mercredi 31 octobre 2018

La correspondance d'un poilu



L’exposition  itinérante  du musée
« De l’école aux tranchées »
(Fonds Moutardier, Chaînard, Bataillons scolaires)
à l’Embarcadère de Montceau
Du 3 au 11 novembre 2018
Inauguration le 3 novembre à 18 heures 30



Les archives Moutardier

On peut s’étonner, à la lecture de la correspondance de Paul Constant Moutardier et à celle des personnes qui lui écrivent, de la somme de bonnes nouvelles qu’elles contiennent : aucun problème grave, aucune allusion aux combats. On peut supposer que Paul, comme la plupart de ses camarades sûrement, ne voulait pas alarmer sa famille en se plaignant de ses conditions de vie. Il suffit d’ailleurs, pour s’en convaincre, de constater le paradoxe qui sépare ses notes personnelles de ses correspondances.

Toute la correspondance de Paul Constant Moutardier est dans cet article
(originaux en fin d'article)








Il suffit de lire l’avertissement noté en marge de cette lettre pour comprendre que la censure est sévère et préserve le moral des troupes et de l’arrière en interdisant toute communication d’informations alarmantes ou trop précises sur la situation.






Carte postale envoyée par Paul à ses grands-parents, 1915 :
 « Chers parents,
J’ai reçu ma feuille de route, je suis affecté au 29ème à Autun.Sur 4 conscrits que nous étions à Rouvrat, tous nous sommes affectés au 29ème.
Le Charles est assis en avant de moi. A ma droite c’est Litaudon et sur l’extrémité droite se tient le frère Grandjean. Voyez que depuis longtemps il n’y avait pas eu un si grand nombre de conscrits à Rouvrat.
Mon père écrit toujours régulièrement. Il ne se plaint pas. J’aurais certes rejoindre un régiment tenant garnison aux environ de Ronchamp. J’aurais pu vous voir fréquemment et embrasser la petite cousine que je n’ai encore vue. Mais il en est autrement, et ma foi, il faut bien le prendre. Je vous embrasse. Votre petit fils, neveu et cousin qui vous aime.
Paul »

Carte envoyée par Paul, vraisemblablement d’Autun, à la famille, 1915 :
 « Envoyez-moi donc la photographie du papa, la tienne chère mère, et le groupe de conscrits.
Je vous embrasse.
Paul »

Carte envoyée de la caserne d’Autun par Paul, 1915 :
« Je viens de passer la nuit à la caserne et de ce moment j’attends couché sur une paillasse à côté du vieux frère, d’être affecté à une compagnie. Depuis ce matin, il pleut.
Nous avons bu le jus, il n’était pas mauvais. 
Paul »

Carte de Paul à son cousin Maurice, 1915 :
« L’habit militaire ne m’a pas vieilli. Je parais l’âge d’un enfant de troupe.
Mes compagnons à droite et à gauche sont deux copains du quartier.
Tout va bien, bonne santé à toi et bon rétablissement pour Claudius.
Ton cousin qui te serre fraternellement la main ;
Paul »

Carte envoyée par Paul à son cousin Maurice, 18 mars 1915 :
«Autun le 18 mars 1915
Mon cher cousin
J’ai reçu ta bonne carte. Je t’en remercie. Nous sommes toujours ici dans l’attente. On parle d’un départ probable pour…(Ah ! ici l’endroit n’est pas certain) ce qui est certains c’est que tous les hommes devront quitter le dépôt d’Autun, c’est une note venue ces jours-ci. On parle de Nolay mais rien de sûr ;
Tout va bien. Ton cousin qui t’aime.
Paul »

Carte envoyée par Paul à la famille, 1915 :
« Cher grand-père chère grand-mère chère tante Didine
Trois noms qui me sont chers sont réunis dans cette entête.
Vous êtes du même âge. Je vous réunis tous 3 pour vous envoyer (c’est une façon de parler) mon amitié par l’intermédiaire de ces poilus tous préoccupés pour l’instant de transporter leur soupe. Vous devez être installés maintenant cher grand-père chère grand-mère. J’espère que le temps ne vous durera pas trop de ce vieux Ronchamps.
A tous bonne santé.
Bons baisers de votre petit-fils et neveu.
Paul »

