Apprendre
à lire : méthode globale ou mixte ?
Les
clés de la liberté
Les
instructions de 1923 : une révolution ?
Tout
d’abord, revenons à notre registre des conférences pédagogiques de Palinges.
Messieurs les Inspecteurs se sont succédé depuis 1881, après M. Clère et M.
Lapaiche, M. Schlique a pris les rênes de la circonscription de
Montceau-les-Mines. C’est donc à lui qu’incombe la tâche d’expliquer le sens de
la réforme de 1923, et notamment au niveau de l’enseignement de la lecture.
Pour chaque matière, les généralités seront abordées lors de la conférence du
20 octobre 1923. Au sortir du grand conflit qui a ébranlé les certitudes des
fondateurs de la Troisième République, va venir le temps des recherches
pédagogiques, de l’innovation, du développement de la psychopédagogie et de la
prise en compte de l’enfant, vaste chantier.
Fait
suite à l’article « Apprendre à lire :
la méthode syllabique » : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2024/06/apprendre-lire-la-methode-syllabique-le.html#more
De
nouvelles méthodes issues de la recherche pédagogique
« C’est le goût de la lecture qu’il faut avant tout inculquer aux élèves. » (Instructions ministérielles de 1923)
Registre des conférences
pédagogiques de 1881 à 1961, séance du 20 octobre 1923 (collection musée)
Comme nous l’avons vu dans
l’article précédent (1), lors de la conférence de janvier 1881, M. l’Inspecteur
ouvrait une porte vers l’apprentissage de la lecture, porte qui menait à un
couloir fort étroit dans la conférence de mai 1881, où l’inspecteur précisait
la méthode par des directives ne laissant que peu d’autonomie aux maîtres dans
leurs choix pédagogiques. Cette fois, lors de la conférence du 11 octobre 1924,
la méthode d’apprentissage de la lecture est laissée au choix
l’enseignant.
Pour la première fois dans
la circonscription, les termes de « méthode globale » et de « méthode
analytique et synthétique » sont employés : la première méthode est
abordée avec toutes les réserves d’usage, déjà : « On accuse cette méthode de ne pas enseigner l’orthographe
(..) », la seconde méthode, qui mixte la déduction, la démonstration,
l’exposition didactique de la synthèse et l’induction, l’invention, la
recherche expérimentale de l’analyse, l’est avec l’enthousiasme de la nouveauté.
On notera tout de même un curieux mélange de terme plutôt employés dans le
domaine des sciences et que les pédagogues de l’Ecole nouvelle ont appliqué
plus ou moins heureusement à la lecture (2).
Registre des conférences
pédagogiques de 1881 à 1961, séance du 11 octobre 1924 (collection musée)
La confusion s’installe
désormais, opposant ces différentes méthodes, tout en leur accordant quelques
similitudes : « Méthode
analytique et synthétique. Elle ressemble un peu à la méthode globale
(..) ». Alors, n’y aurait-il que si peu de différences entre les
méthodes qu’il serait possible de les « associer » ?
Pourtant, M. Horner donnera une définition tranchée : « La méthode synthétique consiste à partir des premiers éléments
des mots pour arriver aux syllabes ; des syllabes on passe aux mots, des
mots aux phrases. La méthode analytique, au contraire, fait d’abord lire le mot
rose en entier, puis par syllabes, ro se, d’où elle descend aux premiers
éléments, c’est-à-dire aux lettres. » Il en conclut que la méthode
synthétique de lecture correspond aux vieilles pratiques de nos écoles tandis
que la méthode analytique pure serait encore presque inconnue dans ces
dernières.
Globale/analytique ou
syllabique/synthétique ? Cette conférence d’octobre 1924 ne dissipe pas le
flou, on pourrait à nouveau conclure de ne pas choisir entre les méthodes, mais
emprunter à chacune d’elles ce qu’elle peut avoir de bon. La méthode mixte est
née, tandis que la méthode globale ne trouve que peu d’écho dans la
circonscription. On n’y fait référence (très succinctement) que lors de la
conférence du 3 novembre 1925, sous la présidence de l’inspecteur Schlique et
celle du 10 novembre 1934, sous la présidence de l’inspecteur Hamann.
