Si
Rémi et Colette nous étaient contés
Joseph
Juredieu, un montcellien remarquable
(collection musée)
Une
méthode de lecture qui bat des records de popularité
Je
vous parle d’un temps que les moins de cinquante ans ignorent, mais qui aura
marqué la génération de leurs parents ou grands-parents. C’est en 1947 que
Joseph Juredieu, né le 2 juin 1900 à Montceau-les-Mines, et Eugénie Mourlevat,
créèrent le fameux livre de lecture « Rémi et Colette ». Ce manuel de
lecture, complété au fil du temps, par des fiches pédagogiques, des cahiers
d’écriture, des planches didactiques, des étiquettes, des tableaux muraux, des
jeux de lecture et divers accessoires, verra une dernière édition paraître en
2015. Retour sur cet ouvrage et son créateur.
Né le 2 juin 1900 à
Montceau, c’est à l’école primaire du quartier de La Lande que Joseph Juredieu
fit ses premières armes, accompagné qu’il fut par un maître hors pair dont il
gardera longtemps le souvenir : Alexandre Beugras. C’est logiquement à
l’E.P.S (Ecole Primaire Supérieure) de Montceau qu’il fut admis ensuite. Là
encore, il fut marqué par deux éminentes personnalités : Messieurs les
professeurs Bonnot et Barralier (1) qui lui firent aimer les
sciences et la littérature. Il fut brillamment reçu au concours de l’Ecole Normale
et intégra la promotion 1916-1919, dont il fut Major. A la suite des années
sombres de la Grande Guerre (2), il opta alors pour des études
plus approfondies de lettres qui le menèrent au professorat d’Ecole Primaire
Supérieure ou d’Ecole Normale qu’il exerça jusqu’en 1937. C’est cette année-là
qu’il fut nommé sur un poste d’inspecteur primaire à Fontenay-le-Comte, puis à
Clermont-Ferrand et enfin à Paris jusqu’à la retraite.
Il épousa Alice Dechaume,
Directrice de l’Ecole Normale de Paris, du 56 boulevard des Batignolles. Ils
eurent une fille, Claire, qui devint chef de clinique de la faculté de médecine
de Paris et dirigea un service à l’hôpital de la Cité universitaire. (D’après le bulletin de l’Amicale N° 87,
1966, collection musée) Joseph Juredieu décèdera le 21 novembre 1980 dans
la commune de la Verrière (78-Yvelines).
Hommage de Roger Denux (3),
bulletin de l’Amicale N°6, 1982-1983 (collection musée)
Rémi,
Colette et consorts
La première édition du « Rémi
et Colette » en deux livrets, date de 1947, illustrée par René Bresson (4).
Cette méthode de lecture fut signée Joseph Juredieu et Eugénie Mourlevat, directrice
d’école maternelle annexe. Ce fut l’un des manuels les plus populaires jusque
dans les années 1980, sans grande évolution pendant 25 ans : Rémi porte
une culotte courte, Colette une robe légère bouffante et maman une longue jupe resserrée
à la taille, style « New Kook » d’après-guerre. Le manuel et les
accessoires sont en couleur, en deux couleurs en fait, le rouge et le vert. Le
texte restera immuable mais les illustrations seront remaniées et colorisées
dans les années 1970. En 1971, les deux livrets sont réunis en un seul volume.
Cliquez ici pourvoir la vidéo 1
Cliquez ici pourvoir la vidéo 2
Cette méthode dite « mixte », combinant analyse et synthèse, proposait des activités « globales » limitées à 5 leçons permettant d’acquérir une vingtaine de mots-clés. Les mots de la phrase étant connus, on les décomposait alors en syllabes puis en lettres avant de former de nouveaux mots et de nouvelles phrases. Les nombreux jeux et exercices de contrôle accompagnant la méthode (étiquettes, cartes, planches) mêlèrent lecture, écriture et orthographe dans des cahiers de l’élève Rémi et Colette. Les séries Lisons de belles histoire (CP/CE1, CE1, CE2, années 1960) et Lisons de beaux textes (CM1), chez Magnard, produites par les époux Juredieu (Alice et Joseph) accompagnèrent la méthode.
(collection musée)
Tampons,
étiquettes, cahiers, cartes et tableaux
Illustrateur
René Bresson
Sources :
-
Documentation musée.
-
Bulletins N° 6, 8, 9, 87 de l’Amicale
(collection musée)
-
Gallica.bnf.fr.
-
Wikipédia.
-
Lelivre.com
-
Manuelsanciens.com
Prochainement : « Les méthodes de
lecture en question »
(1) :
Voir l’article du blog L’Ecole
Primaire Supérieure de Montceau-les-Mines, la première E.P.S du département, janvier 2019 : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2019/01/lecole-primaire-superieure-de-montceau.html#more.
