Aperçu historique sur l’Ecole Normale de d'Institutrices
De Mâcon
Synthèse des Recherches de Pierre Gillot
(1910-1998)
(Promotion
Ecole Normale de Mâcon1926-1930)
Pierre Gillot, montcellien, archiviste
du musée de la Maison d’Ecole (collection musée)
Les
Écoles Normales de Mâcon
Pour
favoriser l’enseignement du peuple en France, des départements, par leur
initiative, en étaient venus à la fondation d’Ecoles Normales d’Instituteurs,
peu à peu d’abord, sous la Restauration (1814-1830), puis de plus en plus sous
la Monarchie de Juillet (1830-1848). La loi que fit voter, le 28 juin 1839, le
Ministre Guizot, venait encourager cette évolution. Dès le 31 janvier 1833, le
Préfet avait fait approuver par le Conseil Général de Saône-et-Loire la
création, à Mâcon, d’une Ecole Normale d’Instituteurs, suivie, en 1842, par une
(presque) Ecole Normale d’Institutrices. Voici une synthèse des travaux de
Pierre Gillot (promotion 1926-1930), archiviste du musée de la Maison d’école à
Montceau-les-Mines.
L’Ecole
Normale d’Institutrices de Mâcon
Sous le règne de Louis Philippe (1830-1848), en 1836, Le Conseil Général de Saône-et-Loire fut invité à examiner les moyens de créer un établissement destiné à former des institutrices. Ce fut d’abord en vain. En 1842 seulement, le Préfet Delmas, ému de l’ignorance des filles, fit étudier et aboutir le projet.
Une prétendue Ecole Normale. En
1842, avec l’assentiment du Ministre, le Conseil Général décida d’ouvrir un
crédit pour une « Ecole Normale ». Elle allait être installée 8 mois
dans un établissement départemental, pourvu d’un internat, et où, les 4 autres
mois de l’année, trois religieuses de l’Ordre de Saint Joseph donnaient
gratuitement des cours à des élèves sages-femmes.
Les aspirantes à
l’ « Ecole Normale » devaient savoir lire et écrire, être de
bonnes vies et mœurs, puis être âgées de 18 ans au moins et 24 ans au plus. En
1844, un premier examen d’entrée, d’un
niveau à peine élémentaire, ne permit que de recruter 10 élèves, malgré la
gratuité qui leur était offerte du logement, de la nourriture, de l’entretien
et de l’instruction. En 1845, le nombre des admissions fut de 6 ; en 1846,
il fut de 12. Un examen de capacité était subi par les élèves à la suite des
cours qu’elles avaient suivis pendant deux périodes de 8 mois. Il apparut qu’ayant
été trop ignorantes à leur entrée à l’école, ces jeunes filles n’avaient pas pu
acquérir un degré d’instruction suffisant.
Vers un véritable Cours
Normal. En conséquence, en 1846, le Conseil Général, approuvé
par le Ministre, fixa la durée des études à 3 périodes de 8 mois et il décida
de transférer l’école à la Providence de Mâcon, chez les dames du
Saint-Sacrement, sous l’administration des hospices de la ville.
Ayant eu lieu en 1847, le
transfert permettait heureusement de disposer d’une école d’application, et le
nom plus convenable de « Cours Normal préparatoire aux fonctions
d’Institutrices » fut donné à l’ensemble de l’établissement scolaire :
« Le programme d’enseignement
embrassait l’instruction morale et religieuse, la lecture, l’écriture, la
grammaire, l’arithmétique, l’histoire, la géographie, le dessin linéaire, la
musique et les exercices de style. »
Bien que la plupart des
cours fussent confiés aux professeurs de l’Ecole Normale d’Instituteurs,
certains d’entre eux étaient donnés aussi par la Directrice et trois maîtresses
adjointes du Cours Normal.
Evolution du Cour Normal, de
la Seconde République (1848-1851) au second Empire (1852-1870). En
1852, le conseil académique proposa de transférer le Cours Normal dans
l’immeuble occupé, faubourg de la Barre, par le pensionnat du Saint-Sacrement,
mais cela soulevait un problème financier pour le Conseil Général.