Registre des conférences
pédagogiques de 1881 à 1961, séance du 3 novembre 1925 (collection musée)
Registre des conférences
pédagogiques de 1881 à 1961, séance du 10 novembre 1934 (collection musée)
La conférence du 25
septembre 1961 ne lève toujours pas le voile sur la façon d’enseigner la
lecture mais dresse un constat déjà alarmiste de la situation avant la mise en
application d’une nouvelle réforme. On remarquera que, déjà, ce constat impute
en partie les difficultés rencontrées en lecture, à l’évolution de la société
et à la démocratisation de l’école à laquelle on n’octroie pas assez de
moyens.
Registre des conférences
pédagogiques de 1881 à 1961, séance du 25 septembre 1961 (collection musée)
Les
origines de la méthode globale
Si la méthode globale ne
fait son apparition dans les registres qu’après les instructions de 1923, elle
fut mise au point dès le début du 20e siècle par son fondateur,
Ovide Decroly, un des pionniers de l’Ecole nouvelle (2), dont l’école
expérimentale de l’Ermitage, près de
Bruxelles, fut reconnue par l’Etat belge en 1921. Ce pédagogue observa que
l’enfant possédait visuellement une représentation globale de ce qui l’entoure
et que d’autre part, sa pensée s’organisait autour de ses propres centres
d’intérêts, les jeux et les activités manuelles notamment, approche dont
l’enseignement traditionnel était dépourvu. Il conçut donc une méthode de
lecture qui devait permettre aux enfants de vite prendre goût à la lecture car
ayant, dès le départ, une lecture plus fluide en lisant des mots mémorisés sans
passer par l’apprentissage automatisé et oral des lettres et des syllabes. Au
fil des années, surtout sous la pression de certains pédagogues et de leurs
reproches, les enseignants adaptèrent cette méthode à travers une « démarche
mixte conjointe » avec entrée simultanée dans l’écrit, ou « démarche
mixte enchaînée » avec un passage différé à la méthode analytique, au
grand dam des puristes…
En matière de puristes,
comment ne pas évoquer la mémoire de ce grand militant de l’Ecole émancipée qui
mit au point l’essentiel de la pédagogie dite « active » entre 1920
et 1925, ce qui lui valut une carrière mouvementée (3) : Célestin
Freinet. Pour lui, apprendre à lire n’est pas un apprentissage isolé : il
lie trois actions : lire, dire, écrire (maxime reprise à maintes reprises),
qui sont, pour lui, indissociables. Freinet refuse tout manuel scolaire, les
textes libres, témoignages ou récits rédigés au sein de la classe, seront le
support de tous les apprentissages, en respectant le rythme de chacun. D’aucun
ont pensé à une douce anarchie, mais que nenni, cette méthode était beaucoup
plus directive qu’on ne le croit et nécessitait, en l’absence de manuels, de
grandes compétences et une disponibilité permanente de la part du maître qui
devait construire des supports en liaison avec le profil et la progression de
la classe. Cette méthode « naturelle » de lecture et d’écriture ne
pouvait être maîtrisée que par des enseignants d’exception. Elle inspirera la
pédagogie contemporaine.
Manuel Lire dire écrire, 2005
Module d’enseignement
ac-nancy-metz.fr, 2021
Manuel Lire dire écrire,
2023
(ICEM)
Les
méthodes globales ou mixtes en quelques mots
Les vocables se succèdent,
se mêlent ou se substituent : méthodes dites globale, analytique,
semi-globale (à mi-chemin entre méthodes analytique et globale), mixte.
Difficile de s’y retrouver, on dit qu’une méthode de lecture est analytique
lorsqu’elle part du mot entier pour « l’analyser » et découvrir les
syllabes puis les lettres ; on dit qu’une méthode est mixte quand elle
mixe les approches analytique et syllabique ; on dit que ces méthodes sont
« naturelles » puisqu’elles partent du mot entier ou de la phrase
entière et que « naturellement », c’est la manière dont nous nous exprimons
et non pas par lettres ou par syllabes.
Finalement appelées
« méthode syllabique à départ global » ou « méthode globale à
départ syllabique », elles restent très controversées. Nathan présente une
« nouvelle »méthode de lecture en 2017 : « Trampoline CP est une nouvelle méthode de lecture conforme aux
programmes de 2016 et fondée sur une étude séparée du code et de la
compréhension pour une grande souplesse d’utilisation ». Ses
détracteurs, les mêmes qui s’opposent à la méthode globale, en font une analyse
immédiate arguant qu’il est insensé de séparer le code et la compréhension, on
décode pour comprendre, décoder pour décoder n’a aucun intérêt… Le débat n’est
pas clos (4).
