Alphonse et Marianne
Un Saône-et-Loirien
célèbre
2019 est l’année du 150ème anniversaire de la mort
d’Alphonse de Lamartine, républicain et anti-esclavagiste engagé, né le 21
octobre 1790 à Mâcon et mort le 28 février 1869 à Paris. Mais quel fut le lien
qui unit le buste de Marianne, emblème présent dans toutes les écoles publiques
de Jules Ferry depuis la Troisième République et cet illustre personnage ?
Bernard
Richard (Les emblèmes de la République,
CNRS Éditions, 2012) précise qu’en 1848, durant la
Deuxième République issue des élections du 23 avril (premier suffrage universel
masculin depuis 1792), « La République a été matérialisée par M.
de Lamartine, lors de l’assemblée constituante. Il a fait irruption,
alors que les pairs de France, réunis, cherchaient leur modèle. C’est donc le
buste de Marianne de Lamartine, érudite, artiste, anglaise, muse et épouse du
poète restée à Milly (Saône et Loire) qui a donné pour la première fois son
buste à notre république, sans lequel Alphonse ne voyageait pas. Elle a été
ensuite copiée, représentée, un gouvernail et un sac de blé à moitié renversé à
ses pieds. Cela représentait le fait qu’elle était peu soucieuse de puissance,
se préoccupant surtout des aspirations du peuple. Il en existe plusieurs
versions portant des symboles maçonniques. »
Elisa de Lamartine, dite
aussi Marianne de Lamartine naquit Mary Ann Elisa Birch le 13 mars 1790. Artiste-peintre et sculptrice,
elle épousa Alphonse de Lamartine en 1820. D'origine anglaise (née
en Languedoc d'après son acte de mariage ou
à Londres d'après son acte de décès…), elle est baptisée à l'âge de
deux ans, le 31 mai 1792, en la paroisse Saint-Anne
à Soho, Cité de Westminster, à Londres. Elle est la fille du major
William Henry Birch et de Christina Cordelia Reessen. Alphonse de Lamartine et
Elisa eurent deux enfants au destin tragique : Félix Marie Emilius
Alphonse de Lamartine, né à Rome en 1821 et mort à Paris en 1822, et Marie
Louise Julie de Lamartine, dite Julia, née à Mâcon en 1822 et décédée
au Liban en 1832.
Marianne,
divinité de Lamartine
Si l'habitude d'appeler la République française Marianne
vient du dix-huitième siècle, cette dénomination s’est généralisée à partir de
la révolution de 1848, durant laquelle Alphonse de Lamartine joua un rôle
important. On voulut alors matérialiser cette égérie et Lamartine proposa pour
modèle sa propre épouse. Une idée saugrenue de la part d’un républicain qui
n’avait rien de matérialiste ! Lamartine croyait aux anges, les décrivant
comme « des voiles dont on ne voit
ni l’embarcation ni le pilote », affirmant, dans le même temps, que
les hommes et les femmes, après leur mort, se mêlaient aux astres et à leurs
anges.
Marianne, avant d'être ainsi représentée, était
la figure de la mère patrie qui protégeait les Français ses enfants. Si, comme
l’affirme Rousseau dans Le Contrat
Social, les dieux sont des créations du peuple, la patrie, elle, est une
réalité qui s'est engendrée elle-même, induisant plus tard une mythologie
républicaine, une mythologie sans Dieu pour ainsi dire.
La Constitution de 1958 a privilégié le
drapeau tricolore comme emblème national mais Marianne incarne toujours la
République Française. Les bustes de Marianne avaient commencé à apparaître dans
les mairies avec la Troisième République en remplacement des bustes de Napoléon
III ainsi que dans les écoles publiques (accompagnés de la Déclaration des
droits de l’Homme et du Citoyen) comme symbole de la fragile République
renaissante. Les plus anciennes représentations sont coiffées d’une couronne
végétale composée d’épis de blé, de feuilles de chêne ou de rameaux d’olivier,
parfois surmontée d’une étoile, symbole des Lumières.