Carte de Paul à son cousin Maurice, 1915 :
« Cher cousin
J’ai appris par une lettre du sergent major de la 4ème compagnie du 10ème régiment que le cousin [Jean Marie Moutardier] était inhumé sur les lieux même de la lutte c’est-à-dire au bois d’Ailly.
J’avais fait d’actives recherches au cimetière de Marbotte, de Mécrin et de Commercy. Mais rien ne m’indiquait la tombe du cousin. Je me suis décidé à écrire de nouveau et ainsi j’ai une nouvelle piste. J’attends des renseignements complémentaires. Demande-donc à Parthay où c’est qu’il dit l’avoir vue, il n’a qu’à nommer le nom je connais toute la région.
De grands faits vont se passer. Tout va bien.
Paul »

Carte de Paul à son cousin Maurice, 1915 :
« Cher Maurice
Encore une fois merci pour les 5 francs.
Tout va bien ici, nous attendons de recevoir le baptême du feu. J’ai vu de loin le cimetière où repose le cher cousin Jean Marie mais je n’ai pas pu y aller. J’attends l’occasion prochaine avec impatience. Je t’embrasse.
Paul »

Carte envoyée par Paul à ses parents, 1915 :
« Chers parents,
C’est la photographie du peloton de Vignot.
Je suis dans le coin droit de la photo.
Je vais bien et je vous embrasse ;
Paul »


 


"Notre petit gars! De loin nous avons foi. Nous pensons bien à toi!".
Carte envoyée par Paul à ses grands-parents :

« 28 janvier 1916
Chers grand-père chère  grand-mère
J’ai trouvé cette belle carte chez un colporteur de passage dans le petit patelin. Je l’ai achetée car elle m’a rappelé votre chère image et parce qu’elle contient les sentiments que vous manifestez à mon égard.
Qu’elle vous porte mes bonnes amitiés et mes meilleurs baisers.
Paul »

Carte de Paul à ses parents, 7 février 1916 :
« Mes chers parents,
Toujours en repos et en bonne santé.
De ce moment, nous sommes dans un petit patelin , du côté de Bar-le-Duc, entre cette ville et Commercy. Dans les petits patelins où nous avons cantonné en repos, nous avons mangé un soir chez des gens qui nous ont parlé du 171ème lorsqu’il était venu au repos dans la région l’an dernier et le souvenir de notre cher Edmond vint m’attendrir alors que j’étais heureux d’être où il avait été. Il est si bon que je le regarde comme un grand frère et que constamment son bon cœur et son courage alors qu’il souffrait l’an dernier sont pour moi un exemple. Demandez chez Chevalier où est le petit Louis, il doit y avoir les régiments de la classe 16 dans la région.
Le général que vous voyez c’est le général Cordonier qui commande le 8ème Corps.
Bons baisers à tous.
Paul»

Carte de Paul à la famille, 1916 :
« Cher grand-père chère grand-mère
Chère tante Didine
Ma bonne grand-mère tu t’étais donné bien de la peine à laver ma capote et tante Didine s’était bien occupée à la raccommoder. Elle paraissait presque neuve. Mais maintenant elle a fait place à une belle capote toute neuve solidement confectionnée. On dirait des bleus qui arrivent. Ce soir nous remontons en ligne. J’ai reçu le colis contenant les bandes molletières et l’Urodonal. Je ne sais pas si j’en ai bien besoin. Enfin j’attends une lettre de vous qui me dira voir pourquoi vous me l’envoyez. Sans doute que j’en recevrais une aujourd’hui car je n’en n’ai point eu encore. Dis donc grand-père tu activeras un peu Charlot pour qu’il m’écrive quelquefois.
Bons baisers.
Paul »

Carte envoyée par Paul à son frère Charles, 1916 :
« Mon cher frangin,
Pas grands nouveaux à part que le 75 est entrain de taper quelque chose aux Boches sur la Corne du Bois d’Ailly.
Avec cela assez beau temps. Il y a bien de la boue mais c’est la saison. Je n’ai pas encore pu acheter les guêtres car j’attends pour voir les prix d’aller en repos à Commercy.
Tout va bien mon vieux Charlot. Embrasse bien le papa la maman grand-père grand-mère et tante Didine pour moi.
Paul »