En pratique, la méthode
mixte la plus usitée a sans conteste été la méthode mixte à départ global. La
leçon de lecture se décomposait en quatre moments : une phase orale avec
un texte global de départ, une lettre à étudier, une syllabe nouvelle, des jeux
de lecture et d’écriture. De nombreux manuels ont développé cette méthode et le travail des maîtres s’en est trouvé simplifié car ces manuels furent
souvent accompagnés d’un matériel pédagogique adapté : des tableaux
d’élocution, des fiches d’exercices de lecture, des lettres mobiles ou autres.
Florilège :
Lecture globale, méthode
Rouquié, 1924
La lecture par la méthode
active, méthode Guilmain, 1930
Je lirai bientôt, Hermain
Dubus, 1945
Rémi et Colette, Juredieu et
Mourlevat, 1947
Pigeon vole, J. Ségelle,
1953
La méthode rose, Nos amis
Lili et Toto, Souché et Dénouel, 1955
Le livre que j’aime, Morgenthaler
et Isnard, 1959 (première édition 1948)
Daniel et Valérie, Houblain
et Vincent, 1964
Lecture en fête, Bonnevie,
De Coster, Luini, Vian, 1983
Ratus et ses amis, J. Guion,
1987
Gafi, Bentolila, Rémond,
Rousseau, 1992
Nous aurions pu rajouter,
pêle-mêle : Le coffre à bijoux, par
M. Berger et L. Truillet, 1934 ; Au
fil des jours, méthode de lecture mixte et active, par Lucienne Vassort,
illustrée par René Bresson (déjà cité dans l’article sur Juredieu, illustrateur
du Rémi et Colette, 1948 ; Clair
matin, par Marguerite Picard, 1949 ; Line et Riquet lisent, parlent, jouent et chantent, par P.
Bourgeois, 1952 ; Malou, Perlin et
Pinpin, par R. Dommard et R. Foulon, 1954 ; Koko et Rikiki, par Annie Fournier, J. Chauffour et Mariette
Brière, 1955 ; Le jardin de la joie,
méthode moderne de lecture, par S.
Clérambaut, 1957 ; La méthode bleue,
par Corréard et Chatel, 1960 ; Perlotin
le petit lutin, méthode mixte d’apprentissage de la lecture, par G. Breux
et Th. Breux, 1968 ; Poucet et son
ami, par Charlot et Géron, 1973 ; Au
fil des mots, par Ch. Touyarot, Ch. Rolland et Cl. Giribone, 1977 ; Le nouveau sablier, 1977, méthode importée du Canada dans les
années 1970 qui proposait de fixer l’attention de l’élève sur les graphies possibles
pour un même phonème, il devait ranger les « costumes du son » dans
des « placards » (tableaux à double entrée :
« j’entends », « je vois »), méthode très peu usitée dans
la circonscription ; Lectures à
croquer », par L. Bergé, 1996.
Inutile de vous dire que la
liste présentée ici n’a rien d’exhaustif, le nombre des méthodes de lecture
parues en un siècle et demi ayant dépassé les 700 ! Nous espérons
toutefois que certains d’entre vous auront pu reconnaître celle qui fut à
l’origine de leur apprentissage de la lecture et que les souvenirs y étant
attachés seront remontés à la surface (bons ou moins bons…).
Patrick PLUCHOT
Sources :
-
Archives Musée de la Maison d’école.
-
Articles du blog du musée.
-
Sur
les pupitres des écoliers, Noël Coret, 2006
-
L’école
communale dans la Communauté urbaine, A. Dessertenne et J.F. Rotasperti, 1993
-
L’usage
exclusif de la méthode syllabique, in Fenêtre sur cours, 2018.
-
Apprentissage
de la lecture : un rapport critique des « pédagogies
inacceptables » adoptées par les enseignants, in Marianne, Marie-Estelle Pech, 2022.