Marianne de Lamartine est alors oubliée. Les
artistes qui réalisent ces bustes vont utiliser pour modèle leur compagne,
une inconnue, ou bien des modèles locaux. En cette fin du XIXe siècle,
Marianne fait l’objet d’une véritable dévotion populaire, portant le bonnet
phrygien (comme les esclaves affranchis en Grèce et à Rome) quand on veut
privilégier le caractère révolutionnaire, ou bien le diadème ou la couronne. Ce
n’est que depuis 1969 que Marianne a pris le visage d’actrices ou de femmes
médiatiques célèbres : Brigitte Bardot en
1969 (sculpteur Aslan), Michèle Morgan en 1972 (sculpteur Bernard Potel), Mireille
Mathieu en 1978 (sculpteur Aslan), Catherine Deneuve en 1985 (sculpteur
Polska), Inès de La Fressange en 1989, Laetitia Casta en 2000 ( sculpteur
Marie Paule Deville-Chabrolle), pour finir (ou mal finir) par Evelyne Thomas en
2003, animatrice télé controversée, choisie par les français, faisant la nique
à Sophie Marceau, Carla Bruni et Lorie cette année-là...
L’exemple de Saint-Jean-de-Losne
https://www.stjeandelosne.fr/marianne-symbole-de-la-republique
On trouve dans cette commune, cinq bustes de
Marianne correspondant à différentes époques et marquant bien l’évolution des
représentations. La décision du premier achat fit l’objet d’une délibération du
Conseil municipal le 12 août 1875 : « Monsieur
le président propose au conseil de voter la somme nécessaire pour l’achat d’un
buste de la République qui serait placé dans la salle des délibérations. Le
conseil, après en avoir délibéré, vote pour l’achat dont il s’agit, une somme de
quarante francs qui sera prise sur les fonds libres en caisse. » On
trouve l’achat du deuxième buste approuvé lors de la séance du 16 septembre
1903. Voici la description des cinq bustes :
Buste avec épaules. Marianne est coiffée
d'une couronne végétale de blé avec une étoile à cinq branches (guide de la
nation) et porte un bandeau avec l’inscription "Honneur et Patrie". Elle est vêtue d'une armure couverte
d'une toge drapée et d'un collier avec des médaillons représentant les
institutions mises en valeur par la République (Agriculture, Commerce,
Beaux-Arts, Instruction, Justice, Sciences, Marine et Industrie). Sur le socle,
les initiales RF encadrent des faisceaux de licteur (Pouvoir Exécutif) et une
balance (Justice). Ce modèle est dû à Théodore Doriot. Très répandu, il est réalisé
en plâtre ou bronze, de plusieurs hauteurs.
Ce buste, d'un sculpteur anonyme, présente
une tête légèrement inclinée vers le bas, les cheveux retenus par un bandeau.
Le drapé est sobre. Type de Marianne "sage" de laquelle il se dégage
une grande douceur.
Ce buste, en bronze, dû au sculpteur Jean
Gautherin, montre une figure féminine volontaire, portant le bonnet phrygien.
Cette Marianne est vêtue d'une tunique nouée sur le torse par un cordon et
recouverte d'un drapé antique, elle porte un baudrier orné d'un mufle de lion
(activité guerrière de la République défendant la Liberté). Ce buste, coiffant
une horloge, est installé sur la cheminée du Salon d'Honneur à l'Hôtel de
Ville.
Buste dû au sculpteur Mouhin, coiffé du
bonnet phrygien (sans côté), les cheveux retombant sur les épaules. Ce buste
orne la Salle du Conseil à l'Hôtel de Ville.
Buste de 80 cm environ, en plâtre, coiffé
d'un bonnet phrygien, visage serein, cheveux laissés en liberté tombant sur les
épaules, inscrit dans un médaillon à décor végétal (feuilles de chêne et
lauriers), portant les inscriptions "Progrès",
"France" et "Science". Sur le socle, inscription "République Française".
S'agit-il du moulage commandé en 1903, du buste de la République dû au
sculpteur Injalbert ? Ce buste se trouve
dans une salle de l'Ecole Primaire.
En savoir plus sur la Marianne : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2016/12/retour-sur-la-marianne-au-sein-nu.html
P.P
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