Il en vint à juger, pour
raison d’économie, ou même par zèle politique intempestif, que le maintien du
Cours Normal n’était pas désirable. Mais il vota tout de même le crédit
nécessaire pour 1853. Cette année-là, le Préfet demanda son maintien, « les congrégations religieuses ne
pouvant suffire à assurer le recrutement des institutrices », selon
lui.
En 1854, finalement, le
Conseil Général accepta qu’on transportât, comme prévu, le Cours Normal
faubourg de la Barre et il accepta le traité déjà passé avec le pensionnat pour
fixer à 11 mois la durée des cours, à 1 mois celle des vacances. Le département
s’engagea aussi à payer un prix de pension de 30 francs par élève et par mois,
et à verser à la communauté des subventions destinées à couvrir les frais de
soins médicaux et d’achat de matériel d’enseignement.
En 1862, le prix de pension
fut porté à 35 francs et la durée des vacances à 2 mois. De 1843 à 1872, pour
237 élèves boursières, le département avait dépensé 25 000 francs.
L’Ecole Normale
d’Institutrices : la Troisième République était née le 4
septembre 1870. La loi du 9 août 1879 n’allait que dans 9 ans faire une
obligation à tous les départements d’entretenir et d’installer des Ecoles
Normales qui devaient devenir des services publics.
Dès 1872, le Cours Normal de
Mâcon, après avoir existé 30 ans, était transformé en Ecole Normale
d’Institutrices. Et le 1er octobre 1872, au numéro
8 de la rue de Flacé, elle accueillait 10 élèves dans sa première année
d’études et les élèves issues du Cours Normal : 10 en 2e année,
7 en 3e année, seulement 7 car 3 des compagnes de celles-ci avaient
succombé à une épidémie de fièvre typhoïde.
Les élèves de la 3e
année, celle des examens, devaient tout particulièrement se mettre avec ardeur
à la besogne. Leurs 2 professeurs trouvaient leur niveau de connaissances
extrêmement bas. De même pour leurs 3 maîtresses qui savaient aussi les
encourager particulièrement. Sous la direction de ce personnel enseignant laïc,
certes très compétent, elles devinrent capables d’obtenir, toutes, le brevet
élémentaire et, quelques-unes, des mentions du brevet supérieur, fin juillet
1873. Deux des candidates furent même en mesure d’obtenir, ainsi par fragments
ajoutés, le brevet supérieur complet à une session suivante.
Cahiers d’élève-institutrice
de Claudine Parriaud, promotion 1875-1878 (collection privée)
Photographie de la promotion
1875-1878, une attitude emprunte de sainteté, sauf pour deux téméraires qui
fixent l’objectif (collection musée)
En 1882, l’Ecole Normale d’Institutrices
va occuper les locaux actuels du 9 de la rue de Flacé.
Ecole Normale d’Institutrices 9 rue de Flacé, année 1921 (collection musée)
Les enseignantes de l’Ecole
Normale d’Institutrices de Mâcon, année 1920-1921, Directrice : Mlle Curet
(collection musée)
Elèves-institutrices de la
promotion 1918-1921, année scolaire 1920-1921 (collection musée)
Quelques lieux de vie des
élèves-institutrices, 1921 (collection musée)
Le 19 juin 1932, sera fêté
en grandes pompes (avec journée de congé exceptionnelle pour les participantes,
octroyée par l’Inspecteur d’Académie),
le cinquantenaire de cette installation. A cette occasion seront inaugurés les nouveaux travaux
d’amélioration du bâtiment.
Extrait du registre des délibérations
de l’Association des Anciennes Elèves de l’Ecole Normale de Mâcon, 1932
(collection musée)
Dès son avènement, le Régime
de Vichy supprima les Ecoles Normales d'Institutrices, tout
comme les Ecoles Normales d'Instituteurs. Après une interruption de sept années (la
dernière Assemblée générale de l’Amicale des Anciennes Elèves de l’Ecole
Normale de Mâcon avant la guerre et la
suppression des Ecoles Normales ayant eu lieu le 4 mai 1939), voici l’hommage
des Institutrices, le 20 juin 1946, à l’Assemblée générale de leur Amicale,
hommage à jean Bouvet et aux victimes de la guerre dont le nom ne figurera
sur aucune plaque à leur mémoire :
Extrait du registre des
délibérations de l’Association des Anciennes Elèves de l’Ecole Normale de
Mâcon, 1946 (collection musée)
Le 16 mai 1948
devait avoir lieu une cérémonie jusque-là unique dans ses annales. Le président
de la République Vincent Auriol, M. Edouard Lepreux, Ministre de l’Education
Nationale, accompagné de M. Beslais, directeur de l’enseignement primaire et de
M. Allix, Recteur de l’Académie de Lyon, honorent l’Ecole Normale
d’Instituteurs de leur visite afin de procéder à l’inauguration de la plaque
apposée à la mémoire des vingt-deux morts de la dernière guerre et à la pose de
la première pierre du nouvel internat de l’Ecole. Les Normaliennes sont
associées à cette manifestation.