Carte envoyée par Paul à ses parents, 8 mars 1916 :
« 8 mars 1916,
Chers parents,
Je viens de rencontrer Marcel Ducerf. Avons passé bons moments ensemble.
Tout va bien. Soyez tranquilles ;
Bons baisers ;
Paul »

Carte envoyée par Paul à ses parents, 10 mars 1916 :
« 10 mars 1916,
Chers parents,
J’ai reçu les deux colis chère maman ainsi que la lettre datée du 5 mars. Merci affectueusement. Soyez tranquilles et ne vous faites pas de mauvais sang. Tout va bien.
J’espère que le papa et le grand-père se ressentent moins de leurs douleurs.
Bonne santé à vous tous et bons baisers ;
Paul »

Carte envoyée par Paul à ses parents, 8 avril 1916 :
« Bien chers parents,
J’ai lu avec un vif plaisir, la lettre si affectueuse, chère maman.
Espérons que notre cher Edmond aura cette bonne chance de pouvoir travailler soit à Ronchamps soit près de vous. Je devine toute la joie, tout votre bonheur qu’il passerait parmi grand-père et grand-mère comme durant ses jeunes années. A grand-mère qui ne m’oublie pas j’adresse mes remerciements en même temps que mes baisers affectueux pour son bon gâteau. A grand-père, à papa jo, souhaite un soulagement des rhumatismes.
Bonne santé pour mon vieux Charlot qui doit rudement travailler maintenant. Mes meilleures pensées pour la bonne tante Didine et pour toi chère maman.
Bons baisers à tous.
Paul »

Lettre envoyée par Paul à son père à l’occasion de la Fête des Pères, 24 juin 1916 :
«  Bien cher papa,
Je ma rappelle non sans attendrissement qu’autrefois à pareille époque, nous fêtions gaiement notre fête à tous deux.
Cette année, bien que je sois loin de vous, je veux t’adresser mes bons souhaits à l’occasion de la fête qui est aussi la mienne. Que cette pensée d’amitié faite dans un abri à la lueur vacillante d’une bougie t’emporte toutes les amitiés de ton fils qui bien souvent dans les heures douloureuses d’aujourd’hui, évoque ta chère image aux traits énergiques et francs. Je n’oublierai pas de joindre mes meilleurs souhaits de bonne santé et espérance que prochainement nous aurons le vif plaisir d’être réunis. J’associe à ton bon souvenir celui non moins cher de la maman toujours en recherche de me faire plaisir, du grand-père et de la grand-mère dont l’affection pour moi est si vive, de la bonne tante Didine et de mon cher frérot.
Ma santé se maintien bonne.
En te présentant mes vœux de bonne fête cher papa je vous adresse à tous mes bons baisers ;
Paul »

Carte envoyée par Paul à sa tante Didine le 26 juin 1916 :
 « 26 juin 1916
Chère tante Didine
Un petit Parigot a pu se procurer des cartes postales qu’il vend aux poilus. J’en ai choisi quelques unes, je t’adresse celle-ci en souvenir de ton affection profonde à mon égard et que tu as si souvent manifesté.
Je suis en repos et je vais aller voir Marcel Ducerf qui est à 500 mètre. Mais aujourd’hui je n’ai pas eu le temps car aussitôt ??? je me suis nettoyé.
Des bruits courent que nous allons quitter le région. Je crois qu’il y aura de grands mouvements ???
Tout va bien. Bons baisers.
Paul »