(2) :
La promotion 1916-1919 de
l’Ecole Normale de Mâcon, 7e au dernier rang en partant de la
gauche, extrait du bulletin N°87 de l’Amicale, 1966 (collection musée)
La
promotion 1916/1919 vue par Joseph Juredieu
« Le
1er octobre 1916, nous étions trente à faire notre entrée à l’Ecole
Normale. La troisième année de guerre était entamée et depuis sept mois le
canon tonnait sans relâche à Verdun. Comme nos camarades des deux promotions
précédentes, nous ne connûmes pas les locaux de l’Ecole, occupés par un hôpital
militaire. En première année, les cours étaient donnés à la Chambre des
Notaires et en deuxième et troisième année, à l’Orangerie, dépendance de la
Préfecture. Lorsque nous fûmes en possession de notre uniforme et que nos
anciens nous eurent baptisés au vin blanc dans la salle de la Patte d’Oie, nous
devînmes de vrais roupanards…
Nos deux premières années de l’Ecole Normale
s’écoulèrent dans l’atmosphère d’une guerre atroce. A tout moment, l’un de nous apprenait qu’un de ses proches
était tué, ou grièvement blessé, ou porté disparu. Nos camarades des deux
promotions précédentes et quelques-uns de notre promotion nous quittèrent en
avril 1917, en avril et août 1918. Une des morts qui nous frappèrent le plus
fut, en juin 1918, celle de CHALUMEAU, que tout le monde admirait pour son
intelligence exceptionnelle.
Pendant nos récréations de 16 à 17 heures, nous
allions souvent à la gare pour lire les gros titres et les manchettes des
journaux du soir. Parfois, notre Directeur, M. LAURENCIN, se joignait en ville
à l’un de nos groupes et nous commentait les dernières nouvelles.
La majeure partie de notre promotion passa le conseil
de révision pendant l’été de 1918. CLEMENCEAU pensant avoir besoin de la classe
20 au printemps suivant. En attendant, nous faisions régulièrement de la préparation
militaire ; nous nous rendions au stand au pas cadencé, en chantant la
Madelon ou les airs martiaux qu’entonnaient nos aïeux de 1792. (..)
Nous n’étions pas toujours envahis par des pensées
tristes. La jeunesse ne perd jamais ses droits. (..) Le règlement était sévère.
Il était défendu de fumer et d’entrer dans un café, même à la campagne ;
sans doute nous dérogions parfois à ces interdictions, mais c’était toujours
modérément : notre argent de poche était si modique ! (..) Le jeudi après-midi,
nous sortions par petits groupes sous la responsabilité d’un normalien de 3ème
année, qui indiquait par avance au Directeur l’itinéraire choisi. Le dimanche,
nous sortions librement jusqu’à cinq heures ; en cela, nous étions plus
favorisés que les normaliennes, conduites par un professeur vigilant en dehors
de la ville. Ceux qui avaient une amie
parmi elles parvenaient à croiser le groupe, et des regards et des sourires
chargés de tendresse s’échangeaient pendant quelques secondes.
Au début de notre troisième année, la
victoire des alliés s’affirmait sur tous les fronts. Nous apprîmes au début de
novembre que les allemands avaient demandé un armistice. Le 11 novembre, à
midi, les cloches de Mâcon sonnèrent à toute volée ; tout le monde
comprit. Nous quittâmes aussitôt nos pensions, nous mêlant à la foule qui
envahissait les rues. C’était une extraordinaire explosion de joie : s’en
était fini de l’hécatombe ! Nous allions revoir ceux qui avaient couru
tant de périls et montré tant de courage ; la paix saurait écarter tout
risque d’une nouvelle guerre… La marée humaine nous entraîna vers la
Préfecture, où s’organisait un immense défilé ; notre Directeur, nos
professeurs étaient parmi nous. Journée unique, journée inoubliable.)
D’après
la chronique du Cinquantenaire, Joseph JUREDIEU (16/19) Bulletin n° 87, 1966
(3) : Voir l’article du blog Roger Denux,
né à Montceau-les-Mines et mort à Saint-Vallier, avril 2024 : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2024/04/roger-denux-instituteur-ecrivain.html#more.
(4) : René Bresson, artiste peintre, est un
illustrateur qui a beaucoup produit pour les manuels scolaires à partir de 1950.
On retrouve ses images dans nombre de manuels de lecture, d’histoire, de
géographie et de sciences. Il a aussi travaillé pour les éditions MDI (Maison
des Instituteurs) pilotées par Jean Anscombre (descendant des fondateurs des
éditions Anscombre-tableaux muraux : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2017/12/lenseignement-par-tableau-mural.html#more)
, dessinant notamment une série de
planches sur « La maison ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire