jeudi 21 décembre 2023

Le Père Noël à l'Elysée

 



L’écolier, le Père Noël …

… et le Président

L’arbre de Noël de l’Elysée

Politique et tradition

« Le Père Noël est très populaire et en plus il revient chaque année. Il est le seul candidat qui peut faire ça chaque année et qui est sûr d’être choisi pour Noël ! ». Parole d’un président à l’humour et à l’autodérision aiguisés, au Noël de l’Elysée 2016, désappointé ou jaloux ? Il renoncera à un second mandat. Son successeur déclarera à maintes reprises, dans ses discours « Je ne suis pas le Père Noël ! ». Dont acte, le Père Noël, ce n’est pas lui, il n’est donc pas là pour faire des cadeaux. La tradition plus que centenaire touchait-elle à sa fin ? Que nenni. La politique reste la politique, Noël reste l’occasion de montrer le Président de la République qui récompense les méritants, en homme généreux, protecteur et accessible.  


Marie Cécile Pauline Dupont-White (ruedesarchives)

25 décembre 1889

C’est à cette date que, pour la première fois, le Père Noël passera au palais de l’Elysée. Cécile Carnot, épouse du Président Sadi Carnot, a cette idée de convier 400 enfants « pauvres », mais « méritants », à un goûter de Noël. Une quarantaine d’omnibus seront mobilisés pour voiturer les écolières et écoliers de 9 à 10 ans sélectionnés, leurs maîtresses et leurs maîtres, ainsi que les 20 maires des arrondissements de Paris concernés. Sages et impressionnés par tant de magnificence, ils sont conduits dans la salle des fêtes nouvellement redécorée par la première Dame,  la même année. Là, les attendent un théâtre de marionnettes et 10 sapins géants croulant sous les jouets. C’est une première.  

Salle des fêtes de l’Elysée redécorée (elysee.fr)

Madame Carnot est une fervente catholique et elle a voulu cette manifestation charitable. Après la Marseillaise, c’est elle qui prononcera quelques mots, en l’absence du Président, alité : « Mes chers enfants, je vous remercie d’avoir répondu à mon appel. J’aurai le plaisir tout à l’heure de remettre à chacun de vous des objets qui vous seront personnels et qui seront bien à vous ; un livret, un vêtement [une capeline pour les filles et une pèlerine à capuche pour les garçons], un volume, un fusil pour les garçons, une poupée pour les filles ; mais nous devons également penser à ceux qui ne sont pas ici, à vos frères, à vos sœurs. Vous trouverez pour eux dans vos paniers, des images, du chocolat et vous partagerez entre eux, des petits joujoux qui vous seront donnés en dernier lieu. En attendant, asseyez-vous, les marionnettes vont vous jouer la comédie. »


Après le spectacle, les enfants se mirent en ligne. On servit à chacun une tasse de chocolat (que beaucoup devaient goûter pour la première fois), une brioche, un condé, une madeleine et… un verre de vin chaud ! La campagne antialcoolique du Docteur Galtier-Boissière dans les écoles n’était encore qu’en gestation ! Un livret de la caisse d’épargne, dédicacé et doté de 10 francs leur fut remis : « Don de Monsieur Carnot, Président de la République ». Lors de la remise des cadeaux, un journaliste note que le calme règne : « On n’entend que des « Merci, madame. Merci, monsieur ». Pas de cris. Pas d’exubérance, malgré le vin bu. »

https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2020/04/les-confines-finiront-ils-confits.html

Une tradition qui dure

La 4e République n’aura eu que deux présidents, ils perpétueront le Noël à  l’Elysée, respectant les codes traditionnels : Vincent Auriol et René Coty.

Le président Auriol et son épouse au Noël 1950 (INA)

Germaine Coty (épouse du président Coty) au Noël 1954  (KEYSTONE-FRANCE / GAMMA-RAPHO)

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Le théâtre de marionnettes a fait long feu. Les présidents de la 5e République ont supprimé le fusil pour les garçons et changé le leur d’épaule : si la tradition fut encore de mise pour Charles De Gaulle avec marionnettes, clowns et dessin animé de Disney, ce furent Les Charlots les invités pour Georges Pompidou, Claude François pour Valéry Giscard d’Estaing, Dorothée pour François Mitterrand, Chantal Goya pour Jacques Chirac, les chanteurs de Roméo et Juliette pour Nicolas Sarkozy, Lorie pour François Hollande, le chanteur Amir pour Emmanuel Macron, entre autres.

