Avant l’oubli
Souvenir des écoles de la Lande
Une lueur en pays
noir
Il fut une époque où le « pays noir » portait bien son nom. La poussière de houille recouvrait rues et maisons, et comme le raconte Henri Besseige : « on s’imprègne en respirant l’air lourd, l’air qui sent la benzine et le goudron, l’air de mon pays sans beauté, sans passé, sans poésie, sans gloire…, Montceau-les-Mines, le pays noir…, mon pays ! » (1). Montceau-les-Mines, ville nouvelle créée en 1856, vit son développement suivre la progression de la mine. Au contraire de la plupart des villes qui s’accroissaient sur toute leur périphérie, Montceau s’est logiquement développée vers le sud-ouest, suivant la découverte des nouvelles couches d’extraction. Ainsi le quartier de la Lande prit-il son essor, occupant une des régions les plus élevées et les plus aérées du bassin…
Avant 1900, une modeste école publique, peu fréquentée, avait bien existé dans le quartier de la Lande, dans une maison louée, mais aucune école maternelle n’existait sous le prétexte d’un quartier encore trop peu peuplé. Bientôt, la population de trois secteurs rapprochés fut multipliée par trois ou quatre : la Lande, la Saule, Lucy, et des écoles de fortune, organisées à la hâte, furent vite surpeuplées. Après 1900, la décision fut prise de construire une école élémentaire. On décida d’y adjoindre une école maternelle en 1930 et quelle école maternelle ! Une école pilote, une école qui préserverait les enfants de la propagation des maladies contagieuses favorisant la mortalité infantile, de la tuberculose à diphtérie en passant par la rougeole et la coqueluche. Une école qui éduquerait les enfants à l’hygiène, dès leur plus jeune âge. Une école aux vastes classes qui romprait avec le surpeuplement habituel des classes enfantines, surpeuplement hérité des salles d’asile d’antan.
La municipalité de Montceau, à travers son
maire, Jean Didier, et son Conseil municipal, prit conseil auprès d’éminents
spécialistes dont M. Bidaut, architecte départemental et M. le Docteur
Descombins, Directeur du Bureau municipal d’hygiène, Membre de la Commission
départementale d’hygiène et Membre de la Commission sanitaire de
l’arrondissement de Chalon-sur-Saône. Ce dernier, très engagé dans la réflexion
sur la protection infantile s’exprimait ainsi : « Nous avons le ferme espoir que la ville de Montceau-les-Mines,
qui n’est jamais en retard pour les œuvres sociales et d’abord les œuvres de
préservation scolaires, fera davantage encore et que, d’ici peu, elle sera à
même d’acquérir des propriétés à la campagne avec des locaux suffisants pour
créer des colonies de vacances largement accessibles aux enfants chétifs et
déshérités et les faire bénéficier ainsi d’un bon séjour à l’air pur. » On
ne peut s’empêcher de penser à l’organisation des colonies municipales qui
suivirent (2), ainsi qu’à l’acquisition du château du Martret qui fut
très fréquenté par les scolaires montcelliens.
Ecole maternelle Clara Schumann, année de sa
fermeture (collection musée)
Le temps a passé. Ces deux écoles,
élémentaire et maternelle, ont fermé leur porte définitivement, cette année
pour l’une et un peu avant pour l’autre. Retour sur l’histoire de ces deux institutions.
Ecole élémentaire Jean Rostand, appelée
autrefois école de la Lande, entrée rue Boileau (collection musée)
L’école élémentaire
de la Lande, une gestation difficile
Jusqu’en 1904, les enfants du petit quartier de la Lande se répartissaient à l’école de la rue de l’Est (actuelle école-musée Jean Jaurès) pour les garçons, et à son école jumelle de la rue du Centre (actuelle rue Carnot, école détruite en 1974/75) pour les filles. Bientôt, l’école de garçons fut surchargée et la nécessité d’un groupe scolaire plus proche des quartiers en développement se fit sentir. La décision fut prise de construire un bâtiment de huit classes dans la zone sud, ainsi, l’école de la Lande fut inaugurée le 5 mai 1905, à l’emplacement d’un bâtiment qui aurait été loué pour accueillir une école provisoire en 1902.
