vendredi 19 octobre 2018

Ecole Normale de Mâcon




Costumes des

Normaliens et normaliennes de Mâcon
Depuis 1848
Par Pierre Colomb et Patrick Pluchot
In « Image de l’Ecole », CD-ROM du musée de la Maison d’Ecole à Montceau-les-Mines, 1998
Article du bulletin n°25 de l’A.V.N.P.71, 2017-2018

In Centenaire de la Société Amicale, 1984

Les Hussards noirs de la République

Avant de devenir les représentants intègres de la République chers à Péguy, les instituteurs devaient passer trois ans à l’Ecole Normale de leur département où leur était inculqué le sens du devoir et de la mission émancipatrice qui les attendait. Un uniforme strict leur fut imposé et ce, jusqu’après la Première Guerre mondiale.



Le costume des Normaliens


Claude-Louis Verot, promotion 1868-1870, Mâcon


En 1848, les normaliens portent à l'occasion de leur sortie un habit appelé le frac et un chapeau haut de forme. En cette année, il est question de remplacer l'habit par une tunique. Cette modification n'est pas acceptée. Par contre, au chapeau sera bientôt substitué un képi de forme simple sans aucun ornement. 


La Roupane, 1896, Mâcon



Un peu avant 1900, la Roupane (nom donné à la redingote) est embellie de deux palmes d'or brodées sur le col. La Roupane donne désormais son surnom à l'Ecole Normale et à ses élèves : les "Roupanards". 


Promotion 1913-1916 dite « Promotion sacrifié », Mâcon


En 1910, un nouvel uniforme remplace la redingote. En effet le port de celle-ci, pour des jeunes en pleine croissance, présente de nombreux inconvénients.



Paul Constant Moutardier, promotion 1913-1916, Mâcon



La redingote est remplacée par une tunique dont les huit boutons sont en cuivre doré. La casquette à visière est également inscrite au trousseau obligatoire. 



Promotion 1921-1924, Mâcon



En 1920, on décide la suppression du port de l'uniforme par arrêté du 18 août 1920. Les normaliens ne doivent plus être différents des autres jeunes gens.



Promotion 1926-1929, Mâcon


Promotion 1926-1929, Mâcon



Surnommée la "deff" ou la "bâche", la casquette, très regrettée, disparaît en 1921 et est remplacée, l'hiver, par un feutre gris (en poil de lapin) et l'été par un canotier.



Normalien en blouse noire, Mâcon, 1926



En classe, les normaliens portent de longues blouses noires. Les deux chapeaux disparaîtront vers 1926, ainsi que la blouse noire remplacée par une blouse blanche.

Dans les années 30, bien que les normaliens ne portent plus l'uniforme, le port d'un costume reste obligatoire.



Promotion 1943-1946, Mâcon



Peu à peu, la couleur noire du costume s'effacera au profit de couleurs plus gaies.



Promotion 1937-1940, Mâcon



La blouse blanche laissera la place progressivement à la blouse grise. Au lendemain de la guerre, celle-ci se généralisera. Perpétuant les traditions, elle prend le nom de "Roupane". Jusqu'en 1966, le port de la cravate est obligatoire en cours. Ceux qui omettent de la porter risquent quatre heures de colle. Après 1968, les blouses, les surnoms Roupane et Roupanards, ainsi que d'autres traditions disparaissent du monde normalien.



Le costume des Normaliennes



Institutrice à l’école maternelle, tableau de Geoffroy, « peintre des humbles et des enfants », 1898 (détail)



Les premières normaliennes portent une tenue austère, simple et modeste qui les uniformise et les distingue des jeunes filles de leur âge.

Au début du siècle, elles sont vêtues, le dimanche, de longues robes noires à "balayeuse" au col montant. Le bas de la robe doit recouvrir leurs bottines. Elles sont coiffées l'hiver d'un chapeau de feutre et de velours embelli d'une voilette, ce qui constitue, à l'époque, un signe évident de distinction. L'été, elles portent un chapeau de fine paille blanche et toutes ont les cheveux longs et nattés, roulés en chignon.



Ecole Normale d’institutrices, Mâcon, 1907



Plus tard, les robes noires seront abandonnées au profit de jupes gris clair, accompagnées d'un corsage blanc ou coloré. Au cours de leurs sorties, les normaliennes sont coiffées d'un chapeau dont la décoration (plume, ruban ou cocarde) distingue les différentes promotions. Les jours de classe, elles ont un long sarrau noir orné d'un col rond.



Promotion 1918-1921, Mâcon



De 1915 à 1920, la couleur noire est à nouveau de rigueur. Lors de leurs sorties, en rang deux à deux, les normaliennes portent des robes noires, des manteaux noirs, des bas noirs, des chaussures noires et des parapluies noirs! Seule la longueur du vêtement a changé. En effet, la robe arrive désormais en dessous des mollets, ce qui est une véritable "révolution".

