Costumes
des
Normaliens
et normaliennes de Mâcon
Depuis 1848
Par Pierre Colomb et Patrick Pluchot
In
« Image de l’Ecole », CD-ROM du musée de la Maison d’Ecole à
Montceau-les-Mines, 1998
Article
du bulletin n°25 de l’A.V.N.P.71, 2017-2018
Les Hussards noirs de
la République
Avant
de devenir les représentants intègres de la République chers à Péguy, les
instituteurs devaient passer trois ans à l’Ecole Normale de leur département où
leur était inculqué le sens du devoir et de la mission émancipatrice qui les
attendait. Un uniforme strict leur fut imposé et ce, jusqu’après la Première
Guerre mondiale.
Le costume des Normaliens
En 1848, les normaliens portent à l'occasion
de leur sortie un habit appelé le frac et un chapeau haut de forme. En cette
année, il est question de remplacer l'habit par une tunique. Cette modification
n'est pas acceptée. Par contre, au chapeau sera bientôt substitué un képi de
forme simple sans aucun ornement.
Un peu avant 1900, la Roupane (nom donné à la
redingote) est embellie de deux palmes d'or brodées sur le col. La Roupane
donne désormais son surnom à l'Ecole Normale et à ses élèves : les
"Roupanards".
En 1910, un nouvel uniforme remplace la
redingote. En effet le port de celle-ci, pour des jeunes en pleine croissance,
présente de nombreux inconvénients.
La redingote est remplacée par une tunique
dont les huit boutons sont en cuivre doré. La casquette à visière est également
inscrite au trousseau obligatoire.
En 1920, on décide la suppression du port de
l'uniforme par arrêté du 18 août 1920. Les normaliens ne doivent plus être
différents des autres jeunes gens.
Surnommée la "deff" ou la
"bâche", la casquette, très regrettée, disparaît en 1921 et est
remplacée, l'hiver, par un feutre gris (en poil de lapin) et l'été par un
canotier.
En classe, les normaliens portent de longues
blouses noires. Les deux chapeaux disparaîtront vers 1926, ainsi que la blouse
noire remplacée par une blouse blanche.
Dans les années 30, bien que les normaliens
ne portent plus l'uniforme, le port d'un costume reste obligatoire.
Peu à peu, la couleur noire du costume
s'effacera au profit de couleurs plus gaies.
La blouse blanche laissera la place
progressivement à la blouse grise. Au lendemain de la guerre, celle-ci se
généralisera. Perpétuant les traditions, elle prend le nom de
"Roupane". Jusqu'en 1966, le port de la cravate est obligatoire en
cours. Ceux qui omettent de la porter risquent quatre heures de colle. Après
1968, les blouses, les surnoms Roupane et Roupanards, ainsi que d'autres
traditions disparaissent du monde normalien.
Le costume des
Normaliennes
Les premières normaliennes portent une tenue
austère, simple et modeste qui les uniformise et les distingue des jeunes
filles de leur âge.
Au début du siècle, elles sont vêtues, le
dimanche, de longues robes noires à "balayeuse" au col montant. Le
bas de la robe doit recouvrir leurs bottines. Elles sont coiffées l'hiver d'un
chapeau de feutre et de velours embelli d'une voilette, ce qui constitue, à
l'époque, un signe évident de distinction. L'été, elles portent un chapeau de
fine paille blanche et toutes ont les cheveux longs et nattés, roulés en
chignon.
Plus tard, les robes noires seront
abandonnées au profit de jupes gris clair, accompagnées d'un corsage blanc ou
coloré. Au cours de leurs sorties, les normaliennes sont coiffées d'un chapeau
dont la décoration (plume, ruban ou cocarde) distingue les différentes
promotions. Les jours de classe, elles ont un long sarrau noir orné d'un col
rond.
De 1915 à 1920, la couleur noire est à
nouveau de rigueur. Lors de leurs sorties, en rang deux à deux, les
normaliennes portent des robes noires, des manteaux noirs, des bas noirs, des
chaussures noires et des parapluies noirs! Seule la longueur du vêtement a
changé. En effet, la robe arrive désormais en dessous des mollets, ce qui est
une véritable "révolution".
Les jeunes filles arborent au cours de leurs
promenades, un chapeau d'uniforme dont le gabarit est le même pour toutes.
Ponctuellement, à Pâques et à la Toussaint, les chapeaux doivent être
renouvelés, feutre ou paille selon la saison.
Pendant les séances de gymnastique, les
normaliennes gardent leurs robes noires de tous les jours. En classe, elles
couvrent leurs vêtements d'une longue blouse noire.