Ecole élémentaire Jean Rostand, entrée rue de
Boubon-Lancy (collection musée)
Cette belle construction de pierres, briques
et ardoises fut édifiée par M. Jourdier, architecte à Charolles et M. Beugnet,
entrepreneur à Montceau. Elle n’accueillit que les garçons à la rentrée
d’octobre 1905, l’école du Centre pouvant encore prendre les filles en charge. Cette
situation fut de courte durée car, bientôt, il fallut intégrer les filles au
groupe. Aussi, un mur de séparation fut alors construit dans la cour de
récréation afin de séparer filles et garçons (2 fois quatre classes), mur dont
seuls deux piliers subsistent de nos jours, côté sanitaires et côté cantine.
Les filles entraient par un portail rue de Bourbon-Lancy et les garçons par un
autre, rue Boileau. De chaque côté du mur de séparation furent adossés les
sanitaires garçons et les sanitaires filles, complétés d’une salle d’eau et des
bureaux de la directrice et du directeur. De nouveaux travaux furent effectués
en 1924 sous la direction de M. Parizon, architecte à Montceau. En 1940, comme
beaucoup d’écoles du Bassin minier, le groupe de la Lande est occupé par les
troupes allemandes. Les classes de filles furent donc transférées dans d’autres
locaux du quartier, notamment dans la salle de bal de la coopérative rue de
Bourbon-Lancy.
Photographie prise devant la salle de bal de
la « coopé », entre 1940 et 1945 (collection Christian Desbrosses)
A partir de 1922, le quartier prend un essor
particulier avec la construction de logements pour les mineurs : la cité
de la Lande. La Société Anonyme des Mines de Blanzy construit 58 logements
entre 1922 et 1924, puis 4 autres en 1930 et 12 en 1938. La cité s’agrandira
encore de 1946 à 1950 et le nombre de logements sera porté à 114.
Plan du quartier de la Lande, 1950
(collection écomusée)
Maison de « type E », croisement de
la rue de la Lande et de l’avenue Salengro, 1927 (photographie écomusée)
Maison de « type 8 », croisement de
la rue Corneille et de la rue Boileau (photographie écomusée)
Vers 1954, l’école élémentaire s’agrandit d’un
bâtiment supplémentaire de trois classes, qui deviendra ensuite, bien plus tard,
la cantine. Un verger, qui jouxtait l’école et se prolongeait jusqu’au préau
nord, est racheté à la même époque et on y édifie deux préfabriqués de deux
classes. Au milieu des années 60, l’école compte 16 classes : 8 classes
dans le corps de bâtiment d’origine, 3 classes dans le bâtiment rajouté de
l’autre côté de la cour, 4 classes dans les préfabriqués et 1 dernière aménagée
au fond du préau (dans le jardin de Mme Odette Ducoeur). Au début des années
1970, les classes sont mixtes, mais les filles et les garçons restent séparés
par le mur pour les récréations du fait de la séparation des sanitaires. C’est
au cours des années 1980 que seront démolis mur et sanitaires laissant place à
une cour démesurée par rapport aux effectifs qui, dès lors, ne cesseront de
décroître. Jusqu’à la fin des années 1990, l’actuel parking séparant les deux
écoles était un terrain de sport avec terrain de basket et sautoir en sable. Il
comportait un petit garage pour la voiture de la directrice de la maternelle, garage
démoli en 1995.
C’est en 2006 que presque toutes les écoles de Montceau seront renommées, l’école élémentaire de la Lande deviendra école Jean Rostand (3).
