L’écolier,
le Père Noël …
…
et le Président
L’arbre de Noël de l’Elysée
Politique
et tradition
« Le
Père Noël est très populaire et en plus il revient chaque année. Il est le seul
candidat qui peut faire ça chaque année et qui est sûr d’être choisi pour
Noël ! ». Parole
d’un président à l’humour et à l’autodérision aiguisés, au Noël de l’Elysée
2016, désappointé ou jaloux ? Il renoncera à un second mandat. Son
successeur déclarera à maintes reprises, dans ses discours « Je ne suis pas le Père Noël ! ». Dont acte, le Père Noël, ce n’est pas
lui, il n’est donc pas là pour faire des cadeaux. La tradition plus que
centenaire touchait-elle à sa fin ? Que nenni. La politique reste la
politique, Noël reste l’occasion de montrer le Président de la République qui
récompense les méritants, en homme généreux, protecteur et accessible.
Marie Cécile Pauline
Dupont-White (ruedesarchives)
25
décembre 1889
C’est à cette date que, pour
la première fois, le Père Noël passera au palais de l’Elysée. Cécile Carnot, épouse
du Président Sadi Carnot, a cette idée de convier 400 enfants
« pauvres », mais « méritants », à un goûter de Noël. Une
quarantaine d’omnibus seront mobilisés pour voiturer les écolières et écoliers
de 9 à 10 ans sélectionnés, leurs maîtresses et leurs maîtres, ainsi que les 20
maires des arrondissements de Paris concernés. Sages et impressionnés par tant
de magnificence, ils sont conduits dans la salle des fêtes nouvellement
redécorée par la première Dame, la même
année. Là, les attendent un théâtre de marionnettes et 10 sapins géants
croulant sous les jouets. C’est une première.
Salle des fêtes de l’Elysée
redécorée (elysee.fr)
Madame Carnot est une
fervente catholique et elle a voulu cette manifestation charitable. Après la Marseillaise, c’est elle qui prononcera
quelques mots, en l’absence du Président, alité : « Mes chers enfants, je vous remercie d’avoir répondu à mon appel.
J’aurai le plaisir tout à l’heure de remettre à chacun de vous des objets qui
vous seront personnels et qui seront bien à vous ; un livret, un vêtement [une capeline pour les filles et une
pèlerine à capuche pour les garçons], un
volume, un fusil pour les garçons, une poupée pour les filles ; mais
nous devons également penser à ceux qui ne sont pas ici, à vos frères, à vos
sœurs. Vous trouverez pour eux dans vos paniers, des images, du chocolat et
vous partagerez entre eux, des petits joujoux qui vous seront donnés en dernier
lieu. En attendant, asseyez-vous, les marionnettes vont vous jouer la comédie. »
https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2020/04/les-confines-finiront-ils-confits.html
Une
tradition qui dure
La 4e République
n’aura eu que deux présidents, ils perpétueront le Noël à l’Elysée, respectant les codes
traditionnels : Vincent Auriol et René Coty.
Le président Auriol et son
épouse au Noël 1950 (INA)
Germaine
Coty (épouse du président Coty) au Noël 1954 (KEYSTONE-FRANCE / GAMMA-RAPHO)
Cliquez ici pour voir la vidéo
Le théâtre de marionnettes a
fait long feu. Les présidents de la 5e République ont supprimé le
fusil pour les garçons et changé le leur d’épaule : si la tradition fut encore de
mise pour Charles De Gaulle avec marionnettes, clowns et dessin animé de
Disney, ce furent Les Charlots les invités pour Georges Pompidou, Claude
François pour Valéry Giscard d’Estaing, Dorothée pour François Mitterrand,
Chantal Goya pour Jacques Chirac, les chanteurs de Roméo et Juliette pour
Nicolas Sarkozy, Lorie pour François Hollande, le chanteur Amir pour Emmanuel
Macron, entre autres.
Ce rituel, après avoir
attiré autrefois les journalistes de la presse écrite, conquit, à leur
avènement, les médias audiovisuels. En effet, dès les années 1920, Pathé et
Gaumont diffusent des films sur ce sujet dans leurs salles de cinéma et la RTF
(Radio Télévision Française) s’empare de l’événement dès la création du journal
télévisé en 1949.
