mercredi 4 décembre 2024

Ecole ou gendarmerie ?

 

D’une gendarmerie à l’autre

Quand la confusion s’installe

Acte I

Depuis 1856, le hameau du Montceau était devenu une commune, empruntant des fractions de territoire aux communes limitrophes. Blanzy céda quelques lieux-dits : le Monceau, le Bois-du-Verne, les Etivaux, la Petite-Sorme, Bel-Air, le Plessis, le Moulin, les Grands-Bois, le Bois-de-Gueurce ; Saint-Vallier en céda d’autres : les Oiseaux, Lucy, Barrat, la Saule ; Saint-Bérain-sous-Sanvignes n’en céda qu’un : le Bois-Garnier, de même que Sanvignes avec le Magny. 2302 habitants changèrent ainsi de commune sans se déplacer… En 1868, Blanzy et Sanvignes vont être mises à nouveau à contribution. À nouvelle commune, nouvel Hôtel de Ville et nouvelle gendarmerie, ce sera chose faite en 1874-75, car, jusqu’alors, la vie de Montceau-les-Mines était intimement liée à celle de la Mine, notamment au niveau des locaux communaux. Il est en effet établi qu’à sa création et pour de longues années, la commune ne posséda aucun édifice public et n’eut ni rues, ni places, ni ressources pécuniaires…


« L’administration de la compagnie et celle de la commune étant réunies dans les mêmes mains, la fusion des intérêts a été d’autant plus intime que la population ne se composait guère que des personnes directement ou indirectement employées par la Compagnie »

M. Boisviel, avocat au conseil d’État, 1880

Toujours en 1856, à la création de la commune de Montceau-les-Mines, Léonce Chagot, co-gérant de la Compagnie des Mines depuis 1833 (dont il détenait déjà ¼ des parts depuis 1831), devint le seul patron de la nouvelle Société Jules Chagot et Cie, à la suite de la démission de MM. Perrin-Morin. Il fut le premier maire de la ville, nommé par décret impérial. 

Récréation pour les élèves des classes de l’hôtel de ville, les élèves et leur maître peu après la construction, l’horloge n’est pas encore installée

Acte II

Le conseil municipal décida, un peu tardivement peut-être, la construction d’un Hôtel de ville digne de ce nom, dans cette ville qui comptait maintenant plus de 11 000 habitants. De plus, mêler politique et patronat n’était plus de très bon aloi dans cette Troisième République naissante. Quoi qu’il en soit, l’édification du bâtiment fut financée à 50 % par la Mine, sur un terrain appartenant à cette dernière et à partir des plans de ses propres architectes, Goichot et Suisse. Toutes les conditions étaient réunies pour qu’un procès éclate en 1878 lorsqu’une liste républicaine menée par le docteur Jeannin fut portée aux commandes de la commune, une partie de la mairie servant notamment de local au Cercle des Employés et Ingénieurs de la Mine. 

L’hôtel de ville au centre, l’ancienne gendarmerie à droite, à gauche le bateau-lavoir sur le canal

A la création de la commune de Montceau-les-Mines, les brigades de gendarmerie les plus proches étaient cantonnées à Blanzy et à Mont-Saint-Vincent. La population montcellienne grossissant, la nécessité de créer une nouvelle brigade se fit sentir.

Alors, en 1874, sur la future place de l’Hôtel de ville,  propriété de la Mine, cette dernière édifia à ses frais, un imposant bâtiment, qui descendait jusqu’au canal : une gendarmerie. Cet édifice, élevé sur cave, se composait d’un rez-de-chaussée, de deux étages et de greniers. La Compagnie des Mines régla son coût en totalité et le loua au Conseil général. Deux brigades de gendarmerie à pied furent installées dans les lieux mais la Compagnie fit rapidement la demande d’une troisième brigade, à cheval celle-ci, ainsi que la création d’un poste d’officier. Un décret du 29 mai 1876 autorisa l’échange, avec Chagny, de l’une des deux brigades à pied contre une brigade montée. Une écurie fut rajoutée au bâtiment logeant alors 18 hommes et 6 chevaux.

Place de l’hôtel de ville et gendarmerie à droite

Il est bien connu qu’une École Primaire Supérieure avait été créée à Montceau-les-Mines en 1882, la première du département (voir l’article du blog https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2019/01/lecole-primaire-superieure-de-montceau.html#more). Cette dernière avait vu le jour grâce à l’insistance du maire de la ville, le docteur Octave Jeannin, fervent républicain, et ce, malgré les pressions de la Mine qui entendait bien maintenir le monopole de ses écoles. Depuis quelques années déjà, le seul enseignement public réservé aux enfants dont les parents ne travaillaient pas pour la Mine, s’était installé dans l’Hôtel de Ville, deux (trois ?) classes primaires y étaient présentes, complétées par la location de la « maison Bonnot », rue de l’Église (voir l’article du blog https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2021/03/enquetesur-les-ecoles-de-saone-et-loire.html#more ). Il fallut attendre la construction de l’école publique de garçons de la rue de l’Est (notre musée), ouverte en 1881, pour libérer les locaux de l’Hôtel de Ville au profit d’une École Primaire Supérieure (3 classes). Cette école s’était donc installée dans les locaux devenus disponibles de l’Hôtel de Ville.