Une école maternelle
nouvelle génération
Ecole maternelle Clara Schumann, entrée rue
de Digoin (collection musée)
En arrière-plan, l’école élémentaire et son
préfabriqué (collection musée)
Façade sud, 1930 (collection musée)
Façade sud, 2022 (collection musée)
En octobre 1930 est ouverte l’école
maternelle de la Lande dans un quartier en plein peuplement, mais sans grands
aménagements urbains comme le montre les rues en terre battue de la photographie
ci-dessus. Cette école fut construite à l’angle de la rue de Bourbon-Lancy (à
droite) et de la rue de Digoin (à gauche), orientée Nord-Est, Sud-Ouest.
Façade nord, 1930 (collection musée)
Façade nord, 2022 (collection musée)
Ce bâtiment imposant, qui dépasse du double
l’école élémentaire, est accessible par l’entrée qui se trouve devant la façade.
La belle architecture de cette dernière laisse entrevoir une volonté de
confort, d’hygiène et d’aération par son porche et ses larges baies, dignes
d’un sanatorium. Deux mosaïques, représentant une petite écolière et un petit
écolier, viennent égayer ce porche, surmonté d’une inscription dans un caractère
plus que moderne pour l’époque « Ecole
maternelle ».
Entrée sud, 1930 (collection musée)
Entrée sud, 2022 (collection musée)
Dès l’entrée s’affiche le caractère
précurseur exceptionnellement bien pensé de cet édifice. Le hall d’entrée
distribue ce que l’on appelait le « parloir » où étaient reçus les
visiteurs, ainsi qu’un bureau d’adjointe. Au fond de ce hall, on accède à un
vaste couloir qui dessert toutes les pièces du rez-de-chaussée : quatre
salles de classe dites « salles d’exercices » (dont une était
réservée uniquement aux « petits
exercices manuels »), un préau couvert, une cuisine, un réfectoire,
des douches, des lavabos, un dortoir, une chambre d’isolement, des vestiaires,
le bureau de la directrice et une salle d’auscultation pour le docteur.
L’école maternelle de
la Lande, une prouesse technologique
Plan de l’école maternelle de la Lande, 1930
(collection musée)
Les salles de classe :
Les salles de classes étaient pratiquement
carrées (6 mètres 20 par 6 mètres 50) et
avec une hauteur de plafond de 4 mètres qui devait fournir un volume d’air de
160 mètres cubes et garantir 4 mètres cubes par élève puisque l’effectif de
chaque classe ne devait en aucun cas dépasser 40 enfants (160 pour l’école).
Comme le diable se niche dans les détails, tout était prévu, même au sol :
« Le plancher est formé d’une couche
uniforme d’un produit facilement lavable composé de sciure de bois et d’un
ciment de chlorure de magnésie qui le rend insonore et moins froid que la
mosaïque ou le ciment ordinaire. »
Salle de classe Grande Section, 5 et 6 ans,
1930 (collection musée)
Même salle de classe, plafond rabaissé, bas
de fenêtre occultés, 2022 (collection musée)
La santé des enfants est primordiale et la
guerre est déclarée à la poussière. Les murs sont revêtus de carreaux de
faïence jusqu’à 1 mètre 30 et les placards même, sont munis d’un toit pentu
afin d’éviter l’adhérence des poussières et faciliter le nettoyage pour les
femmes de ménage. Plus de tableaux noirs, mais des panneaux de linoléum vert et
mat (pour éviter les reflets néfastes à la vue des enfants) fixés aux murs.
Tous les angles saillants sont arrondis (baguettes, rebords) pour laisser
glisser la poussière.
Salle de classe Tout-Petits, 1930 (collection
musée)
Même salle de classe, 2022 (collection musée)
Placard « chapeautés » et tableau
linoléum, détail, 1930 (collection musée)
Même vue, détail placard, 2022 (collection
musée)
L’éclairage :
Naturellement, la lumière arrive à la gauche
des élèves afin d’éclairer la main qui écrit, la droite, obligatoirement. Elle
est apportée, dans chaque classe, par deux larges baies de 2 mètres de largeur
et 3 mètres 30 de hauteur, prenant naissance à 50 centimètres du sol,
garantissant un éclairage total de la pièce. Pendant les jours sombres de la
mauvaise saison, un éclairage artificiel est nécessaire. Les quartiers de
Montceau étaient équipés soit par le gaz, soit, nouvellement, par
l’électricité, bien que le premier donnât une lumière plus blanche et régulière,
il avait le désavantage de produire beaucoup de chaleur du fait de son manchon
incandescent, c’est donc l’électricité
qui fut choisie.