Lettre envoyée par Paul à ses parents, 2 juillet 1916 :
« Bien chers parents,
Je suis toujours au repos. Nous sommes tranquilles. Nous respirons le grand air et nous voilà tous bien reposés avec de bonnes mines déjà. Nous, vous savez, on boit de bons coups de pinard.
Je ne sais si nous y resterons longtemps au repos. Bien des canards courent à ce sujet. Mais je n’y attache pas grande foi. Certains disent que nous sommes en repos pour assez longtemps. D’autres que nous allons voyager. Pour l’instant on est bien c’est le principal. Pour le reste ça ne m’inquiète guère. J’ai bien le temps de voir venir les choses.
Et puis vous savez on ne s’en fait pas et la santé se maintient.
Soyez donc tranquilles mes bons parents. Les permissions ont repris. Je en sais pas si elles continueront. Espérons que bientôt j’aurai le plaisir de vous embrasser tous affectueusement.
Pour l’instant tout va bien.
Bons baisers.
Paul »

Lettre de Paul à ses parents, 1er septembre 1916 :
« Chers parents,
Nous sommes toujours en réserve, au milieu de grands bois. Ça me rappelle les belles forêts de Ronchamps au temps où en compagnie de cher grand-père les pittoresques environs vosgiens.
Nous n’y sommes pas mal. Depuis quelques jours le temps s’est mis à l’orage dans la région. On sent que c’est peu à peu l’approche de l’automne.
Cela me fait souvenir que bientôt les longues veillées comme au temps où tous réunis nous écoutions le père Michel nous raconter ses exploits. Bien que je n’y participerai pas cette année, veillez gaiement comme autrefois. L’an prochain je raconterai à Michel mes randonnées.
Ma santé reste aussi bonne que lorsque je vous ai quittés. J’espère que la vôtre à vous tous est excellente. Pour cela je souhaite que le cher papa se ressente moins de ses boutons et que les douleurs ne le fassent pas souffrir. J’espère que celles de grand-père le laisseront tranquille et que la chère tante Didine est moins fatiguée que ces jours derniers. Et toi chère maman, les coliques t-ont-elles quittées ?
Bonne santé aussi à mon vieux Charlot et à la chère grand-mère.
Donnez bien le bonjour aux voisins. Recevez les bons baisers de votre fils, petit-fils, frère et neveu.
Paul

Depuis que j’ai été nommé cabot, j’ai changé de section.
Je ne suis plus à la section d’Eugène mais à la première. Ca m’a embêté de quitter mes vieux camarades mais ceux que j’ai à ma nouvelle escouade sont bien gentils.
Bonjour à chez Patout.
Paul »

Lettre d’Emile, aux parents Moutardier. On y sent une inquiétude pour Paul qui pourtant ne donne que des nouvelles rassurantes, 3 septembre 1916 :
« Bien chers parents,
Il y a longtemps que je n’ai pas eu de nouvelles de Paul. J’ai su qu’il était aux Epargnes… Est-il resté là ?… Je pense que la chance continuera à le favoriser, après toutes les misères qu’il déjà endurées.
Comment allez-vous tous. Mon parrain Pierre se sent-il toujours de rhumatismes ? Et le grand-père ? Que devient-il ? La grand-mère est la plus heureuse de se retrouver  près de sa bonne et douce Hélène, n’est-ce pas. Et tous deux pensent jouir d’un peu de repos.
Ainsi vous n’avez plus de soucis présents pour Charles. Tant mieux, vous avez déjà assez d’inquiétudes pour Paul.
Hortense nous disait qu’il est revenu en permission il y a quelque temps. Cela est bon et doux, mais le départ est toujours aussi triste et toujours plein d’angoisses. Edmond est assez tranquille à présent. Souhaitons qu’il y reste assez. Je ne pense pas qu’il puisse rentrer à la mine, il faut avoir quitté après 1910 et Edmond a quitté bien avant. Emile et Marie vont bien ? Vous les voyez de temps en temps.
Bonne santé à tous, bonne chance surtout au pauvre cher soldat !..Nous allons tous bien, les petits sont forts. Oui, nous irons vous voir plus tard. Et vous viendrez aussi. Nous vous embrassons affectueusement.
Mon bon souvenir à la tante Didine.
Emile »

Lettre de Paul à ses parents, 4 septembre 1916 :
« Bien chers parents,
Ma santé se maintient très bonne. J’espère que la vôtre est excellente.
J’attends de vos nouvelles ces jours-ci. Si toutefois tu m’envoyais n colis chère maman, joins-y donc des ails et une flanelle. Ce n’est pas que la flanelle presse mais lorsque les froids viendront je la mettrai.
Rien de nouveau à part cela.
Patout, Masquelet et Champliau vont bien.
Bons baisers à tous ;
Paul »