-
Manuelsanciens.com
-
Archives .org
-
Gallica.Bnf.fr
Une
bibliographie partielle sur l’apprentissage de la lecture à consulter : (pour les courageux)
M. MONTESSORI, Pédagogie scientifique, 6e éd.,
1958, pp. 149201, Desclée De Brouwer (1re éd. 1926).
G. BOUQUET, L'apprentissage de la
lecture, Armand Colin, 1931.
M. CHANSON, S. OLANIÉ, Lecture globale;
lecture active, L.N.S:, 1945.
P. MÉZEIX, Méthodes de lecture, Bourrelier-C.P.M.,
1947.
R. DOTTRENS, E. MARGAIRAZ, L'apprentissage de
la lecture par la méthode globale, Delachaux-Niestlé, 1947.
J. DE AJURIAGUERRA, « L'apprentissage de la lecture et
ses troubles », Enfance, n°5, 1951.
L. BALESSE, C. FREINET, La lecture par
l'imprimerie à l'école, C.E.L., 1961.
C. FREINET, Méthode
naturelle de lecture, C.E.L., 1961.
F. KOCHER, La rééducation
.des dyslexiques, P.U.F. 1962.
A. INIZAN, Le temps
d'apprendre à lire, Armand Colin, 1963.
R. MUCCHIELLI, A. BOURCIER, La
dyslexie, maladie du siècle, E.S.F.,
1964.
H. CANAC, La lecture, Didier, 1965.
S. BOREL-MAISONNY, Perception
et éducation, Delachaux-Niestlé, 1965.
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la lecture, 2 vol., Éditions du Scarabée, 1965-1966.
C. GATTEGNOT, La lecture
en couleurs, Delachaux-Niestlé, 1966.
S. BOREL-MAISONNY, Langage oral et
écrit, vol. 1, Delachaux-Niestlé, 1966.
A. HAMAÏDE, La méthode
Decroly, e éd., pp. 112-138, Delachaux-Niestlé, 1966.
G. MIALARET, L'apprentissage
de la lecture, P.U.F., 1966.
A. GIROLAMI-BOUTINIER, Prévention
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de la lecture et dyslexie, G. Thone, Liège, 1967.
D. VIMAL DE SAINT-POL, La lecture par les
méthodes actives, Nathan, 1967.
M. DE MAISTRE, Dyslexie,
dysorthographie, 2 vol., Editions universitaires, 1968.
CL. CHASSAGNY, La lecture et l'orthographe
chez l'enfant, P.U.F., 1968.
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conquête de la langue, Nathan, 1971.
L. BOULAY, J. BANDET, Vers l'apprentissage du
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les apprentissages précoces, P.U.F., 1982.
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Y. CHENOUF, G. FAUCON, Des
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tous, M.D.I., 1983.
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lecteurs - pourquoi ? P.U.F., 1986.
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de la lecture, C.R.D.P., Rouen, 1987.
Un
complément psychopédagogique : (pour les très courageux)
ALAIN, Propos sur
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P. GUILLAUME, La formation
des habitudes, P.U.F., 1948 (1re éd. 1936).
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l'enfant, Armand Colin, 1941.
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N. CATACH, L'orthographe
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M. HURTIG, J.A. RONDAL Introduction
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J.M. ROBERT, Comprendre
notre cerveau, Seuil, 1982.
J.-P. BRONCKART, M. KAIL, G.
Noizet, Psycholinguistique de l'enfant, Delachaux-Niestlé, 1983.
B. BETTELHEIM, La lecture
et l'enfant, Laffont, 1983.
R. JAKOBSON, Six leçons
sur le son et le sens, Éditions de Minuit, 1984.
Le cerveau, coll,
XXX, « Bibliothèque
Pour la science », Belin, 1984.
G. LAZORTHES, Le cerveau
et l'esprit, Flammarion, 1984.