Salle 1882 du musée, éclairage au gaz,
manchon incandescent, détail (collection musée)
Salle de classe de la Grande section (5 à 6
ans), 1930, tous droitiers, éclairage naturel par la gauche (collection musée)
Même salle de classe, plafond rabaissé, bas
de fenêtre occultés, 2022 (collection musée)
Le mobilier :
Les préconisations en matière d’école
nouvelle, et notamment celles de Maria Montessori, n’avaient que peu impacté
les écoles de province, Montceau fut donc précurseur en la matière. Le problème
du mobilier scolaire fut abordé avec sérieux : l’adapter à la taille des
petits élèves et organiser la classe de manière « sanitaire » : chaque
enfant devra avoir sa table pour éviter les contagions massives. Pour prendre
en compte son développement et surveiller sa colonne vertébrale, il lui faudra
un siège mobile, une chaise, bien que ce matériel ne soit pas préconisé
jusqu’alors dans les écoles communales du fait du bruit qu’occasionnent les
déplacements. Le Docteur Descombins note, à cet effet, qu’ « il permet à la maîtresse de corriger les attitudes
vicieuses de ses élèves en rapprochant ou en éloignant la chaise de la table.
Une distance trop grande entre le banc et la table incite l’enfant à se courber
en avant et à rapprocher sa tête du cahier ou du livre, ce qui favorise la
myopie. Si elle est trop petite, l’enfant s’assoit sur le bord du banc, relève
l’épaule droite et abaisse la gauche, les plus jeunes appuient tout entier le
bras gauche sur la table et y posent la tête. »
Salle de classe des Tout-Petits (2 et 4 ans),
1930 (collection musée)
Salle de classe des Moyens (4 et 5 ans), 1930
(collection musée)
Salle de classe des Moyens au travail (4 et 5
ans), 1930 (collection musée)
Même salle de classe, un tableau
« velleda » a remplacé le tableau linoléum , 2022 (collection musée)
Le chauffage et la ventilation :
L’école fut équipée de deux chaudières,
isolées l’une de l’autre, qui produisaient de la vapeur d’eau à basse pression,
chauffage central hygiénique et facile de réglage. Ce double équipement était
une nouveauté et permettait l’entretien ou une réparation sans couper le
chauffage des salles. Un autre problème fut soulevé par le Docteur
Descombins : « l’atmosphère
d’une salle de classe est rapidement vicié par les exhalations pulmonaires, les
sécrétions sudorales, les gaz intestinaux, les poussières, etc… », il
pensait que l’aération des classes pendant la récréation n’était pas
suffisante. Ainsi, le système Knapen par siphons atmosphériques fut adopté.
Cette invention avait été présentée à l’Exposition universelle internationale
de 1913, au pavillon Une école modèle
dans un village moderne, par l’ingénieur du même nom (4). Elle ne fut
exploitée qu’à titre expérimental. Ce système relativement simple, consistait à
percer des ouvertures en chicanes en bas et en haut des murs et des portes afin
de favoriser la circulation de l’air. Ces aérations furent installées en grand
nombre dans tout le bâtiment. Toutes les pièces, les classes, les couloirs, les
placards et même les escaliers en furent équipés.
Les deux chaudières du chauffage central,
1930 (collection musée)
Aérations hautes dans les portes, 2022
(collection musée)
Les
vestiaires :
L’école poursuivit ses innovations avec une nouvelle approche des vestiaires. Ils furent conçus comme des compartiments individuel en tôle, avec des rayons, eux aussi en tôle, mais perforée, sous lesquels passaient les tuyaux du chauffage central. Cette configuration permettait aux enfants de déposer leurs chaussures humides, notamment en hiver et de les retrouver sèches et chaudes. Ces vestiaires étaient installés dans le dégagement et dans le couloir principal. Quel confort pour les petits écoliers !