Lettre de Paul à ses parents, 6 septembre 1916 :
« Mes biens chers parents,
Nous sommes descendus pour 4 jours au repos après nous remonterons aux Epargnes.
Je n’ai pas encore reçu de lettres depuis mon arrivée. J’espère que votre santé est parfaite à tous. La mienne se maintient bonne.
Dans le prochain colis tu pourras y joindre chère maman, un composition pour mélanger à l’eau. Dans la suite vous pourrez également m’envoyer mon caoutchouc. Embrasse bien pour moi le papa, la maman, le grand-père, la grand-mère et la tante Didine, mon cher Charlot.
Bons baisers à tous.
Paul »

Lettre de Paul envoyée à ses parents,  8 septembre 1916 :
« Bien chers parents
J’ai retrouvé pas mal de connaissances pendant ces deux jours de repos :Serprix neveu de l’Emile est au 29ème . Je vais aller le voir ce soir. Il est au dépôt de la classe 16 qui se tient dans le patelin où nous sommes à Sommedieu. Nivot qui en rentrant d’évacuation était allé rejoindre le dépôt de la classe 16 est venu nous renforcer aujourd’hui(hui avec plusieurs autres de Montceau.
Hier nous avons bu un bon coup. Nous étions tous des gars de Montceau : Masquelet, Nivot, Nectoux, Cléau, Guichard, Sirop, etc. J’ai fait également connaissance d’un petit Chevrot du Bois du Leu, il est à la 11ème Compagnie du 13ème. Nous avons bien causé du pays et tout chacun parlait un peu de la famille.
J’espère que vous êtes tous en bonne santé. Tout va bien. Je vous embrasse tous affectueusement.
Paul »

Lettre de Paul envoyée à ses parents, 13 septembre 1916 :
« Chers parents
Le colis m’est parvenu à bon port en même temps que ta lettre chère maman. Je vous en remercie affectueusement
J’ai été bien heureux de vous savoir tous en bonne santé. La mienne reste toujours excellente.
Hier Eugène m’a appris sa nomination au grade de sous-lieutenant. Comme il passe de la 10ème Compagnie à la 6ème il m’a quitté ce matin. Maintenant nous serons moins souvent ensemble. Néanmoins, j’aurai toujours de ses nouvelles.
Donne bien le bonjour de ma part à ses parents et toi cher frangin je te charge de bien embrasser le papa la maman la grand-mère le grand-père et tante Didine pour moi.
Paul »

lettre de Paul envoyée à ses parents, 23 septembre 1916 :
« Bien chers parents,
J’ai reçu ta lettre hier chère maman. Je vous remercie du mandat qu’elle contenait, je vous remercie en outre du colis dernier. La confiture était très bonne chère maman. La poudre est bonne également.
Tu peux envoyer soit de la poudre soit du coco. Quant au caoutchouc, je ne sais pas trop quoi  tu pourrais mettre avec. Nous sommes toujours au repos comme je vous l’ai dit. Mais c’est un repos actif ; Tout le corps d’armée est réuni et nous faisons beaucoup d’exercice. C’est un peu le genre caserne car nous logeons dans un camp. Patout est dans un cantonnement tout près. Je le verrai sûrement dans les jours qui vont suivre. Il vaut mieux que Fernand Louis Chevalier et René soient allés en permission.
Charlot a pu causer longuement avec eux. A toi mon petit Charlot qui n’est pas encore parti, je voudrait te donner un conseil. Tu as quitté chez Aillot pour travailler chez Jusot. C’est certes quelque chose de gagner davantage. Mais au cas où ta classe viendrait à être appelée, ce qui souhaitons-le n’est pas près, il serait bon que tu puisses rester chez ton patron.
J’ai appris qu’à Lyon les journées sont bien payées, il y a certaines usines travaillant au compte de l’armée et où les jeunes ouvriers ont des chances de rester.
Bien entendu, je te le dis comme je l’ai entendu. Peut-être pourras-tu obtenir quelques renseignements à ce sujet. Sans t’engager à entrer dans ces maisons fais ton possible pour travailler au compte d’un patron qui aura des chances de te garder.
Si cela n’était pas, tu pourrais toujours avoir recours à un engagement dans une arme peu exposée en temps utile.
Réfléchis et fais pour le mieux.
Chez moi tout va bien.
Bons baisers à tous.
Paul
Chers parents, vous m’enverrez un mandat car tout coûte horriblement cher.
Je vous embrasse.
Paul »