Vers 1925, les normaliennes ne sont plus tout
de noir vêtues. En effet, on admet le port de bas gris non transparents et d'un
manteau gris foncé. Les jupes se raccourcissent de quelques centimètres.
La coiffure change, les cheveux ne sont plus
attachés et plus tard, ils seront coupés.
Vers 1935, les normaliennes sont vêtues d'un
uniforme bleu marine et coiffées d'un chapeau de la même couleur. Dans les
années 40, le chapeau ne se porte plus. Elles mettront encore une calotte plate
avant que la coiffe ne disparaisse définitivement, ainsi que l'uniforme.
En classe, les jeunes filles portent une
blouse.
Dans les années 50, la blouse est toujours
portée dans les classes. Les normaliennes sont vêtues de jupes plissées bleu
marine et d'un chemisier blanc.
Dix ans plus tard, vêtues de jupes courtes,
elles ne se distinguent plus des autres jeunes filles. (figure 15)
EN
GUISE DE CONCLUSION
Quelques
témoignages sur la vie de nos maîtresses et maîtres d’autrefois
"Relativement peu nombreux : ils sont
120 000 en 1914, les instituteurs payés par l'état ne sont plus en principe
dépendants des autorités locales, du maire, du curé, des familles. (..) Bien
que supérieure à celle des plus basses couches sociales, la condition
matérielle de l'instituteur n'a pas cessé d'être médiocre. "Le traitement
de début, rappelle un témoin qui débuta en 1904, ne permettait pas à
l'instituteur de vivre normalement sans l'aide de sa famille; et celui de 1914
était bien insuffisant si la femme ne possédait aucune ressource." (..)
A partir de la fin du XIXème siècle,
l'habitude s'ancre d'épouser une collègue : deux traitements insuffisants
permettent, de l'avis général, de vivre convenablement en ménage. Deux
tempéraments à l'étroitesse obligée d'un tel train de vie : les ressources d'un
petit bien ou d'un héritage, assez fréquentes pour les instituteurs issus de la
campagne, et les "avantages en nature", souvent acquis aux maîtres
dans les villages. Avec le logement qui leur est dû, est souvent adjoint un
jardin et un affouage qui leur fournit le chauffage. La construction des
"Mairies-Ecoles" a eu entre autres cette conséquence. (..)
Les Ecoles Normales recrutent cependant sans
difficulté. Le métier est perçu comme une promotion sociale et une sécurité par
les instituteurs qui sont, en majorité, d'origine paysanne."
("Histoire
générale de l'enseignement et de l'éducation", F.MAYEUR)
"Les témoignages qui ont le plus marqué
mon enfance se rapportent à l'époque des laïcisations, lorsque ma mère fut
nommée dans le canton de Charolles, en 1903 ou 1904. Seules les religieuses en
habit enseignaient les filles de la localité. Elle y créait donc l'école
laïque. Tout de suite ce fut la guerre... En chaire, le curé se déchaîna contre
la nouvelle école et tout ce qui s'y rattachait. Maîtres, parents, élèves
furent voués à l'enfer. A l'église, le petit groupe des laïques (5 à 10 élèves)
fut parqué loin des élues (une trentaine) qui continuaient à aller chez les
sœurs. Au catéchisme, mêmes avanies. Bien que je fusse beaucoup plus calé en
instruction religieuse que les petits paysans qui m'entouraient, j'étais
maintenu dans un rang médiocre. Il ne convenait pas que le fils de la laïque
fût reconnu meilleur que les autres ! C'est là que j'ai commencé à douter de la
justice divine et à perdre la foi..." (F.C,
1893, Saône-et-Loire)
"Nous étions, mes parents et moi, très
étroitement mêlés à la vie du village, nous étions invités à tous les mariages,
associés à tous les deuils. Nous étions "la dame, le monsieur et la
demoiselle". Il faut reconnaître d'ailleurs que les conditions de vie chez
les ménages d'instituteurs étaient plus confortables que celles des
cultivateurs et des ouvriers qui les entouraient. On y mangeait mieux; on y
était mieux vêtu; on était les seuls au village ou à peu près à posséder des
lits à sommiers et matelas; chez les autres il y avait des paillasses et des
lits de plumes." (Mme F, 1893, Saône et Loire)
(D'après
M. Ozouf, L'école de la France)
voir
article du blog : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2017/06/hommage-henri-besseige.html
"Neuf heures. C'est la fin d'une longue
journée laborieuse et la veillée s'achève dans notre grande cuisine. La mémé
tricote au coin du feu. (..) Autour de la longue table rectangulaire baignée
par la lueur d'une haute lampe à pétrole, il y a maman et les deux adjointes
que nous avons prises en pension. Mademoiselle Dauxois, chlorotique et
silencieuse, mène une vie effacée. Elle découpe avec soin, et à tout petit
bruit, dans de vieilles couvertures de cahiers, d'étroites et longues bandes
multicolores que les fillettes de la petite classe tisseront à l'heure du
travail manuel. Mademoiselle Rivet, une bouche moqueuse, des yeux myopes, mais
pourtant vifs sous le binocle pédagogique, se montre aussi expansive que
Mademoiselle Dauxois apparaît réservée. Elle mène la classe du certificat
d'études avec décision et belle humeur. La voici qui pouffe en annotant les
rédactions de ses élèves : "Non ! Ces sottes n'en font pas d'autres !
