aimait beaucoup son papa et sa
maman. Il aimait aussi toutes les bêtes de la forêt ou de la maison, toutes
celles que vous avez vues en ouvrant le livre. Il aimait surtout un jeune
écureuil que son papa avait trouvé tout petit et qu'on avait élevé à la maison.
Le petit écureuil était son ami. Il est arrivé à Poucet et à son ami beaucoup
d'histoires amusantes que je connais parce que je les ai lues dans ce joli
livre. Vous les connaitrez, vous aussi, en apprenant à lire. Ce sera très
amusant d'apprendre à lire ainsi. Et puis, quand vous saurez lire, vous pourrez
trouver dans les livres beaucoup d'autres histoires, beaucoup, beaucoup... ».
Le nec plus ultra étant, selon les mêmes auteurs, de faire lire ce texte, dans
les classes à plusieurs cours, par un élève plus âgé ayant terminé son
apprentissage de la lecture.
Deux manuels en un
(collection musée)
Ce livret-guide ne
concernait d’ailleurs pas que Poucet et
son ami qui fut édité en deux livrets puis en un livret unique, mais concernait
aussi Le beau livre de Poucet-Premier
livre de lecture courante CP et Poucet
à Paris-Deuxième livre de lecture courante CE1. La méthode complète était
composée de grandes images pour amorcer les leçons, d’affiches de mots-clés
pour fixer les connaissances, de tableaux de lecture pour éviter les
fastidieuses copies, de timbres en caoutchouc pour les cahiers d’exercices, de
jeux d’images individuelles et de carnets de jeux de lecture.
Cahier d’exercices
(collection musée)
Affiche collective
(collection musée)
Coffret de tampons
(picclick)
Affichette de mots-clés
(collection musée)
La méthode était ainsi un
outil complet d’apprentissage de la lecture, dans l’esprit « Rossignol »,
suivant la ligne pédagogique de toutes leurs éditions, et André Rossignol de
conclure : « Avec Poucet à
Paris, s’achève notre méthode de lecture CHARLOT-GERON. Vous avez maintenant à
votre disposition un instrument de travail complet, qui vous servira
fidèlement, des leçons d’initiation à la pleine lecture courante ».
Un
premier livre de lecture courante
Pour finaliser la méthode de
lecture Charlot-Géron en deux livrets, les éditions Rossignol éditent Le beau livre de Poucet, livre de lecture courante pour CP, ici l’édition
1965 (collection musée)
Un deuxième livre de lecture courante
Pour finaliser la méthode de
lecture Charlot-Géron en deux livrets, les éditions Rossignol éditent Poucet à Paris livre de lecture courante pour CE1 et qui fait suite à Le beau
livre de Poucet livre de lecture
courante pour le CP, ici l’édition 1961 (collection musée)
Ce livre vient parachever la
méthode de lecture Charlot-Géron. En voici la préface :
« Pendant les grandes
vacances Poucet est allé à Paris (1) avec sa maman, retrouver sa cousine Annette,
son oncle André et sa tante Madeleine. Peu à peu il apprend à connaître et à
aimer cette grande ville. Vous allez faire avec Poucet un joli voyage à travers
la capitale de notre pays. Vous y verrez les beaux monuments que le monde
entier admire. Vous vous promènerez avec votre ami, en taxi, en métro, en
autobus, en bateau-mouche. Avec lui vous visiterez les Halles, le jardin des
Tuileries, l'aérodrome d'Orly. Vous regarderez vivre les gens : chez eux, dans
la rue, dans les magasins, au restaurant; et même vous assisterez à des courses
de chevaux. Grâce aux claires photographies et aux beaux dessins qui illustrent
le récit, vous aurez plaisir à suivre nos amis dans leurs promenades à travers
la capitale. Nous vous souhaitons de bien vous amuser et vous disons : "
Bon voyage à Paris "
(1)
Voir la dernière leçon de la méthode de lecture " Poucet et son ami
".
Une transcription des textes
de ce deuxième livre de lecture courante vous est proposée en annexe (1).
Patrick PLUCHOT
Zoom
sur le premier livret
(1) : Transcription de Poucet
à Paris (fr.cribd.com) :
(Aucune correction apportée
à la transcription)
Page 2 :
Page 3 :
Page 5 :
1. — « Venez par-là, dit l'oncle André, nous allons prendre
un taxi pour aller à la maison.» Il les emmène vers une rangée d'automobiles
qui attendent les voyageurs. « Veux-tu, Poucet, que nous prenions cette belle
voiture rouge et noire? » Poucet sourit; la voiture lui plaît. Oncle André dit
quelques mots au conducteur et tout le monde s'installe dans le taxi. Le
chauffeur abaisse un petit drapeau fixé sur une espèce de boîte près du
pare-brise. Poucet la regarde curieusement ; il se demande à quoi elle peut
bien servir. Son oncle s'en aperçoit et lui dit : « C'est un compteur, Poucet.
»
2. — Maintenant le taxi roule dans Paris. Poucet ne parle pas
et il serre bien fort la main de sa maman.
Page 6 :
Il est sûrement très content d'aller en automobile, mais il
est inquiet. Il n'a jamais vu tant de voitures. En voici qui se croisent ;
d'autres, qui semblent très pressées, passent devant le taxi, si près qu'elles
le frôlent. Et comme elles vont vite !
3. — On arrive à un carrefour. Oh ! La voiture qui est devant
celle de Poucet vient de s'arrêter. « Cette fois, c'est l'accident », se dit
Poucet. Et il ferme les yeux. Mais non, le taxi a freiné. Les voyageurs ont été
un peu secoués sur leur siège, mais la voiture s'est arrêtée à quelques
centimètres de celle qui est devant. Poucet est devenu tout pâle. « Il ne faut
pas avoir peur, Poucet, lui dit Annette. Les chauffeurs de taxi parisiens
conduisent très bien.
Page 7 :
1. — Poucet est un peu rassuré. Il ne surveille plus les
voitures qui doublent ou qui croisent le taxi. Il regarde à droite, à gauche.
Partout des magasins et, sur les trottoirs, beaucoup de monde. Il n'en a jamais
tant vu. « C'est la foire ? demande-t-il. — Mais non, Poucet, dit Annette,
c'est comme ça tous les jours. » Papa lui avait bien dit que Paris était une
grande ville, qu'il y verrait beaucoup de gens, mais il n'avait pas imaginé
cela.
2. — II est étonné aussi de la hauteur des maisons. Il a beau
se coller le nez à la vitre et se tordre le cou pour mieux regarder en l'air,
il n'arrive pas à voir les toits. « Vous en avez de grandes maisons, dit-il à
sa cousine.
Page 8 :
Bien sûr, mais nous n'avons pas, comme toi, une maison pour
nous seuls ; chaque famille habite dans une petite partie de la maison ; nous
avons des voisins, au-dessous de nous, au-dessus de nous et à côté. »
3. — « Regarde la tour Eiffel, Poucet », dit
maman. Il aperçoit le haut de la grande tour. Elle ressemble bien à ce qu'il a
admiré sur une carte postale. «Nous irons la voir de plus près demain ou
après-demain», dit l'oncle André. Maintenant le taxi roule dans des rues où il
y a moins de magasins. Bientôt il s'arrête devant une haute maison. «Nous
sommes arrivés, tout le monde descend», dit l'oncle André, en sortant de la
voiture suivi des trois autres voyageurs. Il donne de l'argent au chauffeur et
tous se dirigent vers une grande porte.
page 9 :
1. — Poucet reste un peu en arrière du groupe et lève les
yeux vers le ciel. Toutes ces maisons qui semblent n'en faire qu'une, immense,
le surprennent. Annette devine son étonnement et sourit.
« Allons, Poucet, ne traîne pas, lui crie sa maman, tu
contempleras la rue une autre fois. » Ils entrent dans un couloir très large. «
Là, à droite, c'est la loge de la concierge, lui dit Annette. — Poucet n'a
jamais entendu parler de concierge, répond oncle André, il faudra lui expliquer
ce qu'elle fait. » Puis il se tourne vers sa maman f et dit: « Comme nous
habitons au cinquième étage, nous allons prendre l'ascenseur. — Où est-il l'ascenseur? » Dit tout bas Poucet
à sa maman. Mais déjà Annette a ouvert une porte en fer et elle s'est installée
dans une sorte de caisse en bois avec des vitres. Maman y entraîne Poucet.
Poucet trouve cela amusant d'être enfermé dans cette cabine.
2. — Oncle André appuie sur un bouton. On entend un petit
bourdonnement. Et voilà la cabine qui s'élève. Poucet se sent soulevé en l'air,
comme lorsqu'il se balance avec
Page 10 :
un camarade plus lourd que lui. Mais ce n'est pas
désagréable. Et puis c'est amusant de voir passer très vite les paliers. «
Crois-tu qu'il y en a de drôles de choses à Paris ! » dit maman. L'ascenseur
s'arrête.
3. — L'oncle ouvre de nouveau la petite porte en fer et tous
sortent. Cette fois, c'est Annette qui referme la porte et appuie sur un
bouton. Voilà la cabine qui redescend. Poucet est émerveillé. Il se penche et
regarde à travers les barreaux la cabine qui disparaît dans la cage. «J'ai
entendu la porte de l'ascenseur et j'ai deviné que c'était vous », dit une dame
qui apparaît sur le palier. Elle prend Poucet dans ses bras et l'embrasse bien
fort, puis elle embrasse aussi maman.
Page
11 :
1. — « Comme je suis heureuse de vous accueillir à Paris !
s'exclame tante Madeleine. Avez-vous fait un bon voyage? N'êtes-vous pas très
fatigués après ce long trajet? — Notre voyage a été excellent, Poucet a fait un
bon somme dans le train. — Ton Papa va-t-il bien, Poucet? — Très bien, je vous
remercie, répond maman. — N'a-t-il pas eu du regret de vous laisser partir
seuls? — Il aurait bien voulu nous accompagner; mais cela n'était pas possible.
— Mais je vous laisse sur le palier, dit tante Madeleine, entrez vite ! Vous
allez d'abord vous débarrasser de vos bagages et de vos vêtements. » Poucet,
lui, est tout occupé à regarder. Il trouve tante Madeleine très gentille. Elle
les conduit à une jolie petite chambre tapissée de papier à fleurs rosés. «
Vous coucherez tous les deux dans la chambre d'Annette. J'espère que vous y
dormirez bien. Le cabinet de toilette est à côté. Installez-vous comme si vous
étiez chez vous. Nous sommes bien contents d'avoir votre visite.
Page 12 :
Les voyageurs quittent leurs manteaux et vont dans le cabinet
de toilette. Poucet et sa maman se lavent les mains et le visage. « Un peu
d'eau fraîche, cela fait du bien quand on a mal dormi», dit maman.
2. — « Maintenant, à table ! » Tante Madeleine verse dans les
bols du chocolat au lait fumant. Poucet en respire la bonne odeur. « Prenez des
croissants, ils sont encore chauds, je viens de les acheter. » Poucet trouve
très bon le déjeuner de sa tante et il mange de bon appétit deux gros
croissants.