A
chaque président sa posture
A son arrivée à la
présidence en 1959, Charles De Gaulle reprend la coutume. Il apparaît en bon
général gâtant les petits enfants de la République. Il revêtira
systématiquement sa tenue militaire lors de ces arbres de Noël et prendra
prétexte de cette cérémonie pour présenter ses « meilleurs souhaits à la France ».
Charles De Gaulle 1964
Avec Georges Pompidou, le
rituel médiatique sera le même, se terminant par un reportage au journal
télévisé du soir. Son épouse Claude est cependant plus présente, ce qui donne
l’impression d’une fête moins « protocolaire », le président se
laissant même filmer en train de bavarder avec des enfants désormais beaucoup
plus agités que ceux des années 60 !
Georges Pompidou 1973
En 1974, c’est Valéry
Giscard d’Estaing qui prend la relève en débutant les fêtes de son septennat
par une conversation surréaliste avec Nounours, la star télévisuelle. C’est le
président qui assure le spectacle, accompagnant Claude François au piano en
1975 ou en exécutant un tour de magie raté avec ses chiens devant les yeux
étonnés de Mireille Mathieu et des enfants en 1978.
Valéry Giscard d’Estaing 1974
François Mitterrand, en fin
stratège, profitera de l’émission Récré A2, très suivie par les enfants pour
élargir le public de l’événement. En 1985, le spectacle proposé aux enfants
invités sera diffusé sur le petit écran, à une heure de grande écoute et en
intégralité, entrecoupé de séquences tournées au palais montrant le président
interviewé par des enfants. La cohabitation mettra fin à cette expérience,
réduisant la manifestation à un seul reportage au journal télévisé.
François Mitterrand 1985
Jacques Chirac, fidèle à
lui-même, se veut un président chaleureux. Les arbres de Noël à l’Elysée se
voudront désormais joyeux et conviviaux, embrassades et poignées de main sont
au programme. Néanmoins, les médias semblent dorénavant se désintéresser de la
chose. Le fameux reportage s’écourte et reprend une forme traditionnelle :
arrivée des enfants, discours du président, spectacle, goûter et distribution
des cadeaux, avec un Jacques Chirac qui offre une image sympathique dont les
médias de l’époque ne se lassent pas.
Jacques Chirac 2004
En ce tout début du 21e
siècle, la tradition n’intéresse plus les médias qui ne relatent plus
l’information que par habitude, sous forme de brève en fin de journal. Si TF1
continue régulièrement, France 2 en fera même l’impasse plusieurs années. Sous
Nicolas Sarkozy, l’image présidentielle est alors surtout marquée par la
présence de la seconde première dame, très relayée par les journalistes de la
presse « populaire ».
Nicolas Sarkozy 2011
François Hollande continue d’allumer le sapin de l’Elysée
mais revient à la tradition, en compagnie de la première dame puis en
célibataire. Il joue la sobriété d’un président « normal », les stars
du showbiz des septennats précédents font place aux clowns et aux numéros de
cirque. Pour les médias, l’événement devient anecdotique et se traite en
quelques secondes.
François Hollande 2012
Enfin, Emmanuel Macron apporte la preuve qu’effectivement, il
n’est pas le Père Noël, en invitant le « vrai » a être la vedette du
jour. Il va accompagner le président durant la manifestation, tout comme la
première dame dont la légende des reportages insistera sur son investissement « Brigitte Macron entourée d’enfants au
palais de l’Elysée » « Brigitte Macron attendrie par une
enfant » « Brigitte Macron prend une enfant dans ses bras ».
La présence du Père Noël ne fera pas de miracle, la couverture médiatique reste
faible.
Emmanuel Macron 2017
Ainsi donc, pendant longtemps, l’heure fut plus à la charité qu’à la politique au Noël de l’Elysée. Mais peu à peu, faut-il y voir là un air du temps, les présidents ont saisi l’occasion de redorer l’image d’un chef de l’état près du peuple, pensant ainsi montrer une image apaisante à la France entière, grâce à la fée télévision. Il n’y a donc pas que les enfants qui croient au Père Noël.
BONNES FÊTES DE NOËL
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Patrick PLUCHOT
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