Vestiaire du couloir principal, 1930
(collection musée)
Vestiaire du couloir, 2022 (collection musée)
Vestiaire du dégagement, 1930 (collection
musée)
Vestiaire du dégagement, 2022 (collection
musée)
Vestiaire du dégagement, détail avec tuyau de
chauffage, 1930 (collection musée)
Vestiaire du couloir principal, détai, 2022
(collection musée)
Les cabinets :
Dans toutes les écoles de campagne et dans la
plupart des écoles citadines, les « cabinets d’aisance » se
trouvaient bien souvent dans une bâtisse sommaire, à l’extérieur, munis de
latrines dites « à la turc ». Pour l’école maternelle pilote de la
Lande, on mit un point d’honneur à ne pas reproduire ces mauvaises conditions
qui offraient des cabinets au nettoyage difficile et à l’entretien aléatoire.
On adopta un système moderne de sièges bas en faïence, à la taille des enfants,
munis de chasse d’eau pour être plus facilement vidangés et nettoyés. Chaque
latrine était séparée des autres par des murets d’un mètre de hauteur,
recouverts, eux aussi, de faïence. Elles étaient au nombre de dix par salle. Les deux salles de latrine se trouvaient
chacune en face de deux salles de classe et desservaient ainsi 80 élèves. Les
enfants disposaient donc de cabinets spacieux, bien éclairés et bien sûr
chauffés ! Un rêve pour les autres écoles…
Les cabinets d’aisance, 1930 (collection musée)
Les cabinets d’aisance, 2022 (collection musée)
Les lavabos et les douches :
Dans chaque salle de cabinets, les latrines étaient
disposées 5 par 5, face à face et, entre elles, au milieu de la pièce,
trônaient 8 lavabos-cuvettes en faïence surmontés chacun d’un robinet. Une fois
de plus, hygiène oblige, les robinets fournissaient de l’eau chaude ou froide
stérilisée. Un mélangeur, aisément manipulable par la maîtresse, permettait de
réguler la température de l’eau. Dans la même pièce se trouvait un autre
lavabo, une baignoire et une tablette sortie de bain en faïence, pouvant
recevoir un enfant. Dans les deux salles, l’air était assaini par un
ventilateur dans le sol qui évacuait buée et mauvaises odeurs.
Toujours par souci d’hygiène, ces sanitaires étaient complétés par deux salles de douches, munies d’une petite salle de déshabillage. Elles comportaient, en outre, une table de faïence permettant de coucher, sécher ou frictionner un enfant. Le Docteur Descombins ne manqua pas de faire l’éloge de la propreté pour justifier ces investissements : « Nous estimons que la propreté à cet âge a une énorme importance pour faciliter les fonctions de la peau et de tout l’organisme. Elle joue un rôle de tout premier plan dans l’éducation de l’enfant dont elle développe l’énergie et qu’elle aguerrit contre les intempéries. » L’eau chaude de cette impressionnante installation était produite par un fourneau situé dans la cuisine voisine qui servait également de tisanerie.
Les lavabos, 1930 (collection musée)
Les lavabos, 2022 (collection musée)
Espagnolette de fenêtre d’origine, 2022
(collection musée)
Le
préau :
Afin d’abriter les enfants pendant les récréations, quand le temps n’est pas clément, l’école possèdait un préau couvert de 16 mètres 70 par 8 mètres 45, sur une hauteur de 4 mètres. Cet immense espace se trouvait à l’extrémité Ouest du couloir central et il était éclairé de trois côtés par de larges baies dont celles de la façade Sud-est étaient voûtées pour l’esthétique, et munies de vasistas pour l’aération. Elles étaient entourées, à l’extérieur, d’une pergola sur laquelle grimpaient des plantes fleuries l’été.