Acte III

Rapidement, la ville se développant, les services de la mairie demandaient à s’étendre. Dans le même temps, la gendarmerie avait été déplacée dans un nouveau bâtiment, construit dans le quartier de Bel-Air, entre la rue de Bel-Air, actuelle rue Jean Bouveri, et la rue de la Gendarmerie, actuelle rue Marcel Pagnol, à l’emplacement où sera construit le collège Jean Moulin à la fin des années 60 (1)

Ancienne gendarmerie de la place de l’hôtel de ville devenue École Primaire Supérieure

En cette fin de 19e siècle, le quartier de Bel-Air était très développé et était composé de nombreuses maisons de la Mine occupées essentiellement par ses employés (2). Les circonstances firent donc que l’École Primaire Supérieure fut transférée dans les locaux laissés vacants par les gendarmes, locaux qui suffirent à l’installation de salles de classes et d’ateliers pour les élèves, ainsi que de logements pour le directeur et deux professeurs. 

Article de presse 1930

Le bâtiment était encore en bon état à l’époque. Il fut racheté à la Mine le 19 novembre 1886, par le docteur Jeannin, maire républicain, et les 21 élèves de l’E.P.S de 1881, cantonnés dans l’hôtel de ville, furent alors 50 à intégrer le nouveau local. Jusqu’à la fin des années 20, une sonnerie électrique envoyait un puissant signal sonore qui rythmait les entrées et sorties de cours (de 8 heures à 11 heures 15 et de 13 heures à 16 heures 15), tandis que l’horloge de l’Hôtel de Ville, sonnait tous les quarts d’heure ! Dans les années 30, le coup de sifflet du directeur avait remplacé la sonnerie et décidait de la fin des récréations sur la place de l’Hôtel de Ville…

Une des dernières promotion de l’E.P.S avant le transfert au nouveau collège de Bel-Air, futur lycée Henri-Parriat

Finalement, l’E.P.S fut livrée aux démolisseurs à la fin du mois d’avril 1956, le bâtiment fissuré n’étant plus en état d’accueillir les élèves. L’établissement était devenu un collège, avant de devenir un lycée après son transfert dans un nouveau bâtiment, construit à partir de 1952 sur l’emplacement d’un atelier de tissage, à Bel-Air. Le nouveau bâtiment ouvrit ses portes à la rentrée d’octobre 1955. Le futur lycée Henri-Parriat était né.


Sortie du personnel de l’atelier de tissage de Bel-Air au début du 20e siècle




Sortie et entrée des élèves du lycée encore en construction, en lieu et place de l’atelier de tissage

Épilogue

L’architecture de la nouvelle gendarmerie de Bel-Air rappelait étrangement celle de l’ancienne gendarmerie devenue École Primaire Supérieure et il n’est pas rare de voir, de nos jours, les deux bâtiments confondus dans certains ouvrages ou publications.

Gendarmerie devenue E.P.S (1874)


Gendarmerie de Bel-Air (1886)

A bien y regarder, les différences sont toutefois nombreuses, tant pour la façade que pour la toiture, le plus caractéristique étant l’entrée : celle de l’E.P.S formant une arche et celle de la gendarmerie étant plus classique, quoi que beaucoup plus large, comportant 3 rangées de fenêtres. Le toit de l’E.P.S était en ardoises, comme l’est celui de l’hôtel de ville, son contemporain, tandis que celui de la gendarmerie, plus récent, était en tuiles mécaniques, fleuron de la production locale. Chaque bâtiment avait sa légère avancée centrale mais coiffée différemment. Si le matériau des murs et des 4 cheminées fut le même, le style des ouvertures différa quelque peu par les linteaux cintrés de la gendarmerie. Ma préférence serait volontiers allée vers la vieille École Primaire Supérieure et ses trois étages plutôt que deux, si le temps n’avait pas fait son œuvre.. 

Hôtel de ville et E.P.S (années 50 ?)

Sources et bibliographie :

- Archives musée de la Maison d’École.

- Documentation écomusée.

- Témoignage oraux.

- Jadis… Montceau-les-Mines ; Au temps du Montceau ou les origines de Montceau-les-Mines1814-1857 ; Chagot-ville ou la naissance de Montceau-les-Mines 1851-1856-1881, Frédéric Lagrange-Association La Mine et Les Hommes.

- Cartes postales : collection musée et collections privées.

 Patrick PLUCHOT

(1) : En 1967, après un an au G.O.D (Groupe d’Observation Dispersé) de l’école du « Centre » (Jean Jaurès), j’ai eu l’honneur de faire l’ouverture du C.E.S Jean Moulin en classe de 5e, établissement non terminé mais déjà semi fonctionnel bien que sans personnel de direction encore. Monsieur Pichon faisait la navette entre le lycée et le collège pour en assurer la marche. À droite de la cour encore en terre battue s’élevait un haut mur, derrière lequel se dressait toujours le bâtiment de la gendarmerie qui bientôt laisserait place à la nouvelle aile du collège et à son gymnase flambant neuf supplantant l’ancien où avaient officié MM. Pauchard, Rey et Turostowski (pardon pour l’orthographe…). La gendarmerie fut déplacée au Plessis avant de disparaître définitivement. À l’époque, nous longions donc, tous les jours d’école, cet édifice de la rue de la Gendarmerie au bout de laquelle se situait l’entrée des élèves du C.E.S.



1912, les brigades de Montceau et les renforts à la nouvelle gendarmerie – Meeting lors des mouvements sociaux devant l’ancienne gendarmerie (E.P.S) et l’Hôtel de ville

1902, le port de la moustache faisait-il partie du règlement ? Quelques excentricités Napoléon III subsistaient encore…

(2) : En 1862 est commencée la construction de la cité de Bel-Air, dans le prolongement du quartier du Montceau qui comptait déjà 78 logements destinés aux employés de la Compagnie. Bel –Air était un hameau « emprunté » à la commune de Blanzy en 1856. Il est confirmé que cette cité était aussi réservée en majorité aux employés : en 1876, on y dénombrait 39 familles de mineurs, 1 famille de manœuvre, 38 d’employés et 36 d’agents de maîtrise.

Quelque vues de l’Hôtel de Ville dans le temps




















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