(1) :
Voir l’article du blog, Apprendre
à lire, la méthode syllabique, le plaisir de lire :
(2) :
Voir les articles du blog , L’école
nouvelle, l’espoir nouveau, les pionniers, période 1920-1931 :
https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2020/05/lecole-nouvelle.html#more et L’école nouvelle, l’espoir nouveau, la fin
des pionniers, période 1932-1939 : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2020/06/lecole-nouvelle-2.html#more
(3) : Voir
l’article du blog, L’imprimerie
Freinet à l’école : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2019/02/limprimerie-freinet-lecole.html#more et Célestin Freinet et les réfugiés
espagnol : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2019/10/libertad-refugiee-espagnole-en-1939_11.html
(4) :
Extrait d’un échange de commentaires quant à l’utilisation de la méthode
globale (pour les puristes). La réponse du berger à la bergère :
« Quand vous êtes venu au monde, on vous l’a fait
découvrir morceau par morceau? Quelle partie du corps de votre papa, avez-vous
mis en 1er dans votre mémoire? Et la 2ème ? Etait-ce votre maman qui avait
choisi de vous montrer d’abord ces 2 parties du corps uniquement ? Ou n’avez-vous
pas plutôt entrevu le monde globalement ? Et reconnu votre papa avant tout par
son allure générale ?
Un enfant qui sait reconnaitre une voiture
quelle que soit la marque, la couleur, la forme et la distinguer des autres
véhicules (bus, tracteur, train, …) est un enfant qui saura lire. J’en suis
d’autant plus convaincue si en plus il sait reconnaître une voiture sur une
publicité, un livre d’images, …
De même qu’il n’a pas besoin de décortiquer la
voiture en [roue + roue + roue + roue + pare-brise + capot + moteur + volant +
…], je ne pense pas qu’il soit indispensable de décortiquer les mots en
syllabes : « pa-pil-lon » me semble bien plus difficile à lire que
« papillon », non ? Et ça n’aide pas d’isoler les 2 l : « ll »
ne se lit pas, ne se prononce pas dans « papillon » comme dans
« allo »… Vous pouvez aussi évoquer le « ill » différent du
« ll » mais pour un enfant de 6 ans ou moins, ça devient tout de
suite compliqué, n’est-il pas ? Aucune méthode n’est mauvaise. Mais c’est tout
l’art d’apprendre à lire aux enfants que de savoir user des méthodes et de les
mixer et le tout de manière très agréable.
NB. Je n’apprends pas à lire aux enfants mais j’ai appris à
lire avec Malou, Perlin et Pinpin en 1966 avec une maîtresse très enthousiaste.
Vous n’avez choisi ni la page la plus facile de cette méthode ni une des
premières pages. Je connais encore des pages par cœur, et de mémoire, je vais
vous réciter celle où on aborde le « p » en méthode globale : « malou
coupe une jupe pour sa poupée. » Remarquez au passage que cette vieille méthode
joue particulièrement bien avec les sonorités. » (WORDPRESS.COM, 27 septembre 2022)
« Je vous remercie pour votre long commentaire au
sujet de l’article sur les méthodes globales. Bien qu’ayant appris à lire sur
les genoux de ma mère, j’ai eu en CP la même méthode de lecture que la vôtre :
« Malou, Perlin et Pinpin ». Ce souvenir m’a amusée. Mais revenons au sérieux
de votre commentaire. L’enfant ne découvre pas son père par « morceaux » ni ne
visualise une voiture comme un assemblage de pièces détachées. Pour l’image de
ses parents, comme celle de son propre corps, je ne suis pas sûre que l’enfant
la découvre directement en son entièreté : l’enfant qui voit ses pieds bouger
n’a pas encore notion que ce sont les siens ! Mais là n’est pas le sujet. Les
progrès des neurosciences, et notamment les recherches de Stanislas Dehaene,
nous expliquent que le cerveau droit perçoit les images tandis que le cerveau
gauche perçoit les lettres. On ne peut donc comparer la perception des images à
celle des lettres.
« Lire un mot ne ressemble pas vraiment à nommer un
objet » (1, p 27).
« Pour apprendre à décrypter les mots écrits, une
région particulière du cerveau doit se spécialiser pour ces objets visuels d’un
type nouveau » (id.) Il est donc
impossible de comparer l’apprentissage du code graphique à la perception
d’images.
« Apprendre à décrypter le français demande
d’apprendre deux voies de lecture : le passage des lettres aux sons et le
passage des lettres au sens » (1 p.20) On
est bien loin de la voiture en pièces détachées !
(1) Si
vous en trouvez le temps, je vous recommande la lecture du livre de Stanislas
Dehaene « Apprendre à lire, des sciences
cognitives à la salle de classe » Ed. Odile Jacob, 2011 » (WORDPRESS.COM, 29 septembre 2022)
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