jeudi 25 avril 2019

Alphonse de Lamartine (1790-1869)


Alphonse et Marianne

Alphonse de Lamartine

Un Saône-et-Loirien célèbre


2019 est l’année du 150ème anniversaire de la mort d’Alphonse de Lamartine, républicain et anti-esclavagiste engagé, né le 21 octobre 1790 à Mâcon et mort le 28 février 1869 à Paris. Mais quel fut le lien qui unit le buste de Marianne, emblème présent dans toutes les écoles publiques de Jules Ferry depuis la Troisième République et cet illustre personnage ? 



Bernard Richard (Les emblèmes de la République, CNRS Éditions, 2012) précise qu’en 1848, durant la Deuxième République issue des élections du 23 avril (premier suffrage universel masculin depuis 1792), « La République a été matérialisée par M. de Lamartine, lors de l’assemblée constituante. Il a fait irruption, alors que les pairs de France, réunis, cherchaient leur modèle. C’est donc le buste de Marianne de Lamartine, érudite, artiste, anglaise, muse et épouse du poète restée à Milly (Saône et Loire) qui a donné pour la première fois son buste à notre république, sans lequel Alphonse ne voyageait pas. Elle a été ensuite copiée, représentée, un gouvernail et un sac de blé à moitié renversé à ses pieds. Cela représentait le fait qu’elle était peu soucieuse de puissance, se préoccupant surtout des aspirations du peuple. Il en existe plusieurs versions portant des symboles maçonniques. »



Elisa de Lamartine



Elisa de Lamartine, dite aussi Marianne de Lamartine naquit Mary Ann Elisa Birch le 13 mars 1790. Artiste-peintre et sculptrice, elle épousa Alphonse de Lamartine en 1820. D'origine anglaise (née en Languedoc d'après son acte de mariage ou à Londres d'après son acte de décès…), elle est baptisée à l'âge de deux ans, le 31 mai 1792, en la paroisse Saint-Anne à Soho, Cité de Westminster, à Londres. Elle est la fille du major William Henry Birch et de Christina Cordelia Reessen. Alphonse de Lamartine et Elisa eurent deux enfants au destin tragique : Félix Marie Emilius Alphonse de Lamartine, né à Rome en 1821 et mort à Paris en 1822, et Marie Louise Julie de Lamartine, dite Julia, née à Mâcon en 1822 et décédée au Liban en 1832.



SAINT POINT - Château de Lamartine - La cheminée des poètes, peintures d'Elisa de Lamartine (anagallis.canalblog.com)



Marianne, divinité de Lamartine






Si l'habitude d'appeler la République française Marianne vient du dix-huitième siècle, cette dénomination s’est généralisée à partir de la révolution de 1848, durant laquelle Alphonse de Lamartine joua un rôle important. On voulut alors matérialiser cette égérie et Lamartine proposa pour modèle sa propre épouse. Une idée saugrenue de la part d’un républicain qui n’avait rien de matérialiste ! Lamartine croyait aux anges, les décrivant comme « des voiles dont on ne voit ni l’embarcation ni le pilote », affirmant, dans le même temps, que les hommes et les femmes, après leur mort, se mêlaient aux astres et à leurs anges.

Marianne, avant d'être ainsi représentée, était la figure de la mère patrie qui protégeait les Français ses enfants. Si, comme l’affirme Rousseau dans Le Contrat Social, les dieux sont des créations du peuple, la patrie, elle, est une réalité qui s'est engendrée elle-même,  induisant plus tard une mythologie républicaine, une mythologie sans Dieu pour ainsi dire.

La Constitution de 1958 a privilégié le drapeau tricolore comme emblème national mais Marianne incarne toujours la République Française. Les bustes de Marianne avaient commencé à apparaître dans les mairies avec la Troisième République en remplacement des bustes de Napoléon III ainsi que dans les écoles publiques (accompagnés de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen) comme symbole de la fragile République renaissante. Les plus anciennes représentations sont coiffées d’une couronne végétale composée d’épis de blé, de feuilles de chêne ou de rameaux d’olivier, parfois surmontée d’une étoile, symbole des Lumières. 