lettre de Paul à ses parents, 22 septembre 1916 :
« Chers parents,
Hier j’ai eu le plaisir de voir Paul Jourtot avec lequel j’ai passé la soirée du dimanche. J’ai vu également Paul Borne mais je n’ai pas pu causer longuement avec lui car il était occupé. Mais il est probable que nous nous reverrons.
Je n’ai pas pu aller jusqu’à l’endroit où se trouve le cousin Claudius, car le temps me manquait. J’espère que la cousine France en a eu de bonnes nouvelles.
La santé est bonne. Bons baisers.
Paul »

Lettre de Paul à ses parents, 28 septembre 1916 :
« Bien chers parents,
Rien de nouveau dans le train de notre vie. J’ai reçu le caoutchouc et je vous remercie.
Aujourd’hui j’ai vu Paul Borne qui passait dans le patelin où nous sommes. Il est venu me trouver et nous avons bu un coup ensemble en parlant du pays.
Après-demain, j’espère voir Paul Jourtot car nous avons repos. (4 jours, 4 manœuvres où l’on bosse et un jour de repos)
La santé est très bonne et la bière est abondante c’est vous dire que l’on trinque souvent avec. Quand je m’en irai, je me propose d’en boire de bonnes bouteilles avec le papa.
Paul »

Carte de Paul a ses grands-parents,  31 octobre 1916 :
« Cher grand-père chère grand-mère
Avec mes bons souhaits pour l’avenir, je vous envoie chers grands-parents mes bons baisers et meilleures pensées.
Ne vous faites pas trop de soucis. Voilà notre cher Edmond rentré dans la famille pour longtemps espérons-le.
Mon tour viendra.
En attendant, je vous embrasse affectueusement.
Paul »

Carte de Paul à ses parents,  23 décembre 1916 :
« Mes chers parents,
j’espère que vous avez reçu de mes nouvelles car je vous ai envoyé plusieurs lettres ou cartes successives.
Mais je crois que le service postal a quelque retard car voilà 4 jours que je n’en ai pas reçu de vous. Sans doute y a-t-il une lettre qui est entrain de s’acheminer. Peut-être même l’aurai-je ce soir à la distribution ?
Voilà la Sainte Barbe qui approche mes chers parents. Bien que nous ne puissions pas cette année la fêter comme autrefois, ma pensée ce jour-là ira vers vous et de loin il me semblera vous voir.
Et puis ce sera pour vous chers parents, chers grands-parents, cher frère, chère tante, l’occasion de profiter de cette fête laborieuse des mineurs pour rapprocher votre amitié réciproque si forte déjà. Mais les temps ont changé. Le mineur lui aussi maintenant est un combattant.
Bons baisers à tous.
Paul »




« Je ne vous oublie pas » .
Carte envoyée par Paul à l’occasion de la Fête des Pères :

« 28 juin 1917
Cher père
Je te souhaite bonne fête. Bien qu’un peu tardifs ces souhaits sont sincères. J’y joins ceux que je forme pour ta bonne santé.
J’y la chère maman et je vous souhaite une vie heureuse avec une rentrée prochaine pour nous à la maison.
Je vous embrasse
Paul »

Carte de Paul à son frère,  3 juillet 1917 :
« Mon cher frérot,
d’après ma binette, tu peux voir que je me conserve assez bien.
C’est Lagrue qui est à côté de moi. Actuellement il est en perm. Et il a dû sûrement aller à Rouvrat donner de mes nouvelles. Elles sont toujours bonnes
Je forme de bons souhaits pour toi et bien affectueusement je t’embrasse.
Ton frangin qui t’aime.
Paul »