3. — Les grandes personnes parlent de papa, de la petite
maison de la forêt et alors Poucet pense à son ami. « II doit être bien triste
de ne pas me voir ce matin. » Mais Annette l'entraîne vers la fenêtre en lui
disant : « Viens voir Paris ! »
Page 13 :
1. — Annette écarte les deux battants de la fenêtre, prend
Poucet sous les bras et s'apprête à le soulever quand tante Madeleine
intervient : « Je veux bien que vous regardiez par la fenêtre, mais il ne faut
pas vous pencher car vous pourriez tomber. — Comme nous sommes haut ! dit
Poucet en regardant la rue. Tu vois, Annette, comme les passants paraissent
petits. Ils ressemblent à des nains et les voitures, elles, ressemblent à des
jouets.
2. — C'est que nous habitons au cinquième étage de la maison,
dit la maman d'Annette. A Paris, les maisons sont bien plus hautes que la
tienne. On appelle ces grandes maisons des immeubles. Le nôtre a sept étages.
C'est comme si on empilait, au-dessus de ta maison, sept autres
Page 14 :
comme elle. Celle du bas, c'est le rez-de-chaussée, celle qui
est au-dessus s'appelle le premier étage, puis c'est le deuxième étage et ainsi
de suite. « Au rez-de-chaussée, il y a la concierge. Nous irons lui dire
bonjour. A chaque étage, il y a trois appartements. Ainsi, dans notre immeuble,
il y a vingt et un appartements habités par vingt et une familles. » Annette
est très fière d'ajouter : « 11 y a plus de gens dans notre immeuble que dans
les petits villages de ta campagne. »
3. — Alors Poucet essaie de compter les autres immeubles de
la rue et de deviner combien il peut y avoir d'habitants. Mais c'est trop
compliqué pour lui; il ne sait pas assez bien compter. Il pense seulement : II
y a beaucoup de monde à Paris.
Page 15 :
1. — « Annette, voudrais-tu aller faire des commissions dans
le quartier ? — Oui, ma petite maman, mais je voudrais bien emmener Poucet avec
moi. — Naturellement, Poucet va t'accompagner. Tu feras attention à lui lorsque
vous traverserez la rue. » Un panier au bras, les deux enfants descendent les
escaliers. Ils croisent la concierge qui, avec un balai, une éponge et un seau
d'eau, nettoie le couloir d'entrée.
2. — « Bonjour, madame. Vous voyez, mon petit cousin est
arrivé. — Bonjour, Annette. Bonjour, bonhomme. — Il s'appelle Poucet, précise
Annette.
Page 16 :
— Alors, Poucet, tu es content d'être à Paris? — Oui, madame.
— Tu vas en voir de belles choses! — Bien sûr! Pour le moment nous allons faire
des commissions», dit Annette. En marchant sur le trottoir, Poucet demande à sa
cousine: « Dis-moi ce qu'elle fait, la concierge.
3. — A Paris, dans tous les immeubles, il y a une concierge.
Elle habite une « loge au rez-de-chaussée. Comme tu as vu, elle nettoie le
couloir d'entrée, les escaliers. Elle reçoit le courrier pour tout le monde et
elle le distribue. C'est aussi la gardienne de l'immeuble. Elle ouvre la porte
et renseigne les visiteurs. Pour ouvrir la porte, il lui suffit d'appuyer sur
un bouton se trouvant dans sa loge. »
Page
17 :
1. — De retour à la maison, Poucet s'est allongé sur un divan
en attendant l'heure du déjeuner. Il s'est endormi aussitôt. Maman a dû le
réveiller en lui donnant un baiser sur le front et en lui murmurant : « Viens,
mon Poucet, il est temps de passer à table. » Pendant le déjeuner, Poucet
demande quand on l'emmènera visiter la tour Eiffel. « Cet après-midi, si tu
n'es pas trop fatigué, lui répond oncle André, et nous prendrons le métro. —
Mais je ne suis pas fatigué », s'écrie Poucet. Il est heureux d'aller voir la
tour Eiffel, mais aussi de circuler dans ce train qui passe sous les maisons,
sous les rues, et quelquefois sous la rivière.
2. — Le repas terminé, Poucet s'en va avec son oncle et sa
cousine. Maman est restée pour se reposer et bavarder avec tante Madeleine.
Après avoir fait quelques pas sur le trottoir, les trois promeneurs descendent
un escalier entouré de grilles. Ils arrivent dans une salle bien éclairée qui
ressemble à une
Page
18 :
salle de gare. Poucet y voit un guichet, une marchande de
livres et de journaux, comme dans les gares de chemin de fer. Oncle André
achète des tickets et en donne un à chacun des deux enfants.
3. — Puis tous les trois suivent un couloir voûté et revêtu
de carreaux de faïence, descendent des escaliers et arrivent sur un quai. A
l'entrée, une dame, coiffée d'un bonnet de police, poinçonne leurs tickets.
Pendant tout ce trajet sous terre, ils ont croisé beaucoup de gens qui
paraissaient très pressés. Presque tous marchaient vite, quelques-uns même
couraient. «Pourquoi vont-ils si vite? demande Poucet. — A Paris, dit Annette,
les gens se dépêchent toujours. »
Page 19 :
1. — Poucet regarde autour de lui. C'est encore un couloir,
mais beaucoup plus long et plus haut que ceux qu'il vient de traverser. Au
milieu, il y a un fossé profond où brillent des rails. De chaque côté du fossé,
beaucoup de voyageurs attendent le train. Quelques-uns sont assis sur les bancs
fixés le long des murs, mais la plupart sont debout sur le quai. Poucet se
trouve un peu perdu. Il ne lâche pas la main de sa cousine.
2. — Une sorte de bruit de tonnerre le fait sursauter et,
presque aussitôt, sur la voie la plus éloignée, arrive un petit train de cinq
voitures bondées de voyageurs. Des portières claquent : des gens descendent,
d'autres montent. Un nouveau claquement de portières et le train
Page 20 :
disparaît dans le trou sombre avec un bruit sourd qui
diminue.
3. — Presque aussitôt on entend un nouveau grondement et un
train, pareil à celui de tout à l'heure, s'arrête devant eux. Il est à peine
arrêté que des messieurs sont descendus. Oncle André pousse vite les deux
enfants dans le wagon. Il y a déjà beaucoup de voyageurs, mais tout le monde se
serre pour faire place aux nouveaux arrivants. Les portières se ferment toutes
seules avec un bruit sec et voilà le train qui démarre. « Tiens-toi bien,
Poucet », dit Annette. Malgré cela, le départ du train le fait tituber, et il
serait peut-être tombé s'il n'y avait pas eu tant de voyageurs dans la voiture.
Page
21 :
1. — Cramponné à la barre d'appui, Poucet observe les gens
qui l'entourent. Presque tous sont silencieux. Certains lisent un journal,
d'autres un livre, d'autres encore sont immobiles et semblent ne rien voir.
Bientôt trois voyageurs abandonnent leurs sièges ; oncle André s'avance vers
les places devenues libres et dit : «Viens par-là, Poucet, tu seras mieux.»
Annette l'entraîne et le fait asseoir à côté d'elle près d'une vitre. Il sourit
à son oncle pour le remercier. Il est plus à son aise ici, il étouffait un peu,
au milieu de la cohue. Peut-être aussi éprouvait-il un peu d'inquiétude au
milieu de ces inconnus? Il ne s'était encore jamais trouvé dans une telle
foule. Comme il ne comprend pas trop pourquoi les voyageurs ont abandonné leurs
places il en demande l'explication à Annette qui lui répond : «Ces gens vont
sûrement descendre à la prochaine station. » Maintenant il regarde par les
vitres du train, mais il n'aperçoit que des murs sales, éclairés faiblement par
Page
22 :
quelques petites lumières. Il est dans un vrai souterrain et
de nouveau il est inquiet. Si le train s'arrêtait là, que deviendrait-il? Oncle
André pourrait-il le ramener vers sa maman?
2. — Mais, de nouveau, voici une lumière plus vive. C'est une
gare semblable à celle qu'il a quittée. Un arrêt brusque, des voyageurs qui
montent, d'autres qui descendent et le petit train repart et s'enfonce bien
vite dans le souterrain. Une autre gare, puis une autre; cela finit par devenir
amusant puisqu'on ne reste pas longtemps dans le tunnel sombre.
3. — «A la prochaine station, nous descendons», dit oncle
André. Annette prend son cousin par la main et ils se rapprochent des
portières.
Page
23 :
1. — Un nouvel arrêt brusque. Un monsieur ouvre les portières
et nos amis descendent de la voiture. Poucet est heureux d'aller retrouver la
lumière du soleil. Sur le quai, il est un peu bousculé. . Beaucoup de voyageurs
sont descendus du train et presque tous se hâtent. Les uns se dirigent d'un
côté, les autres vont dans un sens opposé. Cela surprend Poucet qui demande à
Annette : « Comment se fait-il que tous les voyageurs ne partent pas dans la
même direction? — Nous, nous allons vers la sortie et ceux qui nous croisent vont
prendre un autre train. Dans certaines stations de métro il passe plusieurs
lignes et des couloirs font communiquer leurs quais. — Où est-elle la sortie ?
— Tu vois la grande pancarte —avec des lettres lumineuses, lis ce qu'il y a
d'écrit. — « Sortie ». — Eh bien, nous allons sortir par là. »
Page 24 :
2. — Ils
montent quelques marches, suivent un couloir et arrivent à un carrefour. « Nous
allons prendre l'escalier mécanique », leur dit le papa d'Annette. Tout en se
demandant comment est fait un escalier mécanique, Poucet arrive devant une
espèce d'escalier en fer dont les marches montent toutes seules jusqu'en haut.
Annette vient de poser ses pieds sur une marche et la voilà qui s'élève sans
avoir besoin de marcher. Poucet, lui, n'ose pas grimper sur ces drôles de
marches qui bougent.
3. — Mais oncle André le soulève dans ses bras et, hop! le
voilà qui monte. Il tient la rampe et s'aperçoit que la rampe, elle aussi,
monte. C'est bien amusant. « Attention ! Poucet », crie Annette qui les attend
en haut de l'escalier. Mais son oncle le tient bien ; heureusement ! sans cela
il croit qu'il serait tombé en quittant la dernière marche.
Page 25 :
1. — C'est avec joie que Poucet aperçoit la lumière du
soleil. Nos voyageurs grimpent les quelques marches de l'escalier de pierre et
presque aussitôt Annette s'écrie : « Poucet ! regarde la tour Eiffel! » Au fond
de la grande place, il la voit enfin, tout entière, cette fameuse tour Eiffel
qu'il a aperçue le jour de son arrivée. Qu'elle est grande! et pourtant comme
elle paraît légère! Poucet ne se lasse pas de la regarder. « Nous allons, tout
à l'heure, monter là-haut, tout là-haut ? demande-t-il à son oncle. Ce sera
assez large pour nous ? — Bien sûr, et nous y verrons beaucoup d'autres gens. »
Le sommet de la tour Eiffel lui paraît si petit qu'il n'arrive pas à croire
qu'ils pourront s'y trouver tous les trois à la fois. « La tour Eiffel, ajoute
l'oncle André, est le monument de Paris qui reçoit le plus de visiteurs. Chaque
année, des milliers de Français et d'étrangers viennent passer quelques heures
au sommet de cette immense tour de fer. Elle est connue du monde entier et il
n'y a pas un visiteur de notre capitale qui l'oublie. La dernière fois que je
m'y suis trouvé, il y a peut-être quatre ou cinq ans de cela, j'étais au milieu
d'une vingtaine de personnes : presque toutes parlaient anglais ou allemand.
