D’une
gendarmerie à l’autre
Quand
la confusion s’installe
Acte
I
Depuis 1856, le hameau du Montceau était devenu une commune, empruntant des fractions de territoire aux communes limitrophes. Blanzy céda quelques lieux-dits : le Monceau, le Bois-du-Verne, les Etivaux, la Petite-Sorme, Bel-Air, le Plessis, le Moulin, les Grands-Bois, le Bois-de-Gueurce ; Saint-Vallier en céda d’autres : les Oiseaux, Lucy, Barrat, la Saule ; Saint-Bérain-sous-Sanvignes n’en céda qu’un : le Bois-Garnier, de même que Sanvignes avec le Magny. 2302 habitants changèrent ainsi de commune sans se déplacer… En 1868, Blanzy et Sanvignes vont être mises à nouveau à contribution. À nouvelle commune, nouvel Hôtel de Ville et nouvelle gendarmerie, ce sera chose faite en 1874-75, car, jusqu’alors, la vie de Montceau-les-Mines était intimement liée à celle de la Mine, notamment au niveau des locaux communaux. Il est en effet établi qu’à sa création et pour de longues années, la commune ne posséda aucun édifice public et n’eut ni rues, ni places, ni ressources pécuniaires…
« L’administration
de la compagnie et celle de la commune étant réunies dans les mêmes mains, la
fusion des intérêts a été d’autant plus intime que la population ne se
composait guère que des personnes directement ou indirectement employées par la
Compagnie »
M.
Boisviel, avocat au conseil d’État, 1880
Toujours en 1856, à la création de la commune de
Montceau-les-Mines, Léonce Chagot, co-gérant de la Compagnie des Mines depuis
1833 (dont il détenait déjà ¼ des parts depuis 1831), devint le seul patron de
la nouvelle Société Jules Chagot et Cie, à la suite de la démission de MM.
Perrin-Morin. Il fut le premier maire de la ville, nommé par décret impérial.
Récréation pour les élèves des classes de l’hôtel de
ville, les élèves et leur maître peu après la construction, l’horloge n’est pas
encore installée
Acte
II
Le conseil municipal décida, un peu tardivement
peut-être, la construction d’un Hôtel de ville digne de ce nom, dans cette
ville qui comptait maintenant plus de 11 000 habitants. De plus, mêler
politique et patronat n’était plus de très bon aloi dans cette Troisième
République naissante. Quoi qu’il en soit, l’édification du bâtiment fut
financée à 50 % par la Mine, sur un terrain appartenant à cette dernière et à
partir des plans de ses propres architectes, Goichot et Suisse. Toutes les conditions
étaient réunies pour qu’un procès éclate en 1878 lorsqu’une liste républicaine
menée par le docteur Jeannin fut portée aux commandes de la commune, une partie
de la mairie servant notamment de local au Cercle des Employés et Ingénieurs de
la Mine.
L’hôtel de ville au centre,
l’ancienne gendarmerie à droite, à gauche le bateau-lavoir sur le canal
A la création de la commune de Montceau-les-Mines, les
brigades de gendarmerie les plus proches étaient cantonnées à Blanzy et à Mont-Saint-Vincent.
La population montcellienne grossissant, la nécessité de créer une nouvelle
brigade se fit sentir.
Alors, en 1874, sur la future place de l’Hôtel de ville, propriété de la Mine, cette dernière édifia à
ses frais, un imposant bâtiment, qui descendait jusqu’au canal : une
gendarmerie. Cet édifice, élevé sur cave, se composait d’un rez-de-chaussée, de
deux étages et de greniers. La Compagnie des Mines régla son coût en totalité
et le loua au Conseil général. Deux brigades de gendarmerie à pied furent
installées dans les lieux mais la Compagnie fit rapidement la demande d’une
troisième brigade, à cheval celle-ci, ainsi que la création d’un poste d’officier.
Un décret du 29 mai 1876 autorisa l’échange, avec Chagny, de l’une des deux
brigades à pied contre une brigade montée. Une écurie fut rajoutée au bâtiment
logeant alors 18 hommes et 6 chevaux.
Place de l’hôtel de ville et
gendarmerie à droite
Il est bien connu qu’une École Primaire Supérieure avait
été créée à Montceau-les-Mines en 1882, la première du département (voir
l’article du blog https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2019/01/lecole-primaire-superieure-de-montceau.html#more). Cette
dernière avait vu le jour grâce à l’insistance du maire de la ville, le docteur
Octave Jeannin, fervent républicain, et ce, malgré les pressions de la Mine qui
entendait bien maintenir le monopole de ses écoles. Depuis quelques années
déjà, le seul enseignement public réservé aux enfants dont les parents ne
travaillaient pas pour la Mine, s’était installé dans l’Hôtel de Ville, deux
(trois ?) classes primaires y étaient présentes, complétées par la
location de la « maison Bonnot », rue de l’Église (voir l’article du
blog https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2021/03/enquetesur-les-ecoles-de-saone-et-loire.html#more
). Il fallut attendre la construction de l’école publique de garçons de la rue
de l’Est (notre musée), ouverte en 1881, pour libérer les locaux de l’Hôtel de Ville
au profit d’une École Primaire Supérieure (3 classes). Cette école s’était donc
installée dans les locaux devenus disponibles de l’Hôtel de Ville.
Acte
III
Rapidement, la ville se développant, les services de la
mairie demandaient à s’étendre. Dans le même temps, la gendarmerie avait été
déplacée dans un nouveau bâtiment, construit dans le quartier de Bel-Air, entre
la rue de Bel-Air, actuelle rue Jean Bouveri, et la rue de la Gendarmerie,
actuelle rue Marcel Pagnol, à l’emplacement où sera construit le collège Jean
Moulin à la fin des années 60 (1).