Les jeunes filles arborent au cours de leurs promenades, un chapeau d'uniforme dont le gabarit est le même pour toutes. Ponctuellement, à Pâques et à la Toussaint, les chapeaux doivent être renouvelés, feutre ou paille selon la saison.



Normaliennes de Mâcon, 1919



Pendant les séances de gymnastique, les normaliennes gardent leurs robes noires de tous les jours. En classe, elles couvrent leurs vêtements d'une longue blouse noire.



Promotion 1928-1931, Mâcon



Vers 1925, les normaliennes ne sont plus tout de noir vêtues. En effet, on admet le port de bas gris non transparents et d'un manteau gris foncé. Les jupes se raccourcissent de quelques centimètres.

La coiffure change, les cheveux ne sont plus attachés et plus tard, ils seront coupés.



Normaliennes de Mâcon, 1948



Vers 1935, les normaliennes sont vêtues d'un uniforme bleu marine et coiffées d'un chapeau de la même couleur. Dans les années 40, le chapeau ne se porte plus. Elles mettront encore une calotte plate avant que la coiffe ne disparaisse définitivement, ainsi que l'uniforme.

En classe, les jeunes filles portent une blouse.



Promotion 1960-1964, Mâcon



Dans les années 50, la blouse est toujours portée dans les classes. Les normaliennes sont vêtues de jupes plissées bleu marine et d'un chemisier blanc.

Dix ans plus tard, vêtues de jupes courtes, elles ne se distinguent plus des autres jeunes filles. (figure 15)



EN GUISE DE CONCLUSION

Quelques témoignages sur la vie de nos maîtresses et maîtres d’autrefois




Une maîtresse et ses élèves, école publique de la rue Carnot à Montceau-les-Mines, avant 1900



"Relativement peu nombreux : ils sont 120 000 en 1914, les instituteurs payés par l'état ne sont plus en principe dépendants des autorités locales, du maire, du curé, des familles. (..) Bien que supérieure à celle des plus basses couches sociales, la condition matérielle de l'instituteur n'a pas cessé d'être médiocre. "Le traitement de début, rappelle un témoin qui débuta en 1904, ne permettait pas à l'instituteur de vivre normalement sans l'aide de sa famille; et celui de 1914 était bien insuffisant si la femme ne possédait aucune ressource." (..)

A partir de la fin du XIXème siècle, l'habitude s'ancre d'épouser une collègue : deux traitements insuffisants permettent, de l'avis général, de vivre convenablement en ménage. Deux tempéraments à l'étroitesse obligée d'un tel train de vie : les ressources d'un petit bien ou d'un héritage, assez fréquentes pour les instituteurs issus de la campagne, et les "avantages en nature", souvent acquis aux maîtres dans les villages. Avec le logement qui leur est dû, est souvent adjoint un jardin et un affouage qui leur fournit le chauffage. La construction des "Mairies-Ecoles" a eu entre autres cette conséquence. (..)
Les Ecoles Normales recrutent cependant sans difficulté. Le métier est perçu comme une promotion sociale et une sécurité par les instituteurs qui sont, en majorité, d'origine paysanne."
("Histoire générale de l'enseignement et de l'éducation", F.MAYEUR)



Congréganistes de Saint-Joseph de Cluny et leurs élèves, avant 1900



"Les témoignages qui ont le plus marqué mon enfance se rapportent à l'époque des laïcisations, lorsque ma mère fut nommée dans le canton de Charolles, en 1903 ou 1904. Seules les religieuses en habit enseignaient les filles de la localité. Elle y créait donc l'école laïque. Tout de suite ce fut la guerre... En chaire, le curé se déchaîna contre la nouvelle école et tout ce qui s'y rattachait. Maîtres, parents, élèves furent voués à l'enfer. A l'église, le petit groupe des laïques (5 à 10 élèves) fut parqué loin des élues (une trentaine) qui continuaient à aller chez les sœurs. Au catéchisme, mêmes avanies. Bien que je fusse beaucoup plus calé en instruction religieuse que les petits paysans qui m'entouraient, j'étais maintenu dans un rang médiocre. Il ne convenait pas que le fils de la laïque fût reconnu meilleur que les autres ! C'est là que j'ai commencé à douter de la justice divine et à perdre la foi..." (F.C, 1893, Saône-et-Loire)


"Nous étions, mes parents et moi, très étroitement mêlés à la vie du village, nous étions invités à tous les mariages, associés à tous les deuils. Nous étions "la dame, le monsieur et la demoiselle". Il faut reconnaître d'ailleurs que les conditions de vie chez les ménages d'instituteurs étaient plus confortables que celles des cultivateurs et des ouvriers qui les entouraient. On y mangeait mieux; on y était mieux vêtu; on était les seuls au village ou à peu près à posséder des lits à sommiers et matelas; chez les autres il y avait des paillasses et des lits de plumes." (Mme F, 1893, Saône et Loire)
(D'après M. Ozouf, L'école de la France)



Livre d’Henri Besseige, montcellien devenu Inspecteur d’Académie et écrivain, édition de 1952