Naturellement, les Parisiens sont très fiers de leur Tour ; pourtant je crois
bien que tous ne sont pas montés jusqu'au troisième étage. »
Page
26 :
2. — Dis donc, mon oncle, est-ce qu'elle est solide, la tour
Eiffel ? On dirait de la dentelle. — Rassure-toi Poucet, c'est de la dentelle
de fer. La tour Eiffel est très solide. Et pourtant il y a longtemps qu'elle
est construite. Elle est bien plus vieille que moi. Et quand mon papa, à moi,
était un petit garçon, elle était déjà là, toute pareille. Mais pourquoi me
demandes-tu si elle est solide? — Mais on voit à travers.
» 3. — Annette se met
à rire. « Annette, explique à Poucet pourquoi on voit à travers. — C'est parce
qu'elle est faite avec des morceaux de fer fixés les uns aux autres. — Il a dû
en falloir des rivets pour assembler tout cela. — Oui, beaucoup. Il y a près de
douze mille pièces assemblées par deux millions et demi de rivets. Plus de
trois cents ouvriers ont travaillé à sa construction. — Oh ! tu en sais des
choses, toi, Annette ! remarque Poucet. — C'est papa qui m'a appris cela il y a
quelques jours. — Pourquoi l'appelle-ton la Tour Eiffel ? — Parce que celui qui
a eu l'idée de la construire s'appelait Eiffel, l'ingénieur Eiffel. »
Page 27 :
1. — « Toi, Annette, qui sais tout, dis-moi quelle est la
hauteur de la tour Eiffel? — Elle mesure trois cent sept mètres. Tu distingues
bien les trois étages ? Eh bien, la première plate-forme se trouve à
cinquante-sept mètres, la seconde à cent quinze mètres et la troisième à trois
cents mètres. Le sommet est utilisé par la Télévision. » Maintenant qu'il est
arrivé tout à côté de la tour Eiffel, Poucet ne la trouve plus si légère que
tout à l'heure. Il est un peu effrayé par cet énorme assemblage de pièces de
fer. Il ne dit plus rien ; il regarde à droite, à gauche, il se penche en
arrière et lève la tête pour essayer d'apercevoir le sommet. Heureusement,
oncle André a bien dit qu'elle était solide, pense-t-il. Si elle se renversait
sur nous, nous serions sûrement écrasés. « Tu vois, reprend Annette, la tour
Eiffel a quatre pattes. — Dis plutôt quatre piliers », corrige oncle André. Et
Poucet regarde les quatre gros blocs de ciment sur lesquels elle s'appuie.
Page 28 :
Annette a raison; on dirait bien une énorme bête appuyée sur
ses quatre pattes et qui frotterait sa tête contre les nuages.
2. — Oncle André va chercher les billets et dit : « Venez,
les enfants, nous allons monter. — Regarde, Annette, il y a déjà des gens qui
montent.» Et Poucet fait voir à sa cousine quelques jeunes gens qui ont pris
l'escalier. « Pourquoi ne faisons-nous pas comme eux ? — Parce que nous allons
prendre l'ascenseur. C'est bien moins fatigant.
3. — « Tiens, c'est curieux, remarque Poucet, quelques
instants plus tard, lorsque la cabine s'arrête au premier étage de la tour,
c'est comme si l'on changeait de train. — On ne change pas de train, mais on
change d'ascenseur ; il y en a un qui va jusqu'au premier étage et un autre qui
emmène les gens jusqu'en haut. » Poucet voudrait bien regarder, pendant que la
cabine s'élève, mais il est petit et les fenêtres sont trop hautes.
Heureusement, il n'a pas à attendre bien longtemps. Il y a une petite secousse.
On s'arrête. On est arrivé en haut de la tour Eiffel.
Page 29 :
1. — Quand Poucet grimpait à la cime du sapin de son jardin,
il trouvait qu'il y faisait toujours du vent. Il pense qu'il y en aura encore
beaucoup plus en haut de la tour Eiffel. Il prend alors sa casquette à la main,
il a peur qu'elle s'envole. Mais il est tout surpris d'arriver dans une salle
avec des fenêtres tout autour. Poucet se dresse sur la pointe des pieds et il
colle son nez sur la vitre : « Des maisons, encore des maisons ! »
2. — Mais, de l'autre bout de la salle, Annette l'appelle : «
Poucet, viens voir. » II accourt et se hausse près de sa cousine. « C'est comme
de l'autre côté, des maisons, toujours des maisons! — Tu ne croyais pas que
Paris était si grand? lui dit Annette. — Oh ! Non ! » Répond Poucet. Puis pour
taquiner sa cousine, il ajoute : « Mais vos maisons de Paris sont toutes
petites, on dirait des maisons de poupée.
Page 30 :
3. — Bien sûr »., dit en riant oncle André, et prenant Poucet
dans ses bras pour qu'il puisse mieux voir : « Tiens, regarde le petit ruisseau
qui traverse la ville. » C'est vrai que la Seine, du haut de la tour Eiffel, ne
lui paraît pas grande. Sur les ponts, les autos ont l'air de gros insectes de
toutes les couleurs. De gros insectes très pressés. Et, sur les trottoirs, les
gens ne sont guère que de gros points. « Tu crois, Annette, que si j'étais en
bas, je ne serais pas plus gros que ces gens-là ? — Je crois même, Poucet, que
tu paraîtrais encore plus petit ». Puis Annette et Poucet se taisent. Ils sont
étonnés par le vaste horizon qu'ils ont sous les yeux. Oncle André semble, lui
aussi, très intéressé. Mais au bout d'un moment il appelle Annette et lui fait
nommer les grands monuments qu'elle aperçoit. Toute fière, elle montre l'Arc de
Triomphe, le Sacré-Cœur de Montmartre, la cathédrale Notre-Dame, le Panthéon,
la colonne de la Bastille. Poucet, lui, regarde loin, très loin et il demande à
son oncle à quelle distance peuvent se trouver les paysages les plus éloignés.
« Par temps clair, la vue s'étend jusqu'à quatre-vingts kilomètres. Mais
souvent, comme tu peux voir, les fumées des usines sont bien gênantes. »
Page 31 :
1 —- Cela fait longtemps qu'ils contemplent Paris et ils n'en
sont pas encore lassés. Pourtant il faut partir. À regret, nos trois amis
redescendent au premier étage. « Tu nous permets, papa, de donner encore un
coup d'œil sur Paris ? demande Annette. — Vous ne préférez pas que je vous
emmène goûter au restaurant ? — Oh ! C’est une bonne idée ! » Ils vont
s'asseoir à une table, près de la façade vitrée. De là, on a encore une très
belle vue de Paris. Poucet trouve ce restaurant remarquable, surtout quand on
lui sert un excellent gâteau et un grand verre de jus d'ananas. Une demi-heure
est vite passée et oncle André dit qu'il faut quitter la tour Eiffel.
L'ascenseur les ramène sur la terre ferme. Un petit voyage dans le métro et les
voilà de retour à la maison. Aussitôt entré, Poucet se précipite vers sa mère.
« Tu sais, maman, nous avons grimpé jusqu'en haut de la tour Eiffel. De là,
j'ai vu tout Paris. Que c'est grand !
Page 32 :
— Tu as encore beaucoup de choses à voir, Poucet, et tu vas
passer de belles vacances. — Oh ! Oui ! »
2. — Maman est très heureuse de voir les yeux de son petit
garçon briller de bonheur. Elle le prend sur ses genoux et l'embrasse bien
fort. Poucet passe ses bras autour du cou de sa maman. En l'embrassant, il lui
murmure : « Je suis content d'être à Paris. » Voici Annette qui arrive avec un
jeu de petits chevaux. « Viens jouer avec moi pendant que maman met le couvert
». Poucet et Annette s'installent sur le divan et Annette explique comment on
joue. Poucet a compris; ils s'amusent bien. 3. — « À table ! À table » crie
tante Madeleine, en apportant une soupière fumante. On s'installe autour de la
table. Poucet mange son potage, un œuf. Et voilà que ses yeux se ferment. « Tu
es fatigué, Poucet, lui dit oncle André. — Oh ! Non ! » Mais bientôt sa tête
tombe sur son épaule. Poucet dort.
Page
33 :
1. — Ce matin, en déjeunant, tante Madeleine a proposé : «Si
vous voulez, les enfants, je vous emmène aux Halles. Les Halles, Poucet, c'est
le plus grand marché de Paris. » Poucet et Annette acceptent avec joie, ils sont
toujours prêts à partir se promener. Maman fait vite la toilette de son petit
garçon pendant qu'Annette et tante Madeleine se préparent. Puis chacun prend
son imperméable, car il pourrait pleuvoir.
2. — En descendant l'escalier, Annette dit : « Je voudrais
bien que nous prenions l'autobus. Poucet a voyagé en taxi, dans le métro, mais
pas dans l'autobus. — Eh bien, prenons l'autobus. » Après quelques pas dans la
rue, ils s'arrêtent près d'un poteau en fer portant un disque jaune et vert
avec des numéros et des inscriptions. Annette explique à Poucet que les autobus
permettent d'aller dans n'importe quel endroit de Paris. La ville est sillonnée
de nombreuses lignes. Chacune a un numéro et tous les autobus qui circulent sur
cette ligne portent, de façon très apparente, ce numéro. « Mais il en passe
souvent, des autobus ? demande Poucet. — Environ toutes les dix minutes; il est
alors inutile de s'occuper des heures de leur passage ». Maintenant une
vingtaine de personnes attendent auprès du poteau.
Page 34 :
Presque toutes sont silencieuses. Seuls, trois jeunes gens
parlent fort et rient. Mais on ne s'occupe pas d'eux, chacun reste pensif, et
comme préoccupé. Poucet a déjà remarqué cela dans le métro.
3. — Voilà l'autobus ! C'est une grande voiture peinte en
vert, avec un gros numéro au-dessus de la cabine. Il s'arrête. Heureusement il
n'y a pas beaucoup de voyageurs. Quelques personnes descendent à l'avant, mais
celles qui attendent se précipitent vers l'arrière pour monter. Le receveur
laisse monter tout le monde. Tous les trois avancent dans le couloir. Tante
Madeleine présente des billets au receveur. Il les glisse dans la fente d'un
appareil placé devant lui, tourne une manivelle et les lui rend. Ils vont
s'asseoir sur une banquette. Un bruit de sonnette et l'autobus démarre. Dans
cette grosse voiture, Poucet est tranquille, il ne craint pas les accidents. Il
colle son nez à la vitre et regarde l'animation de la rue.
Page 35 :
1. — Poucet a beaucoup marché ce matin et il est un peu
fatigué. Après le déjeuner, sa maman lui propose de faire une sieste jusqu'à
trois heures. Cela ne paraît pas lui faire beaucoup de plaisir. « Mais tante
Madeleine a dit que nous irions au jardin des Tuileries. — Oui, nous irons y
passer l'après-midi, mais nous ne partirons que vers trois heures et demie. »
Poucet va s'étendre sur son lit. Après un somme d'une heure, il se réveille et
va retrouver sa tante et sa mère. On se prépare vite et l'on part. Il est près
de quatre heures quand tout le petit groupe arrive au jardin des Tuileries.
C'est une immense place plantée d'arbres où il fait bon à l'ombre des
feuillages. A une extrémité, un grand bassin est rempli d'eau jusqu'au bord.