Le préau couvert, 1930 (collection musée)
Le préau couvert, plafond rabaissé, 2022
(collection musée)
Ce préau possédait un éclairage artificiel de
huit lustres électriques. Les règles sanitaires étaient les mêmes que pour les
autres salles, le sol était de même composition, le plafond était peint à
l’huile, les soubassements étaient en mosaïque blanche. Il était équipé de
latrines identiques aux précédentes dans son prolongement Sud-Ouest, ce qui
évitait aux enfants de sortir dans la cour (local devenu avec le temps garage à
jouets pour la cour).
Le préau couvert sert aussi de ce que l’on
appellera plus tard la salle d’évolution, 1930 (collection musée)
Le préau couvert, plafond rabaissé occultant
une partie des voûtes, 2022 (collection musée)
Ce vaste préau servira, durant toute la vie
de l’école, de salle de spectacle pour toutes les fêtes enfantines, fêtes dont
nos archives conservent la trace sur un film en 16 mm (5). On notera, à ce propos,
qu’un piano trône toujours dans le préau actuellement, dernier vestige d’une
dotation dont bénéficiaient de nombreuses écoles maternelles à cette époque.
La cour de récréation :
L’école disposait d’une cour de récréation
triangulaire de 675 mètres carrés, orientée Sud, et plantée de tilleuls qui
n’apparaissent pas encore sur les photographies de 1930, et pour cause. On peut
les voir sur la photographie d’aujourd’hui. Ils furent plantés en bordure des
murs de clôture, de manière à freiner les ardeurs du soleil sans gêner
l’aération des salles. La cour fut d’abord recouverte de gravier grossier, mais
on fit rapidement venir du sable fin de la Loire pour empêcher la boue et
adoucir les inévitables chutes des enfants. Un effort fut fait dès la création,
pour équiper l’école en jeux éducatifs d’extérieur : cerceaux, chevaux de
bois à roulettes, poussettes, brouettes et autres outils de jardinier.
La cour de récréation, 1930 (collection
musée)
La cour de récréation, 2022 (collection
musée)
Le réfectoire :
Une modeste cantine de 39 mètres carrés seulement précédait le préau. La proximité des familles, souvent de mineurs dont les épouses ne travaillaient pas, justifiait ce petit local destiné à permettre aux enfants de parents absents à midi, de prendre leur repas à l’école. Au demeurant, la cuisine était très bien aménagée pour réchauffer les aliments, les enfants pouvant apporter leur « gamelle » dans les premiers temps. Plus tard, les repas furent préparés sur place.
La cuisine du réfectoire, 1930 (collection
musée)
La cuisine devenue « tisanerie »,
2022 (collection musée)
Le cabinet médical et la salle d’isolement :
La prise en charge de l’enfant est à son paroxysme
avec ces deux équipements que l’on ne trouve encore dans aucune école de
l’époque. Une salle d’examen est à la disposition d’un médecin inspecteur qui
procède à la visite individuelle des élèves et à l’établissement de leur fiche
scolaire de santé. Ce cabinet est muni de tous les instruments nécessaires aux
diverses mensurations dont la fameuse toise à bascule. La salle d’isolement,
quant à elle, munie d’un lit de repos, est réservée aux enfants indisposés,
dans l’attente du médecin ou de ses parents.
Le cabinet médical et sa toise, 1930
(collection musée)
Le cabinet médical, 2022 (collection musée)
Les logements des maîtresses :
Au-dessus de la partie principale du bâtiment
(celle possédant des fenêtres au premier étage), pas moins de 14 pièces étaient
prévues pour loger les institutrices. A l’ouverture de l’école, l’étage comportait
deux logements de 5 pièces et un logement de 4 pièces. Tous étaient équipés du
chauffage central. Ils étaient en outre équipés de l’eau courante filtrée et
ozonisée, de la ventilation permanente, de l’éclairage électrique, ainsi que de
WC avec chasse d’eau.
