A
l’école de Jules Ferry
« La
morale avant tout »
Et
ensuite... ?
LOI
DU 28 MARS 1882
organisant
les écoles primaires élémentaires
Art.1er.
– L’instruction primaire comprend :
-
L’instruction
morale et civique ;
-
La
lecture et l’écriture ;
-
La
langue et les éléments de la littérature française…
A
l’éducation religieuse, supprimée par cette loi, dans les écoles primaires
publiques, les républicains cherchaient à substituer une morale laïque,
républicaine et patriotique. Cinq ans plus tard, les instructions de 1887
donneront toutes précisions sur le but et les caractères de cet enseignement
moral.
«
L’instituteur est chargé de l’éducation morale (..) comme représentant de la
société : la société a, en effet, l’intérêt le plus direct à ce que tous
ses membres soient initiés de bonne heure et par des façons ineffaçables au
sentiment de leur dignité et au sentiment non moins profond de leur devoir et
de leur responsabilité personnelle.
L’enseignement
moral laïc se distingue de l’enseignement religieux sans le contredire.
L’instituteur ne se substitue ni au prêtre, ni au père de famille ; il
joint ses efforts aux leurs pour faire, de chaque enfant, un honnête homme. Il
doit insister sur les devoirs qui rapprochent les hommes. »
En conséquence, selon les
instructions données, la morale « destinée
à ennoblir tous les enseignements de l’école » (1887), jouira, dans la
vie de l’écolier, d’une importance privilégiée.
Non seulement le maître
commencera chaque classe du matin par une leçon de morale, dont la trace
restera transcrite au cahier sous forme de maxime, mais tout son enseignement
sera empreint de l’idée moralisatrice, comme en témoignent ces textes empruntés
au cahier d’un élève de 13 ans, fréquentant en 1907, le Cours du Certificat
d’Etudes d’une école rurale (ils ont été choisis et groupés pour paraître au
mieux significatifs de l’application des instructions).
Entre 1890 et 1914, les
enseignants de l’école primaire de la 3ième République avaient le légitime désir de
fonder une morale laïque et portaient en eux, la certitude d’y parvenir.
A l’encontre d’un esprit
dogmatique, cette morale faisait aussi appel à l’esprit critique, bien
modestement, certes, en exigeant parfois de se référer à la réalité quotidienne
ou même historique. Mais, en particulier, exalter le sentiment patriotique et l’amour
de la paix ne parut pas toujours conciliable aux français d’alors. A ce sujet,
il est difficile de préciser quelle a pu être la portée de l’action éducative
des maîtres et des maîtresses d’autrefois. Quelle influence ont-ils eue sur
leurs jeunes élèves, et même sur des adolescents ou des adultes qu’ils ont plus
ou moins contribué à éduquer aux « cours du soir » ? L’étude du premier groupe de travail du
musée, intitulée « L’idée
républicaine de patrie en France et l’école publique » paraît
susceptible de répondre partiellement à ces questions. Il vous est possible de
la retrouver dans la rubrique du blog « Commémoration du Centenaire »
ou en cliquant ici :
Conclusion
Refermons cette courte
parenthèse, ce court retour en arrière, en relisant la pensée d’un témoin
direct façonné par cette école républicaine : Albert Bayet (1880-1961), Professeur de Sociologie à la Sorbonne,
Président de la Fédération Nationale de la Presse Clandestine (1943-1944) et de
la Ligue de l’Enseignement (1949-1959) :
« L’histoire
de l’école publique… est une épopée. Car c’est une épopée aussi que la lutte en
faveur de l’enfance, la lutte qui se donne pour but de l’arracher à l’ignorance
et aux sujétions qu’elle entraîne, de la faire plus fraternelle et plus
noblement heureuse.
Ce
sont des « victoires » toutes ces grandes lois qui ont fait surgir de
notre vieux sol de France des milliers d’écoles ouvertes à tous. Victoires
pacifiques, victoires sans vaincus, victoires d’autant plus profondes.
Rien
ne manque à l’épopée laïque : elle a ses « héros », les MACE,
les FERRY, les BUISSON, les maîtres qui ont répondu à leur appel ; elle a
ce sans quoi les héros ne seraient pas des héros : le peuple, éternel
ouvrier des grands progrès humains. »
ANNEXE :
Quelques repères
chronologiques :
Intervention de Pierre Kahn
sur les nouveaux programmes de 2015
Bibliographie sommaire sur
le sujet :
BECKER
(Jean-Jacques) : 1914,
Comment les Français sont entrés dans la guerre, Paris, 1977
MALET
et ISAAC :
Histoire contemporaine de 1815 à nos jours, Paris, 1935
OZOUF
(Jacques) : Nous
les maîtres d’école : autobiographie d’instituteurs de la Belle Epoque,
Paris, 1973
PROST
(Antoine) : Histoire
de l’enseignement en France : 1800-1967, Paris, 1968
WEBER
(Eugen) : Peasant
into Frenchmen, Stanford, 1976 – cf. « Bataillons
scolaires », Troyes : CDDP, 1978
Sources :
Cahiers
aubois d’histoire de l’éducation : n° 2, 1978
(Bataillons scolaires), CDDP de l’Aube
Bulletins
de l’Instruction primaire de Saône-et-Loire :
années 1881, 1882, 1883, 1885, 1895, 1896, 1897, 1907, 1910, 1918, collection
musée
Cahier
de séances du Conseil des Maîtres de l’école de Montceau-Centre : n°
4, 1907-1911, collection musée
L’Ecole
Libératrice : Conclusion de la commission franco-allemande
d’historiens universitaires, 15 mai 1937, collection musée
L’Ecole
Publique : tome I, Paris, Editions Rombaldi
Souvenirs
d’une famille paysanne de Saône-et-Loire, au 19ième siècle :
témoignages verbaux, AD71
ien-chelles.circo.ac-creteil.fr :
animation pédagogique de circonscription : De l’Instruction civique à l’Enseignement civique et moral – Evolution
des programmes de 1880 à nos jours
Bravo et merci pour cet article.
RépondreSupprimerLa morale républicaine et la morale tout court de l'Education y trouvent leurs vrais fondements. François Dulac n'a pas dit autre chose tout en insistant particulièrement sur le nécessaire changement de modèle d'éducation des filles qui n'avaient, alors, pas les mêmes chances que les garçons.
Jean Pirou