". (..)
L'étude du soir, de cinq à sept, se passait
en petit comité. Maman la réservait à la douzaine d'aspirantes qui lui
paraissaient aptes à réussir au Brevet ou à l'Ecole Normale. J'y étais admis
sans cérémonie. Cela commençait par un exercice scolaire : dictée, problème ou
rédaction. Les problèmes me rebutaient; mais j'acceptais volontiers l'épreuve
d'orthographe et de composition où, sensiblement plus jeune, je n'arrivais pas
toujours dernier. Pendant la deuxième heure, le travail était libre. Nous nous
rapprochions; nous nous faisions réciter nos leçons à voix basse tandis que
"La Dame" préparait la classe du lendemain. (..)
Lorsqu'enfin l'horloge de l'hôtel de ville
laissait tomber sept coups, nous rangions nos affaires. Maman se levait,
recevait et rendait en souriant le bonsoir de ses disciples. Elle éteignait le
gaz, vérifiait le compteur, et nous montions dîner."
(EXTRAIT
DE "AU PAYS NOIR", H.BESSEIGE.)
M. l'Inspecteur vit à l'ombre de la
sous-préfecture. Il se déplace par chemin de fer, mais il ne craint pas d'aller
à bicyclette d'un point à l'autre de sa circonscription, quel que soit le
temps, canicule ou frimas.
Dès 1835, les inspecteurs de l'enseignement
primaire se mettent à arpenter les campagnes :
"Il arrivait qu'alors et une fois par
an, venait s'abattre au milieu de l'école, comme le grec de Marathon au milieu
d'Athènes, un enfant d'une dizaine d'années, les cheveux collés aux tempes,
tant la sueur était abondante, les joues écarlates tant la course furieuse
avait fouetté le sang.
Le grec, c'est-à-dire l'enfant essoufflé,
mourant, tendait à l'instituteur du lieu une lettre qui n'était pas toujours
scellée d'un cachet noir, mais qui aurait toujours dû l'être, car elle était
des plus néfastes que notre maître d'école pût recevoir. La lettre contenait
rarement plus que cette phrase traditionnelle pour les 30 000 instituteurs de
la France d'alors : "L'Inspecteur sort d'ici et va chez vous; prenez vos
mesures. Votre collègue affectionné." (..)
L'instituteur qui, à la vue de l'enfant,
avait ressenti les premières atteintes d'un tremblement convulsif, devenait
livide et se mettait à s'agiter des
pieds à la tête, ni plus ni moins que s'il venait de passer dix ans dans les
marais pontins... On entendait ses mains et ses dents s'entrechoquer avec un
bruit grêle qui donnait la chair de poule aux plus incorrigibles marmots.
Cependant, avec un suprême effort, il faisait l'annonce de la nouvelle fatale.
Sa voix n'avait plus rien d'humain : "Mes enfants... Monsieur
l'Inspecteur... va arriver. Vite ! Préparez vos cahiers et vos livres."
(..) Pendant que les uns faisaient couler sur leurs visages et sur leurs mains
un fleuve de salive destiné à leur rendre la pureté baptismale, les autres
s'emparaient des plumes et des crayons à leur portée et les transformaient en
peignes pour les cheveux. L'instituteur un peu remis pensait, lui, à la salle
de classe. Il époussetait par ci... il balayait par là... partout il avait l'œil..."
("SCENES
DE LA VIE D'UN INSTITUTEUR" P.LUIZ, 1868)
SOURCES :
-
Cent ans d’Ecole, Musée de la Maison
d’Ecole
-
CD-ROM
Images de l’école, Musée de la Maison
d’Ecole
-
Archives
de Musée
-
Archive
de l’AVNP71
-
Livres
cités en conclusion.
A
Pierre COLOMB, Conseiller Pédagogique auprès de l'IUFM et Président de l'Amicale des anciens et anciennes élèves de l'Ecole Normale de Mâcon, in memoriam.
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