Mon école en Algérie
Souvenirs de Jeannine Fréty
« Je suis née en 1944 à
Cap Matifou, petite ville tout près d’Alger, dans la villa même qui alors
servait d’école au lieu-dit La Pérouse. Mon père était officier au centre de
formation de la Marine, le Centre Sirocco. Ma mère a ensuite enseigné dans
l’enceinte du Centre aux enfants du personnel. C’était, bien sûr une classe
unique mixte dans laquelle j’ai pu bénéficier d’un apprentissage précoce qui
m’a permis d’être très en avance tout au long de ma scolarité. »
« Je figure dans la rangée du haut, au
milieu, avec un col blanc …et l’air triste de toutes mes photos vient de ma longue absence due à la typhoïde dont j’ai souffert
comme beaucoup d’autres à cette époque. C’est une classe de Cours Moyen dont ma
mère, Francine Azoug née Nacquin, était l’institutrice. IL s’agit, je pense, de
l’année 1953. L’école est l’école des filles de la petite ville d’EL KSEUR, à
une trentaine de kilomètres de Bougie/Béjaïa (Kabylie). » (Jeannine Fréty)
« Je
vous fais parvenir une photo de mon frère, Jean-Claude Azoug, à l’école de
garçons d’El Kseur. Il pourrait s’agir de l’année 1952/1953 mais je ne suis
pas certaine. Mon frère est assis dans la deuxième rangée en partant du bas. C’est
le deuxième garçon. On voit son genou. Et il fait la tête, comme sa sœur !!! »
(Jeannine
Fréty)
« Puis,
mon père a quitté la Marine et ma mère a eu un poste à l’Ecole de Filles d’El
Kseur, non loin de Bougie/Béjaïa. Dans les classes primaires, il n’y avait que
des filles, des « indigènes » comme on disait alors et des
françaises, très peu. A l’école, nous travaillions, jouions, faisions du sport
ensemble. Mais l’école finie, plus d’activités communes, chacune dans son
groupe d’origine. J’ai honte d’avouer que cela ne me choquait pas ; en fait, je
ne le remarquais pas, d’autant que je passais le plus gros de ce temps avec mes
frères et les fils des instituteurs qui habitaient aussi dans l’école.
Les jeunes filles « indigènes » étaient certainement plus conscientes
du problème car je me souviens d’un incident parlant. Après une longue absence
pour maladie (typhoïde et rhumatismes articulaires !), je n’ai été que 2ième
au classement suivant. Des élèves sont allées voir ma mère (qui continuait à
être mon institutrice) pour lui dire que ce n’était pas normal, que cela ne se
passait pas comme ça avec les autres maîtresses dont la fille ne pouvait être
que première !
Et
je suis entrée en 6ième au
Lycée Mixte Classique et Moderne de Bougie. Bien sûr, j’étais dans la filière
classique et je crois me rappeler qu’il n’y avait pas de filles en moderne. Là
aussi, nous nous côtoyions sur les mêmes bancs, les françaises et les quelques
filles de « notables » indigènes. Les filles étaient généralement
orientées vers les CEG où, de la 6ième à la 3ième, elles apprenaient la
couture et la cuisine en plus des matières académiques. A nouveau, études
communes mais loisirs distincts. Donc, pas de plage, de tennis ou de surprises-parties
avec des « indigènes » …
C’était
si injuste ! Mais je ne le ressentais pas ainsi parce qu’il ne s’agissait pas
de mépris ni de méfiance, juste l’habitude ! En partie parce que ces loisirs
mixtes n’étaient pas dans les mœurs de tout le monde. Et puis, l’indifférence !
Que j’ai tant regrettée une fois partie. Je suis sûre que cela m’a privée de
rencontres enrichissantes.
Lorsque
j’ai eu mon premier poste de professeur dans un lycée de Jeunes Filles en
France, quelle ne fut pas ma surprise de constater que les cours
« pesaient » à beaucoup d’élèves, qu’ils n’avaient pas ce désir
féroce d’apprendre, cette persévérance que j’avais remarqués chez les élèves en
Algérie.
Quand
je me souviens de l’Algérie, c’est surtout les souvenirs d’école primaire qui
me reviennent. Les promenades pour observer la nature, les cours de sport où
nous riions beaucoup de notre maladresse à grimper à la corde (même à nœuds !
), ou à lancer le poids, les travaux « pratiques » comme mesurer la
cour avec la chaîne d’arpenteur, les jeux de récréation, corde à sauter, noyaux
d’abricots (en guise de billes ), marelle, balle au mur. Et la ronde où nous
portions « la galette au four » (et non pas « la clef de
Saint Georges ». Et la dégustation des gâteaux de l’Aïd offerts à la maîtresse
en remerciement de ses attentions!
C’est
peut-être inconsciemment ce qui m’a fait choisir, bien plus tard, d’enseigner
dans des quartiers difficiles où j’ai trouvé chez les enfants travail et
enthousiasme dès lors qu’on était à l’écoute de leurs besoins. »
Jeannine
FRETY
Texte transmis à la Maison
d’Ecole par l’auteure, texte que vous pourrez prochainement retrouver avec de
nombreux autres textes-souvenirs dans un ouvrage sur les instituteurs de
Saône-et-Loire mobilisés durant le conflit algérien.
Renseignements et collecte
de témoignages :
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