Marianne de Lamartine est alors oubliée. Les artistes qui réalisent ces bustes vont utiliser pour modèle leur compagne, une inconnue, ou bien des modèles locaux. En cette fin du XIXe siècle,  Marianne fait l’objet d’une véritable dévotion populaire, portant le bonnet phrygien (comme les esclaves affranchis en Grèce et à Rome) quand on veut privilégier le caractère révolutionnaire, ou bien le diadème ou la couronne. Ce n’est que depuis 1969 que Marianne a pris le visage d’actrices ou de femmes médiatiques célèbres : Brigitte Bardot en 1969 (sculpteur Aslan), Michèle Morgan en 1972 (sculpteur Bernard Potel), Mireille Mathieu en 1978 (sculpteur Aslan), Catherine Deneuve en 1985 (sculpteur Polska), Inès de La Fressange en 1989, Laetitia Casta en 2000 ( sculpteur Marie Paule Deville-Chabrolle), pour finir (ou mal finir) par Evelyne Thomas en 2003, animatrice télé controversée, choisie par les français, faisant la nique à Sophie Marceau, Carla Bruni et Lorie cette année-là... 



Alain Aslan, buste de Marianne incarnée par Brigitte Bardot, 1969 (ateliersartmuseesnationaux.fr)



L’exemple de Saint-Jean-de-Losne
https://www.stjeandelosne.fr/marianne-symbole-de-la-republique

On trouve dans cette commune, cinq bustes de Marianne correspondant à différentes époques et marquant bien l’évolution des représentations. La décision du premier achat fit l’objet d’une délibération du Conseil municipal le 12 août 1875 : « Monsieur le président propose au conseil de voter la somme nécessaire pour l’achat d’un buste de la République qui serait placé dans la salle des délibérations. Le conseil, après en avoir délibéré, vote pour l’achat dont il s’agit, une somme de quarante francs qui sera prise sur les fonds libres en caisse. » On trouve l’achat du deuxième buste approuvé lors de la séance du 16 septembre 1903. Voici la description des cinq bustes :  






Buste avec épaules. Marianne est coiffée d'une couronne végétale de blé avec une étoile à cinq branches (guide de la nation) et porte un bandeau avec l’inscription "Honneur et Patrie". Elle est vêtue d'une armure couverte d'une toge drapée et d'un collier avec des médaillons représentant les institutions mises en valeur par la République (Agriculture, Commerce, Beaux-Arts, Instruction, Justice, Sciences, Marine et Industrie). Sur le socle, les initiales RF encadrent des faisceaux de licteur (Pouvoir Exécutif) et une balance (Justice). Ce modèle est dû à Théodore Doriot. Très répandu, il est réalisé en plâtre ou bronze, de plusieurs hauteurs.






Ce buste, d'un sculpteur anonyme, présente une tête légèrement inclinée vers le bas, les cheveux retenus par un bandeau. Le drapé est sobre. Type de Marianne "sage" de laquelle il se dégage une grande douceur.






Ce buste, en bronze, dû au sculpteur Jean Gautherin, montre une figure féminine volontaire, portant le bonnet phrygien. Cette Marianne est vêtue d'une tunique nouée sur le torse par un cordon et recouverte d'un drapé antique, elle porte un baudrier orné d'un mufle de lion (activité guerrière de la République défendant la Liberté). Ce buste, coiffant une horloge, est installé sur la cheminée du Salon d'Honneur à l'Hôtel de Ville.






Buste dû au sculpteur Mouhin, coiffé du bonnet phrygien (sans côté), les cheveux retombant sur les épaules. Ce buste orne la Salle du Conseil à l'Hôtel de Ville.






Buste de 80 cm environ, en plâtre, coiffé d'un bonnet phrygien, visage serein, cheveux laissés en liberté tombant sur les épaules, inscrit dans un médaillon à décor végétal (feuilles de chêne et lauriers), portant les inscriptions "Progrès", "France" et "Science". Sur le socle, inscription "République Française". S'agit-il du moulage commandé en 1903, du buste de la République dû au sculpteur Injalbert ? Ce buste se trouve dans une salle de l'Ecole Primaire.


P.P

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