Carte de Paul à ses parents,  5 juillet 1917 :
« Chers parents,
Je vous adresse ma binette. C’est fait par un type de la Compagnie.
Lagrue est à côté de moi Jannier à droite.
La petite santé reste bonne.
Mes bons souhaits pour la vôtre et en particulier pour grand-père.
Je vous embrasse.
Paul »

Carte de Paul à ses parents,  3 août 1917 :
« Bien chers parents,
Je suis toujours en bonne santé. Je fais des meilleurs vœux pour tous.
Vous voyez sur la photo que je me conserve assez bien.
Je voudrais pouvoir charger mon portrait de vous embrasser affectueusement, d’apporter à grand-père et grand-mère une bonne pensée d’affection, à tante Didine le souvenir reconnaissant du temps passé, à papa et à maman l’expression de ma profonde affection.
Je vous embrasse.
Paul »

Carte de Paul à ses parents,  7 janvier 1918 :
« Bien chers parents,
Durant une période de réserve, nous nous sommes faits photographier. C’est la photo de mon escouade avec en plus Masquelet et Lagrue. Un photographe d’armée les fait à prix réduit. En vous l’envoyant, je pense à vous et j’y joins avec de bons baisers pour vous tous de bons souhaits de bonne santé.
Paul »

Carte de Paul à son frère,  7 janvier 1918 :
« Mon cher frérot,
C’est ton vieux frangin qui t’envoie sa binette puisqu’il ne peut pas te bicher un bon coup en réalité.
Je suis au milieu de mon escouade. Masquelet et Lagrue sont en plus en qualité de pays.
Tu liras sur mon visage les bons souhaits de bonne santé que je forme pour toi et tu y devineras que je t’embrasse un bon coup.
Paul"

Lettre de Paul à ses parents,  19 mai 1918 :
« Bien chers parents,
Merci pour le colis contenant la flanelle et les petites douceurs qui y étaient jointes. Elles sont les bienvenues car en ce moment nous mangeons froid et ce que tu m’as envoyé chère maman améliore fort bien l’ordinaire. Je ne t’engage pas à m’en envoyer d’autres en ce moment des bruits de relève circulent et ils se pourrait qu’ils aient un fond de vérité.
En attendant, tout paraît bien se passer. La santé continue d’être bonne chez moi.Bonne santé à vous tous. De tout cœur je vous embrasse.
Paul »

Lettre de Paul à ses parents,  30 mai 1918 :
« Bien chers parents,
Notre réserve s’écoule tranquillement. Nous avons toujours beau temps et chez moi la santé se maintient bonne. Je fais tous mes bons souhaits pour vous tous. Dans ta prochaine lettre, tu me diras chère maman comment va le papa. J’espère que les douleurs ne persisteront pas trop longtemps. Tu me diras aussi si tante Didine se conserve bien en bonne santé, si tante Hélène connaît un mieux aller et si grand-mère est toujours aussi robuste. J’attends de Ronchamps une lettre m’apprenant prochainement l’arrivée de grand-père. Embrassez bien charlot pour moi. A mon tour je vous embrasse affectueusement.
Paul »

