Les cahiers à l'école autrefois (1)

Le cahier journalier

Du cahier journalier au cahier du jour

Le cahier journalier avait un double rôle :

- Enregistrer sous une même date tout ce qui était étudié en classe un même jour (en ne mettant quelquefois que le titre d’une leçon).

- Permettre un contrôle de la progression, par les familles pour les enfants, par l’Inspecteur primaire pour le maître.

Il est donc intéressant, pour notre musée, d’en posséder des séries aussi complètes que possible d’un même élève ou d’une même classe pour étudier les thèmes abordés aux diverses époques. On peut y relever alors la permanence de certaines idées.

Un enseignement teinté de morale

L’éducation moraliste dite « de l’honnête homme » prime tout, surtout avant la Première Guerre mondiale. On la retrouve notamment sur les couvertures de cahiers illustrés et commentés d’actes de bravoure ou de patriotisme, ou encore de « modèles » de grands hommes et d’enfants courageux.

La journée débute inéluctablement par l’étude d’une maxime, d’une phrase, d’un court texte écrit au tableau. En voici quelques exemples, retranscrits dans une publication du musée « Cent Ans d’Ecole », à partir du fonds de cahiers nous appartenant :

Dictées et exercices de grammaire n’échappent évidemment pas à cette éducation aux principes républicains et patriotiques :

Il en va de même pour les exercices d’écriture :

Tout ceci était écrit en « grosse » et en « moyenne » sur un cahier réglé ou quadrillé 8 mm x 8 mm (rayures sieyès). Il serait facile de multiplier les exemples.

Épargner, compter, prévoir

Intéressante en soi est aussi l’étude des énoncés de problèmes, en général d’ordre pratique :

Bien entendu, il faut rajouter à ceci les innombrables problèmes de géométrie concernant en particulier les surfaces diverses. Dans maints énoncés, on insiste sur la géométrie au service des tractations commerciales ou notariales rurales (Intérêts – Epargne et son rôle moralisateur – Escompte).

Toute analyse doit être rattachée au contexte social de l’époque. Sur ce sujet, se reporter à l’étude sociologique de Guy Vincent, « L’école primaire française », Presses Universitaires de Lyon, 1980, pages 157 et suivantes.

Une expression écrite très encadrée

Quant aux rédactions, parfois rédigées sur des cahiers spéciaux (ou les « exercices de phrases » dans les petites classes), elles sont peut-être un peu plus délicates à étudier, car infiniment plus variées (voir à ce sujet l’article https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2018/03/la-redaction-lecole-primaire-de-1878.html#more ). La brochure éditée par le C.R.D.P de Rouen, intitulée « Les cahiers du devoir », donne une idée de la permanence  de certains thèmes, la plupart du temps à base moralisatrice, ce que l’on note également ici :

Fréquemment, les sujets sont suivis d’un « canevas », véritable plan de dissertation que doit suivre l’écolier :

La rédaction peut aussi être un sujet :

Ces exemples, pour réduits qu’ils soient, donnent un assez bon échantillon du travail « littéraire » du début du siècle.

Tracés de cartes et copies de résumés

En guise de conclusion, jetons un regard sur l’étude de la géographie et de l’histoire. La plupart des cahiers visionnés semblent ne donner qu’une image étroite de ces matières. Les devoirs de géographie se limitent généralement à des tracés de cartes, sans échelle ni légendes mais assez soigneusement exécutés. Très tôt, on familiarise le Français moyen avec ce mode vital de communication de la fin du 19^ème et du début du 20^ème siècle que devient le chemin de fer et ce dernier apparaît dans de nombreux cahiers.

Le transport par mer est lui aussi plébiscité à travers le flux des matières premières arrivant sur le sol national.

Les devoirs d’histoire semblent être essentiellement la copie de résumés concernant un récit événementiel ou l’histoire des institutions  politiques dans leur ordre chronologique. Il n’est laissé aucune place à la réflexion personnelle ni à l’alternative.

Les nouvelles méthodes pédagogiques des années 60 et l’apparition des classeurs dans les années 70 ont remis en cause le rôle du cahier journalier. A partir des années 90, l’emploi de fichiers proposant un enseignement programmé y mettra peu à peu fin.

P.P