Extraits du registre des
délibérations de l’Assemblée générale de l’Amicale des Anciennes Elèves de
l’Ecole Normale de Mâcon, concernant la visite de M. Vincent Auriol, Président
de la République et de MM. Depreux, Ministre de l’Education Nationale, le 16
mai 1948 (collection musée)
A la rentrée scolaire 1976,
cette Ecole Normale a cessé d’exister aussi, comme celle,
voisine, des Instituteurs avec laquelle elle a fusionné pour devenir l’Ecole
Normale mixte de Mâcon. Celle-ci s’est installée au numéro 9 de la rue de
Flacé, dans l’immeuble qui avait fini par devenir celui de l’Ecole Normale
d’Institutrices, vis-à-vis du précédent.
Furent Directrices ou Directeur de l’Ecole
Normale d’Institutrices :
-
Mlle Tailleur (1880-1905)
-
Mlle Ruet (1905-1909)
-
Mlle Curet (1909-1925)
-
Mme Hugonnier (1925-1940, fermeture de l’EN)
-
Mme Grangeat (réouverture de l’EN, 1946-1950)
-
Mme Michaud (1950-1964)
-
Mlle Debay (1964-1968)
-
Mme Comiti (1968-1973)
-
M. Lebouc (1973-1976, création de l’EN Mixte)
Evolution
de la tenue des Normaliennes.
Les premières normaliennes
portent une tenue austère, simple et modeste qui les uniformise et les
distingue des jeunes filles de leur âge.
Institutrice
à l’école maternelle, tableau de Geoffroy, « peintre des humbles et des
enfants », 1898 (détail)
Au début du siècle, elles
sont vêtues, le dimanche, de longues robes noires à "balayeuse" au
col montant. Le bas de la robe doit recouvrir leurs bottines.
Ecole Normale
d’institutrices, Mâcon, 1875
Elles sont coiffées l'hiver
d'un chapeau de feutre et de velours embelli d'une voilette, ce qui constitue,
à l'époque, un signe évident de distinction. L'été, elles portent un chapeau de
fine paille blanche et toutes ont les cheveux longs et nattés, roulés en
chignon.
Ecole Normale
d’institutrices, Mâcon, 1907
Plus tard, les robes noires
seront abandonnées au profit de jupes gris clair, accompagnées d'un corsage
blanc ou coloré. Au cours de leurs sorties, les normaliennes sont coiffées d'un
chapeau dont la décoration (plume, ruban ou cocarde) distingue les différentes
promotions. Les jours de classe, elles ont un long sarrau noir orné d'un col
rond.
Promotion 1918-1921, Mâcon
De 1915 à 1920, la couleur
noire est à nouveau de rigueur. Lors de leurs sorties, en rang deux à deux, les
normaliennes portent des robes noires, des manteaux noirs, des bas noirs, des
chaussures noires et des parapluies noirs! Seule la longueur du vêtement a
changé. En effet, la robe arrive désormais en dessous des mollets, ce qui est
une véritable "révolution".
Les jeunes filles arborent
au cours de leurs promenades, un chapeau d'uniforme dont le gabarit est le même
pour toutes. Ponctuellement, à Pâques et à la Toussaint, les chapeaux doivent
être renouvelés, feutre ou paille selon la saison.
Normaliennes de Mâcon, 1919
Pendant les séances de
gymnastique, les normaliennes gardent leurs robes noires de tous les jours. En
classe, elles couvrent leurs vêtements d'une longue blouse noire.