Par endroits, de grandes pelouses vertes entourent des massifs de jolies
fleurs. « Si on allait cueillir un beau bouquet pour maman? dit Poucet à sa
cousine. — Mais c'est défendu de cueillir les fleurs; c'est même défendu
Page
36 :
de marcher sur les pelouses. A Paris, tu sais, ce n'est pas
comme dans ta forêt où tu peux marcher où tu veux. » Maman et tante Madeleine
se sont assises dans un fauteuil en fer et ont donné aux enfants la permission
de faire le tour du jardin.
2. — Dans ce jardin
ils rencontrent des mamans qui promènent leurs bébés et des enfants qui jouent.
Des garçons et des filles, montés sur des patins à roulettes, font des courses.
Poucet pense que ce doit être amusant d'aller très vite sur ces petites roues.
Plus loin, d'autres se lancent un ballon. Quelques garçons jouent aux gendarmes
et aux voleurs ; ils se poursuivent en criant très fort. Poucet aurait bien
envie de courir avec eux. Des petites filles promènent leurs poupées dans de
vraies voitures de bébés.
3. — Mais voilà trois petiots juchés sur des ânes. Poucet ne
s'attendait pas à trouver des ânes au milieu de Paris. Annette lui explique
qu'on peut louer un petit âne pour faire une promenade. « Nous demanderons à
maman si elle veut bien nous payer un tour, s'écrie Poucet. Moi, je me suis
souvent promené à dos d'âne dans le pré derrière la maison. Je trouve cela très
amusant. »
Page 37 :

1. — Poucet et Annette ont beaucoup de plaisir à se promener çà
et là à travers cet immense jardin. De temps à autre ils s'arrêtent pour
regarder jouer des enfants. S'ils osaient, ils iraient bien se mêler à leurs
jeux. Voilà justement un groupe de six petites filles qui jouent à «
l'épervier. » Ce jeu serait bien plus intéressant si elles étaient plus
nombreuses. « Voudrais-tu, Poucet, que je leur propose de jouer avec elles ? »
Mais Poucet secoue la tête et dit « Je ne les connais pas. — Cela ne fait rien,
à Paris on fait vite connaissance. Enfin si tu préfères que nous continuions
notre promenade, je le veux bien. » Ils repartent à l'aventure. Ils croisent
bientôt un jeune garçon portant un joli bateau à voiles. « Où va-t-il celui-là,
avec son bateau ? demande Poucet. — Il a sûrement l'intention d'aller s'amuser
au bord du grand bassin. — Si nous y allions nous aussi ? — Tu as une bonne
idée, Poucet, courons-y ! » Ils sont vite arrivés à la pièce d'eau. Là, des
petits garçons et des petites filles penchés au-dessus de l'eau font flotter
des bateaux. Il
Page 38 :
y en a de toutes les formes, de toutes les couleurs. Mais
Poucet trouve que ceux à voiles sont les plus beaux.
2. — II en montre un à Annette et lui dit : « Tu vois celui
qui est rouge et bleu, eh bien ! il est pareil au mien. Si j'avais su, je
l'aurais apporté et nous nous serions bien amusés.» Il s'approche alors du bord
et admire le petit navire qui, poussé par le vent, gonfle ses voiles et
s'éloigne vers le milieu du bassin. Poucet aimerait bien tenir la ficelle.
3. — Le petit garçon l'a deviné et il dit : « Tu veux que je
te prête mon bateau ? » Les yeux de Poucet disent oui, mais il ne répond pas.
Il regarde alors sa cousine comme pour lui demander : « Est-ce que je peux le
prendre ? » « Mais oui, Poucet, joue avec le bateau du petit garçon puisqu'il veut
bien te le prêter.» Poucet saisit la ficelle, ramène le bateau vers le bord et
le laisse de nouveau s'éloigner. Puis, devenu plus hardi, il raconte à son
petit ami qu'il a, lui aussi, un bateau rouge et bleu et qu'il va le faire
naviguer sur la mare qui est près de sa maison.
Page 39 :
1. — « Annette! Poucet! Venez goûter! » C'est tante Madeleine
qui les appelle. Poucet remercie son petit ami et ils s'en vont retrouver
maman. Tante Madeleine distribue à chacun un petit pain et un bâton de
chocolat. Puis elle leur donne une orange en leur recommandant : « Faites bien
attention à ne pas vous salir. » Le goûter est vite avalé. Poucet dit alors à
sa cousine : « Qu'y a-t-il par-là ? — Allons-y voir. »
2. — Et elle l'entraîne au fond du jardin, d'où l'on voit la
place de la Concorde. Poucet ne s'intéresse pas beaucoup à la grande colonne en
pierre que lui montre Annette, car il est ahuri en découvrant tant de voitures.
Combien y en a-t-il? Plus de cent, bien sûr, mais il ne pourrait pas les
compter. Partout, autour de la place, des voitures sont garées, bien en ordre,
et beaucoup d'autres tournent sans arrêt. C'est une ronde continue de voitures
qui se suivent, se doublent avant de disparaître, l'une après l'autre, dans les
rues voisines de la place.
Page 40 :
3. — À chaque instant des autos sortent ainsi de la ronde;
d'autres y entrent à leur tour et Poucet croit toujours qu'il va y avoir des
accrochages. Mais non, les voitures passent à côté les unes des autres, ou
devant, ou derrière, sans jamais causer d'accident. Poucet ne se lasse pas de
regarder ce vaste manège. Jamais il n'aurait imaginé que tant de voitures
puissent circuler à Paris. « Annette, c'est comme cela tout le temps ? — Non,
il y a quand même moins de voitures la nuit et le matin de bonne heure. Mais à
certains moments, surtout aux heures d'entrée et de sortie des usines et des
bureaux, il y en a bien davantage, les voitures semblent alors se toucher. »
Pendant qu'ils contemplent ce spectacle, maman et tante Madeleine s'approchent
d'eux. « Poucet ! Annette ! Il est l'heure de rentrer à la maison, venez, mes
enfants. » Et tout le monde se dirige vers la bouche du métro voisine.
Page 41 :
1. — Depuis qu'il est à Paris, il ne se passe pas une journée
sans que Poucet entende et voie des avions dans le ciel. Il l'a dit à Annette
qui lui a répondu : « A Paris, tous les jours, il arrive et il part des
dizaines d'avions. — D'où partent-ils? Où arrivent-ils? a demandé Poucet. Je
voudrais bien les voir. — Nous allons demander à papa de nous conduire au
terrain d'aviation samedi prochain. — Il le voudra certainement, d'abord pour
te faire plaisir et aussi parce qu'il sait que je suis très heureuse d'assister
au départ et à l'arrivée des avions. Tu verras comme c'est beau ! Je suis allée
deux fois à l'aéroport avec papa et chaque fois je ne pouvais me décider à le
quitter. J'y passerais volontiers des journées entières. »
2. — Aujourd'hui oncle André, ne travaillant pas, emmène les
deux enfants à Orly, le grand terrain d'aviation de Paris. Ils prennent le
métro, puis l'autobus. Les voilà qui approchent de l'aérodrome. Poucet s'est
déjà mis debout pour mieux voir les avions qu'il a aperçus.
Page 42 :
L'autobus s'arrête devant un grand bâtiment. « Voici
l'aérogare, dit oncle André. Nous allons entrer là. — Une aérogare, répète
Poucet qui ne comprend pas bien ce mot qu'il n'a encore jamais entendu. — Mais
oui, une gare pour « aéroplanes », comme on disait autrefois, pour
avions, comme on dit à présent. »
3. — Poucet a bien l'impression que cette gare ressemble aux
gares de chemin de fer où il est allé. Il y a des voyageurs avec leurs bagages,
il y a des guichets, une librairie. Sur des pancartes, il lit : «Arrivée —
Départ», «Service de renseignements». Mais ce n'est pas cela qu'il veut voir,
il a hâte de regarder les avions de près. Oncle André devine son impatience et
dit : « Montons sur la terrasse de l'aérogare, nous serons très bien pour voir
tout ce qui se passe sur le terrain d'aviation. Je suis sûr que tu seras très
intéressé par tout ce que nous allons voir. »
Page 43 :
1. — Après avoir monté quelques marches, nos trois promeneurs
sont arrivés sur la terrasse de l'aérogare. De là, ils dominent tout le terrain
d'aviation. Poucet ne sait où donner de la tête pour voir tout ce qui s'y
passe. Il y a des appareils à droite, à gauche, partout. Il avance de quelques
pas et s'appuie au garde-fou. Devant lui, tout près, trois gros avions sont
posés sur une partie cimentée, rayée de bandes jaunes. Plus loin, on aperçoit
beaucoup d'autres avions. Ils sont tous brillants comme de l'argent. Mais
certains portent une bande rouge, d'autres une verte, d'autres encore une bande
bleue.
2. — « Pourquoi les bandes ne sont-elles pas toutes de la
même couleur ? demande Poucet. — C'est pour qu'on puisse savoir à quelle
compagnie appartient l'avion, répond oncle André. — Et cette maison blanche
là-bas, avec ce disque qui tourne tout le temps, qu'est-ce que c'est ?
Page 44 :
3. — C'est la tour de contrôle. Un avion ne peut pas
s'envoler ni atterrir sans en avoir reçu la permission. Les gens qui sont dans
la tour de contrôle lui envoient cette permission par T. S. F. Tiens, regarde
celui-là, ajoute oncle André, en montrant un avion qui tourne au-dessus de
l'aérodrome, il a demandé à la tour de contrôle ce qu'il doit faire et on lui a
dit de ne pas atterrir encore. Alors il tourne en attendant que la piste soit
libre. On lui donnera à ce moment l'ordre de descendre et il se posera sur le
sol. — Mais pourquoi tout cela ? Ce serait plus simple de laisser chaque avion
s'envoler ou atterrir comme il le voudrait. — Non, parce qu'il y aurait
beaucoup d'accidents. En somme, la tour de contrôle, c'est un peu comme l'agent
qui, dans les rues, empêche les autos de se jeter les unes sur les autres.»
Page 45 :
1. — Les yeux de Poucet ne sont pas assez grands pour admirer
tout ce qui se passe sur l'aérodrome. Il voudrait tout regarder à la fois, mais
le terrain d'aviation est bien trop vaste. « Viens voir cet avion de plus près!
lui crie Annette. Poucet arrive en courant. Il s'accoude au garde-fou et
observe l'appareil qui se trouve maintenant à quelques mètres de lui. « On
dirait un insecte géant, ne trouves-tu pas, Poucet ? — C'est vrai, il a un
corps allongé, des ailes et des pattes. » Poucet distingue très bien dans la
carlingue la cabine des pilotes et celle des passagers avec des hublots comme
ceux des navires. Le gouvernail se trouve à l'arrière du fuselage. Il fait
penser à la queue d'une baleine.
2. — Dans chaque aile il y a deux renflements en forme de
fuseau, et, à l'avant, sont fixées des hélices. Oncle André explique à Poucet
que les moteurs de l'avion se trouvent dans les ailes.
3. — Maintenant, il observe les pattes de l'appareil,
c'est-à-dire les roues. Il les compte tout haut :
Page 46 :
« Il y en a une, toute seule, à l'avant. Et puis, au milieu,
elles sont deux par deux. — On dit des roues jumelées, lui souffle Annette. Il
y a deux fois deux roues jumelées. — Alors cela fait quatre roues, répond
Poucet qui veut montrer à sa cousine qu'il sait compter. — Toutes ces roues
forment le train d'atterrissage, ajoute oncle André. Regarde cet avion qui vole
; vois-tu son train d'atterrissage? — Non, dit Poucet. Mais alors, il l'a perdu?