Entrée de l’appartement « C », 2022
(collection musée)
L’intérieur d’un appartement, 2022
(collection musée)
Eaux propres et eaux usées :
Pouvait-on parler hygiène sans se préoccuper
des problèmes écologiques que pose un tel bâtiment ? Avant l’heure, des
solutions furent mises en œuvre pour traiter les eaux de consommation et les
eaux usées. La visite des sous-sols de l’école réservait des surprises. Une
installation importante s’occupait de ce traitement et pourrait laisser
supposer que la ville de Montceau fournissait l’eau à profusion et avait un
réseau complet d’égouts, mais la remarque du docteur Descombins nous
éclaire : « Il n’en est rien,
malheureusement (..) dans une ville importante qui est restée un gros village.
La question des eaux était donc la plus importante à résoudre, puisque l’eau
n’existe que dans les puits et que ces puits peuvent se contaminer
facilement. »
Or, un puits existait bien sur l’emplacement de l’école. Il fut donc doté d’une pompe électrique pour fournir une eau abondante et limpide, utilisée telle qu’elle pour le nettoyage, les douches et les cabinets. Pour être propre à être consommée, cette eau dut être purifiée, elle était alors envoyée sous la pression d’un réservoir dans un filtre, puis dans un appareil ozonisateur de procédé Otto (6).
Pompes et bacs d’eau sous pression, 1930
(collection musée)
Ainsi stérilisée, l’eau était ensuite
dirigée, toujours sous pression, vers un second réservoir où elle était
stockée. Elle pouvait alors être consommée par les enfants, offrant toutes les
garanties alimentaires pour le lavage de la bouche, du visage ou des mains.
Comme le déclarait le Docteur Descombins : « Montceau ne possède ni eau, ni égouts. Or, la question des égouts va de pair avec celle des eaux. Un immeuble de l’importance de celui qui nous occupe, fournit une grande quantité d’eaux résiduaires qu’il faut traiter et évacuer. » C’est donc une véritable usine de retraitement qu’abritait le sous-sol. Les effluents de toutes provenances (fosses septiques, canalisations, bains, douches, logements, salles et autres) étaient recueillis par un égout collecteur. Toutes ces eaux finissaient dans un collecteur garni de scories, système Bezaut (6), elles en ressortaient stériles et sans odeur pour finir dans le fossé de la route, et le Docteur Descombins de conclure : « Ainsi a été solutionné au mieux cette question, eaux et égouts, en faisant de ce groupe scolaire une cité en miniature qui se suffit à elle-même et surpasse sa mère nourricière, la Ville de Montceau, au sein de laquelle elle vit en fille cadette un peu choyée. »
La salle de stérilisation, 1930 (collection
musée)
Un
classement mérité ?
Un classement au titre des Monuments Historiques se base sur différents critères : « les critères de sélection sont basés sur la qualité architecturale, artistique ou l’intérêt historique du bien. Il doit aussi être authentique, rare, préservé, et/ou représentatif d’un type de construction ou d’une époque ». Nul doute que l’école maternelle de la Lande, pour le moins remarquable, est l’image d’une nouveauté pédagogique importante dans le paysage scolaire montcellien et qu’elle remplit nombre des critères demandés pour un classement.
Il serait dommageable de ne pas se pencher
sur le devenir de ce bâtiment « désaffecté », d’une richesse
historique certaine. Une réflexion sur sa destination au sein du quartier et de
la ville pourrait s’engager, garantissant sa préservation et la prise en compte
de son caractère unique, dans un projet
culturel et pédagogique, qui continuerait de le faire vivre.
Dédicace du Docteur Descombins à M. Jean
Didier, Maire de Montceau-les-Mines de 1927 à 1934, successeur de Jean Bouveri,
Député-Maire de 1900 à 1927 (collection musée)
Sources :
-
Une école maternelle
moderne, brochure
du Docteur Descombins, 1931.