Ancienne gendarmerie de la
place de l’hôtel de ville devenue École Primaire Supérieure
En cette fin de 19e siècle, le quartier de
Bel-Air était très développé et était composé de nombreuses maisons de la Mine
occupées essentiellement par ses employés (2). Les circonstances firent donc
que l’École Primaire Supérieure fut transférée dans les locaux laissés vacants
par les gendarmes, locaux qui suffirent à l’installation de salles de classes
et d’ateliers pour les élèves, ainsi que de logements pour le directeur et deux
professeurs.
Article de presse 1930
Le bâtiment était encore en bon état à l’époque. Il fut racheté
à la Mine le 19 novembre 1886, par le docteur Jeannin, maire
républicain, et les 21 élèves de l’E.P.S de 1881, cantonnés dans l’hôtel de
ville, furent alors 50 à intégrer le nouveau local. Jusqu’à la fin des années
20, une sonnerie électrique envoyait un puissant signal sonore qui rythmait les
entrées et sorties de cours (de 8 heures à 11 heures 15 et de 13 heures à 16
heures 15), tandis que l’horloge de l’Hôtel de Ville, sonnait tous les quarts d’heure !
Dans les années 30, le coup de sifflet du directeur avait remplacé la sonnerie
et décidait de la fin des récréations sur la place de l’Hôtel de Ville…
Une des dernières promotion
de l’E.P.S avant le transfert au nouveau collège de Bel-Air, futur lycée
Henri-Parriat
Finalement, l’E.P.S fut livrée aux
démolisseurs à la fin du mois d’avril 1956, le bâtiment fissuré n’étant plus en
état d’accueillir les élèves. L’établissement était devenu un collège, avant de
devenir un lycée après son transfert dans un nouveau bâtiment, construit à
partir de 1952 sur l’emplacement d’un atelier de tissage, à Bel-Air. Le nouveau
bâtiment ouvrit ses portes à la rentrée d’octobre 1955. Le futur lycée
Henri-Parriat était né.
Sortie du
personnel de l’atelier de tissage de Bel-Air au début du 20e siècle
Sortie et
entrée des élèves du lycée encore en construction, en lieu et place de l’atelier
de tissage
Épilogue
L’architecture de la nouvelle gendarmerie de Bel-Air
rappelait étrangement celle de l’ancienne gendarmerie devenue École Primaire
Supérieure et il n’est pas rare de voir, de nos jours, les deux bâtiments
confondus dans certains ouvrages ou publications.
Gendarmerie devenue E.P.S
(1874)
Gendarmerie de Bel-Air
(1886)
A bien y regarder, les différences sont toutefois
nombreuses, tant pour la façade que pour la toiture, le plus caractéristique
étant l’entrée : celle de l’E.P.S formant une arche et celle de la
gendarmerie étant plus classique, quoi que beaucoup plus large, comportant 3
rangées de fenêtres. Le toit de l’E.P.S était en ardoises, comme l’est celui de
l’hôtel de ville, son contemporain, tandis que celui de la gendarmerie, plus
récent, était en tuiles mécaniques, fleuron de la production locale. Chaque
bâtiment avait sa légère avancée centrale mais coiffée différemment. Si le
matériau des murs et des 4 cheminées fut le même, le style des ouvertures différa
quelque peu par les linteaux cintrés de la gendarmerie. Ma préférence serait
volontiers allée vers la vieille École Primaire Supérieure et ses trois étages
plutôt que deux, si le temps n’avait pas fait son œuvre..
Hôtel de ville et E.P.S
(années 50 ?)
Sources et bibliographie :
- Archives musée de la Maison d’École.
- Documentation écomusée.
- Témoignage oraux.
- Jadis…
Montceau-les-Mines ; Au temps du Montceau ou les origines de
Montceau-les-Mines1814-1857 ; Chagot-ville ou la naissance de Montceau-les-Mines
1851-1856-1881, Frédéric
Lagrange-Association La Mine et Les Hommes.
- Cartes postales : collection musée et collections
privées.
Patrick PLUCHOT
(1) : En
1967, après un an au G.O.D (Groupe d’Observation Dispersé) de l’école du « Centre »
(Jean Jaurès), j’ai eu l’honneur de faire l’ouverture du C.E.S Jean Moulin en
classe de 5e, établissement non terminé mais déjà semi fonctionnel bien que
sans personnel de direction encore. Monsieur Pichon faisait la navette entre le
lycée et le collège pour en assurer la marche. À droite de la cour encore en
terre battue s’élevait un haut mur, derrière lequel se dressait toujours le
bâtiment de la gendarmerie qui bientôt laisserait place à la nouvelle aile du
collège et à son gymnase flambant neuf supplantant l’ancien où avaient officié
MM. Pauchard, Rey et Turostowski (pardon pour l’orthographe…). La gendarmerie
fut déplacée au Plessis avant de disparaître définitivement. À l’époque, nous
longions donc, tous les jours d’école, cet édifice de la rue de la Gendarmerie
au bout de laquelle se situait l’entrée des élèves du C.E.S.
1902, le port de la
moustache faisait-il partie du règlement ? Quelques excentricités Napoléon
III subsistaient encore…
(2) : En
1862 est commencée la construction de la cité de Bel-Air, dans le prolongement
du quartier du Montceau qui comptait déjà 78 logements destinés aux employés de
la Compagnie. Bel –Air était un hameau « emprunté » à la commune de
Blanzy en 1856. Il est confirmé que cette cité était aussi réservée en majorité
aux employés : en 1876, on y dénombrait 39 familles de mineurs, 1 famille
de manœuvre, 38 d’employés et 36 d’agents de maîtrise.
Quelque
vues de l’Hôtel de Ville dans le temps
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