» Oncle André et Annette se mettent à rire. « En vol, le pilote le fait rentrer
dans le fuselage et il ne le fait sortir que pour atterrir. Cela s'appelle
rentrer ou sortir le train d'atterrissage. »
Page 47 :
1. — Voilà un camion-citerne qui s'arrête près de l'avion.
Des hommes installent des tuyaux. « On fait le plein des réservoirs, dit oncle
André, cet avion va sûrement partir bientôt. » Au bout d'un moment arrive un
petit train de wagonnets traîné par un tracteur. Sur chaque wagonnet sont
empilés des mallettes, des sacs, des valises, des colis. « Ce sont les bagages
des voyageurs », remarque Annette. Bientôt arrive un autre train, qui, cette
fois, ne transporte que de gros sacs bleu foncé. « Voilà le courrier », dit un
voisin de Poucet. Bagages et sacs sont rapidement engouffrés dans l'avion.
2. — Voici maintenant un groupe de voyageurs qui se dirigent
vers l'avion. Quelques-uns se tournent vers la terrasse et font des gestes
d'adieu. « Tiens ! Regarde ce qu'on appuie contre l'avion, dit Poucet.
Page
48 :
— C'est un escalier roulant, les voyageurs vont s'en servir
pour monter dans le fuselage. Bientôt, l'escalier est retiré, et Poucet entend
un bruit de moteur.
3. — « Regarde l'hélice qui tourne », crie-t-il à sa cousine.
Une hélice s'est mise à tourner, on la distingue très bien. Puis elle tourne de
plus en plus vite, on ne distingue plus rien, mais on entend un bruit aigu.
L'hélice voisine tourne à son tour, lentement d'abord, puis de plus en plus
vite. Au tour de la troisième, puis de la quatrième. Maintenant c'est un bruit
qui déchire les oreilles et qui grandit toujours. L'avion tourne lentement et
s'éloigne. Le bruit alors diminue. Doucement, tel un grand oiseau qui voudrait
se faire admirer, il suit la piste, oblique à gauche et va rejoindre la piste
centrale, face au vent. Il est là, immobile. Puis il se met à rouler de plus en
plus vite et le voilà qui s'envole. Maintenant l'avion n'est plus qu'un gros
cigare brillant qui diminue. Bientôt ce n'est plus qu'un trait sombre qui se
détache sur le bleu du ciel. « Bon voyage », dit tout bas Poucet, rêveur.
Page 49 :
1. — Poucet rêve : tout à l'heure, l'avion va peut-être
survoler sa maison! « Comme elle doit sembler petite, vue de si haut ! Et même
la forêt qui l'entoure est-elle autre chose qu'une grosse tache verte. » II l'a
bien oubliée un peu sa petite maison forestière. Mais il y a tellement de
choses à voir, et des choses si intéressantes ! Il ne se passe pas une minute
sans que son regard soit attiré par un spectacle nouveau. Il lui en faudra des
jours pour conter tout cela à papa ! Mais le rêve de Poucet est bientôt
interrompu par un avion qui survole le camp d'aviation. « En voilà un qui va
atterrir », s'écrie Annette. En effet, il baisse! Il baisse! Tiens il
s'éloigne,... Non, il réapparaît, très bas, derrière un hangar, à droite. Puis
il vient se placer, lui aussi, au-dessus de la piste centrale, face au vent. Le
voilà qui plonge. Les roues du milieu touchent le sol et il roule très vite.
Pas longtemps. Il ralentit. La roue avant touche la piste à son tour.
Maintenant il prend une allure de promenade. ÏÏ oblique vers la droite et, par
d'autres pistes, il s'approche, grandit.
Page 50 :
2. — Un employé va au-devant de lui, et fait des signaux à l'aide
de disques blancs et rouges. Le grand oiseau, docile, se laisse guider et va
s'arrêter à la place qui lui est réservée. Une hélice tourne moins vite ;
maintenant on la voit, elle s'arrête. Et c'est le tour d'une autre, puis d'une
autre, puis de la dernière. « Tiens, on approche l'escalier, remarque Poucet.
Du ventre de l'avion, les passagers descendent un à un. Ils grimpent aussitôt
dans un car qui les emmène vers l'aérogare. Pendant ce temps, on charge les
bagages sur une camionnette. Bientôt l'appareil est abandonné.
3. — Poucet l'abandonne aussi pour s'intéresser à d'autres
avions ; il regarde celui-ci qui décolle, celui-là qui survole le terrain. «Tu
pourrais rester toute la journée, lui dit oncle André, et toujours tu verrais
des avions arriver et partir. » Poucet resterait bien là toute la journée, car
il ne trouve pas le temps long.
Page 51 :
1. — Cet après-midi, Poucet et sa maman accompagnent Annette
et tante Madeleine sur les boulevards. Poucet est étonné de voir une rué si
large et un trottoir beaucoup plus large que la route qui passe devant chez
lui. Dans cette rue, il n'y a que des magasins. Poucet n'en a jamais vu d'aussi
beaux. Ici, des montres toutes si jolies qu'il serait bien embarrassé s'il lui
fallait en choisir une; dans la vitrine d'à côté, on voit des chapeaux de
dames. Il y en a beaucoup, mais ça ne l'intéresse pas. Plus loin, un étalage de
robes et de manteaux qui ne l'intéresse pas non plus, mais devant lequel maman
et tante Madeleine s'arrêtent longuement. Poucet, pendant ce temps-là, regarde
ce qui se passe sur le trottoir, n y a encore beaucoup de monde; mais les gens
paraissent moins pressés que d'habitude. Si quelques personnes se hâtent, la
plupart semblent flâner, on remarque aussi que les dames sont beaucoup plus
nombreuses que les messieurs.
Page 52 :
2. — « Tiens, regarde, là-bas, cette chose curieuse ! »
Qu'est-ce que cela? Annette. » II lui montre du doigt une affiche qui vient
vers eux. Ils courent tous les deux à sa rencontre. Et Poucet part d'un grand
éclat de rire. Il vient de s'apercevoir que c'est un vieil homme qui transporte
l'affiche. L'homme est caché entre deux planches, l'une devant lui, l'autre
derrière. Les affiches sont collées sur ces planches.
3. — « C'est un homme-sandwich », dit Annette qui en a déjà
vu beaucoup à Paris, et elle ajoute : « Poucet, peux-tu lire ce qu'on a écrit
là? » Et Poucet lit : « A partir du 8 septembre, venez voir au cinéma Concorde
le grand film : Blanche-Neige et les Sept Nains. » « Bravo, Poucet, tu es
savant, dit tante Madeleine qui s'est approchée, mais pourquoi riais-tu tout à
l'heure? — Parce que ce vieux bonhomme est drôle. — Ne t'en moque pas. Ce qu'il
fait te paraît drôle, mais c'est son métier, à lui. »
Page 53 :
1 — Après un bon moment passé sur les boulevards, tante
Madeleine propose d'aller dans un grand magasin. Poucet a entendu parler de ces
grands magasins de Paris qui envoient des catalogues à sa maman. « Tu te
souviens, maman, quand j'ai été malade cet hiver, tu m'en as donné un à
découper. » A un tournant de rue, Annette montre à son cousin un grand immeuble
à cinq étages avec beaucoup de larges vitrines et lui dit : « Voilà le grand
magasin où nous allons. Il s'appelle «Le Meilleur Marché ». — Mais, dit Poucet,
le magasin n'occupe pas toute cette maison? — Si, Poucet, et même tu verras
qu'il occupe encore une maison aussi grande de l'autre côté de la rue. Tu n'as
pas l'air de le croire ? Mais tu vas bien voir ! »
2. — Ils entrent dans une salle immense. Poucet s'y sent
perdu. Il voit, rassemblées autour de lui, toutes les marchandises qu'on vend
dans différentes boutiques qu'il connaît. Ces marchandises sont étalées sur des
comptoirs entre lesquels les acheteurs circulent. Des vendeuses, habillées de
noir, renseignent ou servent les clients. Elles paraissent très aimables.
Page 54 :
3. — « n y en a des affaires ! dit Poucet tout haut. — Et
encore tu ne vois qu'une partie de ce magasin. Si tu montais au premier étage,
tu trouverais une salle aussi grande où l'on ne vend que des vêtements. Au
deuxième, encore une salle où l'on ne vend que des meubles, et il y a encore
d'autres marchandises dans les étages supérieurs. — Mais tu oublies le
sous-sol, Annette, ajoute sa maman. Pour visiter tout ce magasin il nous
faudrait une bonne journée. — En tout cas, je voudrais bien voir les jouets,
demande Poucet. — Rassure-toi, dit tante Madeleine, nous irons les voir avant de
partir. »
Page
55 :
1. — Aujourd'hui, Poucet et Annette sont restés à la maison.
Poucet s'est levé très tard et il a passé sa matinée à regarder de jolis livres
que lui a prêtés sa cousine. L'après-midi, il a fait une bonne sieste. Il avait
besoin d'une journée de repos car tous les jours, depuis son arrivée, il a fait
une ou deux sorties à travers Paris. Et puis, ce soir, toute la famille doit
aller se promener. Annette a souvent dit à Poucet : « Paris, la nuit, c'est
merveilleux ! » II fait déjà bien noir quand l'autobus dépose la petite troupe
place de l'Opéra. C'est un vaste carrefour d'où partent de larges rues. Un
grand bâtiment occupe tout un côté de la place. Bien que ses murs soient sales,
il est joli ainsi tout éclairé. « C'est l'Opéra, dit oncle André à Poucet. C'est
le plus beau théâtre de Paris. On y voit de jolies danses et on y écoute de la
très belle musique. Mais cela ne t'intéressera que lorsque tu seras plus grand.
Allons nous promener sur les boulevards. »
Page
56 :
2. — Les yeux de Poucet ne sont pas assez grands pour
contempler toutes les jolies lumières que l'on aperçoit tout le long de la rue.
Il y en a de toutes les couleurs : des rouges, des bleues, des vertes, des
rosés, d'autres oranges. Par endroits, des façades entières sont recouvertes de
mots formés avec de grandes lettres lumineuses. D'autres noms plus petits
s'effacent et se reforment sans arrêt. Tout en haut d'une maison, un trait
lumineux dessine un petit cheval qui rue des deux pattes de derrière. C'est
vraiment merveilleux. Poucet ne se lasse pas de regarder tout cela et, de temps
en temps, il s'arrête pour mieux voir.
3. — II est aussi très surpris de trouver autant de gens
dehors. Chez lui, quand la nuit tombe, chacun rentre chez soi et les boutiques
se ferment. Ici des promeneurs se pressent sur les trottoirs, d'autres, assis
aux terrasses des cafés se reposent en regardant passer la foule ou en écoutant
un orchestre.
Page 57 :
1. — « Où nous conduira-t-on cet après-midi ? demande Poucet
à Annette. — Je ne sais pas, je ne l'ai pas demandé à maman. Mais viens avec
moi, tu vas lui poser la question. — Tante Madeleine, où irons-nous après
déjeuner ? — C'est ta maman qui vous accompagnera, il faut que je reste à la
maison. » Maman, qui a tout entendu répond : « Nous irons où vous voudrez.