Ce rituel, après avoir attiré autrefois les journalistes de la presse écrite, conquit, à leur avènement, les médias audiovisuels. En effet, dès les années 1920, Pathé et Gaumont diffusent des films sur ce sujet dans leurs salles de cinéma et la RTF (Radio Télévision Française) s’empare de l’événement dès la création du journal télévisé en 1949.

A chaque président sa posture

A son arrivée à la présidence en 1959, Charles De Gaulle reprend la coutume. Il apparaît en bon général gâtant les petits enfants de la République. Il revêtira systématiquement sa tenue militaire lors de ces arbres de Noël et prendra prétexte de cette cérémonie pour présenter ses « meilleurs souhaits à la France ».

Charles De Gaulle 1964

Avec Georges Pompidou, le rituel médiatique sera le même, se terminant par un reportage au journal télévisé du soir. Son épouse Claude est cependant plus présente, ce qui donne l’impression d’une fête moins « protocolaire », le président se laissant même filmer en train de bavarder avec des enfants désormais beaucoup plus agités que ceux des années 60 !

Georges Pompidou 1973

En 1974, c’est Valéry Giscard d’Estaing qui prend la relève en débutant les fêtes de son septennat par une conversation surréaliste avec Nounours, la star télévisuelle. C’est le président qui assure le spectacle, accompagnant Claude François au piano en 1975 ou en exécutant un tour de magie raté avec ses chiens devant les yeux étonnés de Mireille Mathieu et des enfants en 1978.

Valéry Giscard d’Estaing 1974

François Mitterrand, en fin stratège, profitera de l’émission Récré A2, très suivie par les enfants pour élargir le public de l’événement. En 1985, le spectacle proposé aux enfants invités sera diffusé sur le petit écran, à une heure de grande écoute et en intégralité, entrecoupé de séquences tournées au palais montrant le président interviewé par des enfants. La cohabitation mettra fin à cette expérience, réduisant la manifestation à un seul reportage au journal télévisé.

François Mitterrand 1985

Jacques Chirac, fidèle à lui-même, se veut un président chaleureux. Les arbres de Noël à l’Elysée se voudront désormais joyeux et conviviaux, embrassades et poignées de main sont au programme. Néanmoins, les médias semblent dorénavant se désintéresser de la chose. Le fameux reportage s’écourte et reprend une forme traditionnelle : arrivée des enfants, discours du président, spectacle, goûter et distribution des cadeaux, avec un Jacques Chirac qui offre une image sympathique dont les médias de l’époque ne se lassent pas.

Jacques Chirac 2004

En ce tout début du 21e siècle, la tradition n’intéresse plus les médias qui ne relatent plus l’information que par habitude, sous forme de brève en fin de journal. Si TF1 continue régulièrement, France 2 en fera même l’impasse plusieurs années. Sous Nicolas Sarkozy, l’image présidentielle est alors surtout marquée par la présence de la seconde première dame, très relayée par les journalistes de la presse « populaire ». 

Nicolas Sarkozy 2011

François Hollande continue d’allumer le sapin de l’Elysée mais revient à la tradition, en compagnie de la première dame puis en célibataire. Il joue la sobriété d’un président « normal », les stars du showbiz des septennats précédents font place aux clowns et aux numéros de cirque. Pour les médias, l’événement devient anecdotique et se traite en quelques secondes.

François Hollande 2012

Enfin, Emmanuel Macron apporte la preuve qu’effectivement, il n’est pas le Père Noël, en invitant le « vrai » a être la vedette du jour. Il va accompagner le président durant la manifestation, tout comme la première dame dont la légende des reportages insistera sur son investissement « Brigitte Macron entourée d’enfants au palais de l’Elysée » « Brigitte Macron attendrie par une enfant » « Brigitte Macron prend une enfant dans ses bras ». La présence du Père Noël ne fera pas de miracle, la couverture médiatique reste faible. 

Emmanuel Macron 2017

Ainsi donc, pendant longtemps, l’heure fut plus à la charité qu’à la politique au Noël de l’Elysée. Mais peu à peu, faut-il y voir là un air du temps, les présidents ont saisi l’occasion de redorer l’image d’un chef de l’état près du peuple, pensant ainsi montrer une image apaisante à la France entière, grâce à la fée télévision. Il n’y a donc pas que les enfants qui croient au Père Noël.



BONNES FÊTES DE NOËL

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Patrick PLUCHOT

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