"Neuf heures. C'est la fin d'une longue journée laborieuse et la veillée s'achève dans notre grande cuisine. La mémé tricote au coin du feu. (..) Autour de la longue table rectangulaire baignée par la lueur d'une haute lampe à pétrole, il y a maman et les deux adjointes que nous avons prises en pension. Mademoiselle Dauxois, chlorotique et silencieuse, mène une vie effacée. Elle découpe avec soin, et à tout petit bruit, dans de vieilles couvertures de cahiers, d'étroites et longues bandes multicolores que les fillettes de la petite classe tisseront à l'heure du travail manuel. Mademoiselle Rivet, une bouche moqueuse, des yeux myopes, mais pourtant vifs sous le binocle pédagogique, se montre aussi expansive que Mademoiselle Dauxois apparaît réservée. Elle mène la classe du certificat d'études avec décision et belle humeur. La voici qui pouffe en annotant les rédactions de ses élèves : "Non ! Ces sottes n'en font pas d'autres ! ". (..)
L'étude du soir, de cinq à sept, se passait en petit comité. Maman la réservait à la douzaine d'aspirantes qui lui paraissaient aptes à réussir au Brevet ou à l'Ecole Normale. J'y étais admis sans cérémonie. Cela commençait par un exercice scolaire : dictée, problème ou rédaction. Les problèmes me rebutaient; mais j'acceptais volontiers l'épreuve d'orthographe et de composition où, sensiblement plus jeune, je n'arrivais pas toujours dernier. Pendant la deuxième heure, le travail était libre. Nous nous rapprochions; nous nous faisions réciter nos leçons à voix basse tandis que "La Dame" préparait la classe du lendemain. (..)
Lorsqu'enfin l'horloge de l'hôtel de ville laissait tomber sept coups, nous rangions nos affaires. Maman se levait, recevait et rendait en souriant le bonsoir de ses disciples. Elle éteignait le gaz, vérifiait le compteur, et nous montions dîner."
(EXTRAIT DE "AU PAYS NOIR", H.BESSEIGE.)





M. l'Inspecteur vit à l'ombre de la sous-préfecture. Il se déplace par chemin de fer, mais il ne craint pas d'aller à bicyclette d'un point à l'autre de sa circonscription, quel que soit le temps, canicule ou frimas.
Dès 1835, les inspecteurs de l'enseignement primaire se mettent à arpenter les campagnes :
"Il arrivait qu'alors et une fois par an, venait s'abattre au milieu de l'école, comme le grec de Marathon au milieu d'Athènes, un enfant d'une dizaine d'années, les cheveux collés aux tempes, tant la sueur était abondante, les joues écarlates tant la course furieuse avait fouetté le sang.
Le grec, c'est-à-dire l'enfant essoufflé, mourant, tendait à l'instituteur du lieu une lettre qui n'était pas toujours scellée d'un cachet noir, mais qui aurait toujours dû l'être, car elle était des plus néfastes que notre maître d'école pût recevoir. La lettre contenait rarement plus que cette phrase traditionnelle pour les 30 000 instituteurs de la France d'alors : "L'Inspecteur sort d'ici et va chez vous; prenez vos mesures. Votre collègue affectionné." (..)
L'instituteur qui, à la vue de l'enfant, avait ressenti les premières atteintes d'un tremblement convulsif, devenait livide  et se mettait à s'agiter des pieds à la tête, ni plus ni moins que s'il venait de passer dix ans dans les marais pontins... On entendait ses mains et ses dents s'entrechoquer avec un bruit grêle qui donnait la chair de poule aux plus incorrigibles marmots. Cependant, avec un suprême effort, il faisait l'annonce de la nouvelle fatale. Sa voix n'avait plus rien d'humain : "Mes enfants... Monsieur l'Inspecteur... va arriver. Vite ! Préparez vos cahiers et vos livres." (..) Pendant que les uns faisaient couler sur leurs visages et sur leurs mains un fleuve de salive destiné à leur rendre la pureté baptismale, les autres s'emparaient des plumes et des crayons à leur portée et les transformaient en peignes pour les cheveux. L'instituteur un peu remis pensait, lui, à la salle de classe. Il époussetait par ci... il balayait par là... partout il avait l'œil..."
("SCENES DE LA VIE D'UN INSTITUTEUR" P.LUIZ, 1868)

SOURCES :
-       Cent ans d’Ecole, Musée de la Maison d’Ecole
-       CD-ROM Images de l’école, Musée de la Maison d’Ecole
-       Archives de Musée
-       Archive de l’AVNP71
-       Livres cités en conclusion.

A Pierre COLOMB, Conseiller Pédagogique auprès de l'IUFM et Président de l'Amicale des anciens et anciennes élèves de l'Ecole Normale de Mâcon, in memoriam.



Brouillon de la main de Pierre Colomb, synthèse du groupe de travail Musée/Amicale pour le CD-ROM, 1998 (archives musée)

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