Quelle promenade vous ferait plaisir ? — Moi, dit Poucet, j'aimerais bien aller
voir les bateaux. Vers quinze heures ils partent vers la Seine où ils arrivent
après une bonne marche. Ils s'accoudent sur le parapet et regardent. « C'est la
plus grande rue de Paris, dit Annette, elle traverse toute la ville. — Et cette
rue-là est moins fatigante à regarder que les autres, elle est beaucoup plus
calme, ajoute maman. — Il y a quand même beaucoup de circulation. Tiens,
Poucet, regarde ces bateaux qui arrivent. — Comme ils sont enfoncés dans l'eau
! Je n'en avais pas encore vu de cette forme.
2. — Ce sont des péniches; tu vois comme elles sont longues,
larges et plates. Elles ne circulent que sur les rivières et sur les canaux.
Page
58 :
— Mais il y a une dame et des enfants, sur la péniche,
remarque Poucet. — Mais oui, tu peux même apercevoir, à l'arrière du bateau,
une petite cabine. C'est la maison du marinier qui dirige la péniche. C'est là
qu'il vit avec sa femme et ses enfants. — Ce doit être agréable de vivre ainsi
sur l'eau. — Oui, pendant quelques jours, mais je crois que je n'aimerais pas
vivre toujours ainsi.
3. — Tiens, voilà un autre bateau avec une grosse cheminée
qui fume, ce n'est pas une péniche? — Non, c'est un remorqueur, il tire les
péniches qui n'ont pas de moteur. Tu les vois d'ailleurs derrière lui,
attachées les unes aux autres. Elles forment un train de péniches. Maintenant,
regarde ce joli bateau blanc qui transporte des promeneurs. — C'est un «
bateau-mouche », dit Annette. — Maman, si nous allions faire une promenade sur
le bateau-mouche, ce serait sûrement très amusant. - Je veux bien, allons-y. »
Page 59 :
1. — Maman, Annette et Poucet longent les quais pendant un
moment. Bientôt ils aperçoivent un bateau où flottent de petits drapeaux de
toutes les couleurs. « Vois, Poucet, la « gare » des bateaux-mouches. » Une
route pavée les conduit au bord du fleuve. Elle est coquette la petite « gare »
des bateaux-mouches. On l'a construite sur un bateau et elle se balance
légèrement. C'est une plate-forme où est installé un comptoir avec plusieurs
guichets. À une extrémité des chaises permettent aux voyageurs de se reposer en
attendant l'heure de départ du bateau. Maman prend les tickets et nos trois
promeneurs vont s'asseoir. Là ils sont bien pour observer tout ce qui se passe
sur là Seine. Des péniches accaparent d'abord les regards de Poucet. Il suit longtemps
des yeux celles qui passent devant lui. Annette fait des signes de la main aux
mariniers qui souvent lui répondent en agitant le bras. Poucet découvre aussi
quelques pêcheurs à la ligne sur la rive opposée.
Page
60 :
2. — Mais voilà le bateau-mouche. Un attroupement se forme le
long du quai. « Dépêchons-nous, maman, crie Poucet, j'ai peur que nous n'ayons
pas de place. — Rassure-toi, nous avons des tickets numérotés et on nous
appellera à notre tour », lui répond Annette. Doucement le bateau s'approche du
quai. Avec deux câbles on l'immobilise. Les voyageurs descendent et on appelle
ceux qui vont les remplacer. C'est bientôt le tour de nos amis. Maman voudrait
bien qu'on s'installe dans la salle vitrée du bateau mais les deux enfants
préfèrent être à l'extérieur. « Nous serons bien, dit Poucet, nous avons les
meilleures places. »
3. — La sirène mugit, le bateau s'éloigne de la rive. Poucet
et Annette sont joyeux, ils se regardent en riant. Maman est heureuse de voir
la joie des deux enfants, et aussi de se reposer un instant, car on se fatigue
beaucoup à se promener dans Paris.
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1. — Encore une fois, les yeux de Poucet ne sont pas assez
grands pour tout regarder. Il voit les hautes maisons entre lesquelles coule le
fleuve, les péniches amarrées par endroits. Quand on passe sous les ponts, il y
a toujours quelqu'un qui pousse un cri et cela fait un drôle de bruit. Poucet
voudrait bien crier lui aussi, mais il n'ose pas. Un guide cite, au fur et à
mesure, les curiosités qu'ils aperçoivent. Poucet entend nommer la place de la
Concorde, le jardin des Tuileries, et cela lui rappelle un bel après-midi. Il
est également fier de connaître ces deux endroits importants de Paris. Tout à
coup Annette s'écrie : « Regarde là-bas, les bateaux-pompes ! » Ce sont les
bateaux des pompiers. S'il y avait un incendie sur une péniche, ou dans une de
ces maisons, on les appellerait.
2. — Maintenant on s'est éloigné des bateaux-pompes. Poucet
aperçoit un jardin public et des maisons au milieu de la rivière.
Page 62 :
« C'est une île, lui dit Annette, le bateau va passer à
droite et nous en ferons le tour pour revenir ici. » En effet, le bateau
contourne l'île et revient comme Annette l'avait dit. Poucet reconnaît bientôt
le bateau d'où ils sont partis tout à l'heure. La belle promenade est finie...
Oh ! Joie ! Le bateau ne s'arrête pas. Poucet bat des mains.
3. — « A quoi servent ces jolis petits bateaux blancs ?
demande-t-il à Annette, quelques instants plus tard. — Ce sont des « yachts ».
Ils appartiennent à des gens riches. — Ils en ont de la chance », dit Poucet.
Pendant ce temps le bateau a fait demi-tour et à nouveau on aperçoit la gare
flottante. Le bateau s'approche lentement du quai. Cette fois, c'est bien fini
! « Quelle jolie promenade nous venons de faire, dit Poucet. Merci, ma petite
maman. »
Page
63 :
1. — Hier soir, pendant le dîner, maman a dit à tante
Madeleine : « Demain, dimanche, je veux que tu te reposes. Je vous invite à
déjeuner au restaurant. Oncle André, tu nous diras où nous pourrions aller, car
je ne connais pas les restaurants de Paris. Je sais bien qu'ils sont nombreux,
mais peut-être y en a-t-il un qui nous conviendrait plus particulièrement. —
Puisque cela te fait plaisir, nous acceptons volontiers, répond tante
Madeleine. Nous partirons assez tôt et avant le repas nous pourrons faire une
petite promenade. » C'est Poucet qui est content, il n'a jamais déjeuné dans un
restaurant ! Ce matin, vers dix heures et demie, nos amis, en grande toilette,
quittent la maison. « Si vous voulez bien, propose oncle André, nous allons
nous promener sur les grands boulevards et je vous conduirai ensuite dans un
restaurant où je déjeune quelquefois. Il se trouve tout près de l'Opéra. —
C'est une bonne idée, dit tante Madeleine, mais prenons d'abord le métro, nous
aurons ensuite davantage de temps pour contempler les vitrines. » Après
quelques minutes sous terre, nos amis débouchent sur une
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64 :
grande avenue déjà envahie par les promeneurs, ce qui fait
dire à maman : « Poucet, donne la main à ta cousine, sinon nous risquons de te
perdre. » Les arrêts devant les devantures sont nombreux et il est plus de midi
quand ils arrivent devant le restaurant.
2. — Ils pénètrent dans un large couloir, orné de plantes
vertes et de glaces. Ils montent quelques marches d'escalier et arrivent dans
une vaste salle aux larges baies vitrées. Le couvert est mis sur de nombreuses
petites tables fleuries. Un monsieur, en habit noir, les accueille avec un
aimable sourire et dit : « Voulez-vous vous installer près de cette baie ? Je
crois que vous y serez très bien; les enfants pourront regarder la rue si cela
leur fait plaisir. »
3. — Tout le monde s'assoit autour de la table indiquée.
Annette se place à côté de son cousin. « C'est beau, ici », lui dit Poucet. Une
dame en robe noire et en tablier blanc, s'approche en souriant et tend à maman
une feuille de carton où Poucet distingue en grosses lettres : « MENU ». « Eh
bien, nous allons pouvoir choisir, il y a beaucoup de plats. Que voulez-vous
manger ? — C'est toi qui nous invites, c'est toi qui vas faire le menu »,
répond tante Madeleine.
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1. — « Je préférerais que vous me disiez ce que vous aimez
particulièrement, je serais moins embarrassée, dit maman. — Eh bien,
annonce-nous ce que tu choisis et nous te dirons si cela nous convient. » Après
avoir consulté le menu pendant quelques minutes, maman dit : « Voilà ce que je
vous propose ; des hors-d'œuvre variés, du thon sauce tomate, du poulet aux
champignons et une glace à la vanille. — C'est très bien comme cela. » Maman
appelle alors la serveuse et lui énumère les plats qu'elle a choisis. La
serveuse écrit tout cela sur un carnet et demande : « Comme boisson, que
désirez-vous ? — Vous donnerez une carafe d'eau pour les enfants et pour nous
une bouteille de vin de Bordeaux. » Les yeux de Poucet brillent, il a surtout
retenu qu'on lui servirait une glace à la vanille. Il aime beaucoup ce dessert.
La serveuse s'éloigne et maman dit : « Oncle André, je te félicite de ton
choix, ce restaurant est très bien et on y est tranquille. — Tout à l'heure, il
sera moins calme. »
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66 :
2. — Poucet, lui, ne suit pas la conversation, il est tout à
la contemplation de ce qui l'entoure. Elle est vraiment belle cette salle à
manger. Les larges fenêtres la rendent très claire. Le bas des murs est
recouvert de bois peint d'une jolie couleur foncée. Les murs sont de teinte
crème; il y a des glaces partout : sur les murs et sur les piliers. Les tables
les plus éloignées des fenêtres sont séparées par des banquettes recouvertes de
cuir rouge. Les nappes blanches rayées de rouge sont gaies, le couvert
soigneusement disposé. Un vase garni de quelques fleurs orne chaque table.
Toutefois, Poucet se demande bien pourquoi on a dressé autant de tables;
quelques-unes seulement sont occupées. « Regarde la rue ! Poucet, lui dit
Annette, c'est amusant de l'observer d'ici. » Poucet se retourne et s'intéresse
au défilé ininterrompu des voitures et des piétons.
3. — Mais voilà la serveuse qui arrive. Elle porte deux
plateaux garnis de petites assiettes contenant des radis, des tomates, une
salade de pommes de terre, des sardines à l'huile et des crevettes. Tout cela
est bien appétissant. Maman sert d'abord les enfants et bientôt tout le monde
mange de bon appétit.