Promotion 1928-1931, Mâcon
Vers 1925, les normaliennes
ne sont plus tout de noir vêtues. En effet, on admet le port de bas gris non
transparents et d'un manteau gris foncé. Les jupes se raccourcissent de
quelques centimètres. La coiffure change, les cheveux ne sont plus attachés et
plus tard, ils seront coupés.
Normaliennes de Mâcon, 1948
Vers 1935, les normaliennes
sont vêtues d'un uniforme bleu marine et coiffées d'un chapeau de la même
couleur. Dans les années 40, le chapeau ne se porte plus. Elles mettront encore
une calotte plate avant que la coiffe ne disparaisse définitivement, ainsi que
l'uniforme. En classe, les jeunes filles portent une blouse.
Promotion 1960-1964, Mâcon
Dans les années 50, la
blouse est toujours portée dans les classes. Les normaliennes sont vêtues de
jupes plissées bleu marine et d'un chemisier blanc. Dix ans plus tard, vêtues
de jupes courtes, elles portent même le pantalon et ne se distinguent plus des
autres jeunes filles.
Dernière promotion de l’Ecole
Normale de Mâcon, année scolaire 1990-1991
Dernière promotion de l’IUFM
(Institut Universitaire de Formation des Maîtres) remplacés par l’ESPE en 2013
(Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education, bac +5)
Conclusion
provisoire
« Nous
avons voulu rendre ces aperçus historiques aussi brefs et aussi objectifs que possible.
Laissons donc le lecteur à ses réflexions, non sans imaginer toutefois qu’il
sera séduit, impressionné peut-être par le sens élevé des responsabilités qu’il
croira découvrir chez des enseignants et qui les caractérisera assurément, au cours de l’existence
aventureuse de l’Ecoles Normales de d’Institutrices de Mâcon.
Depuis
leurs anciennes origines, Nos Ecoles Normales ont duré, celle des Instituteurs
143 ans et celle des Institutrices 134 ans. Mais elles ne sont pas
mortes ! Nous aimons croire que, par leur fusion de 1976, sous la
dénomination d’Ecole Normale Mixte, elles auront trouvé même une jeunesse
nouvelle, dans le cadre de la formation initiale des institutrices et des
instituteurs, comme dans celui de la formation professionnelle continuée, à
laquelle ils ont droit. » Pierre
Gillot, 1987
Clotilde (promotion
1933-1936) et Pierre Gillot (promotion
1926-1930), émission télévisée « Les enfants de l’industrie », 1980,
TF1 (image INA)
Le
mot de la fin
Je
ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour nos archivistes et amis Clotilde et Pierre
Gillot, aujourd’hui disparus. Dans leurs aperçus historiques, ils n’auront eu
de cesse de vanter l’excellence des formations dans les Ecoles Normales, malgré
leur naissance difficile, et l’excellence des professeurs qui y dispensèrent
leur savoir, à des promotions de chacune 3 puis 2 ans.
De nos jours, l'Éducation nationale manque
cruellement d'enseignants. À tel point
qu'elle a organisé, à partir du mois de juin 2022, des sessions de "jobs dating" (terme barbare qui
correspond à la triste réalité) afin de recruter des professeurs, dans le premier
comme dans le second degré.
Nul
doute que Clotilde et Pierre doivent se retourner dans leur tombe à la vue de
ce recrutement express : ½ heure d’entretien, quelques heures de formation
et hop ! Devant les élèves… Quel camouflet pour la profession et quel
mépris pour nos professeurs dont on nie la réussite à un concours très
difficile (niveau bac + 5, Master 2) et dont on nie aussi les compétences acquises durant une longue formation, fondement même du métier.
Patrick PLUCHOT
Sources :
-
Manuscrit Aperçus
historiques sur les Ecoles Normales de Saône-et-Loire, Pierre Gillot, 1987.
-
Archives du musée, fonds Ecoles Normales.
-
Articles du blog : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2018/10/ecole-normale-de-macon.html#more et https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/search?q=le+costume+des+normaliens Pierre Colomb et Patrick Pluchot.
-
Photographies : archives musée, Amicale
des anciens élèves de l’EN de Mâcon ( http://aaeenm.over-blog.com
), et collections privées.
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