Fascicule du Docteur Descombins, 1931
(collection musée)
-
Documentation
et archives musée.
-
Souvenirs
de Christian Desbrosses sur son école élémentaire.
-
Photographies :
collection Christian Desbrosses, AAEENM71, JSL71, Montceau News, l’Informateur
de Bourgogne et collection musée.
Patrick PLUCHOT
(1) : Voir l’article du blog : Hommage à Henri Besseige : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2017/06/hommage-henri-besseige.html#more
(2) : Voir l’article du
blog : Le temps béni des
colonies… de vacances : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2021/09/dossier-de-rentree-les-jolies-colonies.html#more
Précisions sur le
centre aéré du château du Martret : « La ville
louait le Château depuis 1982 et a été amenée à y effectuer de grosses
réparations. C’est pourquoi elle a acheté ce château en 1987 (décision du
Conseil municipal du 27 mai 1987) en reprenant les annuités des emprunts
contactés par le Syndicat intercommunal du centre aéré du Martret. Prix d’achat :
500 000 francs payables en trois ans. Plus tard, le château fut revendu à un particulier. » (source Jean Gaumet, 2022)
Château du Martret, Pouilloux (collection
privée)
(3) : Voir dernier article du blog : Le nom de nos écoles publiques : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2022/08/le-nom-de-nos-ecoles-publiques.html#more
(4) : A.
Knapen avait édité, en 1912, une brochure décrivant son invention sous le titre
Hygiène de l’habitation :
Etude comparée de l’aération des classes de l’Ecole modèle du village moderne à
l’Exposition universelle et internationale de Gand 1913 (Avec plans et
croquis.), étude reprise par Paul De
Vuyst.
(5) : Captures d’image du
film 16 mm de quelques minutes que le musée possède montrant une Fête des mères à l’école
maternelle de la Lande. Le film n’est pas restauré, ce qui explique la qualité médiocre des images, il n’est pas daté non plus, mais à l’étude des habits des
maîtresses, il remonte probablement à la fin des années 1930. La Fête des mères n’est pas
un indice, puisqu'elle est célébrée depuis le début du siècle dernier, sous divers noms, le
dernier dimanche de mai (sauf si c’est le dimanche de Pentecôte, elle est alors
repoussée au premier dimanche de juin, comme en 1923, le 4 juin). On a souvent attribué
cette fête au régime de Vichy qui se l’appropria avant que la loi du 24 mai
1950 ne l’officialise : « la République
française rend officiellement hommage chaque année aux mères françaises au
cours d’une journée consacrée à la célébration de la « Fête des Mères »,
organisée par le ministre chargé de la santé et de l’UNAF ». (UNAF : Union Nationale des Familles
Françaises)
(6) :
Procédé Marius Paul Otto, 1870-1939
(abebook.fr)
« La
principale méthode est mise au point successivement en Hollande et en Allemagne
(par le néerlandais Tyndal et par la firme Siemens et Halske), d'une part, puis
en France ; elle consiste à stériliser l'eau par l'ozone. Le savant Marius-Paul
Otto, après une thèse de sciences physiques sur l'ozone, devient le principal
artisan de son développement en France, alors qu'elle reste étrangère, en
grande partie, au champ d'intérêt des ingénieurs britanniques et américains.
Dès 1899, il fait fonctionner une usine expérimentale à Auteuil, et conçoit des
projets pour épurer les eaux de sa ville natale, Nice. La stérilisation,
appelée « ozonisation » (parfois « ozonation » ou
« ozonification »), consiste à mettre en contact l'eau avec de l'air
électrisé, qui produit de l'ozone (O3). »
(7) :
Procédé Bernard Bezaut, 1867-1936 (gallica)
Quelques souvenirs
des écoles de la Lande
Ecole prisonnière de son passé (cliché Sylvie
C.-Google Maps)
1947
Années 40 ?
1947
1951
1952
1955
1955
1957-58
1957-58
1996
2015
2022 : dernier caraval de l’école de la
Lande-Rostant/Schumann
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