Page 67 :
1. — Tout en mangeant, Poucet suit des yeux le va et vient
qui règne dans la salle de restaurant. A chaque instant de nouveaux clients
arrivent, les uns isolés, d'autres par groupes. Le monsieur au costume noir les
accueille et leur propose de choisir leur table. Les serveuses se précipitent
alors vers eux dès qu'ils sont installés et leur distribuent les menus. Celle
qui s'occupe de nos amis s'approche et demande : « Vous avez terminé ? — Oui,
lui répond oncle André. » Elle enlève et emporte les assiettes. Elle réapparaît
peu après en apportant un joli plat en métal brillant où de gros morceaux de
poisson sont entourés d'une sauce épaisse qui sent bon. Maman sert ses invités
et chacun trouve ce plat exquis. Poucet mange et ne parle pas, il est très
occupé. De nouveau, les assiettes sont enlevées et remplacées. Dans une cocotte
la dame apporte du poulet entouré de champignons. Cela aussi sent très bon. Il
est presque dommage de n'avoir plus grand-faim. « Je n'en veux qu'un tout petit
morceau, maman, dit Poucet. — Moi aussi, dit Annette, je n'en désire que très
peu. »
Page 68 :
2. — Poucet prend le temps d'observer la salle. Il admire les
serveuses qui vont et viennent les bras chargés d'assiettes ou de plats. Il
pense en lui-même : « Comme elles sont adroites ! » « Alors, Poucet, tu n'as
plus faim ? dit oncle André, tu ne veux pas de glace à la vanille ? — Oh si !
il y a bien encore une petite place pour la glace. » Voilà qu'on apporte le
fameux dessert. La serveuse pose devant chaque personne une coupe remplie d'une
grosse boule jaune où s'enfonce une gaufrette. Poucet ne regarde plus ce qui se
passe dans la salle à manger. « C'est bon, dit-il. — Oh oui ! c'est excellent
», ajoute Annette. Mais ils ont beau faire durer le plaisir, les coupes sont
bientôt vides.
3. — « Que va-t-on faire cet après-midi ? demande Annette. —
Je propose une séance de guignol dans le jardin des Tuileries, lui répond oncle
André. — Oh oui ! tu es gentil, papa. » Maman appelle la serveuse et demande
l'addition. Elle paie et tous quittent la salle où ils viennent de passer un
bien agréable moment.
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1. — « Ce matin, je vais faire le marché aux Halles, annonce
tante Madeleine pendant le petit déjeuner. Qui veut venir avec moi ? — Moi ! Moi
! répondent Poucet et Annette. — Puisque vous êtes bien mignons tous les deux,
nous allons nous presser et, avant de revenir à la maison, je vous conduirai
voir une boutique qui vous intéressera sûrement. — Qu'est-ce que c'est ?
demande Annette. — Je ne vous le dis pas; je veux vous faire une surprise ! »
Bientôt, tante Madeleine, Annette et Poucet sont prêts. Chacun porte un sac.
Ils prennent le métro et, après quelques minutes, ils arrivent aux Halles.
C'est la deuxième visite de Poucet à ce grand marché; pourtant il est à nouveau
stupéfait par tout ce qu'on peut voir là. Ce sont des montagnes de légumes et
de fruits, des empilements de poissons, des alignements de quartiers de
viandes, qui sont offerts à la foule des acheteurs. Mais que de bruit ! Il faut
crier pour se faire entendre. Tante Madeleine regarde les étalages, demande les
prix et achète des provisions : de la viande, des tomates, un melon, de la
salade et des poires.
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2. — « Nous avons terminé nos emplettes, dit tante Madeleine.
— Alors, où nous conduis-tu maintenant ? demande Annette. — Suivez-moi et vous
verrez. » Bientôt ils arrivent à la Seine et longent les quais jusqu'à ce que
tante Madeleine dise : « Traversons le passage clouté. » En face, les enfants
distinguent des outils de jardinage, des étalages de graines, des volailles,
des lapins. Mais, tout à coup, en s'approchant d'une boutique, Poucet et
Annette ouvrent la bouche en même temps et s'écrient : « Oh ! Qu’ils sont jolis
! »
3. — Qu'ont-ils donc vu ? De jolis poussins mauves, bleus,
rosés, violets, et ce sont des poussins vivants. Poucet, qui connaît bien
toutes les bêtes de la ferme, n'a jamais vu des poussins semblables.
Décidément, à Paris, on voit des choses extraordinaires. « Ça, c'est une belle
surprise », dit Annette à sa maman. Les deux enfants admirent les jolies
petites bêtes. Ils voudraient bien les prendre dans leurs mains et les
caresser. Ils doivent seulement se contenter d'approcher leur nez de la cage.
Ils restent longtemps devant ces jolies boules de toutes les couleurs.
Page
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1. — « Vous savez, dit tante Madeleine, nous ne pouvons pas
rester là" toute la journée. Laissez les poussins, nous reviendrons les
voir. Donnez un coup d'œil aux autres bêtes qui sont là. — Rien qu'un coup
d'œil ! dit Annette, nous voudrions rester encore un petit moment. » — Eh bien
! j'ai un achat à faire au magasin de la Samaritaine qui est tout près ;
voulez-vous que je vous laisse là et que je vous reprenne dans quelques
minutes? — Oh ! oui ! il y a tant de choses à voir ici ! Et Annette retourne
avec Poucet contempler les jolis poussins. Notre ami est tout pensif devant les
cages. Au bout d'un petit moment, il dit à sa cousine : « Crois-tu que maman
voudrait m'en acheter un ? Tu sais, je le soignerais bien. Et c'est papa qui
serait surpris! — N'y compte pas trop, Poucet ; pendant votre retour, ce serait
un voyageur encombrant. » Ils les abandonnent bientôt, non sans regret, pour
s'approcher d'un grand aquarium.
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« Quels jolis poissons ! Les uns sont rouges, d'autres
orangés, quelques-uns ont de larges nageoires rayées de jaune. Il y en a aussi
de toutes les formes : des longs, des minces, d'autres courts et larges. Sans
arrêt, ils nagent du fond de l'aquarium à la surface et de la surface au fond ;
ils vont, viennent, tournent, se poursuivent. « On dirait qu'ils font la course
», remarque Poucet.
2. — A côté, voici des tortues, les unes sur les autres dans
un panier en osier. « La tortue n'est pas jolie, dit Annette. Elle est drôle
avec sa tête qui sort de sa carapace. Et ses pattes, on dirait qu'elle les a
fourrées dans des culottes trop grandes. » Poucet, lui, est intéressé. Il
n'avait jamais vu de tortues vivantes, n resterait volontiers à les regarder.
Mais Annette l'appelle pour lui faire admirer les oiseaux. « Oh ! ils sont
jolis, ceux-là, dit Poucet, ils ont de belles couleurs. »
3. — II reconnaît les perruches bleues, les perruches vertes,
les serins jaunes. Il en a déjà vu chez des amis de son papa. Mais il y en a
beaucoup d'autres qu'il n'a jamais vus : ces gris aux taches rouges, ces noir
et blanc, et ceux-là encore qu'on dirait peints de toutes les couleurs. Ses
yeux vont sans arrêt des uns aux autres. Il y serait encore si tante Madeleine
ne l'avait pris par la main en lui disant : « II faut rentrer à la maison pour
préparer le déjeuner. »
Page 73 :
1. — Poucet et sa maman vont bientôt quitter Paris et
retourner chez eux. Aujourd'hui maman et tante Madeleine sont sorties pour
faire des achats. Poucet et Annette les accompagnent. Ils marchent devant leurs
mamans qui regardent les étalages. « Qu'est-ce qui se passe, là-bas ? demande
tout à coup Poucet en montrant à sa cousine un attroupement qui barre le
trottoir. — Je ne sais pas, Poucet. C'est peut-être un camelot. — Qu'est-ce
qu'un camelot ? — C'est un marchand qui s'installe n'importe où sur le trottoir
pour vendre sa marchandise. — Courons le voir. — Oui, mais avant, nous allons
prévenir maman. »
2. — Ils s'approchent du cercle que forment les badauds et,
jouant des coudes, ils se faufilent au premier rang. Quelques badauds grognent
mais d'autres, plus gentils, les laissent passer. Enfin, ils voient ce qui se
passe. C'est bien un camelot que les gens regardent. L'homme, debout, entre
deux grosses valises posées à terre, a
Page 74 :
devant lui un tabouret métallique. Il montre au public deux
jouets ressemblant à des « Mickey » et il parle. Que dit-il ? Il parle vite et
sans arrêt et Poucet n'arrive pas à retenir tout ce qu'il dit. Il est vrai
aussi que notre ami regarde attentivement les jouets. Toujours en parlant, le
camelot tourne des petites clefs, puis il pose les jouets sur le tabouret. Et
voilà que les « Mickey » se mettent à danser d'une jambe sur l'autre en remuant
les bras, la tête et la queue. C'est amusant. Tout le monde rit. Le monsieur,
lui, continue à parler.
3. — Maintenant il sort d'une valise une poignée de jouets
semblables, il les offre aux spectateurs en criant : « Deux cents francs ou
deux nouveaux francs le jouet à titre de réclame ; ce n'est pas cher. Dans les
magasins il vaudra cinq cents francs. Deux francs, Mesdames et Messieurs, pour
amuser les petits et les grands. Profitez de cette occasion, elle ne se
représentera plus. » Des gens tendent des pièces. Le camelot donne des jouets,
empoche les pièces et crie : « Merci, madame, merci, monsieur. Qui veut encore
un jouet ? » Mais Annette aperçoit sa maman qui lui fait signe. « Viens,
Poucet, on nous appelle ! » Très obéissants, ils vont retrouver leurs mamans.
Annette dit : « II est amusant, ce jouet ! — C'est vrai, mais je trouve le
camelot très amusant lui aussi. »
Page 75 :

1. — « Maman, dit Annette, tu avais dit qu'on emmènerait
Poucet voir les bêtes du Zoo. — Qu'est-ce que c'est que le Zoo, maman ? — On
dit le Zoo, mais on devrait dire le jardin zoologique. C'est un grand jardin où
il y a beaucoup d'animaux. — Mais pas des animaux de chez nous, ajoute Annette.
Au Zoo tu trouveras des éléphants, des singes, des ours, des tigres, des
hippopotames et toutes sortes d'autres bêtes que tu ne connais pas. — Nous
pourrions y aller cet après-midi », propose alors tante Madeleine. Toutes ces
bêtes, Poucet ne les a vues que sur des images. Tout |, à l'heure, il va voir
de vraies bêtes, et de tout près. Il est content, mais, il a bien un peu peur.
Celles I qui sont méchantes, les lions, les I tigres, est-ce qu'elles ne
peuvent pas faire de mal à ceux qui les regardent ?
2. — « Tante Madeleine, les bêtes du Zoo, les méchantes,
elles sont très bien attachées au moins ?
Page 76 :
— Non Poucet, elles ne sont pas attachées, mais elles ne
peuvent pourtant pas faire de mal, tu verras. — Oui, tu verras, ajoute Annette,
il y a beaucoup de petits enfants qui vont les voir et même des tout petits,
bien plus jeunes que toi ». Puisque d'autres enfants, plus jeunes que lui, vont
au Zoo, Poucet ne peut pas avoir peur. Annette se moquerait de lui. A présent
il est tout à fait rassuré. Il se tourne vers sa cousine, et fièrement, il dit:
« Est-ce que tu croyais que j'avais peur ? Tu sais, chez moi, je vais
quelquefois tout seul dans les bois. — Oui, mais il n'y a pas de tigres dans
tes bois, répond Annette pour plaisanter. Ni de singes d'ailleurs.
3. — « Nous allons acheter des cacahuètes pour ceux du Zoo,
ajoute-t-elle et nous leur en jetterons. Tu verras comme ils se les disputent.
» Maintenant Poucet est impatient. Il voudrait déjà avoir fini de déjeuner. On
est arrivé au dessert et tante Madeleine apporte des gâteaux. Poucet les aime
beaucoup, mais aujourd'hui il a surtout envie de partir. Il se priverait même
de dessert pour qu'on sorte plus vite. Enfin, tout le monde est prêt. « En
route », crie joyeusement Annette. Et Poucet est déjà sur le palier.
Page 77 :
1. — «Et les cacahuètes ? » rappelle Poucet à sa maman quand
ils sont entrés, avec tante Madeleine et Annette, dans le jardin zoologique.
