vendredi 12 octobre 2018

La morale avant tout



A l’école de Jules Ferry

« La morale avant tout »

Et ensuite... ?


LOI DU 28 MARS 1882
organisant les écoles primaires élémentaires
Art.1er. – L’instruction primaire comprend :
-       L’instruction morale et civique ;
-       La lecture et l’écriture ;
-       La langue et les éléments de la littérature française…
A l’éducation religieuse, supprimée par cette loi, dans les écoles primaires publiques, les républicains cherchaient à substituer une morale laïque, républicaine et patriotique. Cinq ans plus tard, les instructions de 1887 donneront toutes précisions sur le but et les caractères de cet enseignement moral.



Extrait d’un manuel de morale, 1889 (collection musée)


« L’instituteur est chargé de l’éducation morale (..) comme représentant de la société : la société a, en effet, l’intérêt le plus direct à ce que tous ses membres soient initiés de bonne heure et par des façons ineffaçables au sentiment de leur dignité et au sentiment non moins profond de leur devoir et de leur responsabilité personnelle.
L’enseignement moral laïc se distingue de l’enseignement religieux sans le contredire. L’instituteur ne se substitue ni au prêtre, ni au père de famille ; il joint ses efforts aux leurs pour faire, de chaque enfant, un honnête homme. Il doit insister sur les devoirs qui rapprochent les hommes. »
En conséquence, selon les instructions données, la morale « destinée à ennoblir tous les enseignements de l’école » (1887), jouira, dans la vie de l’écolier, d’une importance privilégiée.
Cahier d’écriture, 1890 (collection musée)


Non seulement le maître commencera chaque classe du matin par une leçon de morale, dont la trace restera transcrite au cahier sous forme de maxime, mais tout son enseignement sera empreint de l’idée moralisatrice, comme en témoignent ces textes empruntés au cahier d’un élève de 13 ans, fréquentant en 1907, le Cours du Certificat d’Etudes d’une école rurale (ils ont été choisis et groupés pour paraître au mieux significatifs de l’application des instructions).


Transcription du cahier, 1907, extraits groupés (collection musée)

Transcription du cahier, 1907, extraits groupés (collection musée)


Entre 1890 et 1914, les enseignants de l’école primaire de la 3ième  République avaient le légitime désir de fonder une morale laïque et portaient en eux, la certitude d’y parvenir.



Extrait d’un manuel de morale, 1889 (collection musée)


A l’encontre d’un esprit dogmatique, cette morale faisait aussi appel à l’esprit critique, bien modestement, certes, en exigeant parfois de se référer à la réalité quotidienne ou même historique. Mais, en particulier, exalter le sentiment patriotique et l’amour de la paix ne parut pas toujours conciliable aux français d’alors. A ce sujet, il est difficile de préciser quelle a pu être la portée de l’action éducative des maîtres et des maîtresses d’autrefois. Quelle influence ont-ils eue sur leurs jeunes élèves, et même sur des adolescents ou des adultes qu’ils ont plus ou moins contribué à éduquer aux « cours du soir » ? L’étude du premier groupe de travail du musée, intitulée « L’idée républicaine de patrie en France et l’école publique » paraît susceptible de répondre partiellement à ces questions. Il vous est possible de la retrouver dans la rubrique du blog « Commémoration du Centenaire » ou en cliquant ici :





Conclusion



Albert Bayet, Président de la Ligue de l’Enseignement, 1949-1959 (https://150ans-laligue.org/150ans-laligue/presidents-de-la-ligue-de-lenseignement/)


Refermons cette courte parenthèse, ce court retour en arrière, en relisant la pensée d’un témoin direct façonné par cette école républicaine : Albert Bayet (1880-1961), Professeur de Sociologie à la Sorbonne, Président de la Fédération Nationale de la Presse Clandestine (1943-1944) et de la Ligue de l’Enseignement (1949-1959) :
« L’histoire de l’école publique… est une épopée. Car c’est une épopée aussi que la lutte en faveur de l’enfance, la lutte qui se donne pour but de l’arracher à l’ignorance et aux sujétions qu’elle entraîne, de la faire plus fraternelle et plus noblement heureuse.
Ce sont des « victoires » toutes ces grandes lois qui ont fait surgir de notre vieux sol de France des milliers d’écoles ouvertes à tous. Victoires pacifiques, victoires sans vaincus, victoires d’autant plus profondes.
Rien ne manque à l’épopée laïque : elle a ses « héros », les MACE, les FERRY, les BUISSON, les maîtres qui ont répondu à leur appel ; elle a ce sans quoi les héros ne seraient pas des héros : le peuple, éternel ouvrier des grands progrès humains. »



ANNEXE :
Quelques repères chronologiques :

















Intervention de Pierre Kahn sur les nouveaux programmes de 2015





Bibliographie sommaire sur le sujet :

BECKER (Jean-Jacques) : 1914, Comment les Français sont entrés dans la guerre, Paris, 1977
MALET et ISAAC : Histoire contemporaine de 1815 à nos jours, Paris, 1935
OZOUF (Jacques) : Nous les maîtres d’école : autobiographie d’instituteurs de la Belle Epoque, Paris, 1973
PROST (Antoine) : Histoire de l’enseignement en France : 1800-1967, Paris, 1968
WEBER (Eugen) : Peasant into Frenchmen, Stanford, 1976 – cf. « Bataillons scolaires », Troyes : CDDP, 1978

Sources :

Cahiers aubois d’histoire de l’éducation : n° 2, 1978 (Bataillons scolaires), CDDP de l’Aube
Bulletins de l’Instruction primaire de Saône-et-Loire : années 1881, 1882, 1883, 1885, 1895, 1896, 1897, 1907, 1910, 1918, collection musée
Cahier de séances du Conseil des Maîtres de l’école de Montceau-Centre : n° 4, 1907-1911, collection musée
L’Ecole Libératrice : Conclusion de la commission franco-allemande d’historiens universitaires, 15 mai 1937, collection musée
L’Ecole Publique : tome I, Paris, Editions Rombaldi
Souvenirs d’une famille paysanne de Saône-et-Loire, au 19ième siècle : témoignages verbaux, AD71
ien-chelles.circo.ac-creteil.fr : animation pédagogique de circonscription : De l’Instruction civique à l’Enseignement civique et moral – Evolution des programmes de 1880 à nos jours

1 commentaire:

  1. Bravo et merci pour cet article.
    La morale républicaine et la morale tout court de l'Education y trouvent leurs vrais fondements. François Dulac n'a pas dit autre chose tout en insistant particulièrement sur le nécessaire changement de modèle d'éducation des filles qui n'avaient, alors, pas les mêmes chances que les garçons.

    Jean Pirou

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