Lettre de Paul à la famille (à son oncle Edmond, sa tante et son grand-père),  1er juin 1918 :
« Cher tante, cher oncle,
Cher grand-père et chère petite Zezette
J ‘ai appris par une lettre de ma chère maman, le voyage de grand-père et son arrivée parmi vous. Je devine tout le plaisir que vous a procuré cette arrivée et je suis bien heureux pour toi cher grand-père que tu aies fait ce voyage.
Tu vois bien ainsi que je le disait il y a longtemps déjà, que tu guérirais, et que tu pourrais à l’avenir faire encore de belles promenades. Et bien, après la guerre, j’ai le ferme espoir de t’y comme nous nous le sommes promis. Tu as dû trouver zézette bien grandie, et m’a dit ma maman sur sa lettre elle t’a très bien reconnu. Elle doit être heureuse de se promener avec toi par ces belles journées ensoleillées. Il est probable que ma prochaine permission soit beaucoup reculée car une circulaire a modifié désavantageusement le tour de départ des permissionnaires. Ce ne sera donc pas de sitôt que je pourrai aller vous voir. Mais petite Zézette se rappellera bien de moi malgré l’absence. Je n’oublie pas non plus chère tante, les bonnes choses que vous me confectionniez à chaque visite que je vous ai fait, et je me souviens aussi de toute l’attention affectueuse que tu me témoignait mon cher Edmond. Lorsque j’écris aux membres de ma chère famille, il me vient des bouffées de souvenirs qui me sont chers et qui m’agitent le cœur. Je n’oublierai jamais mon cher Edmond les visites que tu me faisais à Ville-Issez en venant de Vignot. Je conserve précieusement le porte-feuille que tu m’as donné comme un cher souvenir de toi. Vos chères images lorsque je les évoquent m’encouragent et me réconfortent. Chez moi tout va bien de ce moment.
Nous sommes toujours dans la même région à un huitaine de kilomètres des lignes. Nous venons d’y tirer nos huit jours. Nous montons en ligne demain soir. A vous tous, je souhaite une parfaite santé. Je vous fait l’interprète de mon affectueux bonjour auprès des parents. Et au fond de mon cœur, je vous embrasse.
Bons baisers pour Zézette.
Paul »

Dernière lettre de Paul à ses parents, deux jours avant sa mort, 7 juin 1918 :
« Bien chers parents
Toujours beau temps toujours bonne santé, et toujours le calme règne dans l’endroit où je suis. En sera-t-il toujours ainsi ? Nous l’espérons.
Aujourd’hui, un avion boche touché par un obus est tombé à côté d’où nous sommes. J’ai couru voir ce qu’il en était pensant trouver les aviateurs indemnes car ils avaient pu atterrir. Mais je ne suis pas arrivé le premier sur les lieux quoique j’avais piqué un rude galop. L’avion avait capoté, les aviateurs étaient en dessous de la carlingue. Après dégagement, l’un d’eux vivait. C’était un grand gars blond, de solide carrure.
Il implorait lorsque les brancardiers l’emportait. « Messieurs je suis kapout, dites-moi si je suis Kapout Messieurs ! » et puis « Maman, maman » répétait-il. Je ne crois pas qu’il fut Kapout comme il disait, bien qu’il souffrait beaucoup. J’aurai pu avoir des souvenirs d’eux. De jolies bagues ornaient ses doigts lorsque je le suivait, emporté par les brancardiers mais je n’ai voulu toucher à rien.
C’est pour vous dire toute la puissance de souvenir que vous exercez sur les soldats qui tombent, chères mamans, de quelque pays que se soit. Il faisait naître la pitié par ses appels d’enfant. Et pourtant son appareil portait encore les torpilles (ce qu’on appelle bombe) non lâchées.
Pour aujourd’hui, c’est l’incident de la journée, nous attendons les événements. Pour le reste, tout va bien, ne vous en faites pas je vous le dis. Tout se passe bien. Merci de ta dernière lettre chère maman. Il est préférable en effet, que papa demande à travailler au jour. Bonne santé à tous. Et affectueusement je vous embrasse.
Paul »


Poèmes consignés dans le carnet intime de Paul (1915-1918)


Une toute autre atmosphère dans le carnet secret de Paul à l'image de son poème "Non, vous ne saurez pas !". Personne ne saura jamais quelles souffrances ont été endurées.
En plus de poèmes personnels, Paul Constant Moutardier a repris les textes de ses auteurs préférés. On retrouve, par exemple, Charles-Marie Leconte de Lisle (Le coeur de Hialmar).
Son poème « A l’heure du rêve » est-il une allusion au film muet français réalisé par Léonce Perret, sorti en 1915 ? 
Il y a consigné aussi les textes d'un autre soldat, Arthus, qui, comme lui a participé aux combats des Eparges et décrit les difficiles conditions de vie dans les tranchées.
Artus, soldat du 13ème de ligne, comme Paul, composera la chanson du front « Aux Eparges ! » dans laquelle il évoque une lettre à son frère, lui racontant les terribles épreuves qu’il endure.
























In Memoriam 

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