Maman en achète deux paquets, un pour Annette, l'autre pour Poucet et tous se
dirigent vers les singes. Poucet est surpris. Jamais il n'aurait cru qu'il y
avait tant de singes. Et des singes si différents les uns des autres; des gros,
presqu'aussi grands que des hommes, et de tout petits, que Poucet tiendrait facilement
dans ses mains. Les uns s'amusent à se poursuivre le long des rochers. Ils font
des bonds, des cabrioles; on dirait à chaque instant qu'ils vont tomber. Mais
ils se raccrochent toujours, tantôt à une pierre, tantôt à un morceau de bois.
Et ils dégringolent, de culbute en culbute, avec une souplesse qui étonne
Poucet. — Regarde ! Annette, cette maman-singe avec son petit. Comme il est
amusant ce bébé-singe. Comme il se cramponne à sa maman! Mais je crains qu'elle
ne le fasse tomber en cabriolant avec lui. — N'aie pas peur, il ne risque rien
!
Page 78 :
2. — C'est curieux, remarque Poucet quelques instants plus
tard, les singes marchent aussi bien sur deux pieds que sur quatre pieds. — Ou
plutôt sur quatre mains, car les singes ont quatre mains», reprend Annette,
toute fière de montrer ce qu'elle a appris à l'école. Poucet, en regardant
mieux, voit, en effet, un gros singe suspendu à une barre par une main de
devant et une main de derrière. Toutes les deux tiennent la barre de la même
manière et Poucet voit bien les pouces de deux mains.
3. — « Tiens, attrape » lui dit-il en lui lançant une
cacahuète. Le singe s'en saisit, l'ouvre avec ses dents, l'épluche et la mange.
Maintenant il tend la main pour en avoir d'autres. « Gros gourmand, dit
Annette, en voilà une autre » et elle lui jette une seconde cacahuète qu'il
avale aussitôt. D'autres gourmands accourent. Nos deux amis ont vite fait de
distribuer leurs paquets à la bande des singes. Puis ils s'amusent aussi à les
regarder faire des grimaces pour avoir d'autres friandises. « Dis, maman, quand
tu dis que je fais des singeries, je ne suis tout de même pas aussi vilain que
ceux-là ? dit Poucet. — Tu es un petit sot. — Si nous allions voir les lions »,
propose Annette.
Page 79 :
1. — « Regarde, maman, les lions qui se promènent, ils ne
sont pas en cage », dit Poucet en prenant la main de sa maman; il la serre bien
fort et ne paraît pas très rassuré. « C'est vrai, ils ne sont pas en cage, mais
ils ne peuvent pas venir te faire de mal. Approchons-nous, tu verras. » Maman
le conduit près du rocher où il vient de voir les lions. Il s'aperçoit alors
qu'entre les animaux et lui on a creusé un large fossé avec de l'eau au fond.
Si les lions voulaient sortir, ils tomberaient dans le fossé. D'ailleurs, ils
n'ont pas l'air d'en avoir envie. Les grosses bêtes sont étendues
paresseusement au soleil et, fermant les yeux, semblent dormir.
2. — Quelques instants plus tard, nos amis arrivent devant la
plateforme où un énorme chat rayé va et vient. « Le tigre est moins calme, dit
tante Madeleine. — Il n'a pas l'air commode, constate Poucet en regardant
l'animal. — Et il saute beaucoup plus loin que le lion, ajoute Annette qui a
bien retenu ce que le gardien lui a dit la dernière fois qu'elle est
Page 80 :
venue. Le fossé qui enferme le tigre est bien plus large que
celui des lions. — Nous allons, si vous le voulez, en voir d'autres de plus
près », propose tante Madeleine, passons sous le rocher. » En la suivant nos
amis arrivent dans une longue salle. Là, des cages aux solides barreaux
rassurent notre Poucet. Il se sent tranquille pour regarder les lions et les
tigres.
3. — On arrive devant la dernière cage. « Tiens, elle est
vide, constate Poucet. — En es-tu sûr ? lui demande maman. Regarde sur la
planche au fond. » Et Poucet y voit un gros chat tout noir, mais un chat plus
gros qu'un gros chien. « Panthère noire, animal très dangereux », dit une
pancarte. Et tout à coup, avant que Poucet ait fait un seul mouvement, on
entend un grondement et la panthère est collée, gueule ouverte et griffes
sorties, contre les barreaux de la cage. Poucet est devenu tout pâle ; il se
jette contre sa maman. « J'aime mieux m'en aller tout de suite. — C'est cela,
allons-nous-en, nous reviendrons une autre fois voir d'autres bêtes plus aimables.
»
Page 81 :
1. — C'est samedi. Oncle André ne travaille pas cet aprèsmidi;
aussi le déjeuner se prolonge. On parle du départ. Jeudi prochain, maman et
Poucet doivent retourner dans la petite maison de la forêt. Annette les
accompagnera sans doute. Poucet en est très content. Tout à coup oncle André
demande à Poucet : « Où veux-tu que nous allions nous promener? » Celui-ci ne
sait pas trop quoi répondre. « Aimerais-tu voir des courses de chevaux? — Je
veux bien, mais je ne sais pas ce que c'est. — C'est très amusant.
Naturellement je vais avec vous, dit Annette. — Bien sûr ! » Es partent vers la
prochaine station de métro. Poucet est devenu un vrai Parisien et le métro ne
l'étonné plus.
2. — Après un rapide voyage sous terre, ils arrivent en face
de grandes grilles et de nombreux guichets. « Voilà l'entrée du champ de
courses, dit oncle André. Attendez-moi quelques minutes, je vais prendre les
billets. — Regarde tous ces gens qui arrivent, Annette; c'est sûrement
intéressant, les courses de chevaux. » Oncle André revient et tous trois
entrent dans l'hippodrome. Ils suivent d'autres spectateurs et vont se placer
près d'une barrière
Page 82 :
toute blanche qui les sépare du champ de courses. Poucet
regarde autour de lui. Il remarque la jolie pelouse verte avec ses rangées
d'arbustes bien taillés. « Ce sont les haies par-dessus lesquelles les chevaux
sautent », lui dit Annette.
3. — II voit aussi des tribunes fleuries. Devant l'une
d'elles, beaucoup de chevaux sont rassemblés. Des messieurs les tiennent par la
bride. Qu'ils sont beaux ces chevaux ! Ils ne ressemblent pas du tout à ceux
qui traînent les charrettes dans la forêt. Ils sont beaucoup plus élégants.
Voilà que les cavaliers se mettent en selle. « Ils te plaisent, ces jockeys ?
demande oncle André. — Oh oui ! ils sont bien habillés. » Ils sont jolis, en
effet, avec leurs hautes bottes de cuir verni, leurs culottes blanches serrées
aux genoux, leurs casaques de soie de toutes les couleurs et leurs drôles de
petites toques aux longues visières. Poucet a remarqué la belle casaque rouge
de l'un d'eux. « Je voudrais bien qu'il gagne », dit-il à Annette.
Page 83 :
1. — Maintenant les chevaux arrivent sur la piste. « Ils vont
prendre le départ », dit oncle André. La barrière de départ s'élève rapidement
et c'est une véritable envolée de tous les chevaux. Ils galopent à une allure
folle, tous groupés, portant les jockeys penchés en avant. Ils arrivent devant
la première haie. Un bond et, hop ! Les voilà qui reprennent leur galopade. Une
deuxième haie, hop ! les voilà de l'autre côté. Mais le groupe commence à
s'étirer et dans le virage cela fait un joli défilé. De nouveau, voici une
ligne droite et bientôt une haie que les chevaux sautent encore. Poucet croit
toujours qu'ils vont se bousculer et tomber.
2. — Mais que se passe-t-il ? Voilà un jockey qui a quitté sa
selle et plonge par-dessus son cheval. Il tombe par terre, roulé en boule, et
le cheval continue sa course tout seul. « Ce n'est pas le rouge heureusement,
dit Poucet. Mais celui-ci a dû se faire grand mal. — Ça m'étonnerait, répond
Annette. Les jockeys se font rarement mal en tombant. »
Page 84 :
En effet, le voilà qui se relève. On arrête le cheval sans
cavalier. Pendant ce temps, les autres chevaux continuent à galoper et à sauter
des haies. « Regarde, Annette, le jockey rouge est dans le groupe de tête. —
L'arrivée est marquée par le disque rouge et blanc, là-bas, devant la tribune,
dit oncle André. Ton jockey arrivera-t-il le premier?» Ils sont quatre chevaux
maintenant qui se disputent la première place. Les jockeys les excitent avec
leur cravache. Mais c'est un jockey jaune qui est en tête. Poucet trépigne ; le
rouge va-t-il passer devant ?
3. — Voici l'arrivée. L'un des chevaux se détache en arrivant
près du poteau. C'est le rouge ! Il a gagné ! Le jaune est deuxième. Poucet
saute de joie. « Tu as vu comme il l'a rattrapé », dit-il, tout fier, à sa
cousine. Il se tourne vers son oncle et ajoute : « C'est joli, je suis bien
content que tu m'aies conduit ici. »
Page 85 :
1. — Cet après-midi, la maison de tante Madeleine est sens
dessus-dessous. On voit des vêtements sur les lits et des mallettes ouvertes
dans les chambres. Pourquoi donc tout ce remue-ménage ? Demain, Poucet et sa
maman retournent dans leur petite maison de la forêt et Annette les
accompagnera. « Un séjour à la campagne lui fera sûrement du bien, a dit la
maman de Poucet, laissez-la venir avec nous. Vous viendrez la chercher quelques
jours avant la rentrée des classes. » Naturellement, Annette est enchantée et
Poucet très heureux. Quelles bonnes parties ils feront dans les prés et dans la
forêt. « Tu verras comme mon ami l'écureuil est joli et mignon, a dit Poucet.
Il va être content de me revoir. Je suis sûr qu'il t'aimera bien, toi aussi. »
2. — Jusque-là il avait un peu oublié sa forêt, mais il y
pense beaucoup maintenant. Il y a surtout bien longtemps qu'il n'a pas embrassé
son papa. Quand oncle André rentre de son travail, il remarque les préparatifs
de départ et dit :
Page 86 :
« Alors Poucet, tu es content de quitter Paris ? — Oncle
André, j'ai été très heureux à Paris, j'y ai vu beaucoup de belles choses, mais
je ne peux pas y rester toujours. Papa doit commencer à trouver le temps long.
— Il sera certainement content de vous retrouver. Tu vas en avoir des choses à
lui raconter. — Nous parlerons souvent de toi, oncle André, et de tante
Madeleine aussi. Vous m'avez beaucoup gâté en me promenant à travers Paris. Je
vous remercie de tout mon cœur. Je me souviendrai toujours de ces belles
vacances. — J'espère que tu reviendras nous voir l'an prochain. — Oh ! moi, je
veux bien ! — Il y a encore beaucoup de choses à voir à Paris, tu sais. »
3. — Tante Madeleine interrompt la conversation des deux amis
en criant : « À table ! À table ! » C'est le dernier repas que Poucet prend à
Paris. Il est bien un peu ennuyé de quitter oncle André et tante Madeleine.
Mais il va retrouver son papa, sa forêt et son ami l'écureuil et Annette
l'accompagne. Et puis, bientôt, toute la famille sera réunie dans la petite
maison, au bord de la forêt.
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